David Hume
Dialogues sur la religion naturelle
Traduit
par Philippe Folliot, professeur de philosophie au Lycée Ango de Dieppe. 2008.
Londres, A.R.Graves, 1779,
seconde édition
- Partie
1
- Partie
2
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3
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4
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5
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6
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7
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8
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9
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1
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2
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3
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4
- Partie
5
- Partie 6
- Partie 7
- Partie 8
- Partie 9
(5) [1]
Il y
a toutefois certains sujets auxquels la forme du dialogue est particulièrement
adaptée et où elle est encore préférable à la méthode de composition simple et
directe.
Tout point de doctrine qui est si évident qu’il n’admet guère d’être contesté mais qui, en même temps, est si important qu’il ne saurait être trop souvent inculqué semble exiger d’être traité selon cette méthode où la nouveauté de la manière peut compenser la banalité du sujet, où la vivacité de la conversation peut donner de la force au précepte et où la diversité des éclairages présentés par des personnes et des caractères variés (8) ne semble ni fastidieuse, ni redondante.
D’autre part, toute question de philosophie qui est si obscure et incertaine que la raison humaine ne peut atteindre aucune détermination fixe à son égard, s’il faut absolument en traiter, semble naturellement nous conduire au style du dialogue et de la conversation. On admet que des hommes raisonnables aient des opinions différentes là où personne ne peut être raisonnablement certain. Des sentiments opposés, même quand on ne parvient pas à trancher, offrent un agréable divertissement ; et si le sujet est curieux et intéressant, le livre, d’une certaine manière, nous met en compagnie d’autrui et unit les deux plus grands et plus purs plaisirs de la vie humaine, l’étude et la société.
Par bonheur, ces circonstances se trouvent toutes dans le sujet de la religion naturelle. Quelle vérité si évidente, si certaine que l’existence d’un (9) Dieu que les siècles les plus ignorants ont reconnue et pour laquelle les génies les plus subtils se sont ambitieusement évertués à produire de nouvelles preuves et de nouveaux arguments ! Quelle importante vérité que cette vérité qui est la base de toutes nos espérances, le plus sûr fondement de la moralité, le plus ferme support de la société et le seul principe qui ne devrait jamais être un instant absent de nos pensées et de nos méditations ! Mais, en traitant de cette évidente et importante vérité, que de questions obscures sur la nature de cet être divin, ses attributs, ses décrets, le plan de sa providence ! Ces questions ont toujours été l’objet des controverses humaines mais la raison de l’homme n’a encore atteint aucune détermination certaine. Ce sont des sujets si intéressants que, dans nos recherches, nous ne pouvons restreindre notre impatience à leur égard. Pourtant, pour l’instant, nos recherches les plus rigoureuses n’ont abouti qu’au doute, à l’incertitude et à la contradiction.(10)
C’est là ce que j’ai récemment eu l’occasion de remarquer quand, comme d’habitude, j’ai passé l’été avec Cléanthe et que j’ai assisté aux conversations qu’il eut avec Philon et Déméa, conversations dont je vous ai donné dernièrement un récit imparfait. Vous m’avez alors dit que votre curiosité était si excitée que je devais de toute nécessité entrer plus précisément dans les détails de leurs raisonnements et exposer les différents systèmes qu’ils avançaient sur un sujet aussi délicat que celui de la religion naturelle. Le remarquable contraste de leurs caractères relevait encore davantage vos espérances alors que vous opposiez le rigueur philosophique de Cléanthe au scepticisme insouciant de Philon ou que compariez leurs deux dispositions d’esprit à l’orthodoxie rigide et inflexible de Déméa. Vu mon âge, je n’étais qu’un simple auditeur dans ces débats (11) mais la curiosité naturelle de la jeunesse a si profondément imprimé dans ma mémoire toute la chaîne et toute la liaison de leurs arguments que j’espère ne pas en omettre les parties les plus importantes ou les confondre.
PARTIE I
(13)
Après que j’eus rejoint la compagnie que je trouvais réunie dans la bibliothèque de Cléanthe, je vis que Déméa lui faisait des compliments sur le grand soin qu’il prenait à mon éducation et sur sa persévérance infatigable et sa constance dans toutes ses amitiés. Le père de Pamphile, dit-il, était votre ami intime. Le fils est votre élève et il peut en vérité être regardé comme votre fils adoptif, si l’on en juge par les peines que vous prenez à lui transmettre toutes les branches utiles de la littérature et de la science. Comme vous ne manquez, j’en suis persuadé, ni de prudence, ni de savoir-faire, je vais donc vous communiquer (14) une maxime que j’ai observée pour mes propres enfants afin d’apprendre dans quelle mesure elle s’accorde avec votre pratique. La méthode que je suis dans leur éducation est fondée sur ce propos d’un ancien, « que ceux qui étudient la philosophie doivent d’abord apprendre la logique, puis l’éthique, puis la physique et enfin tout ce qui concerne la nature des Dieux. » [2] Selon lui, cette science, la théologie naturelle, étant la science la plus profonde et la plus abstruse, requiert que les étudiants aient le jugement le plus mûr et ce n’est qu’à un esprit enrichi par toutes les autres sciences qu’on peut la confier.
Attendez-vous si tard, dit Philon, pour apprendre à vos enfants les principes de la religion ? Le danger n’est-il pas de les voir négliger ou rejeter entièrement ces opinions dont ils ont si peu entendu parler durant tout le cours de leur éducation ? C’est seulement en tant que science (15) sujette au raisonnement humain et aux disputes, répliqua Déméa, que je remets à plus tard l’étude de la théologie naturelle. Mon premier soin est d’habituer très tôt leur esprit à la pitié et, par de continuels préceptes, par une continuelle instruction et, je l’espère, aussi par l’exemple, j’imprime profondément dans leur tendre esprit un respect pour tous les principes religieux, respect qui devient une habitude. Quand ils étudient toutes les autres sciences, je leur fais remarquer encore l’incertitude de chaque partie, les éternelles disputes des hommes, l’obscurité de toute la philosophie et les étranges et ridicules conclusions que certains des plus grands génies ont tirées des principes de la seule raison humaine. Ayant ainsi apprivoisé [3] leur esprit pour qu’ils se soumettent comme il convient et qu’ils se défient d’eux-mêmes, je n’hésite plus à les ouvrir aux plus grands mystères de la religion et il n’y a plus de risque que cette prétentieuse et arrogante philosophie les conduise à rejeter les doctrines et les opinions les plus établies.
(16) La précaution que vous prenez, dit Philon, d’habituer de bonne heure l’esprit de vos enfants à la pitié est certainement très raisonnable et c’est le moins qu’on exige en ce siècle profane et irréligieux. Mais, ce que j’admire surtout dans votre plan d’éducation, c’est la méthode qui consiste à tirer avantage des principes mêmes de la philosophie et du savoir qui, en inspirant de l’orgueil et de la suffisance, ont généralement, à toutes les époques, tant détruit les principes de la religion. Le vulgaire, il est vrai, qui n’est pas familier des sciences et des recherches profondes et qui observe les disputes sans fin des savants, éprouve communément un profond mépris pour la philosophie et il s’attache ainsi d’autant plus solidement aux grands points de théologie qu’on lui a appris. Ceux qui commencent à s’intéresser au savoir et aux recherches, trouvant de nombreuses apparences d’évidence dans les doctrines les plus nouvelles et les plus extraordinaires, croient que rien n’est trop (17) difficile pour la raison humaine et, enfonçant présomptueusement toutes les barrières, ils profanent les sanctuaires les plus profonds du temple. Mais Cléanthe, je l’espère, conviendra avec moi que, puisque nous avons abandonné le remède le plus sûr, l’ignorance, il ne reste qu’un moyen d’empêcher cette liberté sacrilège. Développons et cultivons les principes de Déméa, prenons entièrement conscience de la faiblesse, de l’aveuglement et des limites étroites de la raison humaine ; considérons comme il faut son incertitude et ses contradictions infinies, même sur des sujets de la vie courante et de la pratique ; regardons les erreurs et les illusions de nos sens, voyons les insurmontables difficultés qui accompagnent les principes premiers de tous les systèmes, les contradictions qui sont inhérentes aux idées même de matière, de cause et d’effet, d’étendue, d’espace, de temps et de mouvement, en un mot quantité d’objets de tout genre qui forment le sujet d’étude de la seule science qui puisse à juste titre prétendre à quelque certitude, (18) à quelque évidence. Quand ces objets sont mis en pleine lumière comme ils le sont par certains philosophes et presque tous les théologiens, qui pourrait accorder assez de confiance à la raison, cette faculté fragile, pour tenir compte de ses jugements sur des questions aussi sublimes, aussi abstruses, aussi éloignées de la vie courante et de l’expérience ? Quand la cohésion des parties d’une pierre ou même la composition des parties qui la rendent étendue, quand ces objets familiers, dis-je, sont si inexplicables et contiennent des circonstances si incompatibles et si contradictoires, qui oserait avec assurance porter des jugements sur l’origine des mondes ou retracer leur histoire d’éternité en éternité ?
Alors que Philon prononçait ces mots, je pus remarquer un sourire sur les visages de Déméa et de Cléanthe. Celui de Déméa semblait indiquer une satisfaction sans réserve d’avoir entendu de telles idées mais, sur les traits de Cléanthe, (19) je crus distinguer un air de finesse, comme s’il avait perçu quelque raillerie ou quelque artifice malicieux dans les raisonnements de Philon.
Vous vous proposez donc, dit Cléanthe, d’ériger la foi religieuse sur le scepticisme philosophique et vous pensez que, si la certitude et l’évidence sont chassées de tous les autres sujets de recherche, elles se réfugieront dans les doctrines théologiques qui, par là, acquerront une force et une autorité supérieures. Si votre scepticisme est aussi absolu et sincère que vous le prétendez, nous l’apprendrons bientôt quand la compagnie va se séparer. Nous verrons alors si vous allez sortir par la porte ou par la fenêtre et si vous doutez vraiment que votre corps soit soumis à la gravité ou qu’il puisse se blesser en chutant, autant d’opinions populaires venant de nos sens trompeurs et de notre expérience qui l’est encore davantage. Et cette considération, Déméa, peut, je pense, assez bien servir à atténuer votre (20) mauvaise volonté à l’égard de cette drôle de secte des sceptiques. S’ils sont vraiment sérieux, ils ne troubleront pas longtemps le monde avec leurs doutes, leurs arguties et leurs disputes. Si c’est seulement pour rire, ils sont peut-être de mauvais plaisants mais ils ne sauraient jamais être dangereux, que ce soit pour l’Etat, la philosophie ou la religion.
En réalité, Philon,
continua-t-il, il semble certain que même si un homme, après d’intenses
réflexions sur les nombreuses contradictions et imperfections de la raison humaine,
peut, dans un accès d’humeur, entièrement renoncer à toute croyance et à toute
opinion, il lui est impossible de persévérer dans un total scepticisme ou de le
révéler dans sa conduite pendant quelques heures. Les objets extérieurs
l’assiègent, les passions le sollicitent, sa mélancolie philosophique se
dissipe et même la plus grande violence exercée sur son propre tempérament ne
sera pas capable de lui faire conserver pendant quelques temps la misérable
apparence du scepticisme. Et (21) pour quelle raison s’imposerait-il cette
violence ? C’est un point sur lequel il lui sera impossible de se
satisfaire en accord avec ses principes sceptiques. Finalement, rien n’était
plus ridicule que les principes des anciens pyrrhoniens, du moins
si, en réalité, ils se sont efforcés,
comme on le prétend, d’étendre partout le même scepticisme que celui qu’ils
avaient appris dans les déclamations de leurs écoles et qu’ils auraient dû
garder pour eux seuls.
A cet égard, il y a une grande ressemblance entre la secte des stoïciens et celle des pyrrhoniens, même s’ils furent constamment des adversaires. Les deux sectes semblent fondées sur cette fausse maxime : ce qu’un homme peut faire parfois et dans certaines dispositions, il peut le faire toujours et dans toutes les dispositions. Quand l’esprit, plein d’idées stoïciennes, s’est élevé jusqu’à un sublime enthousiasme de (22) vertu et qu’il est fortement frappé par une espèce de sens de l’honneur ou d’esprit patriotique, les plus extrêmes douleurs et souffrances du corps ne l’emporteront jamais sur un sens aussi élevé du devoir ; et il est peut-être possible, par ce moyen, de rire et de se réjouir au milieu des tortures. Si cela peut être parfois le cas dans les faits et la réalité, le philosophe, dans son école ou même dans son cabinet, peut d’autant plus s’élever à un tel enthousiasme et supporter en imagination les douleurs les plus aiguës et les pires calamités qu’il lui est possible de concevoir. Mais comment conservera-t-il cet enthousiasme ? La pente de son esprit se relâche et ne peut être rappelée à plaisir. Les divertissements le détournent, l’infortune le frappe par surprise et le philosophe dégénère par degrés jusqu’à n’être qu’un homme du peuple.
J’admets votre comparaison entre les stoïciens et les pyrrhoniens, répliqua Philon mais vous pouvez remarquer en même temps (23) que, même si l’esprit ne peut pas, dans le stoïcisme, maintenir les plus hautes envolées de la philosophie, pourtant, quand il redescend, il conserve encore quelque chose de sa disposition antérieure et les effets du raisonnement stoïcien apparaîtront chez le philosophe dans sa conduite de la vie courante et dans tout le cours de ses actions. Les anciennes écoles, particulièrement celle de Zénon, produisirent des exemples de vertu et de constance qui semblent étonner l’époque moderne.
Vaine sagesse ! fausse philosophie !
Laquelle cependant peut, par un agréable prestige,
Charmer un moment leur douleur ou leur angoisse,
Exciter leur fallacieuse espérance ou armer leur cœur
endurci
D'une patience opiniâtre comme d'un triple acier. [4]
De la même manière, si un homme s’est habitué à considérer de façon sceptique l’incertitude et les bornes étroites de la raison, il n’oubliera pas le fruit de sa réflexion quand il tournera son esprit vers d’autres sujets ; mais, dans tous ses principes et raisonnements philosophiques – je n’ose pas dire dans sa conduite de tous les jours - il sera différent (24) de ceux qui soit n’ont jamais formé d’opinions sur la question, soit nourrissent des sentiments plus favorables sur la raison humaine.
A quelque degré qu’un homme puisse pousser ses principes spéculatifs sceptiques, il doit agir, je le reconnais, vivre et avoir des relations avec autrui, comme les autres hommes ; et, pour cette conduite, il n’est pas obligé de donner une autre raison que l’absolue nécessité où il se trouve d’agir ainsi. Si jamais il porte ses spéculations plus loin que cette nécessité ne le contraint et qu’il philosophe sur des sujets naturels ou moraux, il est séduit par un certain plaisir et une certaine satisfaction qu’il trouve à se comporter de cette manière. Il considère d’ailleurs que tout le monde, même dans la vie courante, est contraint d’avoir plus ou moins de cette philosophie, que, depuis notre première enfance nous faisons continuellement des progrès en formant des principes plus généraux de conduite et de raisonnement et que, (25) en élargissant notre expérience et en perfectionnant la raison dont nous sommes dotés, nous rendons toujours nos principes de plus en plus généraux et globaux ; et ce qu’on appelle philosophie n’est rien d’autre qu’une opération plus régulière et plus méthodique du même genre. La philosophie sur ces sujets n’est pas essentiellement différente des raisonnements de la vie courante. Nous pouvons seulement espérer une plus grande stabilité, si ce n’est une plus grande vérité, en raison de la méthode plus exacte et plus scrupuleuse avec laquelle nous procédons.
Mais, quand nous regardons au-delà des
affaires humaines et des propriétés des corps qui nous entourent, quand nous
poussons nos spéculations jusqu’aux deux éternités, avant et après l’état
actuel des choses, jusqu’à la création et la formation de l’univers,
l’existence et les propriétés des esprits, les pouvoirs et les opérations d’un
esprit universel existant sans (26) début ni fin, omnipotent, omniscient,
immuable, infini et incompréhensible, il faut que nous soyons bien éloignés de
la plus petite tendance au scepticisme pour ne pas craindre d’être alors
complètement au-delà des bornes de nos facultés. Aussi longtemps que nous
limitons notre spéculation au commerce, à la morale,
à la politique ou à l’esthétique, nous faisons appel à tout moment au
sens commun et à l’expérience qui donnent de la force à nos conclusions
philosophiques et font disparaître (du moins en partie) le soupçon que nous
nourrissons si justement à l’égard de tout raisonnement très subtil et raffiné.
Mais, dans les raisonnements théologiques, nous n’avons pas cet avantage car
nous avons affaire à des objets qui sont très au-dessus de notre portée, objets qui, parmi tous les objets, sont ceux avec lesquels
notre entendement doit le plus se familiariser. Nous sommes comme des étrangers dans un pays
inconnu, à qui tout doit sembler suspect (27) et qui risquent à tout moment de
transgresser les lois et les coutumes du peuple avec lequel ils vivent et ont
des relations. Nous ne savons dans quelle mesure nous devons nous fier à nos
méthodes ordinaires de raisonnement sur un tel sujet puisque, même dans la vie
courante et dans ce domaine qui leur est particulièrement approprié, nous ne
pouvons pas les expliquer et nous sommes entièrement guidés par une sorte
d’instinct ou de nécessité quand nous les employons.
Tous les sceptiques prétendent que, si la raison est considérée d’un point de vue abstrait, elle fournit d’invincibles arguments contre elle-même et que nous ne pourrions jamais avoir quelque conviction ou assurance sur un objet si les raisonnements sceptiques n’étaient pas si raffinés et si subtils qu’ils sont incapables de contrebalancer les arguments plus solides et plus naturels que nous tirons des sens et de l’expérience. Mais il est évident que, chaque fois que nos arguments (28) perdent cet avantage et s’écartent de la vie courante, le scepticisme le plus raffiné est à égalité avec eux et est capable de s’y opposer et de les contrebalancer. Les uns n’ont pas plus de poids que l’autre. L’esprit demeure nécessairement en suspens entre eux et c’est cet équilibre même, cette balance, qui fait le triomphe du scepticisme.
Mais j’observe, dit Cléanthe, que chez vous, Philon, et chez tous les sceptiques spéculatifs, la doctrine et la pratique s’accordent aussi peu sur les points les plus abstrus de la théorie que sur la conduite de la vie courante. Toutes les fois que l’évidence se découvre, vous y adhérez malgré votre prétendu scepticisme et je peux observer aussi que certains membres de votre secte sont aussi tranchants que ceux qui font le plus profession de certitude et d’assurance. En réalité, un homme ne serait-il pas ridicule s’il prétendait (29) rejeter l’explication que Newton donne de ce merveilleux phénomène qu’est l’arc-en-ciel parce que cette explication fait une analyse minutieuse des rayons lumineux, un sujet en vérité trop raffiné pour l’intelligence humaine ? Et que diriez-vous de celui qui, n’ayant rien de particulier à objecter aux arguments de Copernic et de Galilée sur le mouvement de la terre, refuserait de donner son assentiment en se fondant sur le principe général que ces objets sont trop sublimes et trop lointains pour être expliqués par l’étroite et trompeuse raison des hommes.
Il y a en vérité une sorte de scepticisme grossier et ignorant – comme vous l’avez bien remarqué – qui donne au vulgaire un préjugé contre tout ce qu’il ne comprend pas facilement et qui lui fait rejeter tous les principes qui requièrent des raisonnements compliqués pour être prouvés et établis. Cette espèce de scepticisme est fatale à la connaissance, pas à la religion (30) puisque nous voyons que ceux qui font profession d’un grand scepticisme donnent souvent leur assentiment non seulement aux grandes vérités du théisme et de la théologie naturelle, mais aussi aux plus absurdes croyances que leur a transmises la superstition traditionnelle. Ils croient fermement aux sorcières alors qu’ils ne croient pas aux plus simples propositions d’Euclide et qu’ils n’y prêtent pas attention. Mais les sceptiques plus raffinés, philosophes, tombent dans une contradiction de nature opposée. Ils poussent leurs recherches dans les coins les plus abstrus de la science et, à chaque pas, leur assentiment est proportionné à l’évidence qu’ils rencontrent. Ils sont même obligés de reconnaître que les objets les plus abstrus et les plus lointains sont ceux que la philosophie a le mieux expliqués. La lumière a été réellement analysée, le véritable système des corps célestes a été découvert et vérifié mais la nutrition des corps est encore un mystère inexplicable (31), la cohésion des parties de la matière est encore incompréhensible. Ces sceptiques sont donc obligés, pour toute question, de considérer chaque évidence particulière à part et de proportionner leur assentiment au degré précis d’évidence qui se présente. C’est là leur pratique dans les sciences, naturelle, mathématique, morale et politique. Je demande alors : pourquoi n’est-ce pas la même chose pour la théologie et la religion ? Pourquoi des conclusions de cette nature doivent-elles être rejetées seulement d’après la présomption générale de l’insuffisance de la raison humaine sans aucune discussion particulière sur l’évidence ? Une conduite aussi inégale n’est-elle pas la preuve manifeste de préjugés et de passions.
Vous dites que nos sens et notre entendement sont trompeurs, que même nos idées sur les objets les plus familiers, l’étendue, la durée, le mouvement, sont pleines d’absurdités et de contradictions. Vous me défiez de résoudre ces difficultés ou de concilier (32) ces contradictions que vous découvrez en eux. Je ne suis pas capable d’entreprendre une telle tâche, je n’en ai pas non plus le loisir et je crois que c’est une entreprise superflue. Votre propre conduite, dans toutes les circonstances, réfute vos principes et montre la confiance la plus ferme dans tous les maximes reçues de la science, de la morale, de la prudence et de la conduite.
Je ne serai jamais d’accord avec une opinion aussi dure que celle d’un célèbre auteur [5] qui dit que les sceptiques ne sont pas une secte de philosophes mais seulement une secte de menteurs. Je puis toutefois affirmer (en espérant n’offenser personne) qu’ils forment une secte de plaisantins ou de railleurs. Mais, pour ma part, quand je me trouve disposé à la gaieté et au jeu, je choisis un divertissement d’une nature moins complexe et moins abstruse. Une comédie, un roman, tout au plus une histoire semblent être (33) des loisirs plus naturels que les subtilités et les abstractions métaphysiques.
C’est en vain que le sceptique ferait une distinction entre la science et la vie courante ou entre une science et une autre science. Les arguments qui y sont employés, s’ils sont justes, sont d’une nature identique et contiennent la même force et la même évidence. S’il y a une différence entre eux, l’avantage se trouve entièrement du côté de la théologie et de la religion naturelle. De nombreux principes de la physique se fondent sur des raisonnements très abstrus ; pourtant, aucun homme ayant quelque prétention à la science et même aucun sceptique spéculatif ne prétend avoir le moindre doute à leur égard. Le système copernicien contient le plus surprenant paradoxe, le plus contraire à nos conceptions naturelles, aux apparences et même à nos sens. Pourtant même les moines et les inquisiteurs sont désormais contraints d’abandonner leur opposition à ce système. Philon, (34) homme d’un génie si large et d’un savoir étendu, entretiendra-t-il indistinctement des doutes généraux sur l’hypothèse religieuse qui se fonde sur les arguments les plus simples et les plus évidents et que l’esprit humain admet et reçoit si facilement, à moins qu’il ne rencontre des obstacles artificiels ?
Et, ici, nous pouvons remarquer, continua-t-il en se tournant vers Déméa,
une circonstance assez curieuse dans l’histoire des sciences. Après l’union de
la philosophie et de la religion populaire, aux premiers temps de l’établissement
du christianisme, rien n’était plus naturel de voir ceux qui enseignaient la
religion déclamer contre la raison, contre les sens, contre tous les principes
qui venaient des seules recherches et études humaines. Tous les arguments de
l’ancienne Académie furent adoptés par les Pères de l’Eglise et ensuite
propagés pendant plusieurs siècles (35) dans toutes les écoles et toutes les
chaires de la Chrétienté. Les Réformateurs embrassèrent les mêmes principes de
raisonnement ou plutôt de déclamation et on était certain de voir tous les
panégyriques sur l’excellence de la foi entrelardés de sévères traits
satiriques contre la raison naturelle.
Il y eut aussi [6] un célèbre prélat de l’Eglise romaine, un homme du savoir le plus étendu, qui
écrivit une démonstration du christianisme et qui a aussi écrit un traité qui
contient toutes les arguties du pyrrhonisme le plus audacieux et le plus
déterminé. Locke semble avoir été le premier chrétien qui se risqua à
affirmer ouvertement que la foi n’est qu’une espèce de raison,
que la religion n’est qu’une branche de la philosophie et que c’est toujours
une suite d’arguments semblables à ceux qui établissent les vérités morales,
politiques ou physiques qui est employée pour découvrir tous les principes de
la théologie naturelle et révélée. Le mauvais usage (36) que Bayle et
d’autres libertins firent du scepticisme philosophique des Pères et des
premiers Réformateurs propagea encore davantage le judicieux sentiment de M. Locke.
Et, désormais, tous ceux qui ont quelque prétention au raisonnement et à la
philosophie reconnaissent que, d’une certaine manière, les mots athée et
sceptique sont presque synonymes. Et, de même que je suis certain que ceux qui
professent ce dernier principe ne sont pas sincères quand ils le font, j’espère
bien qu’il en est peu qui soutiennent avec sérieux le premier principe.
Vous rappelez-vous, dit Philon, l’excellent propos de Lord
Bacon sur ce point? Qu’un peu de philosophie, reprit Cléanthe, fait
d’un homme un athée mais que beaucoup de philosophie le convertit à la
religion. C’est aussi une très judicieuse remarque, dit Philon mais ce
que j’avais en vue était un autre passage [7] où ce grand philosophe, ayant parlé
des insensés de David [8] qui disent dans leur cœur qu’il n’y a pas de
Dieu, observe que les athées (37), de nos jours, ont une double part de folie
puisqu’ils ne se contentent pas de dire dans leur cœur qu’il n’y a pas de Dieu
mais qu’ils profèrent aussi cette impiété avec leur bouche et, de cette façon,
sont doublement coupables d’inconséquence et d’imprudence. De telles personnes,
si jamais elles sont vraiment sincères, ne sauraient, je pense, être très
redoutables.
Mais, bien que vous vouliez me ranger dans cette classe d’insensés, je
ne peux m’empêcher de vous communiquer une remarque qui me vient de l’histoire
du scepticisme religieux et irréligieux dont vous nous avez entretenus. Il me
semble qu’il y a dans toute la suite de cette affaire de
forts signes de ruse de prêtre. Durant les siècles d’ignorance tels que ceux
qui ont suivi la dissolution des anciennes écoles, les prêtres s’aperçurent que
tous les genres d’athéisme, de déisme ou d’hérésie ne pouvaient provenir
que d’une présomptueuse remise en question des opinions (38) reçues et de la
croyance que la raison humaine peut tout traiter.
L’éducation avait alors une puissante influence sur l’esprit des hommes et
était presque égale en force aux suggestions des sens et à
l’intelligence commune par lesquelles le sceptique le plus déterminé doit
avouer qu’il est gouverné. Mais à présent que l’influence de l’éducation a
beaucoup perdu de sa force et que les hommes, par un commerce plus ouvert avec
le monde, ont appris à comparer les principes populaires des différentes
nations et des différentes époques, nos théologiens avisés ont changé tout leur
système de philosophie et parlent le langage des stoïciens, des platoniciens
et des péripatéticiens et non celui des pyrrhoniens et des académiciens.
Si nous nous défions de la raison humaine, nous n’avons désormais pas d’autre
principe pour nous conduire vers la religion. Ainsi, sceptiques à une époque,
dogmatiques à une autre, dès qu’ils trouvent un système qui s’accorde le mieux
avec leur dessein et qui leur donne l’ascendant sur
l’humanité, (39) ces révérends pères sont sûrs d’en faire leur principe favori
et leur dogme établi.
Il est bien naturel, dit Cléanthe, que des hommes épousent des
principes qu’ils savent pouvoir défendre leurs doctrines et il n’est nul besoin
d’avoir recours à l’idée d’une ruse de prêtre pour
expliquer un expédient aussi raisonnable. Et, certainement, rien ne peut
offrir une plus forte présomption qu’un groupe de principes est vrai et doit
être adopté que de voir que ces principes tendent à confirmer la véritable
religion et servent à confondre les sophismes des athées, des libertins et des
libres penseurs, quel que soit leur dénomination.
PARTIE II
(41)
Je dois avouer, dit Déméa,
que rien ne peut davantage me surprendre que la lumière sous laquelle vous avez
mis cet argument tout au long de votre discours. Vu le sens général de ce
discours, on aurait imaginé que vous défendiez l’existence de Dieu contre les
arguties des athées et des infidèles et qu’il fallait que vous deveniez le
champion de ce principe fondamental de toute religion. Mais, je l’espère, ce
n’est en aucune façon une question à débattre entre nous. Aucun homme, aucun
homme sensé du moins, j’en suis persuadé, ne nourrit de soupçons à l’égard
d’une vérité aussi certaine et aussi évidente par elle-même. La question ne
concerne (42) pas l’Existence de Dieu mais sa Nature. Cette
dernière, vu la faiblesse de l’entendement humain, nous est entièrement
inconnue et incompréhensible. L’essence de cet Esprit suprême, ses attributs,
son mode d’existence, la nature même de sa durée, ces particularités et toutes
celles qui regardent un Être aussi divin sont mystérieuses pour l’homme.
Créatures finies, faibles et aveugles, nous devons nous humilier devant son
auguste présence et, conscients de notre fragilité, nous devons adorer en
silence ses infinies perfections que l’œil n’a jamais vues, que l’oreille n’a
jamais entendues et que le cœur humain n’a jamais conçues. Elles sont cachées à
la curiosité humaine par un épais nuage. Tenter de pénétrer ces obscurités sacrées,
ce serait les profaner et, proche de la négation impie de son existence, on
trouve la téméraire volonté de sonder sa nature et son essence, ses décrets et
ses attributs.
Mais, (43) de peur que nous ne
pensiez que ma piété l’a emporté sur ma philosophie, j’appuierai
mon opinion, si du moins elle en a besoin, sur une très grande autorité. Je
pourrais citer tous les théologiens qui, depuis la fondation du christianisme,
ont traité de ce sujet ou d’autres sujets théologiques mais je me contenterai à
présent de citer un auteur aussi célèbre pour sa piété que pour sa philosophie.
C’est le Père Malebranche qui, je m’en souviens, s’exprime ainsi [9] : « On ne doit pas,
dit-il, appeler Dieu un esprit pour exprimer positivement ce qu’il est mais
pour signifier qu’il n’est pas matière. Il est un Être infiniment parfait, de
cela nous ne pouvons douter. Mais, de la même manière, nous ne devons pas nous
imaginer, même en le supposant corporel, [10] qu’il est vêtu d’un corps
humain, [11] comme les anthropomorphites l’affirmaient
parce que cette forme est [12] (44) la plus parfaite. Nous ne
devons pas non plus nous imaginer que l’Esprit de Dieu a des idées humaines ou
qu’il ressemble à notre esprit parce que nous ne connaissons rien de plus
parfait qu’un esprit humain. Nous devons plutôt croire que, de même qu’il
comprend toutes les perfections de la matière sans être matériel…., [13] il comprend aussi toutes les
perfections des esprits créés sans être esprit à la façon dont nous concevons
l’esprit. Son véritable nom est : Celui qui est ou, en d’autres
termes, l’Être sans restriction, Tout Être, l’Être infini et universel. »
Après une aussi grande autorité,
reprit Philon, que celle que vous avez produite, Déméa, et mille
autres que vous pourriez produire, il semblerait ridicule que j’ajoute mon
sentiment ou que j’exprime mon approbation pour votre doctrine. Mais,
certainement, quand des hommes raisonnables (45) traitent ces sujets, la
question ne saurait jamais être celle de l’Existence de Dieu mais elle
est celle de sa Nature. La première vérité, comme vous l’avez bien
remarqué, est indubitable et évidente par elle-même. Rien n’existe sans une
cause et la cause originelle de l’univers (quelle qu’elle soit), nous
l’appelons Dieu et, pieusement, nous lui attribuons toutes les espèces de
perfection. Quiconque doute de cette vérité fondamentale mérite tous les
châtiments qui puissent être infligés chez les philosophes, à savoir le
ridicule, le mépris et la désapprobation. Mais, comme toute perfection est
entièrement relative, nous ne devons jamais imaginer que nous comprenons les
attributs de cet Être divin ou supposer que ses perfections ont quelque
analogie ou quelque ressemblance avec les perfections d’une créature humaine.
Nous lui attribuons justement la sagesse, la pensée, le dessein, la
connaissance parce que ces mots sont honorables chez les hommes et que nous
n’avons pas d’autre langage ou d’autres conceptions (46) pour exprimer notre
adoration. Mais gardons-nous de penser que nos idées correspondent en aucune
façon à ses perfections ou que ses attributs aient quelque ressemblance avec
les qualités humaines. Il est infiniment supérieur à nos vues et notre
compréhension limitées et est davantage un objet de culte dans le temple qu’un
objet de dispute dans les écoles.
En réalité, Cléanthe,
continua-t-il, il n’est nul besoin d’avoir recours à ce scepticisme affecté qui
vous déplaît tant pour en venir à ce jugement. Nos idées ne dépassent pas notre
expérience et nous n’avons aucune expérience des attributs et des opérations de
Dieu. Je n’ai pas besoin de conclure mon syllogisme, vous pouvez tirer
l’inférence vous-même. Et c’est un plaisir pour moi (et pour vous aussi,
j’espère) que le juste raisonnement et la saine piété concourent ici à la même
conclusion et établissent tous les deux (47) l’adorable, mystérieuse et
incompréhensible nature de l’Être Suprême.
Pour ne pas perdre du temps dans des
circonlocutions, dit Cléanthe s’adressant à Déméa, encore moins
pour répondre aux pieuses déclamations de Philon, j’expliquerai brièvement
comment je conçois la chose. Regardez le monde autour de vous, contemplez le
tout et toutes ses parties. Vous trouverez qu’il n’est rien qu’une grande
machine subdivisée en un nombre infini de plus petites machines qui, de
nouveau, admettent des subdivisions jusqu’à un degré tel que les sens et les
facultés de l’homme ne peuvent les découvrir et les expliquer. Toutes ces
diverses machines, et même leurs parties les plus minuscules, sont ajustées les
unes aux autres avec une précision qui ravit d’admiration tous les hommes qui
les ont contemplées. La curieuse adaptation des moyens aux fins dans toute la
nature ressemble exactement, mais en beaucoup plus grand, aux productions des
artifices humains, (48) aux produits du dessein humain, de la sagesse et de
l’intelligence humaines. Puisque donc les effets se ressemblent, nous sommes
conduits à inférer, par toutes les règles de l’analogie, que les causes se
ressemblent aussi et que l’Auteur de la Nature est en quelque façon semblable à
l’esprit de l’homme, même s’il possède des facultés beaucoup plus grandes et
proportionnées à la grandeur de l’ouvrage qu’il a exécuté. Par cet argument a
posteriori et par cet argument seul, n’avons-nous pas prouvé en même temps
l’existence de Dieu et sa similitude avec l’esprit et l’intelligence de
l’homme?
Je prendrai la liberté, Cléanthe,
dit Déméa, de vous dire que, depuis le début, je ne puis approuver votre
conclusion sur la similitude de Dieu et des hommes, encore moins puis-je
approuver les moyens par lesquels vous tentez de l’établir. Quoi! Pas de
démonstration de l’Existence de Dieu! Pas d’arguments abstraits? Pas de preuves
a priori! (49) Ces preuves sur lesquelles les philosophes ont tant
insisté jusqu’ici sont-elles toutes fausses et sophistiques? Dans ce sujet, ne
pouvons-nous pas aller au-delà de l’expérience et de la probabilité? Je ne
dirai pas que c’est trahir la cause de Dieu mais, certainement, par cette
candeur affectée, vous donnez des avantages aux athées qu’ils n’obtiendraient
jamais par la seule force de l’argumentation et du raisonnement.
Ce qui me fait surtout hésiter sur
cette question, ce n’est pas tant que tous les arguments religieux soient
réduits par Cléanthe à l’expérience mais c’est qu’ils ne paraissent même
pas être les plus certains et les plus irrécusables que puisse offrir ce genre
inférieur de raisonnement. Qu’une pierre tombe, que le feu brûle, que la terre
soit solide, nous l’avons observé mille et mille fois et, quand un nouvel
exemple de cette nature se présente, nous tirons sans hésitation l’inférence
habituelle. L’exacte similitude des cas (50) nous donne une parfaite assurance
sur un événement identique et nous ne désirons ni ne cherchons ensuite
d’évidence plus forte. Mais, quand vous vous écartez, tant soit peu, de la
similitude des cas, vous diminuez proportionnellement l’évidence et vous pouvez
finalement la ramener à une très faible analogie qui, de l’aveu général,
est susceptible d’erreur et d’incertitude. Après avoir fait l’expérience de la
circulation du sang dans les créatures humaines, nous ne doutons pas de sa
réalité chez Titius et chez Mævius.
Mais, en faisant l’expérience de la circulation chez les grenouilles et les
poissons, c’est seulement une présomption, même si elle est forte, venant de
l’analogie, qu’elle ait lieu aussi chez les hommes et les autres animaux. Le
raisonnement analogique est encore plus faible quand nous inférons la
circulation de la sève chez les végétaux de notre expérience de la circulation
du sang chez les animaux; et ceux qui ont hâtivement suivi cette analogie
imparfaite ont été trompés, ce qu’ont montré des expériences plus précises.
(51) Si nous voyons une maison, Cléanthe,
nous conclurons avec la plus grande certitude qu’il a fallu un architecte ou un
entrepreneur du bâtiment parce que nous avons fait l’expérience que cette sorte
d’effet provient de cette sorte de cause. Mais, sûrement, nous n’affirmerez pas
que l’univers est si ressemblant à une maison que nous pouvons avec la même
certitude inférer une cause semblable et que l’analogie est ici entière et
parfaite. La dissimilitude est si frappante que vous ne pourrez ici prétendre
qu’à une supposition, une conjecture, une présomption sur une cause semblable.
Et comment cette prétention sera-t-elle reçue dans le monde, je vous le laisse imaginer.
Elle serait certainement très mal
reçue, reprit Cléanthe, et je mériterais d’être blâmé et haï si
j’avouais que les preuves de Dieu ne s’élèvent pas au-delà de suppositions ou
de conjectures. Mais l’entier ajustement (52) des moyens aux fins dans une
maison et dans l’univers ont-ils si peu de ressemblance? Et l’économie des
causes finales? Et l’ordre, la proportion et l’arrangement de toutes les
parties? Les marches d’un escalier ont été manifestement faites de telle façon
que les jambes humaines puissent les utiliser pour monter, et cette inférence
est certaine et infaillible. Les jambes humaines sont aussi faites pour marcher
et monter; et cette inférence, je l’avoue, n’est pas aussi totalement certaine
à cause de la dissimilitude que nous remarquez. Mais cela mérite-t-il donc les
simples noms de présomption ou de conjecture?
Mon Dieu! S’écria Déméa,
l’interrompant, qui sommes-nous? Des défenseurs zélés de la religion avouent
que les preuves de Dieu n’atteignent pas la parfaite évidence! Et vous, Philon,
sur qui je me reposais totalement pour prouver le mystère adorable de la nature
divine, donnez-vous votre assentiment aux opinions extravagantes de Cléanthe?
En effet, (53) quel autre nom puis-je leur donner? Pourquoi ménagerais-je ma
censure quand de tels principes sont avancés et soutenus devant un homme aussi
jeune que Pamphile?
Vous ne semblez pas comprendre,
répondit Philon, que j’argumente selon la propre façon de Cléanthe
et que, en lui montrant les dangereuses conséquences de sa thèse, j’espère le
ramener à notre opinion. Mais ce sur quoi vous vous bloquez surtout, c’est sur
la représentation que Cléanthe a faite de l’argument a posteriori
et, comme vous trouvez que cet argument a des chances d’échapper à votre prise
et de s’évanouir dans les airs, vous le pensez si déguisé que vous ne pouvez
guère croire qu’il a été exposé sous sa véritable lumière. Or, quoique je
puisse être à d’autres égards en désaccord avec les dangereux principes de Cléanthe,
je dois avouer qu’il a assez bien présenté l’argument et je vais m’efforcer de
vous l’exposer (54) d’une façon telle que vous n’aurez plus d’hésitation à son
égard.
Si un homme faisait abstraction de
tout ce qu’il connaît ou a vu, il serait totalement incapable, simplement par
ses propres idées, de déterminer quel spectacle doit être l’univers ou de
donner la préférence à un état des choses sur un autre. En effet, comme rien de
ce qu’il concevrait clairement ne serait jugé impossible ou comme impliquant
contradiction, toutes les chimères de sa fantaisie seraient à égalité et il ne
pourrait fournir aucune bonne raison d’adhérer à une idée ou un système et de
rejeter tous les autres qui sont également possibles.
De même, après avoir ouvert les yeux
et contemplé le monde tel qu’il est réellement, il lui serait impossible, dans
un premier temps, d’assigner une cause à un événement, encore moins à
l’ensemble des choses de (54) l’univers. Il pourrait laisser divaguer sa
fantaisie qui l’amènerait à une infinie variété de rapports et de représentations.
Ces représentations seraient toutes possibles mais, étant toutes également
possibles, il ne pourrait jamais, par lui-même, donner une explication
satisfaisante de sa préférence pour l’une plutôt que pour d’autres.
L’expérience seule peut lui indiquer la vraie cause d’un phénomène.
Or selon cette méthode de
raisonnement, Déméa, il s’ensuit (et c’est en vérité admis tacitement
par Cléanthe lui-même) que l’ordre, l’arrangement ou l’ajustement des
causes finales ne sont pas en eux-mêmes des preuves d’un dessein mais seulement
dans la mesure où l’on a fait l’expérience qu’ils procèdent de ce principe. En
effet, pour autant que nous puissions connaître a priori, la matière,
tout comme l’esprit, peut contenir en elle-même, originellement, la source, le
ressort de l’ordre; et il n’est pas plus difficile de concevoir que les
différents éléments (56) venant d’une cause interne et inconnue tombent dans le
plus délicat arrangement que de concevoir que leurs idées dans le grand esprit
universel, idées venant d’une cause interne et inconnue, tombent dans cet
arrangement. L’égale possibilité de ces deux hypothèses est accordée. Mais, par
expérience, nous trouvons (selon Cléanthe) qu’il y a une différence
entre elles. Jetez en même temps plusieurs morceaux d’acier sans figure ni
forme, elles ne s’arrangeront jamais d’elles-mêmes en retombant pour composer
une montre. La pierre, le mortier et le bois ne peuvent d’eux-mêmes, sans un
architecte, construire une maison. Mais les idées dans l’esprit humain, nous le
voyons, par une économie inconnue et inexplicable, s’arrangent d’elles-mêmes
pour former le plan d’une montre ou d’une maison. Donc, l’expérience prouve
qu’il y a un principe originel d’ordre dans l’esprit humain, pas dans la
matière. D’effets semblables, nous inférons des causes semblables. L’ajustement
des moyens aux fins est le même dans l’univers que dans une (57) machine
inventée par l’homme. Les causes doivent donc être ressemblantes.
Je fus depuis le début scandalisé,
je dois le reconnaître, par cette ressemblance qui a été affirmée entre Dieu et
les créatures humaines et je pense nécessairement qu’elle implique une telle
dégradation de l’Être Suprême qu’aucun véritable théiste ne la supportera. Avec
votre aide, Déméa, je vais donc m’efforcer de défendre ce que vous
appelez justement l’adorable mystère de la divine nature et je vais réfuter ce
raisonnement de Cléanthe pourvu qu’il admette que j’en ai fait une assez
bonne représentation.
Quand Cléanthe eut donné son accord,
Philon, après un brève pause, procéda de la manière suivante.
Que toutes les inférences, Cléanthe,
concernant les faits soient fondées sur l’expérience (58) et que tous les
raisonnements expérimentaux soient fondés sur l’hypothèse que des causes
semblables prouvent des effets semblables et des effets semblables des causes
semblables, je n’en discuterai pas beaucoup avec vous pour l’instant. Mais
observez, je vous prie, avec quelles extrêmes précautions tous les bons
raisonneurs transfèrent l’expérience aux cas semblables. A moins que les cas ne
soient exactement semblables, ils ne donnent pas leur entière confiance à
l’expérience passée en l’appliquant à tout phénomène particulier. Tout
changement de circonstances produit un doute sur l’événement et il faut de
nouvelles expériences pour prouver avec certitude que les nouvelles
circonstances sont sans importance et sans conséquences. Un changement de
masse, de situation, d’arrangement, d’âge, de disposition de l’air et des corps
environnants, toutes ces particularités peuvent s’accompagner des conséquences
les plus inattendues. A moins que les objets ne nous soient parfaitement
familiers, il est excessivement téméraire d’attendre avec assurance (59), après
l’un de ces changements, un événement semblable à celui que nous avons
antérieurement observé. Le pas lent et délibéré du philosophe, ici plus que
nulle part, se distingue de la marche précipitée du vulgaire qui, entraîné par
la plus petite similitude, est incapable de discernement et de réflexion.
Mais croyez-vous, Cléanthe, avoir
conservé votre philosophie et votre flegme habituels quand vous avez fait un
pas aussi large en comparant à l’univers les maisons, les bateaux, les meubles
et les machines et que, à partir de leur similitude sur certains points, vous
avez inféré une similitude des causes? La pensée, le dessein, l’intelligence
que nous découvrons chez les hommes et d’autres animaux, ne sont rien que des
ressorts et des principes de l’univers comme la chaleur et le froid,
l’attraction et la répulsion ou une centaine d’autres qui tombent sous
l’observation quotidienne. C’est (60) une cause active par laquelle certaines
parties particulières de la nature produisent – nous le voyons – des
changements dans d’autres parties. Mais une conclusion peut-elle, sans
impropriété, être transférée des parties au tout? La grande disproportion
n’interdit-elle pas toute comparaison et toute inférence? En observant la
croissance d’un cheveu, pouvons-nous apprendre quelque chose sur la génération
de l’homme. La façon dont pousse une feuille, même si elle était parfaitement
connue, nous offrirait-elle une instruction sur la végétation d’un arbre?
Mais, en admettant que nous devions
prendre les opérations d’une partie de la nature sur une autre pour le
fondement de notre jugement sur l’origine du tout (ce qui ne saurait
être jamais admis), pourquoi alors choisir un principe aussi petit, aussi
faible et aussi borné que la raison et le dessein des animaux sur cette
planète? Quel privilège particulier cette petite agitation du cerveau que (61)
nous appelons pensée a-t-elle pour que nous devions ainsi en faire le
modèle de tout l’univers? Cette partialité en notre faveur nous présente
d’ailleurs ce modèle en toute occasion mais la saine philosophie doit
soigneusement se garder d’une illusion aussi naturelle.
Bien loin d’admettre, continua Philon,
que les opérations d’une partie puissent nous offrir une juste conclusion sur
l’origine du tout, je n’admettrai pas qu’une seule partie forme une règle pour
une autre partie si cette dernière est très éloignée de la première. Y a-t-il
quelque motif raisonnable de conclure
que les habitants des autres planètes possèdent la pensée, l’intelligence, la
raison ou d’autres choses semblables aux facultés des hommes? Quand la nature a diversifié d’une manière si
extrême ses modes d’opération sur ce petit globe, pouvons-nous imaginer qu’elle
se copie sans cesse à travers tout l’univers. Et si la pensée, comme nous
pouvons bien le supposer, se borne à ce (62) seul coin étroit de l’univers et
qu’elle a, même ici, une sphère d’action si limitée, pouvons-nous sans
impropriété la considérer comme la cause originelle de toutes les choses? Les
vues étroites d’un paysan qui ferait de son économie domestique une règle pour
le gouvernement des royaumes formeraient en comparaison un sophisme
pardonnable.
Mais, même si nous étions pleinement
assurés qu’une pensée et une raison ressemblant à celles de l’homme se trouvent
ailleurs dans l’univers et si leur activité était largement plus grande et plus
importante que ce qu’on voit sur le globe, je ne vois pourtant pas pourquoi les
opérations d’un monde constitué, arrangé, ajusté pourraient être étendues à un
monde qui est à l’état embryonnaire et qui s’avance vers cette constitution et
cet arrangement. Par observation, nous savons quelque chose de l’économie, de
l’action et de la nutrition d’un animal entièrement formé mais c’est avec
beaucoup de précautions que nous devons transférer (63) cette observation à la
croissance d’un fœtus dans le ventre du parent femelle et encore davantage à la
formation des animalcules dans les reins du parent mâle. La nature – nous le
voyons même dans notre expérience limitée – possède un nombre infini de
ressorts et de principes qui se découvrent sans cesse à chaque changement de sa
position et de sa situation. Quels principes nouveaux et inconnus la mettraient
en action dans une situation aussi nouvelle et inconnue que celle de la
formation d’un univers, nous ne saurions sans la plus extrême témérité,
prétendre le déterminer.
Une très petite partie de ce grand
système, durant un temps très court, nous est découverte très imparfaitement.
De là, allons-nous nous prononcer de façon décisive sur l’origine du tout?
Admirable conclusion! La pierre, le
bois, la brique, le fer, le cuivre ne sont pas actuellement, (64) sur ce petit
globe terrestre, ordonnés ou arrangés sans l’art et les inventions de l’homme.
L’univers ne pouvait donc pas originellement atteindre un ordre et un
arrangement sans quelque chose de semblable à l’art humain. Mais une partie de la
nature est-elle une règle pour une autre partie très éloignée de la première?
Est-elle une règle pour le tout? Une très petite partie est-elle une règle pour
l’univers? La nature dans une situation est-elle une règle certaine pour la
nature dans une autre situation largement différente de la première?
Pouvez-vous me blâmer, Cléanthe,
si j’imite ici la prudente réserve de Simonide à qui, selon l’histoire
connue, Hiéron demanda ce qu’était Dieu. Il demanda un jour pour réfléchir, puis deux
et, de cette manière, prolongea le terme sans jamais apporter une définition ou
une description. Pourriez-vous même me blâmer si j’avais tout de suite répondu
que je ne savais pas (65) et que j’étais conscient que ce sujet se
trouvait largement au-delà de la portée de mes facultés? Vous pourriez crier au
sceptique et au railleur autant qu’il vous plairait mais, ayant remarqué, pour
tant d’autres sujets beaucoup plus familiers, les imperfections et même les
contradictions de la raison humaine, je ne pourrai jamais espérer réussir par
ses faibles conjectures dans un sujet aussi sublime et aussi éloigné de la
sphère de notre observation. Quand deux espèces d’objets ont toujours
été observés liés l’un à l’autre, je puis inférer, par accoutumance,
l’existence de l’un quand je vois l’existence de l’autre et cela
s’appelle un argument d’expérience. Mais comment cet argument peut-il
intervenir quand les objets, comme dans le cas présent, sont uniques,
individuels, sans équivalent, sans ressemblance spécifique, il peut être
difficile de l’expliquer. Et me dira-t-on d’un air sérieux qu’un univers
ordonné doit naître d’une pensée ou d’un art semblables (66) à la pensée et à
l’art humains parce que nous en avons l’expérience. Pour rendre certain ce
raisonnement, il serait requis que nous ayons eu l’expérience de l’origine des
mondes et il n’est sûrement pas suffisant que nous ayons vu des bateaux et des
cités naître de l’art et de l’invention des hommes.
Philon continuait de cette
façon véhémente, entre jeu et sérieux, me semble-t-il, quand il observa
certains signes d’impatience chez Cléanthe et il s’arrêta alors
immédiatement. Ce que j’ai à suggérer, dit Cléanthe, c’est seulement que
vous n’abusiez pas des termes et que vous ne fassiez pas usage d’expressions
populaires pour subvertir les raisonnements philosophiques. Vous savez que le
vulgaire distingue la raison de l’expérience, même quand la question concerne
des choses de fait et d’existence alors que, quand la raison est
convenablement analysée, on voit qu’elle n’est rien qu’une espèce d’expérience.
Prouver (67) par expérience l’origine de l’univers à partir de l’esprit n’est
pas plus contraire au discours commun que de prouver le mouvement de la terre
par le même principe. Et un ergoteur pourrait soulever toutes les mêmes
objections contre le système de Copernic que celles que vous avez
présentées contre mes raisonnements. Avez-vous vu d’autres terres en mouvement,
pourrait-il dire, avez-vous…
Oui, s’écria Philon en
l’interrompant, nous avons d’autres terres. La lune n’est-elle pas une autre
terre que nous voyons tourner autour de son centre? Vénus n’est-elle pas une
autre terre où nous observons le même phénomène? Les révolutions du soleil ne
sont-elles pas, par analogie, une confirmation de la même théorie? Toutes les
planètes ne sont-elles pas des terres qui tournent autour du soleil? Les
satellites ne sont-ils pas des lunes qui tournent autour de Jupiter et de
Saturne et tournent avec les planètes principales autour du soleil. Ces
analogies (68) et ces ressemblances, avec d’autres que je n’ai pas mentionnées,
sont les seules preuves du système de Copernic et il vous appartient de
considérer si vous avez des analogies du même genre pour soutenir votre
théorie.
En réalité, Cléanthe,
continua-t-il, le système moderne d’astronomie est aujourd’hui si bien accepté
par tous les savants et est devenu une partie si essentielle de nos premières
études que, généralement, nous ne sommes pas très scrupuleux dans l’examen des
raisons sur lesquelles il se fonde. Ce n’est plus que par simple curiosité
qu’on étudie les premiers auteurs qui ont travaillé sur ce sujet, qui eurent à
affronter toute la force des préjugés et qui furent obligés de tourner leurs
arguments de tous les côtés pour les rendre plus populaires et plus convaincants.
Mais, si nous examinons les fameux dialogues de Galilée sur le système
du monde, nous verrons que ce grand génie, l’un des plus (69) sublimes qui
aient jamais existé, dirigea d’abord tous ses efforts vers un point, prouver
que la distinction couramment faite entre substances élémentaires et substances
célestes était sans fondement. Les écoles, suivant les illusions des sens,
avaient porté cette distinction assez loin et avaient établi que les substances
célestes étaient incréées, incorruptibles, inaltérables, impassibles et elles
avaient attribué aux substances élémentaires toutes les qualités opposées. Mais
Galilée, commençant par la lune, prouva qu’elle était semblable en tous
points à la terre : sa forme convexe, son obscurité naturelle quand elle n’est
pas éclairée, sa distinction entre solides et liquides, les variations de ses
phases, l’éclairement mutuel de la terre et de la lune, leurs éclipses
mutuelles, les inégalités de la surface lunaire, etc. Après de nombreux
exemples de ce genre à l’égard de toutes les planètes, les hommes virent
clairement que ces corps devenaient de véritables objets d’expérience et que
cette (70) similitude de leur nature nous permettait d’étendre les mêmes
arguments et phénomènes de l’un à l’autre.
Dans cette prudente façon de
procéder des astronomes, vous pouvez lire votre propre condamnation, Cléanthe,
ou plutôt vous pouvez voir que le sujet dans lequel vous vous êtes engagé va
au-delà de toute la raison et des recherches humaines. Pouvez-vous prétendre
montrer cette similitude entre la fabrication d’une maison et la formation d’un
univers? Avez-vous jamais vu la nature dans une situation qui ressemble au
premier arrangement des éléments? Des mondes se sont-ils formés sous vos yeux?
Et avez-vous eu le loisir d’observer tout le progrès du phénomène depuis la
première apparition de l’ordre jusqu’à son achèvement final? Si c’est le cas,
citez votre expérience et exposez votre théorie.
PARTIE III
(71)
Comme
le plus absurde argument, reprit Cléanthe, dans les mains d’un homme
ingénieux et inventif, peut acquérir un air de probabilité! Ne savez-vous pas, Philon,
que Copernic et ses premiers disciples durent prouver la similitude de
la matière terrestre et de la matière céleste parce que plusieurs philosophes,
aveuglés par d’anciens systèmes et soutenus par certaines apparences sensibles,
niaient cette similitude? Mais il n’est en aucune façon nécessaire que les
théistes prouvent la similitude des ouvrages de la nature avec ceux de l’art
parce que cette similitude est en elle-même évidente et indéniable. La même
matière, (72) une forme semblable : que faut-il de plus pour montrer une
analogie entre leurs causes et pour établir dans l’origine de toutes les choses
un dessein divin, une intention divine? Vos objections, je dois vous le dire
franchement, ne sont pas meilleures que les abstruses arguties de ces
philosophes qui niaient le mouvement et qui doivent être réfutés de la même
manière, par des illustrations, des exemples et des cas [concrets] plutôt que
par une argumentation et une philosophie sérieuses.
Supposez donc qu’une voix articulée se fasse entendre dans les nuages, plus puissante et plus mélodieuse que tout ce que l’art humain peut atteindre. Supposez que cette voix s’entende au même instant dans toutes les nations et qu’elle parle à chaque nation dans son propre langage ou dialecte. Supposez encore que les paroles non seulement soient sensées et contiennent une signification mais encore qu’elles communiquent certaines instructions dignes d’un Être bienveillant supérieur à l’humanité. (73) Vous serait-il possible d’hésiter un instant sur la cause de cette voix? Ne vous faudrait-il pas tout de suite lui attribuer un certain dessein, une certaine intention? Pourtant, je ne vois que trop bien que les objections (si elles méritent cette appellation) qu’on oppose au théisme peuvent aussi être produites contre cette inférence.
Ne pourriez-vous pas dire que toutes nos conclusions sur les faits se fondent sur l’expérience, que, quand nous entendons une voix articulée dans le noir et inférons de là la présence d’un homme, c’est seulement la ressemblance des effets qui nous conduit à conclure à une semblable ressemblance dans la cause; mais que cette voix extraordinaire par sa puissance, son étendue et sa capacité à parler toutes les langues a si peu d’analogie avec une voix humaine que nous n’avons aucune raison de supposer une analogie dans leurs causes : et, par conséquent, qu’un discours raisonnable, sage et cohérent venu on ne sait d’où, provient de quelque sifflement fortuit (74) des vents, non d’une raison et d’une intelligence divines? Vous voyez clairement vos propres objections dans ces arguties et j’espère aussi que vous voyez clairement qu’elles ne peuvent pas avoir plus de force dans un cas que dans l’autre.
Mais,
pour rapprocher encore ce cas du cas présent de l’univers, je ferai deux
suppositions qui n’impliquent ni absurdité, ni impossibilité. Supposez qu’il
existe un langage naturel, universel et invariable, commun à tous les individus
de la race humaine et que les livres soient des productions naturelles qui se
perpétuent de la même manière que les animaux et les végétaux, par descendance
et par propagation. Plusieurs expressions de nos passions contiennent un
langage universel. Toutes les bêtes ont un langage naturel qui, quoique limité,
est très bien compris par les membres de chaque espèce. Et, comme il y a
infiniment moins de parties et de (75) combinaisons dans la plus subtile
composition d’éloquence que dans le plus grossier corps organisé, la
reproduction d’une Iliade ou d’une Énéide est une supposition
plus aisée que celle d’une plante ou d’un animal.
Supposez donc que vous entriez dans votre bibliothèque ainsi peuplée de volumes naturels contenant la raison la plus raffinée et la beauté la plus exquise. Vous serait-il possible d’ouvrir l’un des livres et de douter que sa cause originelle ait la plus forte analogie avec l’esprit et l’intelligence? Quand il raisonne et discourt, quand il critique, argumente et impose ses idées et points de vue, quand il s’adresse parfois au pur intellect, parfois aux affections, quand il recueille, dispose et pare les considérations qui conviennent au sujet, persistez-vous en affirmant que tout ceci, au fond, n’a en réalité aucun sens et que la première formation de ce volume dans les reins de son parent originel (76) ne procède pas de la pensée et d’une intention. Votre obstination, je le sais, n’a pas ce degré de fermeté. Même vos badinages et dévergondages sceptiques rougiraient devant une absurdité aussi flagrante.
Mais,
Philon, s’il y a une différence entre ce cas supposé et le cas réel de
l’univers, c’est tout à l’avantage de ce dernier. L’anatomie d’un animal offre
des exemples plus forts d’un dessein que les œuvres de Tite-Live ou de Tacite;
et l’objection que vous soulevez dans le premier cas, en me ramenant à un
théâtre aussi inhabituel et extraordinaire que la première formation des
mondes, cette même objection est valable dans l’hypothèse d’une bibliothèque
vivante. Prenez donc votre parti, Philon, sans ambiguïté ni
échappatoire : soit vous affirmez qu’un volume rationnel n’est pas une
preuve d’une cause rationnelle, soit vous admettez une cause semblable pour
toutes les œuvres de la nature.
(77)
Laissez-moi aussi ici noter, continua Cléanthe, que cet argument
religieux, au lieu d’être affaibli par ce scepticisme qui vous plaît tant, en
retire plutôt de la force et devient plus ferme et plus indiscutable. Exclure
toutes les sortes d’arguments et de raisonnements, c’est de l’affection ou de
la folie. La profession déclarée de tout sceptique raisonnable est seulement de
rejeter les arguments abstrus, subtils ou qui portent sur des objets trop
éloignés, d’adhérer au sens commun et aux simples instincts naturels, de donner
son assentiment toutes les fois où des raisons le frappent avec une telle force
qu’il ne peut, sans la plus grande violence, s’en empêcher. Or les arguments en
faveur de la religion naturelle sont manifestement de ce genre et il n’y a
qu’une métaphysique entêtée et obstinée qui puisse les rejeter. Considérez
l’œil, disséquez-le, examinez sa structure et son organisation et dites-moi si,
selon votre sentiment personnel, l’idée d’un créateur [14] ne frappe pas immédiatement votre
esprit avec (78) une force semblable à celle de la sensation. La conclusion la
plus évidente est certainement en faveur d’un dessein, et il faut du temps, de
la réflexion et de l’étude pour rassembler les objections frivoles,
quoiqu’abstruses, qui peuvent soutenir l’incroyance. Quiconque regarde le mâle et
la femelle de chaque espèce, la correspondance de leurs organes et de leurs
instincts, leurs passions et tout le cours de la vie avant et après la
génération, ne peut que prendre conscience que la reproduction des espèces est
dans l’intention de la nature. Des millions et des millions d’exemples de ce
type se présentent partout dans l’univers et aucun langage ne peut transmettre
un sens plus intelligible et plus irrésistible que cet ajustement précis des
causes finales. Quel degré de dogmatisme aveugle faut-il donc avoir atteint
pour rejeter des arguments aussi naturels et aussi convaincants!
Dans
certains écrits, nous rencontrons des beautés qui semblent contraires aux (79)
règles, et qui gagnent les affections et animent l’imagination en opposition à tous
les préceptes de l’esthétique et à l’autorité des maîtres reconnus dans le
domaine de l’art. Et si l’argument en faveur du théisme est, comme vous le
prétendez, contraire aux principes de la logique, son influence universelle et
irrésistible prouve clairement qu’il peut y avoir de semblables arguments d’une
nature irrégulière. Quelques arguties qui puissent être avancées, un monde
ordonné et un discours articulé et cohérent seront toujours reçus comme une
preuve incontestable de dessein et d’intention.
Il
arrive parfois, je l’avoue, que les arguments religieux n’aient pas sur un
sauvage ignorant ou sur un barbare l’influence qu’ils devraient avoir, non
parce qu’ils sont obscurs et difficiles mais parce qu’un tel homme ne s’est
jamais posé de question sur eux. D’où provient la structure précise d’un
animal? De la copulation de ses parents? Et (80) ses parents, d’où
viennent-ils? De leurs parents? Quelques degrés mettent les objets à une
telle distance qu’ils se perdent pour cet homme dans l’obscurité et la
confusion. De plus, il n’a pas cette curiosité qui le ferait chercher plus
loin. Mais ce n’est pas là du dogmatisme ou du scepticisme mais de la
stupidité, un état d’esprit bien différent de votre disposition à faire de tout
des objets d’étude qu’il faut passer au crible, mon ingénieux ami. Vous pouvez
remonter des effets aux causes, vous pouvez comparer les objets les plus
distants et les plus éloignés; et vos plus grandes erreurs ne viennent pas
d’une stérilité de pensée ou d’invention mais d’une trop grande fertilité qui
supprime votre bon sens naturel par une profusion d’objections et de doutes
superflus.
Je
pus remarquer alors, Hermippe, que Philon était un peu embarrassé
et confondu mais, alors qu’il hésitait à donner une réponse, heureusement pour
lui, (81) Déméa entra dans la conversation et le sauva d’embarras.
Votre
exemple, Cléanthe, dit-il, tiré des livres et du langage, étant
familier, a, je le reconnais, d’autant plus de force pour cette raison mais n’y
a-t-il pas un certain danger aussi dans cette circonstance même? Ne peut-il pas
nous rendre présomptueux en nous faisant imaginer que nous comprenons Dieu et
que nous avons une idée adéquate de sa nature et de ses attributs? Quand je lis
un volume, j’entre dans l’esprit et l’intention de l’auteur, je deviens lui
pour un moment, d’une certaine manière et j’ai la conception et le sentiment
immédiats des idées qui tournaient dans son imagination quand il s’employait à
cette composition. Mais nous ne saurions certainement pas nous approcher de si
près de Dieu. Ses voies ne sont pas nos voies. Ses attributs sont parfaits mais
incompréhensibles. Ce volume qu’est la nature contient une grande et (82)
inexplicable énigme plutôt qu’un discours ou un raisonnement intelligible.
Les
anciens platoniciens, vous le savez, étaient les plus religieux et les
plus dévots de tous les philosophes païens. Ils furent pourtant nombreux à
déclarer expressément, surtout Plotin, que l’intellect ou entendement ne
doit pas être attribué à Dieu et que le culte le plus parfait à lui rendre ne
consiste pas en actes de vénération, de révérence, de gratitude ou d’amour mais
en un certain anéantissement mystérieux de soi, une totale extinction de toutes
nos facultés. Ces idées s’étendent peut-être trop loin mais encore faut-il
reconnaître que, en représentant Dieu comme si intelligible, compréhensible, si
semblable à l’esprit humain, nous sommes coupables de la plus grossière et la
plus étroite partialité et nous faisons de nous-mêmes le modèle de tout
l’univers.
Tous
les sentiments de l’esprit humain, (83) la gratitude, le ressentiment,
l’amour, l’amitié, l’approbation, le blâme, la pitié, l’émulation, l’envie se
réfèrent manifestement à l’état et à la situation de l’homme et sont calculés
pour préserver l’existence et favoriser l’activité d’un tel être dans de telles
circonstances. Il semble donc déraisonnable de transférer ces sentiments à une
existence suprême ou de supposer qu’elle est mue par eux. D’ailleurs le
phénomène de l’univers ne nous soutiendra pas dans une telle théorie. Toutes
nos idées tirées des sens sont, on l’avoue, fausses et illusoires et on
ne peut donc supposer qu’elles existent dans une intelligence suprême. Et,
comme les idées du sentiment interne, avec celles des sens externes, composent tout
le mobilier de l’entendement humain, nous pouvons conclure qu’aucun des matériaux
de la pensée n’est, en aucune façon, semblable dans l’intelligence humaine et
dans l’intelligence divine. Pour ce qui est de la manière de penser,
comment pouvons-nous faire (84) une comparaison entre l’une et l’autre ou
supposer qu’elles se ressemblent? Notre pensée est fluctuante, incertaine,
fugace, successive et composée et, si nous supprimons ces circonstances, nous
annihilons complètement son essence et ce serait alors abuser des termes que
d’utiliser les mots de pensée ou de raison. Au moins, si cela apparaît plus
pieux et plus respectable (comme cela l’est réellement) de conserver encore ces
termes quand nous mentionnons l’Être Suprême, nous devrions reconnaître que
leur sens, dans ce cas, est totalement incompréhensible et que les infirmités
de notre nature ne nous permettent pas d’atteindre le moins du monde des idées
qui correspondent à l’ineffable sublimité des attributs divins.
PARTIE IV
(85)
Il me semble étrange,
dit Cléanthe, que vous, Déméa, qui défendez si sincèrement la
cause de la religion, souteniez encore la nature mystérieuse et
incompréhensible de Dieu et que vous insistiez avec tant d’acharnement sur
l’idée qu’il n’a aucune sorte de similitude ou de ressemblance avec les
créatures humaines. Dieu, je peux l’admettre aisément, possède de nombreux
pouvoirs et attributs dont nous n’avons aucune compréhension mais si nos idées,
aussi loin qu’elles aillent, ne sont ni justes ni adéquates et qu’elles ne
correspondent pas à sa nature réelle, je ne sais pas ce qui mérite d’être
soutenu dans ce sujet. Le nom, sans aucune signification, est-il d’une si
grande (86) importance? Comment, vous, mystiques, qui soutenez l’absolue
incompréhensibilité de Dieu, différez-vous des sceptiques ou des athées qui
affirment que la première cause est inconnue et inintelligible? Leur témérité
doit être très grande si, après avoir rejeté la production du monde par un
esprit, je veux dire un esprit ressemblant à l’esprit humain (car je n’en
connais pas d’autres), ils prétendent assigner avec certitude une autre cause
intelligible et spécifique. Et leur conscience doit être très scrupuleuse, en
vérité, s’ils refusent d’appeler Dieu ou Divinité la cause universelle et inconnue
et de lui donner tous les éloges sublimes et tous les épithètes dénués de
signification qu’il vous plaira d’exiger d’eux.
Qui
aurait pu imaginer, répliqua Déméa, que Cléanthe, le calme
philosophe Cléanthe, tenterait de réfuter ses adversaires en leur donnant un
sobriquet et, comme les (87) bigots et les inquisiteurs de notre époque, aurait
recours à l’invective et à la déclamation au lieu d’utiliser le raisonnement?
Ou peut-être ne voit-il pas qu’on peut facilement retourner les arguments et
que l’appellation d’anthropomorphite est aussi injurieuse et implique d’aussi
dangereuses conséquences que l’épithète de mystique dont il nous a honorés! En
réalité, Cléanthe, considérez ce que vous affirmez quand vous
représentez Dieu comme semblable à un esprit ou un entendement humain.
Qu’est-ce que l’âme de l’homme? Un composé de facultés, de passions, de
sentiments et d’idées de toutes sortes, unis, il est vrai, en un seul moi, une
seule personne, mais qui demeurent toujours distincts les uns des autres. Quand
l’âme raisonne, les idées qui sont des parties de son discours s’arrangent dans
une certaine forme, un certain ordre qui ne demeure pas entier un seul moment
mais laisse immédiatement place à un autre arrangement. De nouvelles opinions,
de nouvelles passions, de nouvelles affections, de nouveaux sentiments naissent
qui diversifient continuellement la scène mentale (88) et produisent en elle la
plus grande variété et la plus rapide succession qu’on puisse imaginer. Comment
cela est-il compatible avec la parfaite immutabilité et la parfaite simplicité
que tous les véritables théistes attribuent à Dieu? Par le même acte,
disent-ils, il voit le passé, le présent et le futur. Son amour et sa haine, sa
miséricorde et sa justice ne sont qu’une seule opération individuelle. Il est
entier en chaque point de l’espace et complet en chaque instant de la durée.
Aucune succession, aucun changement, aucune acquisition, aucune diminution. Ce
qu’il est n’implique pas l’ombre d’une distinction ou d’une diversité. Et ce qu’il
est en cet instant, il l’a toujours été et le sera toujours sans aucun nouveau
jugement, sans aucun nouveau sentiment, sans aucune nouvelle opération. Il se
trouve fixé en un seul état simple et parfait. Vous ne sauriez dire sans
impropriété qu’un de ses actes diffère d’un autre ou qu’un de ses jugements
diffère d’un autre. Vous ne sauriez dire qu’un de ses jugements ou que l’une de
ses idées vient de se former en lui et va laisser place, par succession, à un
jugement différent ou une idée différente.
(89)
Je suis prêt à admettre, dit Cléanthe, que ceux qui soutiennent la
simplicité parfaite de l’Être Suprême jusqu’au degré exposé par vous sont de
complets mystiques et qu’on peut leur imputer toutes les conséquences
que j’ai tirées de leur opinion. Ils sont, en un mot, des athées sans le
savoir. En effet, bien qu’il soit admis que Dieu possède des attributs dont
nous n’avons aucune compréhension, nous ne devons pourtant pas lui donner des
attributs qui sont absolument incompatibles avec cette nature intelligente qui
lui est essentielle. Un esprit dont les actes, les sentiments et les idées ne
sont pas distincts et successifs, totalement simple et totalement immuable, est
un esprit qui n’a aucune pensée, aucune raison, aucune volonté, aucun
sentiment, aucun amour, aucune haine, en un mot, ce n’est du tout un esprit.
C’est un abus de langage que de lui donner cette appellation et nous pouvons
aussi bien parler d’une étendue limitée (90) qui n’aurait pas de forme ou d’un
nombre qui n’aurait pas de composition.
Considérez,
je vous prie, Philon, qui vous invectivez actuellement. Vous honorez de
l’appellation d’athées tous les théologiens compétents et orthodoxes qui
ont traité ce sujet et, à ce compte, vous serez finalement le seul théiste
compétent au monde. Mais, si les idolâtres sont des athées, comme on peut, je
pense, l’affirmer à juste titre, et que les théologiens chrétiens le sont
aussi, que devient cet argument si célèbre que l’on tire du consentement
universel du genre humain?
Mais,
comme je sais que vous n’êtes pas influencé par les noms et les autorités, je
m’efforcerai de vous montrer un peu plus distinctement les inconvénients de cet
anthropomorphisme que vous avez embrassé et je prouverai (91) qu’il n’y a
aucune raison de supposer qu’un plan du monde ait été formé dans l’esprit
divin, consistant en idées distinctes diversement arrangées, de la même manière
qu’un architecte forme dans sa tête le plan d’une maison qu’il entend faire
construire.
Il
n’est pas facile, je l’avoue, de voir ce qu’on gagne par cette hypothèse, que
nous en jugions par la raison ou par l’expérience. Nous sommes
encore obligés de remonter plus haut afin de trouver la cause de cette cause
que vous aviez assignée comme satisfaisante et décisive.
Si
la raison (j’entends la raison abstraite dérivée de recherches a
priori) n’est pas pareillement muette sur toutes les questions concernant
la cause et l’effet, elle se risquera au moins à affirmer cette
proposition : qu’un monde mental ou un univers d’idées requiert autant une
cause qu’un monde matériel ou un univers (92) d’objets; et, s’il est semblable
dans son arrangement, il requiert nécessairement une cause semblable. En effet,
qu’y a-t-il dans ce sujet qui puisse occasionner une conclusion ou une
inférence différente? D’un point de vue abstrait, ces mondes sont entièrement
semblables et aucune difficulté n’accompagne l’une des hypothèses sans être
commune aux deux.
D’ailleurs,
si nous voulons absolument forcer l’expérience à se prononcer même sur
les sujets qui se trouvent au-delà de sa sphère, elle ne peut pas percevoir de
différence importante sur ce point entre ces deux sortes de monde; elle les
trouve gouvernés par des principes semblables et dépendant d’une égale variété
de causes dans leurs opérations. Nous avons des spécimens en miniature de ces
deux mondes. Notre propre esprit ressemble à l’un, un corps végétal ou animal à
l’autre. Que l’expérience juge donc à partir de ces échantillons. Rien ne
semble plus délicat, pour ce qui est (93) de ses causes, que la pensée et,
comme ces causes n’opèrent jamais de la même manière chez deux personnes, nous
ne trouvons jamais deux personnes qui pensent exactement de la même manière.
D’ailleurs, une même personne ne pense pas exactement de la même manière à deux
moments différents du temps. Une différence d’âge ou de disposition du corps,
du temps qu’il fait, de l’alimentation, de la compagnie, des livres ou des
passions, ces particularités ou d’autres encore moins importantes suffisent
pour modifier le mécanisme précis de la pensée et lui communiquer des
opérations et des mouvements très différents. Autant que nous puissions en
juger, les corps végétaux et animaux ne sont pas plus délicats dans leurs
mouvements et ne dépendent pas d’une plus grande variété ou d’un ajustement
plus précis de ressorts et de principes.
Comment
donc allons-nous nous satisfaire sur la cause de cet Être que vous supposez
l’auteur de la nature ou, selon votre système (94) anthropomorphiste, sur le
monde idéal auquel vous faites remonter le monde matériel? N’avons-nous pas la
même raison de faire remonter ce monde idéal jusqu’à un autre monde idéal ou un
nouveau principe intelligent? Mais si nous nous arrêtons et n’allons pas plus
loin, pourquoi aller si loin? Pourquoi ne pas nous arrêter au monde matériel?
Comment pouvons-nous nous satisfaire sans aller à l’infini? Et, après
tout, quelle satisfaction y a-t-il dans cette progression infinie?
Rappelons-nous l’histoire du philosophe indien et de son éléphant. Il n’a
jamais été aussi applicable qu’au sujet présent. Si le monde matériel repose
sur un monde idéal semblable, ce monde idéal doit reposer sur un autre monde,
ainsi de suite, sans fin. Il serait donc préférable de ne pas regarder au-delà
du présent monde matériel. En supposant qu’il contient le principe de son ordre
en lui-même, nous affirmons, en réalité, qu’il est Dieu; et plus tôt nous
arriverons à cet Être divin, mieux ce sera. Quand vous faites un pas au-delà du
(95) système mondain, nous ne faites qu’exciter une curiosité qu’il sera
toujours impossible de satisfaire.
Dire que les différentes idées qui composent la raison de l’Être Suprême s’ordonnent d’elles-mêmes et par leur propre nature, c’est en réalité dire quelque chose qui n’a pas de signification précise. Si ce propos a un sens, je voudrais savoir pourquoi il n’est pas aussi sensé de dire que les parties du monde matériel s’ordonnent d’elles-mêmes et par leur propre nature. L’une des opinions peut-elle être intelligible si l’autre ne l’est pas?
Nous
avons en vérité l’expérience d’idées qui s’ordonnent d’elles-mêmes et sans
aucune cause connue mais je suis certain que nous avons une plus grande
expérience de la même chose dans la matière, comme dans tous les cas de
génération, et de végétation où l’analyse précise de la cause dépasse toute
compréhension humaine. (96) Nous avons aussi l’expérience de systèmes
particuliers de pensée et de matière qui n’ont pas d’ordre. Parmi les premiers,
la folie, parmi les seconds, la corruption. Pourquoi alors penser que l’ordre
est plus essentiel à l’une qu’à l’autre? Et s’il faut une cause dans les deux
cas, que gagnons-nous par notre système en faisant remonter l’univers des
objets jusqu’à un monde semblable d’idées? Le premier pas ne permet plus à la
marche de s’arrêter. Il serait donc sage de limiter toutes nos recherches au
monde présent sans regarder plus loin. Aucune satisfaction ne saurait jamais
être atteinte par ces spéculations qui dépassent tant les limites étroites de
l’entendement humain.
Vous
savez, Cléanthe, qu’il était habituel chez les péripatéticiens,
quand on cherchait la cause d’un phénomène, d’avoir recours aux facultés
et aux qualités occultes et de dire, par exemple, que le pain nourrit
par sa (97) faculté nutritive ou que le séné purge par sa faculté purgative.
Mais on a découvert que ce subterfuge n’était rien que le masque de l’ignorance
et que ces philosophes, quoiqu’avec moins de franchise, disaient en fait la
même chose que les sceptiques ou le vulgaire qui avouaient honnêtement qu’ils
ne connaissaient pas la cause de ces phénomènes. De la même manière, quand on
demande quelles causes produisent l’ordre dans les idées de l’Être suprême,
quelle autre raison pouvez-vous donner, vous les anthropomorphites, que celle
d’une faculté rationnelle et que pouvez-vous dire, sinon que telle est
la nature de Dieu? Mais pourquoi une réponse identique ne serait-elle pas
également satisfaisante pour expliquer l’ordre du monde sans avoir recours à
cet créateur intelligent sur lequel vous insistez, il est peut-être difficile
de le déterminer. Il suffit de dire que telle est la nature des objets
matériels et que ces derniers possèdent originellement une faculté
d’ordre et de proportion. Ce ne sont (98) là que des façons plus savantes et
élaborées d’avouer notre ignorance. L’une des hypothèses n’a pas de réel
avantage sur l’autre, sinon par sa plus grande conformité avec les préjugés
communs.
Vous avez exposé cet argument avec
une grande énergie, reprit Cléanthe mais vous ne semblez pas savoir
comme il est facile d’y répondre. Même dans la vie courante, si j’assigne une
cause à un événement, est-ce une objection, Philon, que je ne puisse
assigner une cause à cette cause et répondre à toutes les questions nouvelles
qui pourront être sans cesse soulevées? Et quels philosophes pourraient se
soumettre à une règle aussi rigide, philosophes qui avouent que les causes
ultimes leur sont totalement inconnues et qui savent que les principes les plus
subtils auxquels ils font remonter les phénomènes leur sont encore aussi
inexplicables que ces phénomènes le sont pour le vulgaire? L’ordre et
l’arrangement de la nature, l’ajustement précis (99) des causes finales,
l’usage et l’intention manifestes de toutes les parties et organes, tout cela
révèle dans le langage le plus clair une cause intelligente ou un auteur. La
terre et les cieux se joignent dans le même témoignage. Du chœur entier de la
nature s’élève un seul hymne à la gloire de son créateur. Vous seul, ou
presque, troublez cette harmonie générale. Vous soulevez des objections, des
arguties et des doutes abstrus. Vous me demandez quelle est la cause de cette
cause. Je ne le sais pas et je n’y prête pas attention, cela ne me concerne
pas. J’ai trouvé un Dieu et j’arrête ici mes recherches. Que ceux qui sont plus
avisés ou plus entreprenants aillent plus loin.
Je ne prétends être ni l’un, ni
l’autre, répondit Philon et c’est pour cette raison même que je n’aurais
jamais tenté d’aller si loin, surtout parce que je suis conscient que je dois
finalement me contenter de la même réponse que celle qui aurait pu me
satisfaire dès le début sans avoir pris plus de peine. (100) Si je dois
demeurer toujours dans la plus complète ignorance des causes et que je ne peux
rien expliquer, je ne jugerai jamais que c’est un avantage de repousser pour un
moment une difficulté qui, vous le reconnaissez, doit immédiatement me revenir
dans toute sa force. Il est vrai que les naturalistes expliquent très justement
des effets particuliers par des causes plus générales, même si ces causes générales
elles-mêmes demeurent finalement totalement inexplicables mais ils n’ont
sûrement jamais pensé qu’il était satisfaisant d’expliquer un effet particulier
par une cause particulière qui ne devait pas être plus expliquée que l’effet
lui-même. Un système idéal, qui s’arrange de lui-même sans un dessein
antérieur, n’est absolument pas plus explicable qu’un système matériel qui
réalise son ordre d’une semblable manière et il n’y a pas plus de difficulté
dans la seconde hypothèse que dans la première.
PARTIE V
(101)
Mais, poursuivit Philon, pour
montrer encore d’autres inconvénients de votre anthropomorphisme, je vous prie
d’examiner à nouveau vos principes : des effets semblables prouvent des
causes semblables. C’est l’argument expérimental et c’est, vous le dites
aussi, le seul argument théologique. Or il est certain que plus semblables sont
les effets que nous voyons et plus semblables sont les causes qui en sont
inférées, plus l’argument est fort. Les diminutions de chaque côté provoquent
une diminution de la probabilité et rendent l’expérience moins concluante. Vous
ne pouvez douter du principe ni ne devez en rejeter les conséquences.
(102) Toutes les nouvelles
découvertes en astronomie qui prouvent l’immense grandeur et l’immense
magnificence des ouvrages de la nature sont autant d’arguments supplémentaires
en faveur d’un Dieu selon le véritable système du théisme mais, selon votre
hypothèse du théisme expérimental, elles deviennent autant d’objections en éloignant
encore davantage l’effet de toute ressemblance avec les effets de l’art humain
et des inventions humaines. En effet, si Lucrèce [15], même suivant le vieux système du
monde, pouvait s’écrier :
Quis regere immensi summam, quis habere profundi
Indu manu validas potis est moderanter habenas?
Quis pariter coelos omnes convertere? et omnes
Ignibus aetheriis terras suffire feraces?
Omnibus inque locis esse omni tempore praesto? [16]
Si Cicéron [17] jugea ce raisonnement si naturel qu’il le mit dans la bouche de son épicurien : "Quibus enim oculis animi intueri potuit vester Plato fabricam illam tanti operis, qua construi a Deo atque (103) aedificari mundum facit? Quae molitio? quae ferramenta? qui vectes? quae machinae? qui ministri tanti muneris fuerunt? quemadmodum autem obedire et parere voluntati architecti aer, ignis, aqua, terra potuerunt?" [18] Si cet argument, dis-je, avait quelque force dans les premiers âges, il doit en avoir une plus grande à présent, alors que les bornes de la nature sont si infiniment élargies et qu’une magnifique scène s’ouvre devant nous. Il est encore plus déraisonnable de former notre idée d’une cause si illimitée par notre expérience des productions étroites des desseins et des inventions de l’homme.
Les découvertes faites grâce au microscope, en tant qu’elles ouvrent sur un nouvel univers en miniature, sont encore des objections selon vous et des preuves selon moi. Bien que nous poussions les recherches de ce genre de plus en plus loin, nous sommes encore conduits à inférer que la cause universelle de tout doit être largement différente de (104) l’humanité ou de quelque objet de l’expérience et l’observation humaines.
Et que dites-vous des découvertes en anatomie, en chimie et en botanique ? Ce ne sont certainement pas des objections, répondit Cléanthe, elles découvrent seulement de nouveaux exemples d’art et d’industrie. C’est encore l’image de l’esprit réfléchi sur nous par d’innombrables objets. Ajoutez un esprit semblable à l’esprit humain, dit Philon. Je n’en connais pas d’autre, reprit Cléanthe. Et plus la ressemblance est importante, mieux c’est, insista Philon. Certes, dit Cléanthe.
Or, Cléanthe, dit Philon avec un air de joie et de triomphe, notez les conséquences. Premièrement, par cette méthode de raisonnement, vous renoncez à toute prétention à l’infinité des attributs de Dieu. En effet, comme la cause doit seulement être proportionnée à l’effet et que l’effet, pour autant qu’il tombe sous notre connaissance, n’est pas infini, quelles prétentions (105) avons-nous, d’après vos suppositions, de donner cet attribut à l’Être Divin ? Vous insisterez encore et direz que, en éloignant tant de lui toute ressemblance avec des créatures humaines, vous donnez dans l’hypothèse la plus arbitraire et, en même temps, affaiblissez toutes les preuves de son existence.
Deuxièmement, vous n’avez aucune raison, selon votre théorie, d’attribuer la perfection à Dieu, même dans sa capacité finie, ou de le supposer affranchi, dans ce qu’il entreprend, de toute erreur, méprise ou incohérence. Il y a de nombreuses difficultés inexplicables dans les ouvrages de la nature qui, si nous admettons un auteur parfait prouvé a priori, sont résolues facilement et deviennent seulement d’apparentes difficultés qui viennent des aptitudes bornées de l’homme qui ne peut pas suivre des relations infinies. Mais, selon votre méthode de raisonnement, ces difficultés deviennent toutes réelles et peut-être insisterez-vous sur elles comme sur de nouveaux exemples de ressemblance (106) avec l’art et les inventions de l’homme. Au moins, vous devez reconnaître qu’il nous est impossible de dire, à partir de nos vues limitées, si ce système contient de grands défauts ou s’il mérite des éloges considérables si nous le comparons avec d’autres systèmes possibles ou même réels. Un paysan, à qui on lirait l’Enéide, pourrait-il affirmer que ce poème est absolument sans défaut ou même lui assigner la place qui lui convient parmi les productions de l’esprit humain, lui qui n’a jamais vu quelque autre production ?
Mais, si jamais ce monde était une production aussi parfaite, il demeurerait encore incertain de savoir si toute l’excellence de l’ouvrage peut à juste titre être attribuée à l’ouvrier. Si nous examinons un bateau, quelle idée élevée devons-nous nous faire de l’ingéniosité du charpentier qui élabora une machine aussi compliquée, aussi utile et aussi belle ! Et quelle surprise sera la nôtre quand nous nous apercevrons qu’il n’est qu’un stupide mécanicien (107) qui a imité les autres et copié un art qui, pendant des siècles, par une longue suite répétée d’essais, d’erreurs, de corrections, de délibérations et de controverses, s’est perfectionné par degrés. Combien de mondes peuvent avoir été ratés et gâchés pendant une éternité avant que ce système ne s’établisse ? Beaucoup de travail perdu, de nombreux essais infructueux et un progrès lent et continu poursuivi durant de nombreux siècles dans l’art de faire des mondes. Dans de tels sujets, qui peut déterminer où est la vérité ? Mieux, qui peut conjecturer où se trouve la probabilité parmi un grand nombre d’hypothèses qui peuvent être proposées et un plus grand nombre d’hypothèses qui peuvent être imaginées ?
Et quelle ombre d’argument, continua Philon, pouvez-vous produire à partir de votre hypothèse pour prouver l’unité de Dieu ? Un grand nombre d’hommes se joignent pour construire une maison ou un bateau, pour élever (108) une cité ou élaborer une république. Pourquoi plusieurs dieux ne pourraient-ils pas s’associer pour concevoir et construire un monde ? Ce n’est là qu’une plus grande ressemblance avec les affaires humaines. En partageant le travail entre plusieurs, nous pouvons d’autant plus limiter les attributs de chacun et nous débarrasser de cette puissance et de ce savoir étendus qui doivent être supposés en un seul Dieu et qui, selon vous, ne font qu’affaiblir la preuve de son existence. Et si des créatures aussi bêtes et méchantes que les hommes peuvent cependant souvent s’unir pour élaborer et exécuter un plan, à plus forte raison le pourraient ces dieux ou démons que nous pouvons supposer plus parfaits de plusieurs degrés.
Multiplier les causes sans nécessité est en vérité contraire à la véritable philosophie mais ce principe ne s’applique pas au cas présent. Si votre théorie prouvait d’abord l’existence d’un seul dieu possédant tous les attributs requis (109) pour produire un univers, il serait inutile (mais pas absurde) de supposer l’existence d’un autre dieu. Mais, quand on se pose encore la question de savoir si tous ces attributs sont unis en un seul sujet ou dispersés parmi plusieurs êtres indépendants, par quel phénomène de la nature pouvons-nous prétendre décider de la controverse ? Si nous voyons un corps s’élever sur l’un des plateaux d’une balance, nous sommes sûrs qu’il y a sur l’autre plateau, même s’il est caché à notre vue, un contrepoids égal mais il est encore permis de douter si ce poids est un agrégat de plusieurs corps distincts ou une masse uniforme et unie. Et si le poids requis excède de beaucoup tout ce que nous avons déjà vu joint en un seul corps, la première supposition devient encore plus probable et naturelle. Un être intelligent, possédant le grand pouvoir et la capacité nécessaires pour produire l’univers ou, pour parler le langage de l’ancienne philosophie, (110) un animal si prodigieux va au-delà de toute analogie et même de toute compréhension.
Mais, de plus, Cléanthe, les hommes sont mortels et renouvellent leur espèce par la génération, ce qui est commun à toutes les créatures vivantes. Les deux grands sexes, le mâle et la femelle, dit Milton, animent le monde. Pourquoi cette particularité si universelle et si essentielle ne devrait-elle pas s’appliquer aux dieux ? Voici donc la vieille théogonie qui se réveille chez nous !
Et pourquoi ne pas devenir un parfait anthropomorphite ? Pourquoi ne pas affirmer que Dieu ou les dieux sont corporels et qu’ils ont des yeux, un nez, une bouche, des oreilles, etc. Epicure soutenait qu’on n’avait jamais vu de raison sans une figure humaine et que les dieux devaient donc avoir une figure humaine. Cet argument, tant ridiculisé à juste titre par Cicéron, (111) devient selon vous solide et philosophique.
En un mot, Cléanthe, un homme qui suit votre hypothèse est capable d’affirmer ou de conjecturer que l’univers, un jour, est né de quelque chose de semblable à un dessein mais, au-delà de cette position, il ne peut être certain d’aucune circonstance et il ne lui reste plus ensuite, pour fixer chaque point de sa théologie, que la plus grande liberté d’imaginer et de faire des hypothèses. Ce monde, pour autant qu’il le connaisse, est défectueux et imparfait, comparé à un modèle supérieur. Il ne fut que le premier essai grossier d’un dieu enfant qui l’abandonna ensuite, honteux de sa piètre performance. Ce n’est que l’ouvrage de quelque dieu inférieur et dépendant, objet de risée pour ses supérieurs. C’est la production de quelque dieu à la retraite, sénile et gâteux et, depuis sa mort, c’est un monde qui court à l’aventure sous l’effet de la première impulsion et de la force (112) active qu’il a reçues de lui. Vous montrez à juste titre des signes d’horreur, Déméa, devant ces étranges suppositions mais elles sont, avec mille autres du même genre, les suppositions de Cléanthe, pas les miennes. A partir du moment où les attributs de Dieu sont supposés finis, on peut faire toutes ces suppositions et je ne peux, pour ma part, penser qu’un système de théologie aussi insensé et incertain soit, à tous égards, préférable à l’absence de tout système.
Ces suppositions, je les désavoue absolument, s’écria Cléanthe.
Elles ne me frappent néanmoins pas d’horreur, surtout quand elles sont
proposées de cette façon décousue avec laquelle vous les laissez échapper. Au
contraire, elles me donnent du plaisir quand je vois que, en vous laissant
largement aller à votre imagination, vous ne renoncez jamais à l’hypothèse d’un
dessein dans l’univers et que vous êtes obligé à chaque moment d’y avoir
recours. A cette concession, j’adhère fermement et je la regarde comme un
fondement suffisant pour la religion.
(113)
PARTIE VI
Ce
doit être un édifice bien léger, dit Déméa, que celui qu’on peut édifier
sur un fondement aussi chancelant! Quand nous ne savons pas s’il existe un ou
plusieurs dieux, si ce ou ces dieux à qui nous devons notre existence sont
parfaits ou imparfaits, subordonnés ou suprêmes, morts ou vivants, quelle
assurance, quelle confiance mettre en eux? Quelle dévotion ou quel culte leur
adresser? Quelle vénération ou quelle obéissance leur rendre? Pour tous les
buts de la vie, la théorie religieuse devient totalement inutile et, même à
l’égard des conséquences spéculatives, son incertitude, selon vous, (114) doit
la rendre totalement précaire et insatisfaisante.
Pour
la rendre encore plus insatisfaisante, dit Philon, il me vient une autre
hypothèse qui doit acquérir un air de probabilité par la méthode de
raisonnement sur laquelle Cléanthe insiste tant. Que des effets
semblables viennent de causes semblables, c’est un principe supposé par lui
comme le fondement de toute religion. Mais il existe un autre principe du même
genre, non moins certain et tiré de la même source empirique : si l’on observe
que plusieurs circonstances connues sont semblables, les circonstances
inconnues se trouveront aussi semblables. Ainsi, si nous voyons les
membres d’un corps humain, nous concluons que ce corps est aussi accompagné
d’une tête d’homme, même si elle nous est cachée. De même, si nous voyons, au
travers d’une fente d’un mur, une petite partie du soleil, nous concluons que,
si le mur était supprimé, nous verrions tout l’astre. En bref, cette (115)
méthode de raisonnement est si évidente et familière qu’on ne saurait jamais
douter de sa solidité.
Or,
si nous examinons l’univers, pour autant qu’il tombe sous notre connaissance,
il ressemble beaucoup à un animal ou à un corps organisé et il semble mu par un
semblable principe de vie et de mouvement. La matière y circule continuellement
sans produire de désordre, les pertes continuelles de toutes les parties sont
sans cesse réparées, la plus étroite sympathie se perçoit dans tout le système et chaque partie,
chaque membre, en remplissant sa propre fonction, assure aussi bien sa propre
préservation que celle du tout. J’en infère donc que le monde est un animal et
que Dieu est l’âme du monde, qu’il le meut et qu’il est mu par lui.
Vous avez trop de savoir, Cléanthe, pour être vraiment étonné par cette (116) opinion qui, vous le savez, fut soutenue par presque tous les théistes de l’antiquité et qui prévalait surtout dans leurs discours et leurs raisonnements. En effet, même si, parfois, les anciens philosophes raisonnaient à partir des causes finales, comme s’ils pensaient que le monde était l’ouvrage de Dieu, il semble pourtant que leur idée favorite fût de le considérer comme son corps, corps ainsi organisé qu’il lui était asservi. Et il faut avouer que, comme l’univers ressemble davantage à un corps humain qu’aux ouvrages de l’art et de l’industrie de l’homme, si jamais notre analogie limitée pouvait sans impropriété être étendue à l’ensemble de la nature, l’inférence semblerait plus favorable à la théorie ancienne qu’à la théorie moderne.
Il y avait aussi de nombreux autres avantages dans la première théorie, avantages qui la recommandaient aux anciens théologiens. Rien ne répugnait davantage à leurs idées, parce que rien ne répugnait davantage (117) à leur expérience courante, que l’esprit sans le corps, une simple substance spirituelle qui ne tombait pas sous leurs sens et leur compréhension et dont ils n’avaient observé aucun exemple dans toute la nature. L’esprit et le corps, ils les connaissaient parce qu’ils les ressentaient tous les deux. Ils savaient aussi de la même façon qu’il y avait un ordre, un arrangement, une organisation, un mécanisme interne dans les deux et il ne pouvait que sembler raisonnable de transférer cette expérience à l’univers et de supposer que l’esprit et le corps divins étaient aussi du même âge et avaient tous les deux un ordre et un arrangement qui leur étaient naturellement inhérents et en étaient inséparables.
Voici
donc une nouvelle espèce d’anthropomorphisme, Cléanthe, sur
laquelle vous pouvez délibérer, et une théorie qui ne semble pas sujette à des
difficultés considérables. Vous êtes sûrement trop au-dessus des préjugés
systématiques (118) pour considérer qu’il est plus difficile de supposer
qu’un corps animal est, originellement, de lui-même, ou par des causes
inconnues, pourvu d’ordre et d’organisation que de supposer qu’un ordre
semblable appartient à l’esprit. Mais on pourrait penser que le préjugé
vulgaire selon lequel l’esprit et le corps doivent toujours s’accompagner
l’un l’autre ne doit pas être entièrement négligé puisqu’il est fondé sur l’expérience
vulgaire, le seul guide que vous dites suivre dans toutes ces recherches
théologiques. Et si vous affirmez que notre expérience limitée est un critère
insuffisant pour juger de l’étendue illimitée de la nature, vous abandonnez
entièrement votre propre hypothèse et vous devez dès lors adopter notre
mysticisme, comme vous dites, et admettre l’incompréhensibilité absolue de la
nature divine.
Cette
théorie, je l’avoue, reprit Cléanthe, ne m’est jamais venue à l’esprit
bien qu’elle soit assez naturelle, et je ne peux (119) facilement donner une
opinion sur elle à partir d’une réflexion et d’un examen aussi brefs. Vous êtes
très scrupuleux, dit Philon. Si j’avais eu à examiner un système qui
serait vôtre, je n’aurais pas agi avec la moitié de cette circonspection et de
cette réserve en soulevant à son égard des objections et des difficultés.
Cependant, si quelque chose vous vient à l’esprit, vous nous obligerez en nous
le proposant.
Pourquoi
donc, répondit Cléanthe, il me semble que, quoique le monde, sur de nombreux
points, ressemble à un corps animal, l’analogie est pourtant déficiente sur de
nombreux points, les plus importants : pas d’organes des sens, pas de
siège de la pensée ou de la raison, pas d’origine précise du mouvement et de
l’action. En bref, le monde semble ressembler davantage à un végétal qu’à un
animal et, dans cette mesure, votre inférence ne saurait conclure en faveur
d’une âme du monde.
(120)
Mais votre théorie semble aussi impliquer l’éternité du monde et c’est un
principe qui, je pense, peut être réfuté par les raisons et les probabilités
les plus fortes. Pour cela, je suggèrerai un argument qui, je crois, n’a été
soutenu par aucun auteur. Ceux qui raisonnent à partir de la récente origine
des arts et des sciences, bien que leur inférence ne manque pas de force,
peuvent peut-être être réfutés par des considérations tirées de la nature de la
société humaine qui est en continuelle révolution entre l’ignorance et le
savoir, la liberté et l’esclavage, la richesse et la pauvreté; de telle sorte qu’il
nous est impossible, par notre expérience limitée, de prédire avec assurance à
quels événements on peut s’attendre ou pas. La connaissance et l’histoire
antiques semblent avoir été en grand danger de périr entièrement après
l’invasion des barbares et, si ces convulsions avaient duré un peu plus
longtemps ou avaient été un peu plus violentes, nous (121) ne saurions pas
aujourd’hui ce qui s’est passé dans le monde quelques siècles avant nous.
Mieux, s’il n’y avait pas eu la superstition des papes qui conservèrent un peu
de jargon latin pour maintenir l’apparence d’une Église ancienne et
universelle, cette langue aurait nécessairement été perdue à jamais; auquel cas
le monde occidental, totalement barbare, n’aurait pas été dans une disposition
propre à recevoir la connaissance et la langue grecques qui lui furent
transmises après le sac de Constantinople. Quand le savoir et les livres
auraient disparu, même les arts mécaniques auraient considérablement décliné et
on imagine facilement quelle fable ou quelle tradition pourrait leur attribuer
une origine beaucoup plus récente que la véritable. Cet argument vulgaire
contre l’éternité du monde semble donc un peu précaire.
Mais
voici ce qui semble être le fondement (122) d’un meilleur argument. Lucullus
fut le premier qui rapporta des cerisiers d’Asie en Europe et,
cependant, cet arbre se développe si bien sous de nombreux climats européens
qu’il pousse dans les bois sans être cultivé. Est-il possible que, pendant
l’éternité entière, aucun Européen ne soit allé en Asie et n’ait
pensé à transplanter un fruit aussi délicieux dans son propre pays? Si l’arbre
avait été transplanté un jour et s’était propagé, comment aurait-il pu périr
ensuite? Les empires peuvent s’ériger et disparaître, la liberté et l’esclavage
se succéder alternativement, tout comme le savoir et l’ignorance mais le
cerisier serait toujours resté dans les bois de la Grèce, de l’Espagne
et de l’Italie et n’aurait jamais été affecté par les révolutions de la
société humaine.
Il
n’y a pas deux mille ans que la vigne a été transplantée en France bien
qu’il n’y ait aucun climat dans le monde qui lui soit plus favorable, il n’y a
pas trois (123) siècles que les chevaux, les bovins, les moutons, les porcs,
les chiens et le blé sont connus en Amérique. Est-il possible que,
durant les révolutions de l’éternité entière, ne soit jamais apparu un
[Christophe] Colomb qui aurait pu ouvrir la communication entre l’Europe
et ce continent? Nous pouvons tout aussi bien imaginer que tous les hommes
aient porté des bas pendant dix mille ans sans avoir le bon sens de penser à
des jarretières pour les attacher! Ce sont là, semble-t-il, des preuves
convaincantes de la jeunesse, ou plutôt de l’enfance du monde car elles sont
fondées sur l’opération de principes plus constants et plus fermes que ceux par
lesquels la société humaine est gouvernée et dirigée. Rien sinon un
bouleversement total des éléments ne pourra jamais détruire tous les animaux et
végétaux européens qu’on trouve aujourd’hui dans le monde occidental.
Et
quel argument avez-vous contre de tels bouleversements, dit Philon?
(124) On peut trouver sur la Terre entière des preuves solides et presque
incontestables que chaque partie du globe a été pendant très longtemps
recouverte par l’eau. Et même si l’on suppose que l’ordre est inséparable de la
matière et qu’il lui est inhérent, la matière peut cependant connaître de
nombreuses et grandes révolutions pendant des périodes infinies de la durée
éternelle. Les changements incessants auxquels chaque partie de la matière est
sujette semblent indiquer de telles transformations générales bien qu’on puisse
en même temps observer que tous les changements et toutes les altérations dont
nous avons eu l’expérience ne sont que des passages d’un état d’ordre à un
autre et que la matière ne peut jamais rester dans une totale absence d’ordre
et une totale confusion. Ce que nous voyons dans les parties, nous pouvons
l’inférer dans le tout. C’est du moins la méthode de raisonnement sur laquelle
vous faites reposer toute votre théorie et, si j’étais obligé de défendre un
système particulier de cette nature (ce que je ne ferais jamais de bonne
grâce), je juge qu’aucun n’est (125) plus plausible que celui qui attribue un
principe d’ordre éternel et inhérent au monde, quoiqu’accompagné de révolutions
et d’altérations continuelles et importantes. Cela résout tout de suite toutes
les difficultés et, si la solution, en étant si générale, n’est pas entièrement
complète et satisfaisante, elle est du moins une théorie à laquelle nous devons
tôt ou tard avoir recours, quelque système que nous embrassions. Comment les
choses auraient-elles pu être ce qu’elles sont s’il n’y avait pas un principe
d’ordre originel quelque part, inhérent à la pensée ou à la matière? Et il est
indifférent de donner la préférence à l’une ou à l’autre. Le hasard n’a aucune
place dans aucune hypothèse, sceptique ou religieuse. Tout, c’est certain, est
gouverné par des lois stables et inviolables et, si l’essence intime des choses
nous était révélée, nous découvririons une scène dont nous n’avons à présent
aucune idée. Au lieu d’admirer l’ordre des êtres naturels, nous verrions
clairement qu’il était absolument (126) impossible que les choses, [même] dans
le moindre détail, admissent toute autre disposition.
Si
quelqu’un se sentait enclin à ressusciter l’ancienne théologie païenne qui
soutenait, comme Hésiode nous l’apprend, que ce globe est gouverné par
trente mille dieux résultant des pouvoirs inconnus de la nature, vous
objecteriez naturellement, Cléanthe, qu’on ne gagne rien par cette
hypothèse et qu’il est aussi aisé de supposer que tous les hommes et les
animaux, plus nombreux mais moins parfaits, ont surgi immédiatement d’une
origine semblable. Poussez la même inférence un peu plus loin et vous trouverez
qu’une société nombreuse de dieux s’explique comme un seul dieu universel qui
possède en lui-même les pouvoirs et les perfections de toute la société.
D’après vos principes, vous devez donc avouer que tous ces systèmes, le
scepticisme, le polythéisme et le théisme, sont à égalité (127) et qu’aucun
d’eux n’a un avantage sur les autres. De là, vous pouvez apprendre la fausseté
de vos principes.
PARTIE VII
(129)
Mais
voici qu’en examinant l’ancien système de l’âme du monde, une nouvelle idée me
frappe tout soudainement, idée qui, si elle est juste, n’est certainement pas
loin de détruire tout notre raisonnement et même les premières inférences dans
lesquelles vous placez votre confiance. Si l’univers ressemble davantage aux
corps animaux et aux végétaux qu’aux ouvrages de l’art humain, il est plus
probable que sa cause ressemble à la cause des premiers plutôt qu’à celle des
seconds et que son origine doive plutôt être attribuée à la génération ou à la
végétation qu’à la raison et au dessein. Votre conclusion, même selon vos (130)
propres principes, est donc boiteuse et défectueuse.
Faites-nous la grâce de développer
davantage cet argument, dit Déméa car je ne le saisis pas bien dans la
manière par laquelle vous l’avez exprimé.
Notre ami Cléanthe, reprit Philon,
comme vous l’avez entendu, affirme que, puisqu’aucune question de fait ne peut
être prouvée autrement que par l’expérience, l’existence d’un dieu n’admet de
preuve par aucun autre moyen. Le monde, dit-il, ressemble aux objets fabriqués
par l’homme. Sa cause doit donc aussi ressembler à leur cause. Nous pouvons ici
remarquer que l’opération d’une très petite partie de la nature, à savoir
l’homme, sur une autre partie très petite, à savoir cette matière inanimée qui
se trouve à sa portée, est la règle par laquelle Cléanthe juge de
l’origine du tout, et (131) qu’il mesure des objets aussi largement
disproportionnés par le même critère individuel. Mais, pour ne pas insister sur
toutes les objections tirées de ce sujet, j’affirme qu’il y a d’autres parties
de l’univers (outre les machines inventées par l’homme) qui ressemblent encore
davantage à la structure du monde et qui offrent donc une meilleure conjecture
sur l’origine universelle de ce système.
Ces parties sont les animaux et les végétaux. Le monde ressemble
manifestement plus à un animal ou à un végétal qu’il ne ressemble à une montre
ou un métier à tricoter. Il est donc plus probable que sa cause ressemble à la
cause des premiers, cause qui est la génération ou la végétation. Nous pouvons
donc inférer que la cause du monde est quelque chose de semblable ou d’analogue
à la génération ou à la végétation.
Mais comment peut-on concevoir, dit Déméa,
que le monde puisse provenir d’une (132) chose semblable à la végétation ou à
la génération?
C’est très facile, répondit Philon.
De même qu’un arbre répand ses graines dans les champs voisins et produit
d’autres arbres, de même le grand végétal, le monde, ce système planétaire,
produit en lui-même certaines graines qui, dispersées dans le chaos qui l’entoure,
font pousser de nouveaux mondes. Une comète, par exemple, est la graine d’un
monde qui, après avoir pleinement mûri en passant de soleil en soleil, d’étoile
en étoile, est finalement jetée dans les éléments sans forme qui entourent
partout cet univers et elle pousse immédiatement en donnant un nouveau système.
Ou, si l’on veut varier (car je ne
vois pas d’autre avantage), on peut supposer que ce monde est un animal et la
comète l’œuf de cet animal et que, de même qu’une autruche dépose son œuf (133)
dans le sable qui, sans autre soin, le fait éclore, de même… Je vous comprends,
dit Déméa, mais que sont ces suppositions insensées et arbitraires?
Quelles données avez-vous pour arriver à des conclusions aussi extraordinaires?
La ressemblance légère qu’on peut imaginer entre le monde et un végétal ou un
animal suffit-elle pour établir la même inférence à l’égard des deux? Des
objets qui sont en général si largement différents doivent-ils être un critère
l’un pour l’autre?
Exact, s’écria Philon, c’est
le point sur lequel j’ai insisté tout au long de la discussion et j’ai toujours
affirmé que nous n’avions pas de données pour établir un système de
cosmogonie. Notre expérience, si imparfaite en elle-même et si limitée, tant en
étendue qu’en durée, ne peut nous offrir de conjecture probable sur l’ensemble
des choses. Mais, s’il nous faut absolument choisir une hypothèse, par quelle
règle, je vous prie, (134) devons-nous déterminer notre choix? Y a-t-il d’autre
règle qu’une ressemblance plus grande entre des objets que nous comparons? Une
plante ou un animal qui vient de la végétation ou de la génération ne
ressemble-t-il pas davantage au monde qu’une machine artificielle qui provient
de la raison et d’un dessein?
Mais que sont cette végétation et
cette génération dont vous parlez, dit Déméa? Pouvez-vous expliquer leur
opération et disséquer cette subtile structure interne dont elles dépendent?
Autant, du moins, reprit Philo,
que Cléanthe qui ne peut expliquer les opérations de la raison ou
disséquer la structure interne dont elle dépend. Mais, sans entreprendre
des recherches aussi élaborées, quand je vois un animal, j’infère qu’il est né
par génération et cela avec une aussi grande certitude que quand vous (135)
concluez qu’une maison a été érigée à dessein. Ces mots, génération, raison,
désignent seulement certains pouvoirs et certaines énergies de la nature dont
les effets sont connus mais dont l’essence est incompréhensible; et aucun de
ces principes, l’un plus que l’autre, n’a le privilège de devenir un critère
pour juger de l’ensemble de la nature.
En réalité, Déméa, on peut
raisonnablement supposer que, plus larges seront les vues que nous avons des
choses, mieux elles nous conduiront dans nos conclusions sur des sujets aussi
extraordinaires et magnifiques. Dans ce seul petit coin du monde, il y a quatre
principes, la raison, l’instinct, la génération et la végétation,
qui sont semblables les uns aux autres et qui sont les causes d’effets
semblables. Combien d’autres principes pourrions-nous peut-être trouver dans
cette immense étendue et cette immense diversité de l’univers si nous pouvions
voyager de planète (136) en planète, de système en système afin d’examiner
chaque partie de cette énorme machine? L’un quelconque de ces quatre principes
mentionnés ci-dessus (et une centaine d’autres qui s’ouvrent à notre
conjecture) peut nous offrir une théorie pour juger de l’origine du monde et
c’est faire preuve d’une partialité flagrante et extrême que de limiter entièrement
nos vues à ce principe par lequel notre esprit opère. Si ce principe était plus
intelligible pour cette raison, cette partialité pourrait être en quelque sorte
excusable mais la raison, dans son mécanisme et sa structure internes, est
réellement aussi peu connue que l’instinct ou la végétation. Peut-être même ce
mot Nature, vague et indéterminé, auquel le vulgaire rapporte tout,
n’est-il pas au fond plus inexplicable? Les effets de ces principes nous sont
tous connus par l’expérience mais les principes eux-mêmes et la façon dont ils
opèrent nous sont totalement inconnus. Il n’est pas moins (137) intelligible ni
moins conforme à l’expérience de dire que le monde est né par végétation à
partir d’une graine répandue par un autre monde que de dire qu’il vient d’une
raison ou d’un art divins, selon le sens où l’entend Cléanthe.
Mais, me semble-t-il, dit Déméa,
si le monde avait une qualité végétative et pouvait semer les graines de
nouveaux mondes dans la chaos infini, ce pouvoir serait encore un argument supplémentaire
en faveur du dessein d’un créateur. En effet, d’où une faculté aussi étonnante
pourrait-elle venir sinon d’un dessein? Comment l’ordre peut-il surgir d’une
chose qui ne perçoit pas cet ordre qu’elle donne?
Vous n’avez qu’à regarder autour de
vous, reprit Philon, pour vous satisfaire sur cette question. Un arbre
donne un ordre et une organisation à l’arbre qui vient de lui sans connaître
(138) l’ordre et c’est la même chose pour un animal et ses petits ou un oiseau
et son nid. Les exemples de ce genre sont même plus fréquents dans le monde que
les exemples d’ordre qui viennent de la raison et de l’art. Dire que tout cet
ordre chez les animaux et les végétaux procède en dernière analyse d’un
dessein, c’est supposer la question résolue. On ne peut être certain de ce
point important qu’en prouvant deux choses a priori, que cet ordre est,
par sa nature, inséparablement attaché à la pensée et qu’il ne saurait jamais,
de lui-même ou par des principes originels inconnus, appartenir à la matière.
Mais, de plus, Déméa, cette
objection que vous avancez ne saurait jamais être utilisée par Cléanthe
sans qu’il renonce à la défense qu’il a déjà employée contre l’une de mes
objections. Quand j’ai recherché la cause de cette raison, de cette
intelligence suprême à laquelle il réduit (139) toute chose, il m’a dit que
l’impossibilité de satisfaire ces recherches ne saurait jamais être admise
comme une objection dans aucune espèce de philosophie. Nous devons nous
arrêter quelque part, dit-il, et il n’est jamais à la portée des
capacités humaines d’expliquer les causes ultimes ou d’indiquer les connexions
dernières des objets. Il suffit, aussi loin que nous allions, que tous les pas
que nous faisons soient soutenus par l’expérience et l’observation. Or il
est indéniable que l’expérience nous montre que la végétation et la génération,
tout comme la raison, sont des principes de l’ordre de la nature. Que je fasse
reposer mon système de cosmogonie sur les premières de préférence à la seconde,
c’est à moi de choisir et la chose semble entièrement arbitraire. Et quand Cléanthe
me demande ce qu’est la cause de ma grande faculté végétative ou générative, je
suis également en droit de lui demander la cause de son grand principe
raisonnant. Ces questions, nous avons convenu de nous en abstenir des deux
côtés et c’est surtout son intérêt en la présente occasion de respecter cet
(140) accord. Si nous en jugeons par notre expérience limitée et imparfaite, la
génération a certains privilèges sur la raison car nous voyons chaque jour la
seconde naître de la première et jamais la première de la seconde.
Veuillez comparer les conséquences
des deux côtés. Le monde, dis-je, ressemble à un animal. Il est donc un animal
et il naît donc par génération. Ce sont là, je l’avoue, de bien grands pas. Il
y a pourtant une petite apparence d’analogie à chaque pas. Le monde, dit Cléanthe,
ressemble à une machine. Il est donc une machine et il naît d’un dessein. Ce
sont aussi de grands pas et l’analogie est moins frappante. Et s’il prétend
pousser encore d’un pas mon hypothèse et inférer le dessein ou la raison
du grand principe de génération sur lequel j’insiste, je puis, avec une
meilleure autorité, user de la même liberté pour pousser plus loin son (141)
hypothèse et inférer une génération divine ou une théogonie de son principe de
raison. J’ai du moins une petite ombre d’expérience, ce qui est tout ce que
nous pouvons atteindre pour le présent sujet. On observe que la raison, dans des
cas innombrables, naît du principe de génération et jamais d’un autre principe.
Hésiode et tous les mythologues de
l’antiquité furent si frappés par cette analogie qu’ils expliquèrent
universellement l’origine de la nature par une naissance animale et une
copulation. Platon aussi, pour autant que nous l’entendions, semble
avoir adopté une telle idée dans son Timée.
Les Bramines affirment que le
monde provient d’une araignée infinie qui tissa toute cette masse compliquée en
la tirant de ses entrailles et qui détruit ensuite le tout ou une partie du
tout en l’absorbant à nouveau et en le résolvant dans sa propre (142) essence.
Voilà une espèce de cosmogonie qui nous semble ridicule parce qu’une araignée
est un petit animal méprisable dont les opérations ont peu de chances d’être
prises par nous comme modèles de tout l’univers. Mais c’est encore une espèce
d’analogie, même sur notre globe. Et si une planète était totalement habitée
par des araignées (ce qui est très possible), cette inférence apparaîtrait alors
aussi naturelle et irréfragable que celle qui, sur notre planète, attribue
l’origine de toutes les choses à un dessein et une intelligence, comme l’a
expliqué Cléanthe. Pourquoi un système ordonné ne pourrait-il pas être
tiré aussi bien du ventre que du cerveau, il lui sera difficile d’en donner une
raison satisfaisante.
Je dois avouer, Philon,
reprit Cléanthe, que, de tous les hommes vivants, vous êtes celui à qui
convient le mieux la tâche que vous avez entreprise, celle de soulever des
objections et des doutes, tâche qui, d’une certaine manière, vous semble
naturelle et inévitable. Votre fertilité (143) d’invention est si grande que je
n’ai pas honte de reconnaître que je suis incapable de résoudre sur-le-champ et
dans les formes les difficultés insolites que vous ne cessez de faire naître
contre moi, même si je vois en général qu’elles sont fausses et erronées. Et je
ne doute pas que vous ne soyez vous-même à présent dans le même cas et je pense
que n’avez pas la solution aussi facile que l’objection car vous devez bien
savoir que le sens commun et la raison sont entièrement contre vous et que ces
fantaisies que vous débitez peuvent nous intriguer mais ne sauraient jamais
nous convaincre.
PARTIE VIII
(145)
Ce que vous attribuez à la fertilité
de mon invention, répondit Philon, est entièrement dû à la nature du
sujet. Dans des sujets adaptés aux bornes étroites de la raison humaine, il n’y
a couramment qu’une seule façon de se déterminer qui porte avec elle probabilité
ou conviction et, à un homme de jugement sain, toutes les autres suppositions,
à l’exception de celle retenue, paraissent entièrement absurdes et chimériques.
Mais, dans des questions comme les questions actuelles, cent vues
contradictoires peuvent conserver une sorte d’analogie imparfaite et
l’invention a ici toutes les occasions de s’exercer. Sans grand effort de
pensée, je crois que je pourrais en un instant (146) proposer d’autres systèmes
de cosmogonie qui auraient quelque faible apparence de vérité bien qu’il n’y
ait qu’une chance sur mille ou sur un million que votre système ou l’un des
miens soit le vrai système.
Par exemple, si je ressuscitais la
vieille hypothèse épicurienne? On juge couramment, et je crois
justement, que c’est le système le plus absurde qui ait été proposé mais je ne
sais pas si, avec quelques changements, on ne pourrait pas l’amener à avoir une
légère apparence de probabilité. Au lieu de supposer la matière infinie, comme Épicure
le fit, supposons-la finie. Un nombre fini de particules n’est susceptible que
de transpositions finies et il doit arriver, dans une durée éternelle, que
soient essayés un nombre infini de fois toutes les positions et tous les ordres
possibles. Ce monde, avec tous ses événements, même les plus petits, a donc été
produit et détruit et sera encore produit (147) et détruit sans terme ni
limite. Tous ceux qui conçoivent les pouvoirs de l’infini en comparaison avec
le fini, ne douteront jamais de cette solution.
Mais cela suppose, dit Déméa,
que la matière peut acquérir le mouvement sans un agent volontaire ou un
premier mouvement.
Et où est la difficulté de cette
supposition, reprit Philon? Tous les événements, avant l’expérience,
sont également difficiles et incompréhensibles et, après l’expérience, ils sont
également faciles et intelligibles. En de nombreux cas, le mouvement venant de
la pesanteur, de l’élasticité ou de l’électricité commence dans la matière sans
aucun agent volontaire connu; et toujours supposer dans ces cas un agent
volontaire inconnu n’est qu’une pure hypothèse, hypothèse qui ne s’accompagne
d’aucun avantage. Le commencement du mouvement dans la matière elle-même est
aussi concevable a priori que (148) sa communication par l’esprit et
l’intelligence.
En outre, pourquoi le mouvement ne
pourrait-il avoir été propagé par impulsion à travers toute l’éternité et
pourquoi la même réserve de mouvement, ou presque la même, ne se
maintiendrait-elle pas encore dans l’univers? Autant il s’en perd par la
composition du mouvement, autant il s’en gagne par sa résolution. Et, quelles
que soient les causes, il est certain – dans les limites de l’expérience et de
la tradition humaines – que la matière est et a toujours été dans une agitation
permanente. A présent, il n’y a probablement pas dans tout l’univers une seule
particule de matière au repos absolu.
Et cette considération même,
continua Philon, sur laquelle nous avons trébuché au cours de
l’argumentation, suggère une nouvelle hypothèse de cosmogonie qui n’est pas
absolument absurde et improbable. Y a-t-il un système, un ordre, une économie
des choses par laquelle la matière (149) puisse conserver cette perpétuelle
agitation qui lui semble essentielle et qui maintienne cependant une constance
dans les formes qu’elle produit? Il y a certainement une telle économie car
c’est actuellement le cas pour le monde présent. Le mouvement perpétuel de la
matière, en moins d’une infinité de transpositions, doit donc produire cette
économie, et cet ordre, une fois établi, se maintient pour de nombreuses
périodes, sinon pour l’éternité. Mais, partout où la matière est ainsi
équilibrée, arrangée et ajustée qu’elle continue dans son mouvement perpétuel
et préserve pourtant une constance dans les formes, sa situation doit, de toute
nécessité, avoir entièrement la même apparence d’art et d’arrangement que celle
que nous observons à présent. Toutes les parties de chaque forme doivent être
en relation aux autres parties et avec le tout, et le tout lui-même doit être
en relation avec les autres parties de l’univers, avec l’élément dans lequel
ces formes subsistent, avec les matériaux avec (150) lesquels elle répare ses
pertes et son déclin, avec toute autre forme, hostile ou amicale. Un défaut
dans l’une de ces particularités détruit la forme, et la matière qui la compose
se dérègle de nouveau et est jetée dans des fermentations et des mouvements
irréguliers jusqu’à ce qu’elle s’unisse à quelque autre forme réglée. Si cette
forme n’est pas prête à la recevoir et qu’il y a une grande quantité de cette matière
corrompue dans l’univers, l’univers lui-même se dérègle entièrement, qu’il soit
le faible embryon d’un monde à son premier commencement, qui est ainsi détruit,
ou la carcasse pourrie d’un monde languissant de vieillesse et d’infirmités.
Dans les deux cas, un chaos s’ensuit jusqu’à ce que des révolutions finies mais
innombrables produisent finalement certaines formes dont les parties et les
organes s’ajustent pour maintenir les formes au milieu d’une succession
continuelle de matière.
Supposez (car nous allons tâcher de
varier (151) les expressions) que la matière soit jetée dans une position
quelconque par une force aveugle et sans guide. Il est évident que la première
position doit, selon toute vraisemblance, être la plus confuse et la plus
désordonnée qu’on puisse imaginer, sans aucune ressemblance avec les ouvrages
de la technique humaine qui, avec une symétrie des parties, montre un
ajustement des moyens aux fins et une tendance à l’auto-conservation. Si la
force agissante cesse après cette opération, la matière doit demeurer à jamais
dans le désordre et faire durer un immense chaos sans aucune proportion ni
activité. Mais supposez que la force agissante, quelle qu’elle soit, se
maintienne toujours dans la matière, cette première position donnera immédiatement
place à une seconde qui, de même, selon toute vraisemblance, sera aussi
désordonnée que la première, et ainsi de suite à travers de nombreuses
successions de changements et de révolutions. Aucun ordre particulier, aucune
position ne peut jamais demeurer un moment sans changement. La force originelle
qui demeure encore en activité donne une (152) agitation perpétuelle à la
matière. Toutes les situations possibles sont produites et instantanément
détruites. Si une lueur ou un semblant d’ordre apparaît pour un moment, il est
instantanément emporté et détruit par cette force incessante qui meut toutes
les parties de la matière.
Ainsi l’univers continue pendant
longtemps dans une succession continuelle de chaos et de désordre. Mais
n’est-il pas possible qu’il se calme enfin de telle façon qu’il ne perde pas
son mouvement et sa force active (que nous lui avons supposés inhérente) et
qu’il conserve cependant une uniformité d’apparence au milieu du mouvement
continuel et des fluctuations permanentes de ses parties? C’est d’ailleurs le
cas avec l’univers actuel. Chaque individu est en perpétuel changement et
chaque partie de l’individu aussi, et, pourtant, le tout demeure en apparence
le même. Ne pouvons-nous pas espérer des révolutions éternelles de la matière
sans guide une telle position, ou plutôt en être assurés? (153) Et ne
pouvons-nous pas ainsi expliquer toute la sagesse et l’organisation apparentes
qui se trouvent dans l’univers? Examinons un peu le sujet et nous verrons que
cet ajustement – si la matière l’atteint – d’une stabilité apparente dans les
formes, avec une révolution réelle et perpétuelle ou un mouvement des parties,
offre une solution plausible, sinon vraie, de la difficulté.
Il est donc vain d’insister sur les
fonctions des parties chez les animaux et les végétaux et sur l’ajustement
précis qu’elles ont les unes avec les autres. J’aimerais bien savoir comment un
animal pourrait subsister si ses parties n’étaient pas ainsi ajustées. Ne
voyons-nous pas qu’il périt immédiatement dès que cesse cet ajustement et que
sa matière, se corrompant, essaie une nouvelle forme? Il arrive, en vérité, que
les parties du monde soient si bien ajustées qu’une forme réglée revendique
immédiatement cette matière corrompue. S’il n’en était pas ainsi, (154) le
monde pourrait-il subsister? Ne doit-il pas se dissoudre tout comme un animal
et passer par de nouvelles positions et situations jusqu’à ce que, dans une
longue succession, mais finie, il tombe finalement dans l’ordre actuel ou un
ordre du même type?
Il est bien que vous nous ayez dit,
reprit Cléanthe, que cette hypothèse avait été suggérée soudainement, au
cours de l’argumentation. Si vous aviez eu le loisir de l’examiner, vous auriez
rapidement aperçu les objections insurmontables auxquelles elle est exposée.
Aucune forme, dites-vous, ne peut subsister à moins qu’elle ne possède les
pouvoirs et les organes requis pour sa subsistance. Une nouvelle forme ou une
nouvelle économie doit être essayée, et ainsi de suite sans interruption,
jusqu’à ce qu’on tombe finalement sur une forme qui puisse se soutenir et se
maintenir elle-même. Mais, selon votre hypothèse, d’où viennent les nombreux
inconvénients et avantages que les hommes et tous les animaux possèdent? Deux
yeux, deux oreilles ne sont pas absolument nécessaires (155) à la subsistance
de l’espèce. La race humaine aurait pu se propager et se conserver sans
chevaux, sans chiens, sans bovins, sans moutons et sans ces innombrables fruits
et produits qui servent à notre satisfaction et à notre plaisir. Si aucun
chameau n’avait été créé pour l’usage de l’homme dans les déserts de sable d’Afrique
et d’Arabie, le monde se serait-il dissout? Si la magnétite n’avait pas
été taillée pour donner cette étonnante et utile direction à l’aiguille, la société
humaine et le genre humain se seraient-ils immédiatement éteints? Quoique les
maximes de la nature soient en général très économes, les exemples de ce genre
sont loin d’être rares et l’un d’eux suffit pour prouver un dessein, et [même]
un dessein intelligent qui a donné naissance à l’ordre et à l’arrangement de
l’univers.
Du moins, dit Philon, vous
pouvez en toute sécurité inférer que l’hypothèse précédente est (156) encore
incomplète et imparfaite, ce que je n’hésiterai pas à reconnaître. Mais pouvons-nous
raisonnablement attendre un plus grand succès dans des tentatives de cette
nature? Ou pouvons-nous jamais espérer ériger un système de cosmogonie qui ne
soit sujet à aucune exception et qui ne contienne aucune circonstance
incompatible avec notre expérience limitée et imparfaite de l’analogie de la
nature? Votre théorie elle-même ne peut sûrement prétendre à un tel avantage,
même si vous avez donné dans l’anthropomorphisme, la meilleure façon de
rester en conformité avec l’expérience commune. Mettons encore cette théorie à
l’épreuve. Dans tous les cas que vous ayons pu voir, les idées sont des copies
d’objets réels, elles sont ectypiques, non archétypiques, pour m’exprimer dans
des termes savants. Vous renversez cet ordre et vous donnez la priorité à la
pensée. Dans tous les cas que nous ayons vus, la pensée n’a aucune influence
sur la matière, sauf quand la matière lui est si unie qu’ils ont une égale
influence réciproque l’un sur l’autre. (157) Aucun animal ne peut mouvoir
directement autre chose que les membres de son propre corps; et, en vérité,
l’égalité d’action et de réaction semble être une loi universelle de la nature.
Mais votre théorie implique une contradiction avec l’expérience. Ces exemples,
et bien d’autres qu’il serait facile de recueillir (particulièrement la
supposition d’un esprit ou d’un système de pensée qui soit éternel, ou, en
d’autres termes, un animal ingénérable et immortel), ces exemples, dis-je,
peuvent nous apprendre à tous la modération quand nous nous condamnons les uns les
autres et nous montrer qu’aucun système de ce genre ne doit être accepté pour
une légère analogie ou rejeté en raison d’une petite incohérence car nous
pouvons en toute justice déclarer que nul n’est exempt d’un tel inconvénient.
Tous les systèmes religieux, c’est
connu, sont sujets à des difficultés importantes et insurmontables. Chacun, à
son tour, triomphe (158) quand il mène une guerre offensive et expose les
absurdités, les horreurs et les dogmes pernicieux de son adversaire. Mais tous,
dans l’ensemble, préparent le triomphe complet du sceptique qui leur dit
qu’aucun système de doit jamais être embrassé sur de tels sujets pour cette
évidente raison qu’aucune absurdité ne doit jamais être affirmée à l’égard d’un
sujet quelconque. Une totale suspension du jugement est ici notre seule
ressource raisonnable. Et si, parmi les théologiens, toute attaque – mais
jamais la défense – est couronnée de succès, comme on l’observe couramment,
comme sa victoire doit être complète, lui qui demeure toujours avec toute
l’humanité sur l’offensive et n’a lui-même aucune situation fixe, aucune ville
d’accueil qu’il soit jamais, en aucune occasion, obligé de défendre!
PARTIE IX
(159)
Mais, si tant de difficultés
accompagnent l’argument a posteriori, dit Déméa, ne ferions-nous
pas mieux de nous attacher à ce simple et sublime argument a priori qui,
en nous offrant une démonstration infaillible, met fin d’un seul coup à tous
les doutes et toutes les difficultés? Par cet argument, aussi, nous pouvons
prouver l’infinité des attributs divins qui, j’en ai peur, ne peut
jamais être établie avec certitude par un autre argument. Car comment un effet,
qu’il soit infini ou, pour autant que nous le connaissions, qu’il soit fini,
comment un tel effet, dis-je, peut-il prouver une cause infinie? L’unité de la
nature divine, de même, il est très difficile, voire absolument impossible,
(160) de la déduire du seul examen des ouvrages de la nature et l’uniformité
seule du plan, même si elle est admise, ne nous donne aucune assurance de cet
attribut, alors que l’argument a priori …
Déméa, vous semblez raisonner, interrompit Cléanthe,
comme si ces avantages et ces inconvénients de l’argument abstrait étaient des
preuves entières de sa solidité mais il serait bon, selon moi, de déterminer
sur quel argument de cette nature vous voulez vous arrêter, et nous nous
efforcerons ensuite, par l’argument lui-même plutôt que par ses conséquences utiles,
de déterminer quelle valeur nous devons lui donner.
L’argument, répondit Déméa,
sur lequel vous insistez, est l’argument commun. Tout ce qui existe doit avoir
une cause ou une raison de son existence car il est absolument impossible
qu’une chose se produise (161) elle-même ou soit la cause de sa propre
existence. En remontant donc des effets aux causes, nous devons soit suivre une
succession infinie sans jamais découvrir de cause ultime, soit avoir recours à
une cause ultime qui existe nécessairement. Or, que cette première
hypothèse soit absurde, nous pouvons le prouver ainsi. Dans la chaîne ou
succession des causes et des effets, chaque effet pris à part est déterminé à
exister par le pouvoir et l’efficacité de cette cause qui l’a immédiatement
précédé; mais toute la chaîne ou succession, prise globalement, n’est pas
déterminée ou causée par quelque chose et il est pourtant évident qu’elle
requiert une cause ou une raison, tout comme un objet particulier qui commence
à exister dans le temps. Il est raisonnable de se poser cette question :
pourquoi cette succession de causes existe-t-elle de toute éternité plutôt
qu’une autre succession ou pas de succession du tout? S’il n’y a aucun être
nécessairement existant, toute supposition (162) qui peut être formée est
également possible et il n’y a pas plus d’absurdité dans le fait que rien, de
toute éternité, n’ait existé qu’il n’y en a dans cette succession de causes qui
constitue l’univers. Qu’est-ce qui a donc déterminé quelque chose à exister
plutôt que rien et a donné l’être à une possibilité particulière à l’exclusion
des autres? Les causes externes, on suppose qu’il n’y en a pas. Hasard
est un mot vide de sens. Était-ce le néant? Mais le néant ne peut jamais
produire quelque chose. Nous devons donc avoir recours à un être nécessairement
existant qui porte la raison de son existence en lui-même et qui ne peut
être supposé ne pas exister sans une contradiction expresse. Il y a par
conséquent un tel être. Un dieu existe donc.
Bien que je sache que soulever des
objections est le plus grand plaisir de Philon, je ne le laisserai pas
(165) indiquer la faiblesse de ce raisonnement métaphysique. Il me semble si
évidemment mal fondé et en même temps de si peu de conséquence pour la cause de
la véritable piété et de la véritable religion que je m’aventurerai moi-même à
montrer sa fausseté.
Je commencerai par observer qu’il y
a une évidente absurdité à prétendre démontrer une chose de fait ou la prouver
par des arguments a priori. Rien n’est démontable sinon ce dont le
contraire implique contradiction. Rien de ce qui est distinctement concevable
n’implique contradiction. Tout ce que nous concevons comme existant, nous
pouvons aussi le concevoir comme non-existant. Il n’existe donc aucun être dont
la non-existence implique une contradiction. Par conséquent il n’existe aucun
être dont l’existence soit démontrable. Je propose cet argument comme
entièrement décisif et je suis prêt à faire reposer sur lui toute la
controverse.
(164) On prétend que Dieu est un
être nécessairement existant et on tente d’expliquer la nécessité de son
existence en affirmant que, si nous connaissions toute son essence, toute sa
nature, nous verrions qu’il lui est impossible de ne pas exister comme il est
impossible que deux et deux ne fassent pas quatre. Mais il est évident que cela
ne saurait jamais arriver tant que nos facultés demeurent les mêmes qu’à
présent. Il nous sera toujours possible, à tout moment, de concevoir la
non-existence de ce que nous concevions antérieurement comme existant. L’esprit
ne saurait jamais se trouver sous la nécessité de supposer qu’un objet demeure
toujours existant de la même manière que nous nous trouvons sous la nécessité
de toujours concevoir que deux et deux font quatre. L’expression nécessaire
existence n’a donc aucun sens ou, ce qui revient au même, n’a aucun sens
cohérent.
Mais, de plus, pourquoi l’univers
matériel ne peut-il pas être l’être nécessairement existant (165) selon cette
prétendue explication de la nécessité? Nous n’osons pas affirmer que nous
connaissons toutes les qualités de la matière et, pour autant que nous
puissions en décider, elle peut contenir certaines qualités qui, si elles
étaient connues, feraient que sa non-existence semblerait aussi contradictoire
que le fait que deux et deux fassent cinq. Je ne trouve qu’un seul argument
employé pour prouver que le monde matériel n’est pas l’être nécessairement
existant et cet argument est tiré de la contingence aussi bien de la matière
que de la forme du monde. « Toute particule de matière »,
dit-on [19], « peut être conçue comme
annihilée et toute forme peut être conçue comme changée. Cette annihilation et
cette altération ne sont donc pas impossibles. » Mais il semble y avoir
une grande partialité à ne pas percevoir que le même argument s’étend également
à Dieu, dans la mesure où nous en avons une conception, et que (166) l’on peut
du moins imaginer qu’il n’existe pas ou que ses attributs sont changés. Il faut
qu’il y ait certaines qualités inconnues et inconcevables qui rendent sa
non-existence impossible ou ses attributs inaltérables. Et on ne peut trouver
la raison pour laquelle ces qualités ne pourraient pas appartenir à la matière.
Comme elles sont entièrement inconnues et inconcevables, on ne peut jamais
prouver qu’elles sont incompatibles avec elle.
Ajoutez à cela qu’il semble absurde,
en remontant dans la succession des objets, de rechercher une cause générale ou
un premier créateur. Comment une chose qui existe depuis l’éternité peut-elle
avoir une cause puisque cette relation implique une priorité dans le temps et
un commencement d’existence?
Dans une telle chaîne, dans une
telle succession d’objets, chaque partie est causée par celle qui la précède et cause celle qui la suit. Où est
donc la difficulté? (167) Mais le tout, dites-vous, a besoin d’une cause. Je
réponds que l’union de ces parties en un tout, comme l’union de plusieurs
comtés distincts en un royaume ou de plusieurs membres distincts d’un corps
unique, est simplement réalisée par un acte arbitraire de l’esprit et n’a
aucune influence sur la nature des choses. Si je vous montrais les causes
particulières d’une collection de vingt particules de matière, je jugerai très
déraisonnable que vous me demandiez quelle fut la cause de l’ensemble
formé par les vingt particules. Cela est suffisamment expliqué quand on
explique la cause des parties.
Quoique les raisonnements que vous
avez exposés, Cléanthe, puissent bien me dispenser, dit Philon,
de soulever des difficultés supplémentaires, je ne peux pourtant pas m’empêcher
d’insister sur un autre point. Les arithméticiens ont observé que les multiples
de 9 font toujours soit (168) 9, soit un multiple de 9 plus petit, [20] si vous additionnez ensemble tous
les chiffres dont le multiple de départ est composé. Ainsi, pour 18, 27, 36,
qui sont des multiples de 9, vous obtenez 9 en additionnant 1 à 8, 2 à 7, 3 à
6. 369 est aussi un multiple de 9 et, si vous additionnez 3, 6 et 9, vous
obtenez 18, un multiple de 9 plus petit [que le nombre 369]. [21] Un observateur superficiel peut
admirer une si étonnante régularité comme l’effet du hasard ou d’un dessein
mais un algébriste compétent conclut immédiatement que c’est l’ouvrage de la
nécessité et il démontre que cela résulte toujours nécessairement de la nature
des nombres. Je demande s’il n’est pas probable que toute l’économie de
l’univers soit conduite par une semblable nécessité, quoiqu’aucune algèbre
humaine ne puisse fournir une clef qui résolve la difficulté. Et, au lieu
d’admirer l’ordre des êtres naturels, ne pourrait-il pas arriver, si nous
pouvions pénétrer la nature (169) intime des corps, que nous puissions voir
pourquoi il était absolument impossible qu’ils admissent une autre disposition?
Tant il est dangereux d’introduire l’idée de nécessité dans la présente
question! Tant elle offre naturellement une inférence directement opposée à
l’hypothèse religieuse.
(171)
J’ai pour opinion, je l’avoue,
reprit Déméa, que chaque homme sent en son propre cœur la vérité de la
religion et que, par la conscience de sa faiblesse d’esprit et de sa misère plutôt
que par un raisonnement, il est conduit à rechercher la protection de cet Être
dont il dépend ainsi que toute la nature. Même dans les meilleurs moments de la
vie, il est si inquiet et s’ennuie tant que le futur est toujours pour lui
l’objet de tous les espoirs et de toutes les craintes. Nous regardons sans
cesse devant nous et nous nous efforçons, par des prières, par l’adoration et
le sacrifice, d’apaiser ces puissances inconnues qui – l’expérience nous
l’apprend – sont si capables de nous affliger et de nous opprimer. (172)
Misérables créatures que nous sommes! Quelle ressource aurions-nous au milieu
des innombrables maux de la vie si la religion ne nous suggérait des méthodes
d’expiation et n’apaisait ces terreurs qui nous agitent et nous tourmentent
sans cesse.
Je
suis en fait persuadé, dit Philon, que la meilleure méthode et, à vrai
dire, la seule pour donner à chacun le sens de la religion qui convient est de
représenter exactement la misère et la méchanceté des hommes. Dans ce but, il
faut le talent de l’éloquence et des images [22] frappantes beaucoup plus que des
raisonnements et des arguments. En effet, est-il nécessaire de prouver ce que
chacun ressent en lui-même? Il suffit, si c’est possible, de nous le faire
sentir d’une manière plus intime et plus sensible.
Les
gens, en vérité, reprit Déméa, sont suffisamment convaincus de cette
grande et triste vérité. Les malheurs (173) de la vie, l’insatisfaction de
l’homme, la corruption générale de notre nature, les jouissances décevantes
apportées par les plaisirs, les richesses et les honneurs : ce sont là des
expressions devenues presque proverbiales dans toutes les langues. Et qui peut
douter de ce que les hommes déclarent à partir de leur propre sentiment
immédiat et de leur expérience?
Sur
ce point, dit Philon, les savants sont parfaitement d’accord avec le
vulgaire et, dans toutes les lettres, sacrées et profanes, on a
traité le sujet de la misère humaine avec l’éloquence la plus pathétique que puissent
inspirer ce chagrin et cette tristesse. Les poètes, qui parlent avec le
sentiment, sans système, et dont le témoignage a donc d’autant plus d’autorité,
abondent en images de cette nature. D’Homère au Dr Young, toute
la tribu inspirée a toujours été consciente qu’aucune autre représentation des
choses ne serait conforme au (174) sentiment et à l’observation de chaque
individu.
Quant
aux autorités, reprit Déméa, vous n’avez pas besoin d’en chercher.
Parcourez la bibliothèque de Cléanthe. J’ose affirmer que, à l’exception
de ceux qui traitent de sciences particulières, comme la chimie ou la
botanique, et qui n’ont pas l’occasion de traiter de la vie humaine, il n’est
pas un seul de ces innombrables auteurs à qui le sentiment de la misère humaine
n’en ait, dans un passage ou dans un autre, arraché la plainte ou l’aveu. Du
moins, les chances sont entièrement de ce côté et aucun auteur n’a jamais, pour
autant que je puisse m’en souvenir, été assez extravagant pour le nier.
Ici,
vous devez m’excuser, dit Philon, mais Leibniz l’a nié et il est
peut-être le premier [23] qui se risqua (175) à soutenir une
opinion aussi hardie et paradoxale ou, du moins est-il le premier qui en fit un
point fondamental de son système philosophique.
Et,
étant le premier, reprit Déméa, n’aurait-il pas pu prendre conscience de
son erreur? En effet, est-ce un sujet sur lequel les philosophes puissent se
proposer de faire des découvertes, surtout à une époque aussi tardive? Et un
homme peut-il espérer, par une simple négation (car le sujet n’admet guère de
raisonnement), rabaisser le témoignage commun de tous les hommes, fondé sur le
sentiment et la conscience?
Et
pourquoi un homme, ajouta-t-il, prétend-il être exempté du sort de tous les
autres animaux? La terre entière, croyez-moi, Philon, est maudite et
souillée. Une guerre perpétuelle embrase toutes les créatures vivantes. La
nécessité, la faim et le besoin stimulent les forts et les courageux tandis que
la crainte, l’anxiété et la terreur troublent les faibles et les infirmes. La
première (176) entrée dans la vie donne de l’angoisse au nouveau-né et à sa
misérable mère. La faiblesse, l’impuissance et la détresse accompagnent chaque
étape de cette vie et elle se termine enfin dans l’agonie et l’horreur.
Remarquez
aussi, dit Philon, les curieuses ruses qu’emploie la nature pour faire
que la vie de tous les êtres vivants soit amère. Les plus forts font leur proie
des plus faibles et les mettent dans une terreur et une angoisse perpétuelles.
Les plus faibles, à leur tour, font souvent leur proie des plus forts, les
harcèlent et les molestent sans relâche. Considérez cette race d’insectes
innombrables qui soit se nourrissent sur le corps de chaque animal, soit,
volant autour, y enfoncent leur dard. Ces insectes eux-mêmes ont d’autres
créatures encore plus petites qui les tourmentent. Ainsi, de tous côtés, devant
et derrière, au-dessus et au-dessous, chaque animal est entouré d’ennemis qui
cherchent sans cesse à le rendre malheureux et à le détruire.
(177)
L’homme seul, dit Déméa, semble être en partie une exception à cette
règle car, en formant des sociétés, il peut aisément se rendre maître des
lions, des tigres et des ours, animaux qui, par leur plus grande force et leur
plus grande agilité, sont naturellement capables d’en faire leur proie.
Au
contraire, s’écria Philon, c’est surtout ici que l’uniformité et
l’égalité des maximes de la nature sont les plus apparentes. Il est vrai que
l’homme, en formant des sociétés, triomphe de tous ses ennemis réels et
devient le maître de toute la création animale; mais ne se crée-t-il pas
immédiatement des ennemis imaginaires, les démons de sa fantaisie qui le
hantent de terreurs superstitieuses et minent toutes les jouissances de la vie?
Ce qu’il imagine être son plaisir devient un crime à ses yeux, sa nourriture et
son repos lui donnent de l’ombrage et l’offensent, son sommeil même et ses
rêves fournissent de nouveaux matériaux à sa crainte inquiète. Même la mort,
son refuge contre tous les autres maux, ne fait que (178) le terroriser à l’idée
de malheurs innombrables et sans fin. Le loup ne tourmente pas plus le timide
troupeau que la superstition le cœur inquiet des misérables mortels.
D’ailleurs,
Déméa, considérez ce fait : cette société même qui nous fait
triompher des bêtes sauvages, nos ennemis naturels, quels nouveaux ennemis ne
fait-elle pas naître! Quels malheurs et quelle misère n’occasionne-t-elle pas!
L’homme est le plus grand ennemi de l’homme. L’oppression, l’injustice, le
mépris, les offenses, la violence, la sédition, la guerre, la calomnie, la
trahison, la fraude, ce sont autant de moyens par lesquels ils se tourmentent
les uns les autres et ils seraient prêts à dissoudre cette société qu’ils ont
formée s’ils ne craignaient pas les plus grands maux qui accompagneraient nécessairement
leur séparation.
Mais, dit Déméa, bien que ces maux
extérieurs qui viennent des animaux, des hommes et de tous les éléments qui
nous agressent, forment un catalogue effrayant de tourments, ils ne sont rien
en comparaison de ceux qui naissent en nous-mêmes à cause de l’état
pathologique de notre esprit et de notre corps. Combien se trouvent accablés
par le tourment persistant des maladies! Écoutez la pathétique énumération du
grand poète :
La pierre
intestine, et l'ulcère, la colique aiguë, la frénésie démoniaque, la mélancolie
songeresse et la lunatique démence, la languissante atrophie, le marasme, la
peste qui moissonne largement, les hydropisies, les asthmes et les rhumatismes
qui brisent les joints. Cruelles étaient les secousses, profonds les
gémissements. Le Désespoir, empressé de lit en lit, visitait les malades, et
sur eux la Mort triomphante brandissait son dard, mais elle différait de
frapper, quoique souvent invoquée par leurs vœux, comme leur premier bien et
leur dernière espérance. [24]
Les désordres de l’esprit, continua Déméa,
quoique plus secrets, ne sont peut-être pas moins fâcheux et funestes. Le
remords, la honte, l’angoisse, la colère, la déception, l’anxiété, la crainte,
le découragement, le désespoir : qui a traversé la vie sans être
cruellement envahi par ces tourments ? Combien n’ont guère jamais éprouvé
de meilleures sensations ? Le travail et la pauvreté, (180) si abhorrés de
tous, sont le lot certain du plus grand nombre et les quelques personnes
privilégiées qui jouissent de l’aise et de l’opulence n’atteignent jamais le
contentement ou la véritable félicité. Tous les biens de la vie réunis ne
rendraient pas un homme très heureux mais tous les maux réunis en feraient
vraiment un misérable ; et l’un de ces maux, ou presque (et qui peut être
affranchi de tous ?), voire souvent l’absence d’un seul bien (et qui peut
les posséder tous ?) suffit à rendre la vie indésirable.
Si un être étranger [à notre planète] tombait soudain
dans ce monde, je lui montrerais, comme spécimen de ses maux, un hôpital plein
de malades, un prison remplie de malfaiteurs et de débiteurs, un champ de
bataille jonché de cadavres, une flotte sombrant dans l’océan, une nation
languissant sous la tyrannie, la famine ou la peste. Pour qu’il voie le côté plaisant
de la vie et qu’il ait une idée de ses plaisirs, où (181) devrais-je le
conduire ? Au bal, à l’opéra, à la cour ? Il pourrait à bon droit
penser que je lui ai seulement montré d’autres détresses et d’autres chagrins.
On ne peut échapper à des exemples aussi frappants,
dit Philon, que par des excuses qui aggravent encore plus l’accusation.
Pourquoi, je le demande, tous les hommes, à toutes les époques, se sont-ils
sans cesse plaints des malheurs de la vie ? On dit qu’ils n’ont pas de
véritable raison et que ces plaintes ne viennent que de leur disposition à être
mécontents, à maugréer et à être inquiets. Quant à moi, je réponds :
est-il possible qu’il y ait un fondement plus certain de la misère qu’un
tempérament aussi lamentable ?
Mais, s’ils sont réellement aussi malheureux qu’ils le
prétendent, dit mon adversaire, pourquoi demeurent-ils en vie ?
Mécontent de la vie, craignant
la mort.
C’est là la chaîne secrète,
dis-je, qui nous retient. C’est la terreur et non la séduction qui nous fait
demeurer en vie.
Il peut insister : ce n’est qu’une fausse
délicatesse, dira-t-il, à laquelle quelques esprits raffinés se laissent aller
et qui a répandu ces plaintes dans toute la race humaine… Et quelle est cette
délicatesse – je le demande – que vous blâmez ? Est-ce autre chose qu’une
plus grande sensibilité à tous les plaisirs et à tous les maux de la vie ?
Et si l’homme d’un tempérament plus délicat et plus raffiné, étant plus
sensible que le reste du monde, est d’autant plus malheureux, quel jugement
devons-nous former sur la vie humaine en général ?
Que les hommes demeurent en repos, dit notre
adversaire, et ils auront l’esprit tranquille. Ils sont les artisans
volontaires de leur propre misère… Non, dis-je, leur repos est suivi d’une
inquiète langueur et leur ambition et leur activité sont suivies de la
déception, (183) de la contrariété et du souci.
Je peux remarquer quelque chose de semblable à ce que
vous mentionnez chez certains, reprit Cléanthe, mais j’avoue que je le
ressens peu ou même pas du tout et j’espère que la chose n’est pas aussi
commune que vous la représentez.
Si vous ne ressentez pas la misère humaine vous-même,
s’écria Déméa, je vous félicite d’une singularité aussi heureuse.
D’autres, les plus prospères en apparence, n’ont pas eu honte de laisser
échapper leurs plaintes avec les accents les plus mélancoliques. Considérons le
grand et heureux Charles Quint quand, las de la grandeur humaine, il
résigna ses grands domaines entre les mains de son fils. Dans la dernière
harangue qu’il fit en cette occasion mémorable, il avoua publiquement que
les plus grandes prospérités dont il avait jamais joui avaient été mêlées (184)
à tant d’adversités qu’il pouvait vraiment dire qu’il n’avait jamais joui d’une
satisfaction ou d’un contentement. Mais la vie retirée dans laquelle il
chercha refuge lui offrit-elle un plus grand bonheur ? Si l’on en croit le
récit de son fils, son repentir commença le jour même de sa résignation.
La fortune de Cicéron, après de maigres débuts,
s’éleva jusqu’à la plus grande gloire et la plus grande renommée. Pourtant, que
de plaintes pathétiques ses lettres personnelles et ses discours philosophiques
ne contiennent-ils pas ! Et, conformément à sa propre expérience, il présente
Caton, le grand et fortuné Caton, déclarant dans son vieil âge
que, si on lui offrait une nouvelle vie, il refuserait le présent.
Demandez-vous si vous voudriez revivre les dix ou
vingt dernières années. (185) Posez la question à vos amis. Non, diront-ils,
mais les vingt prochaines années seront meilleures :
Et de la lie de la vie, ils
espèrent recevoir
Ce que le premier courant alerte
ne put leur donner. [25]
Ainsi, finalement, ils s’aperçoivent (telle est la grandeur
de la misère humaine, elle réconcilie même les contradictions) qu’ils se
plaignent en même temps de la brièveté de la vie et de sa vanité et de sa
tristesse.
Et est-il possible, Cléanthe, dit Philon,
qu’après toutes ces réflexions et une infinité d’autres qui pourraient être
suggérées, vous puissiez encore persévérer dans votre anthropomorphisme et
affirmer que les attributs moraux de Dieu, sa justice, sa bienveillance, sa
miséricorde et sa droiture sont de même nature que ces vertus dans les créatures
humaines ? Sa puissance, nous reconnaissons qu’elle est infinie. Tout ce
qu’il veut est exécuté mais ni l’homme, ni un autre animal n’est heureux. Il ne
veut donc pas leur bonheur. Sa sagesse est infinie, il ne se trompe jamais
(186) en choisissant les moyens pour atteindre une fin mais le cours de la
nature ne tend pas à la félicité humaine ou animale. Elle n’est donc pas
établie dans ce but. Dans tout ce que peut atteindre la connaissance humaine,
il n’est pas d’inférences plus certaines et plus infaillibles que celles-là.
Alors, sous quel rapport sa bienveillance et sa miséricorde ressemblent-elles à
la bienveillance et à la miséricorde des hommes ?
Les vieilles questions d’Epicure sont encore sans
réponse. Dieu veut-il empêcher le mal sans en être capable ? Il est alors
impuissant ! Le peut-il sans le vouloir ? Il est alors
malveillant ! S’il le peut et le veut, d’où vient alors le mal ?
Vous attribuez, Cléanthe, (et à juste titre, je
crois) un but et une intention à la nature. Mais je vous prie de me dire quel
est l’objet de cet artifice et de ce mécanisme curieux (187) qu’elle manifeste
dans tous les animaux. La préservation seule des individus et la propagation
des espèces. Il suffit juste pour son but qu’un ordre soit maintenu dans
l’univers, et cela sans aucun souci ni aucune attention. Aucune ressource pour
ce but, aucun mécanisme pour simplement donner du plaisir ou de l’aise, aucun
fonds de pure joie et de pur contentement, aucun assouvissement sans quelque
besoin ou quelque nécessité. Du moins, les quelques phénomènes de cette nature
sont-ils contrebalancés par des phénomènes opposés qui sont encore plus
importants.
Notre sens de la musique, de l’harmonie et, en fait,
de tous les genres de beauté, nous donne des satisfactions qui ne sont pas
absolument nécessaires à la conservation et à la propagation de l’espèce. Mais
quelles douleurs atroces, d’un autre côté, viennent de la goutte, de la
gravelle, des migraines, des maux de dents et (188) des rhumatismes, que le mal
qui atteint le mécanisme animal soit léger ou incurable ! La joie, le
rire, le jeu et l’amusement semblent être des satisfactions gratuites sans
autre tendance ; la mauvaise humeur, la mélancolie, le mécontentement, la
superstition sont des peines de même nature. Comment donc la bienveillance
divine se manifeste-t-elle dans la perspective de votre
anthropomorphisme ? Personne sinon nous, les mystiques – comme il vous
plaît de nous appeler – ne peut rendre compte de cet étrange mélange de
phénomènes en le dérivant d’attributs infiniment parfaits mais
incompréhensibles.
Et avez-vous enfin trahi vos intentions, Philon,
dit Cléanthe souriant? Votre long accord avec Déméa m’a en
vérité un peu surpris mais je m’aperçois que, pendant tout ce temps, vous étiez
en train d’ériger une batterie cachée contre moi et je dois avouer que vous
êtes maintenant tombé sur un sujet digne de votre (189) noble esprit
d’opposition et de controverse. Si vous pouvez établir le présent point et
prouver que l’humanité est malheureuse ou corrompue, c’est d’un seul coup
la fin de toute religion. En effet, dans quel but établir les attributs
naturels de Dieu si les attributs moraux sont encore douteux et
incertains ?
Vous prenez très facilement ombrage, reprit Déméa,
des opinions les plus innocentes et les plus généralement acceptées, même par
les religieux et les dévots ; et rien ne peut être plus surprenant que de
voir une thèse comme celle-ci, concernant la méchanceté et la misère de
l’homme, accusée de rien de moins que d’athéisme et d’impiété. Les pieux
théologiens et prédicateurs, qui ont donné libre cours à leur rhétorique sur un
sujet aussi fertile, n’ont-ils pas donné facilement une solution aux
difficultés qui l’accompagnent ? Ce monde n’est qu’un point en comparaison
de (190) l’univers, la vie n’est qu’un instant en comparaison de l’éternité.
Les maux présents sont donc rectifiés dans d’autres endroits de cet univers et
dans une période future de l’existence ; et les yeux des hommes, alors
ouverts à des vues plus larges des choses, voient toute la connexion des lois
générales et retrouvent avec adoration la bienveillance et la rectitude de Dieu
à travers tout le dédale et toute la complexité de sa providence.
Non, répondit Cléanthe, non! Ces
suppositions arbitraires ne sauraient jamais être admises si elles sont
contraires à des faits manifestes et incontestables. Comment une cause
peut-elle être connue sinon par ses effets connus? Comment une hypothèse
peut-elle être prouvée sinon par les phénomènes que nous percevons? Établir une
hypothèse sur une autre, c’est bâtir entièrement en l’air; et tout ce que nous
pouvons faire par ces conjectures et ces fictions, c’est simplement de dire que
notre opinion est possible (191) mais jamais nous ne saurions établir sur de
tels fondements qu’elle correspond à la réalité.
Pour soutenir la
bienveillance divine, la seule méthode (et c’est celle que j’adopte volontiers)
est de nier absolument la misère et la méchanceté des hommes. Vos
représentations sont exagérées, vos idées noires sont pour la plupart des fictions,
vos inférences sont contraires aux faits et à l’expérience. La santé est plus
courante que la maladie, le plaisir que la douleur, le bonheur que le malheur
et, pour une souffrance endurée, nous obtenons, tout bien compté, une centaine
de jouissances.
En admettant votre
position, reprit Philon, qui est pourtant extrêmement douteuse, vous
devez en même temps admettre que, si la douleur est moins fréquente que le
plaisir, elle est infiniment plus violente et plus durable. Une heure de
souffrance est souvent capable de l’emporter sur un jour, une semaine ou un
mois (192) de nos insipides plaisirs ordinaires. Et combien de jours, de
semaines, de mois se passent pour certains hommes dans les tourments les plus
vifs? Il n’est guère de cas où le plaisir puisse atteindre à l’extase et au
ravissement et il n’est guère de cas où il puisse durer quand il atteint son
plus haut degré et son point culminant. Les esprits s’évaporent, les nerfs se
relâchent, le mécanisme se trouble et la jouissance dégénère rapidement en
fatigue et en malaise. Mais la douleur - combien souvent, mon Dieu! – va
jusqu’au martyre et jusqu’à la torture, et plus elle dure, plus elle devient un
véritable martyre et une véritable torture. La patience s’épuise, le courage
diminue, la tristesse s’empare de nous et, pour mettre fin à notre malheur, il
n’y a que la suppression de sa cause ou un autre événement qui est le seul
remède à tous les maux mais que notre folie naturelle nous fait regarder avec
plus d’horreur encore et plus de consternation.
Mais, pour ne pas
insister sur ces points (193), continua Philon, quoiqu’ils soient les
plus évidents, les plus certains et les plus importants, je dois user de la
liberté de vous avertir que vous avez mené la controverse vers une issue des
plus dangereuses et que, sans en avoir conscience, vous introduisez un total
scepticisme dans les articles les plus essentiels de la théologie naturelle et
de la théologie révélée. Quoi, pas de méthode pour déterminer un juste
fondement de la religion, sinon en admettant le bonheur de la vie humaine et en
soutenant que nous désirerions et choisirions de continuer notre existence même
dans ce monde, avec toutes nos peines, nos infirmités, nos folies et nos ennuis
actuels! Mais c’est contraire au sentiment et à l’expérience de tout le monde.
C’est contraire à une autorité si établie que rien ne saurait la détruire. On
ne saurait jamais produire des preuves décisives contre cette autorité et il
vous est impossible de calculer, d’évaluer et de comparer toutes les souffrances
et tous les plaisirs dans la vie de tous les hommes et de tous les animaux.
Ainsi, en faisant reposer tout le système de la religion sur un point (194)
qui, par sa nature même, doit à jamais être incertain, vous avouez tacitement
que ce système est également incertain.
Mais, si l’on vous
accorde –ce qui ne sera jamais cru ou, du moins, ce que vous ne pourrez jamais
prouver – que le bonheur animal ou, du moins, que le bonheur humain de cette
vie excède son malheur, vous n’aurez encore rien fait car ce n’est en aucune
façon ce que nous attendons d’une puissance infinie, d’une sagesse infinie et
d’une infinie bonté. Pourquoi y a-t-il le plus petit malheur dans le monde? Pas
par hasard, c’est certain. Ce malheur vient donc d’une cause. Vient-il de
l’intention de Dieu? Mais Dieu est parfaitement bienveillant. Est-ce contraire
à son intention? Mais il est tout-puissant. Rien ne saurait ébranler la
solidité d’un raisonnement si bref, si clair et si décisif, sauf si nous
affirmons que ces sujets excèdent toutes les capacités humaines et que nos
mesures ordinaires de la vérité et de la fausseté ne leur sont pas
applicables : un point sur lequel (195) j’ai insisté tout au long de cette
discussion mais que vous avez rejeté avec dédain et indignation dès le début.
Mais je veux bien
abandonner ce retranchement car je nie que vous puissiez jamais me vaincre si
j’y demeure. J’admettrai que la peine ou la misère en l’homme est compatible
avec la puissance infinie et la bonté de Dieu, même selon le sens que vous
donnez à ces attributs. Que gagnez-vous à toutes ces concessions? La simple
possibilité d’une compatibilité n’est pas suffisante. Vous devez prouver
ces attributs absolus, purs et sans mélange, à partir des phénomènes actuels,
mêlés et confus et seulement à partir d’eux. Une entreprise optimiste! Même si
les phénomènes étaient purs et sans mélange, étant cependant finis, ils
seraient insuffisants pour cette tâche, encore davantage s’ils sont aussi si
dissonants et discordants!
Ici, Cléanthe,
je me trouve à (196) l’aise dans mon argument. Ici, je triomphe. Précédemment,
quand nous débattions des attributs naturels de l’intelligence et du dessein,
j’avais besoin de toute ma subtilité sceptique et métaphysique pour échapper à
votre prise. Souvent, quand nous considérons l’univers et ses parties, surtout
ses parties, la beauté et l’ajustement des causes finales nous frappe avec une
force si irrésistible que toutes les objections semblent (et je crois qu’elles
le sont réellement) de simples arguties et de simples sophismes. Nous ne
pouvons alors imaginer comment il nous a été possible de leur donner quelque
poids. Mais il n’existe aucune vue de la vie humaine ou de la condition
humaine dont nous puissions, sans la plus grande violence, inférer les
attributs moraux ou apprendre cette bienveillance infinie, jointe à cette
puissance et à cette sagesse infinies que nous devons découvrir par les seuls
yeux de la foi. C’est maintenant à votre tour de vous mettre au travail et de
soutenir vos subtilités philosophiques contre les préceptes clairs de la raison
et de l’expérience.
PARTIE XI
(197)
Je n’hésite pas à reconnaître, dit Cléanthe,
que j’ai eu tendance à soupçonner que la fréquente répétition du mot infini,
que nous rencontrons chez tous les théologiens, tient plus du panégyrique que
de la philosophie et que les fins du raisonnement, et même de la religion,
seraient mieux servies si nous nous contentions d’expressions plus précises et
plus modérées. Les termes admirable, excellent, suprêmement
grand, sage et saint remplissent suffisamment l’imagination
des hommes, et toute chose au-delà, outre qu’elle conduit à des absurdités, n’a
aucune influence sur les affections ou les sentiments. Ainsi, Déméa,
(198) dans le sujet actuel, si nous abandonnons toute analogie humaine, comme
c’est, semble-t-il, votre intention, je crains que nous abandonnions toute
religion et que nous ne conservions aucune conception du grand objet de notre
adoration. Si nous conservons l’analogie humaine, nous devons à jamais
reconnaître qu’il est impossible de concilier la présence du mal dans l’univers
avec les attributs infinis. Encore moins pourrons-nous prouver ces derniers par
la première. Mais, en supposant que l’auteur de la nature a une perfection
finie, quoique largement au-delà de la perfection humaine, on peut rendre
compte de façon satisfaisante du mal naturel et moral et on peut expliquer et
ajuster tous les phénomènes négatifs. On peut choisir un moindre mal pour
éviter un plus grand mal, on peut se soumettre à des inconvénients pour
atteindre une fin désirable. Et, en un mot, la bienveillance, réglée par la
sagesse et limitée par la nécessité, peut produire un monde juste comme le
monde actuel. Et vous, Philon, qui êtes si prompt à faire naître des
vues, des réflexions (199) et des analogies, je serais content d’entendre
finalement, et sans interruption, votre opinion sur cette nouvelle théorie et,
si elle mérite notre attention, nous pourrons ensuite tout à loisir la mettre
en forme.
Mon
sentiment sur cette question, reprit Philon, ne vaut pas qu’on en fasse
un mystère et je vais donc, sans autre cérémonie, vous livrer tout ce qui me
vient sur le présent sujet. Il faut avouer que, si l’on assurait à une créature
d’une intelligence très limitée et qui – nous le supposerons – ne connaîtrait
absolument pas l’univers, qu’elle a été produite par un Être très bon, très
sage et très puissant, elle se formerait à l’avance, d’après ses
conjectures, une idée différente de ce que nous trouvons qu’il est par
expérience. Elle n’imaginerait jamais, simplement à partir de ces attributs de
la cause dont elle est informée, que l’effet puisse être aussi plein de vice,
de misère et de désordre, (200) comme c’est le cas dans cette vie. Supposons maintenant
que cette personne soit amenée en ce monde, toujours assurée que ce dernier est
l’œuvre de cet Être sublime et bienveillant. Elle pourrait sans doute être
surprise d’être déçue mais elle n’abjurerait jamais sa première croyance si
elle est fondée sur un argument très solide, puisque une intelligence aussi
limitée serait consciente de son propre aveuglement et de sa propre ignorance
et devrait admettre qu’il peut exister, pour ces phénomènes, de nombreuses
solutions qui échapperont toujours à sa compréhension. Mais, en supposant – ce
qui est vraiment le cas à l’égard de l’homme – que cette créature ne soit pas
au préalable convaincue de l’existence d’une intelligence suprême,
bienveillante et puissante, qu’elle soit réduite à se former une croyance à partir
de l’apparence des choses; cela change entièrement le cas et elle ne trouvera
jamais une raison de former une telle conclusion. Elle peut bien être
convaincue des limites étroites de son entendement (201) mais cela ne l’aidera
pas à former une inférence sur la bonté des puissances supérieures puisqu’elle
doit former cette inférence à partir de ce qu’elle connaît, non à partir de ce
qu’elle ignore. Plus vous exagérerez sa faiblesse et son ignorance, plus vous
la rendrez réfractaire et plus vous lui donnerez le soupçon que ces sujets ne
sont pas à la portée de ses facultés. Vous serez donc obligé de raisonner avec
elle à partir des seuls phénomènes connus et d’abandonner toutes les
suppositions ou conjectures arbitraires.
Si je vous montrais une maison ou un palais où il n’y eût pas un seul appartement commode ou agréable, où les fenêtres, les portes, les cheminées, les couloirs et les escaliers et toute l’économie de l’immeuble fussent sources de bruit, de confusion, de fatigue, d’obscurité et des extrêmes du chaud et du froid, vous blâmeriez certainement cet agencement sans (202) autre examen. C’est en vain que l’architecte ferait preuve de subtilité et essaierait de démontrer que de plus grands maux seraient la conséquence du changement d’une porte ou d’une fenêtre. Ce qu’il dirait serait peut-être d’ailleurs la stricte vérité. Le changement d’un détail, quand les autres parties demeurent les mêmes, peut ne faire qu’augmenter les incommodités. Mais vous affirmeriez encore en général que, si l’architecte avait été habile et avait eu de bonnes intentions, il eût pu former un plan de l’ensemble et eût pu ajuster les parties de façon à remédier à tous ou presque tous les inconvénients. Son ignorance ou votre ignorance d’un tel plan ne vous convaincra jamais de son impossibilité. Si vous trouvez de nombreux inconvénients et défauts dans un immeuble, vous condamnerez toujours l’architecte sans entrer dans aucun des détails.
(203)
Bref, je répète la question : le monde, considéré en général et tel qu’il
nous apparaît dans cette vie diffère-t-il de ce qu’un homme ou un être si
limité peut attendre à l’avance d’un dieu très puissant, très sage et
très bienveillant? L’affirmation du contraire est certainement un étrange
préjugé. Et, de là, je conclus que, quelque compatible que le monde puisse
être, en admettant certaines suppositions et conjectures, avec l’idée d’un tel
dieu, il ne saurait jamais nous offrir une inférence en faveur de son
existence. Ce n’est pas cette compatibilité qui est absolument niée, c’est seulement
l’inférence. Des conjectures, surtout quand l’infinité est exclue des attributs
divins, peuvent peut-être suffire à prouver une compatibilité mais ne sauraient
jamais être les fondements d’une inférence.
Il
semble y avoir quatre circonstances dont dépendent tous les maux ou la
plus grande partie des maux qui agressent les créatures (203) sensibles, et il
est possible que toutes ces circonstances ne soient ni nécessaires, ni
inévitables. Nous savons si peu de choses de ce qui est au-delà de la vie
courante, et même de la vie courante elle-même, que, par rapport à l’économie
de l’univers, il n’est pas de conjecture, quelque folle qu’elle soit, qui ne
puisse pas être juste, et il n’en est pas une, quelque plausible qu’elle soit,
qui ne puisse pas être erronée. Dans cette profonde ignorance et ces ténèbres,
il revient à l’entendement de se montrer sceptique ou du moins prudent et de ne
pas admettre une hypothèse, quelle qu’elle soit, encore moins une hypothèse non
soutenue par l’apparence ou la probabilité. Or j’affirme que c’est le cas à
l’égard de toutes les causes du mal et des circonstances dont il dépend. Aucune
d’elles n’apparaît nécessaire ou inévitable à la raison humaine, même à un
moindre degré, et nous ne pouvons les supposer telles sans la plus extrême
licence de l’imagination.
(205) La première
circonstance qui introduit le mal est cette organisation, cette économie de la
création animale par laquelle les douleurs, aussi bien que les plaisirs, sont
employés pour exciter toutes les créatures à l’action et les rendre vigilantes dans ce grand ouvrage qu’est la conservation de soi. Or le plaisir
seul, dans ses différents degrés, semble à l’entendement humain suffire pour ce but. Tous les animaux pourraient être
constamment dans un état de jouissance mais, quand ils seraient pressés par l’une des nécessités de la nature, la soif,
la faim ou la fatigue, ils pourraient ressentir, au lieu de la douleur, une
diminution du plaisir par laquelle ils pourraient être incités à rechercher l’objet nécessaire à leur subsistance. Les
hommes recherchent le plaisir avec autant d’empressement qu’ils évitent la douleur;
du moins ils pourraient avoir été ainsi constitués. Il semble donc évidemment
possible de poursuivre les affaires de la vie sans aucune douleur. Alors,
pourquoi l’animal a-t-il été rendu
capable d’une telle sensation? Si
les (206) animaux pouvaient en être affranchis pendant une heure, ils
pourraient connaître le plaisir d’en être exemptés de façon permanente; et, pour produire cette sensation,
il faut une organisation aussi particulière que celle qui les dote de la vue,
de l’ouïe ou de tout autre sens. Allons-nous
conjecturer qu’une telle organisation
était nécessaire sans aucune apparence de raison? Et bâtirons-nous sur cette
conjecture comme sur la plus certaine vérité?
Mais une aptitude à
la douleur ne la produirait pas seule s’il n’y avait pas une seconde
circonstance, à savoir la conduite du monde par des lois générales, et cela ne
semble en aucune façon nécessaire pour un Être très parfait. Il est vrai que,
si toute chose était conduite par des volitions particulières, le cours de la
nature serait rompu constamment et personne n’emploierait sa raison dans la conduite de la vie. Mais d’autres volitions particulières ne
pourraient-elles remédier à cet inconvénient? (207) Bref, Dieu ne pourrait-il
pas exterminer tous les maux partout où il s’en trouverait et produire tous les biens sans aucune préparation et sans
la longue suite des causes et des effets?
En outre, nous
devons considérer que, selon la présente économie du monde, le cours de la
nature, même si on le suppose exactement régulier, ne nous apparaît pourtant
pas ainsi, que de nombreux événements sont incertains et que beaucoup déçoivent
nos attentes. La santé et la maladie, le calme et la tempête et un nombre
infini d’autres accidents dont les causes sont
inconnues et variables ont une influence aussi bien sur la fortune des
particuliers que sur la prospérité des sociétés publiques; et, en vérité, toute
la vie humaine, d’une certaine manière,
dépend de tels accidents. Donc, un être qui connaîtrait tous les ressorts
secrets de l’univers pourrait
facilement, par des volitions particulières, faire concourir tous ces accidents
au bien de l’humanité (208) et rendre
tout le monde heureux sans se découvrir dans aucune opération. Une flotte, dont
les desseins seraient favorables à la société, rencontrerait toujours un vent
propice; de bons princes jouiraient d’une bonne santé et d’une longue vie; les
personnes nées pour le pouvoir et l’autorité auraient un bon tempérament et des dispositions vertueuses.
Quelques événements de ce type, régulièrement et sagement conduits,
changeraient la face du monde et, cependant, semble-t-il, ne troubleraient pas
plus le cours de la nature et ne déconcerteraient pas plus la conduite humaine
que la présente économie des choses, dont les causes sont secrètes, variables
et composées. Quelques petites touches données au cerveau de Caligula
dans son enfance pourraient l’avoir transformé en un Trajan;
une vague un peu plus haute que les autres, en enfouissant César et sa fortune
au fond de l’océan, aurait pu
redonner la liberté à une partie considérable du genre humain. Il peut y avoir,
pour autant que nous le sachions, de bonnes raisons (209) pour que la
Providence n’intervienne pas de cette
manière mais elles nous sont inconnues; et, bien que la simple supposition que
de telles raisons existent puisse être suffisante pour sauver la
conclusion sur les attributs divins, elle ne pourra cependant jamais être
suffisante pour l’établir.
Si, dans l’univers, toute chose est conduite par des
lois générales et si les animaux sont capables d’éprouver de la douleur, il ne semble guère possible que certains maux ne
naissent pas des différents chocs de la matière et des différents concours et
oppositions des lois générales. Mais ces maux seraient très rares, s’il n’y avait la troisième circonstance, à savoir celle que je me
propose de mentionner, la grande parcimonie avec laquelle tous les pouvoirs et
toutes les facultés sont distribués à chaque créature particulière. Si bien
ajustés sont les organes et aptitudes de tous les animaux et si bien adaptés
sont-ils à leur conservation que, aussi loin que l’histoire ou la tradition (210) remonte, il
ne semble pas qu’une seule espèce ait
disparu de l’univers. Tout animal a
les dons requis mais ces dons sont octroyés avec une économie si scrupuleuse
que toute diminution considérable doit entièrement détruire la créature.
Partout où un pouvoir augmente, les autres pouvoirs diminuent
proportionnellement. Les animaux qui excellent en vitesse manquent généralement
de force. Ceux qui possèdent les deux soit ont certains de leurs sens qui sont
imparfaits, soit sont accablés par les besoins les plus impérieux. L’espèce humaine, qui excelle surtout en
raison et en sagacité, est de toutes les créatures la plus nécessiteuse et la
plus déficiente en avantages corporels : pas d’habits, pas d’armes, pas de nourriture, pas de logement,
aucune commodité de la vie à l’exception de ce qu’elle doit à sa propre habileté et à sa
propre industrie. Bref, la nature semble avoir fait un calcul précis des (211)
besoins de ses créatures et, comme un maître sévère, elle ne leur a pas
offert plus de pouvoirs et de dons que ce qui est strictement suffisant pour
les satisfaire. Une mère indulgente aurait donné à la créature une
grosse réserve afin de la protéger des accidents et d’assurer son bonheur et son bien-être dans
le concours de circonstances le plus malheureux. Le cours de toute vie n’aurait pas été si bordé de précipices que
le moindre écart hors du bon chemin, par erreur ou par nécessité, nous entraîne
vers le malheur et la ruine. Quelque réserve, quelque fonds aurait été prévu
pour garantir le bonheur, et les besoins et les pouvoirs n’auraient pas été ajustés avec une économie
si rigide. L’auteur de la nature est
d’une puissance inconcevable, sa force est
supposée grande, si ce n’est entièrement
inépuisable et il n’y a aucune raison, pour
autant que nous puissions en juger, pour lui faire observer la stricte
parcimonie avec laquelle il traite ses créatures. (212) Il aurait été meilleur,
si sa puissance était extrêmement limitée, de créer moins d’animaux et de les doter de plus de
facultés pour leur bonheur et leur conservation. On ne juge jamais prudent un
bâtisseur qui entreprend un plan qui dépasse ce que son stock lui permet de
finir.
Afin de guérir ces
maux de la vie humaine, je n’exige pas que l’homme ait les ailes de l’aigle, la rapidité du cerf, la force du
bœuf, les membres du lion ou les écailles du crocodile et du rhinocéros. Je
demande encore moins la sagacité d’un ange ou d’un chérubin. Je me
contenterai d’accroître un seul
pouvoir de son âme, une seule faculté. Donnons-lui une plus grande propension à
l’effort et au travail, une souplesse d’esprit et une activité mentale plus
vigoureuses. Qu’il soit affairé et
appliqué avec plus de constance! Que l’espèce entière possède naturellement une diligence (213) égale à celle
que beaucoup d’individus sont capables
d’atteindre par habitude et réflexion et,
sans que le mal s’en mêle, les
conséquences les plus bénéfiques seront le résultat immédiat et nécessaire de
cette dotation. Presque tous les maux
de la vie humaine, moraux aussi bien que naturels, viennent de l’oisiveté. Si notre espèce, par sa
constitution originelle, était exempte de ce vice, de cette infirmité, la
parfaite culture de la terre, le progrès des arts et de la production, l’exacte exécution des fonctions et des
devoirs s’ensuivraient
immédiatement et les hommes, dès lors, pourraient pleinement atteindre cet état
de société qui est si imparfaitement atteint par le gouvernement le mieux
réglé. Mais, comme le courage [26] est un pouvoir, et l’un de ceux qui ont le
plus de valeur, la nature semble déterminée, conformément à ses maximes
habituelles, à l’octroyer aux hommes d’une main très économe et elle préfère les
punir quand il leur fait défaut plutôt que de les récompenser quand il leur
fait obtenir des résultats. Elle a structuré l’homme (214) de telle façon que rien sinon la plus violente nécessité ne
peut l’obliger à travailler et elle emploie tous
ses autres besoins pour vaincre, du moins en partie, le manque de diligence et
pour lui donner une part de la faculté dont elle a jugé bon de le priver
naturellement. On peut reconnaître ici que nos demandes sont très humbles et d’autant plus raisonnables. Si nous exigions
d’être doués d’une pénétration et d’un jugement supérieurs,
d’un goût plus délicat pour la beauté, d’une sensibilité plus subtile à la
bienveillance et à l’amitié, on pourrait nous
dire que, de façon impie, nous prétendons rompre l’ordre de la nature, que nous voulons nous
élever à un rang plus haut d’existence, que les
présents que nous demandons, n’étant pas conformes à
notre état et à notre condition, ne feraient que nous nuire. Mais il est dur, j’ose le répéter, il est dur que, placés
dans un monde si plein de besoins et de nécessités, où presque tout être, tout
élément, soit est (215) notre ennemi, soit nous refuse son assistance, nous
devions aussi lutter contre notre propre tempérament et que nous soyons privés
de cette faculté qui seule peut nous protéger de ces maux multipliés.
La quatrième
circonstance d’où viennent la misère et
le mal dans l’univers est l’exécution imprécise de tous les ressorts
et principes de la grande machine de la nature. Il faut reconnaître qu’il est peu de parties dans l’univers qui ne semblent pas servir quelque
dessein et dont la suppression ne produirait pas des dysfonctionnements et des
désordres visibles dans le tout. Les parties se tiennent les unes aux autres et
on ne peut en toucher une sans affecter le reste à un degré plus ou moins
important. Mais, en même temps, il faut remarquer que ces parties ou principes,
malgré leur utilité, ne sont pas exactement ajustés de façon à se tenir dans
les bornes de leur utilité. Elles sont toutes (216) susceptibles, en toute
occasion, d’aller d’un extrême à l’autre. On imaginerait que cette grande
production n’a pas reçu la dernière
main de son fabricant, si peu finies sont toutes les parties et si grossiers
sont les traits avec lesquels elle est exécutée. Ainsi les vents sont
nécessaires pour transporter les nuages sur la surface du globe et ils aident
les hommes dans la navigation mais que de fois ils deviennent nuisibles en
formant des tempêtes et des ouragans! Les pluies sont nécessaires pour nourrir
toutes les plantes et tous les animaux de la terre mais que de fois font-elles
défaut ou sont-elles excessives! La chaleur est nécessaire à toute vie et à
toute végétation mais on ne la trouve pas toujours dans la proportion qui
convient. Du mélange et de la sécrétion des humeurs et des sucs dépendent la
santé et la prospérité de tout animal mais les parties n’accomplissent pas leurs fonctions propres
avec régularité. Quoi de plus utile que toutes les passions de l’esprit, l’ambition, la vanité, l’amour, la colère! (217
Mais que de fois rompent-elles les amarres et causent-elles les plus grandes
convulsions dans la société! Il n’est rien de si avantageux dans l’univers qui ne devienne fréquemment pernicieux par excès ou par défaut
et la nature ne s’est pas gardée avec la
précision requise contre tous les désordres et toutes les confusions. L’irrégularité n’est sans doute jamais assez importante pour
détruire une espèce mais elle suffit souvent pour mener les individus à la
ruine et au malheur.
Du concours de ces quatre
circonstances dépend tout le mal naturel ou sa plus grande partie. Si toutes
les créatures vivantes étaient incapables de ressentir de la douleur ou si le
monde était administré par des volitions particulières, le mal n’aura jamais trouvé d’accès à l’univers; et si les animaux étaient dotés d’un plus grand stock de pouvoirs et de facultés, au-delà de ce que la
stricte nécessité exige, ou si les différents ressorts et principes de (218) l’univers étaient organisés avec assez d’exactitude pour conserver toujours le bon
ajustement et le juste milieu, il devrait y avoir très peu de maux en
comparaison de ceux que nous éprouvons à présent. Qu’allons-nous donc déclarer en cette
occasion? Dirons-nous que ces circonstances ne sont pas nécessaires et qu’elles auraient pu facilement être changées
dans l’organisation de l’univers? La décision semble trop
présomptueuse pour des créatures si aveugles et si ignorantes. Soyons plus
modestes dans nos conclusions. Reconnaissons que, si la bonté de Dieu (j’entends une bonté comme la bonté humaine)
pouvait être établie sur des raisons a priori acceptables, ces
phénomènes, quelque fâcheux soient-ils, ne seraient pas suffisants pour
renverser ce principe et pourraient aisément se concilier avec lui d’une manière que nous ne connaissons pas.
Mais affirmerons-nous encore que, comme cette bonté n’est pas au préalable établie mais
seulement inférée des phénomènes, il ne saurait y avoir de fondement pour une
telle inférence (219) alors qu’il y a tant de maux dans
l’univers et qu’on ne saurait si facilement y remédier,
pour autant que l’entendement humain ait l’autorisation de juger un tel sujet. Je suis assez sceptique pour reconnaître que
les mauvaises apparences, malgré tous mes raisonnements, peuvent être
compatibles avec ces attributs que vous supposez mais, à coup sûr, elles ne
sauraient jamais prouver ces attributs. Une telle conclusion ne peut résulter du
scepticisme mais doit venir des phénomènes et de notre confiance dans les
raisonnements que nous déduisons de ces phénomènes.
Parcourez l’univers des yeux. Quelle immense profusion
d’êtres animés et organisés, sensibles et
actifs! Vous admirez cette prodigieuse variété et cette prodigieuse fécondité.
Mais regardez de plus près ces existences vivantes, les seules qui méritent qu’on les considère. Comme elles sont
hostiles et comme elles se détruisent les unes les autres! (220) Comme elles
sont toutes incapables par elles-mêmes d’assurer leur propre bonheur! Comment elles sont méprisables et odieuses
pour le spectateur! L’ensemble ne donne que l’idée d’une nature aveugle fécondée par un principe vivifiant et dont les
entrailles déversent, sans discernement et sans soin maternel, ses enfants
estropiés et ratés.
Ici se présente le système manichéen
comme une hypothèse propre à résoudre la difficulté et, sans aucun doute, à
certains égards, cette hypothèse est apparemment correcte et a plus de
probabilité que l’hypothèse commune car elle donne une explication
plausible de l’étrange mélange du bien et du mal qui apparaît dans la
vie. Mais, d’un autre côté, si nous considérons la parfaite
uniformité et le parfait accord des parties de l’univers, nous n’y
découvrirons aucun signe d’un combat entre un être bienveillant et un être
malfaisant. Il est vrai qu’il y a une opposition des douleurs et des plaisirs
(221) dans ce qu’éprouvent les créatures sensibles mais toutes les
opérations de la nature ne s’effectuent-elles pas par une opposition de principes,
de chaud et de froid, d’humide et de sec, de léger et de lourd? La véritable
conclusion est que la source originelle de toutes les choses est entièrement
indifférente à tous ces principes et qu’elle n’a pas plus
d’égard pour le bien que pour le mal, pour le chaud que
pour le froid, pour le sec que pour l’humide, pour le
léger que pour le lourd.
On peut formuler quatre
hypothèses sur les premières causes de l’univers : qu’elles
sont douées d’une parfaite bonté; qu’elles
sont d’une parfaite méchanceté; qu’elles
sont opposées et ont à la fois bonté et méchanceté; qu’elles
n’ont ni bonté, ni méchanceté. Des phénomènes mêlés ne
sauraient jamais prouver les deux premiers principes non mêlés. Et l’uniformité
et la constance des lois générales semblent s’opposer à la
troisième hypothèse. La (222) quatrième semble donc de loin la plus probable.
Ce que j’ai dit
sur le mal naturel s’appliquera au mal moral sans changements ou avec peu
de changements; et nous n’avons pas plus de raisons d’inférer
que la rectitude de l’Être suprême ressemble à la rectitude humaine. Mieux,
on pensera que nous avons de plus grandes raisons encore de lui refuser des
sentiments moraux comme ceux que nous éprouvons puisque, selon beaucoup de personnes,
le mal moral l’emporte davantage sur le bien moral que le mal naturel
sur le bien naturel.
Mais, même si l’on n’admet
pas cette idée et même si l’on reconnaît que la vertu qui se trouve dans l’humanité
est nettement supérieure au vice, pourtant, aussi longtemps qu’il y
aura le moindre vice dans l’univers, l’expliquer sera
pour vous, anthropomorphites, un véritable casse-tête. (223) Vous devez en
donner la cause sans avoir recours à la première cause. Mais, comme tout effet
doit avoir une cause et que cette cause doit avoir une autre cause, soit vous
poursuivez la progression in infinitum, soit vous vous fondez sur ce
principe originel, la cause ultime de toutes les choses.
Arrêtez! Arrêtez! s’écria Déméa,
jusqu’où votre imagination vous entraîne-t-elle? J’ai
fait alliance avec vous pour prouver l’incompréhensibilité
de la nature de l’Être divin et réfuter les principes de Cléanthe
qui voudrait mesurer toute chose avec une règle et des critères humains. Mais
je vois maintenant que vous vous précipitez vers les arguments des plus grands
libertins et des plus grands infidèles et que vous trahissez cette sainte cause
que vous sembliez épouser. Êtes-vous donc secrètement un ennemi plus dangereux
que Cléanthe lui-même?
Et c’est
seulement maintenant que vous vous en rendez compte? (224) reprit Cléanthe.
Croyez-moi, Déméa, votre ami Philon, depuis le début, s’est
amusé à nos dépens et il faut avouer que le raisonnement peu judicieux de notre
théologie vulgaire ne lui a que trop justement donné l’occasion
de la tourner en ridicule. La complète infirmité de la raison humaine, l’absolue
incompréhensibilité de la nature divine, la grande et universelle misère des
hommes et leur plus grande méchanceté encore, ce sont assurément là d’étranges
arguments pour être si naïvement chéris par les théologiens et les docteurs
orthodoxes. Aux époques de stupidité et d’ignorance, il est
vrai que ces principes peuvent être épousés avec confiance et peut-être aucune
vue des choses n’est plus propre à favoriser la superstition que celle
qui encourage la stupeur aveugle, la défiance et la mélancolie des hommes. Mais
à présent …
Ne blâmez pas tant, interrompit Philon,
l’ignorance de ces révérends gentlemen. Ils savent
comment changer de style selon l’époque. Avant, c’était une idée
des plus populaires que de soutenir que la vie humaine n’est
que vanité et misère et d’exagérer toutes les souffrances et tous les maux
attachés aux hommes. Mais, ces dernières années, ils commencent à revenir sur
cette position et ils soutiennent, quoiqu’avec quelque
hésitation encore, qu’il y a plus de biens que de maux et plus de plaisirs
que de douleurs, même dans cette vie. Quand la religion reposait sur le
tempérament et l’éducation, on jugeait bon d’encourager
la mélancolie car il est vrai que c’est dans cette
disposition que les hommes ont volontiers recours à des puissances supérieures.
Mais, comme les hommes ont désormais appris à former des principes et à tirer
des conséquences, il est nécessaire de changer de batterie et d’user d’arguments
qui puissent endurer quelque contrôle et quelque examen. Ce changement est le
même (et vient des mêmes causes) (226) que celui que j’ai
précédemment remarqué à l’égard du scepticisme.
Ainsi Philon continua dans
son esprit d’opposition et de censure des opinions établies. Mais
je pus observer que Déméa ne goûta pas la dernière partie du discours et
que, peu après, il trouva quelque prétexte pour quitter la compagnie.
PARTIE XII
(227)
Après
le départ de Déméa, Cléanthe et Philon continuèrent la
conversation de la manière suivante. Notre ami, j’en ai peur, dit Cléanthe, sera peu enclin à ranimer ce sujet de
conversation tant que vous serez en notre compagnie et, à dire la vérité, je
préférerais plutôt raisonner en particulier avec l’un d’entre vous sur un sujet aussi sublime et aussi intéressant. Votre esprit
de controverse et votre aversion de la superstition vulgaire vous entraînent
étrangement loin quand vous êtes engagés dans un argument et il n’est rien de sacré ni de vénérable, même à
vos propres yeux, que vous n’épargniez en cette
occasion.
(228)
Je dois avouer, reprit Philon, que je suis moins circonspect sur le
sujet de la religion naturelle que sur tout autre parce que je sais que je ne
peux jamais, sur ce point, corrompre les principes d’un homme de sens commun et parce que les
personnes, j’en suis certain, aux
yeux desquelles je parais être un homme de sens commun, ne se méprendront
jamais sur mes intentions. Vous en particulier, Cléanthe, vous avec qui
je vis dans une intimité sans réserve, vous savez que, malgré la liberté de ma
conversation et mon amour des arguments singuliers, nul n’a un sens de la religion plus profond dans
son esprit, nul ne rend une adoration plus profonde à l’Être divin tel qu’il se révèle à la raison dans l’agencement et l’artifice inexplicables de la nature. Un
but, une intention, un dessein frappe partout le penseur le plus irréfléchi et
le plus stupide et personne ne peut s’être assez endurci dans d’absurdes systèmes pour
rejeter constamment ce fait. Que la nature ne fait rien en (229) vain
est une maxime établie dans toutes les écoles à partir de la simple
contemplation des ouvrages de la nature, et cela sans intention religieuse; et,
par la ferme conviction de la vérité de cette maxime, un anatomiste qui a
remarqué un nouvel organe ou un nouveau canal ne sera satisfait que quand il
aura aussi découvert sa fonction et son but. Un grand fondement du système
copernicien est la maxime que la nature agit par les méthodes les plus
simples et choisit les moyens les plus appropriés à une fin; et les
astronomes, souvent, sans y penser, posent ce solide fondement de la piété et
de la religion. La même chose s’observe dans les autres
parties de la philosophie et, ainsi, presque toutes les sciences nous
conduisent insensiblement à reconnaître un premier auteur intelligent; et leur
autorité est d’autant plus grande qu’elles ne professent pas directement cette
intention.
C’est avec plaisir que j’entends Galien raisonner sur la structure du (230) corps humain. L’anatomie de l’homme, dit-il [27], révèle plus de 600 muscles différents et quiconque les considère comme il faut verra que, dans chacun d’eux, la nature a ajusté au moins dix circonstances différentes pour atteindre la fin qu’elle se proposait : des formes appropriées, une juste grandeur, une disposition correcte des diverses fins, une position supérieure et inférieure de l’ensemble, une bonne insertion des différents nerfs, veines et artères. De sorte que, dans les seuls muscles, plus de 600 intentions et vues différentes doivent avoir été formées et exécutées. Les os, il en compte 284, les buts distincts visés dans la structure de chacun, plus de quarante. Quel prodigieux déploiement d’adresse, même dans ces parties simples et homogènes ! Mais si nous considérons la peau, les ligaments, les vaisseaux, les glandes, les humeurs, les différents organes et membres du corps, combien (232) notre étonnement doit-il s’accroître à proportion du nombre et de la complexité de parties ajustées avec tant d’art ! Plus nous avançons dans ces recherches et plus nous découvrons de nouvelles scènes d’art et de sagesse. Mais voyez, à distance, des scènes encore plus lointaines et hors de notre portée, dans la fine structure interne des parties, dans l’économie du cerveau, dans la structure des vaisseaux séminaux. Tous ces artifices se répètent dans toutes les espèces animales avec une variété étonnante et s’adaptent parfaitement aux différentes intentions de la nature dans la formation de chaque espèce. Et si l’incroyance de Galien, même quand ces sciences naturelles étaient encore imparfaites, ne put résister à ces apparences frappantes, quel degré d’obstination opiniâtre un philosophe doit-il avoir atteint à cette époque pour pouvoir encore douter de l’existence d’une intelligence suprême !
Si je rencontrais quelqu’un de cette espèce (231) – mais il sont, Dieu merci, très rares – je lui poserais cette question : en supposant qu’il y ait un dieu qui ne se révèle pas immédiatement à nos sens, lui serait-il possible de nous donner des preuves de son existence plus solides que celles qui apparaissent sur toute la face de la nature ? En vérité, que pourrait faire cet Etre divin sinon copier la présente économie des choses, rendre de nombreux artifices si manifestes qu’aucune stupidité ne pourrait se méprendre sur eux, offrir un aperçu d’artifices encore plus grands qui démontrerait sa prodigieuse supériorité sur notre intelligence étroite et cacher entièrement un grand nombre de ces artifices à de telles créatures imparfaites ? Or, selon toutes les règles du bon raisonnement, tout fait doit passer pour indiscutable quand il est soutenu par tous les arguments que sa nature admet, même si ces arguments ne sont pas en eux-mêmes très nombreux et très puissants ; à plus forte raison dans le cas présent où aucune imagination humaine ne peut calculer leur nombre (233) et aucun entendement ne peut estimer leur force.
De plus, j’ajouterai, dit Cléanthe, à ce que vous avez si bien montré, qu’un grand avantage du principe du théisme est que c’est le seul système de cosmogonie qui peut être rendu intelligible et complet et qui peut cependant conserver une forte analogie avec ce que nous voyons et expérimentons tous les jours dans le monde. La comparaison entre l’univers et une machine construite par l’homme est si évidente et si naturelle et est justifiée par tant d’exemples d’ordre et de desseins dans la nature qu’elle doit frapper tout entendement libre de préjugés et obtenir l’approbation universelle. Quiconque entreprend d’affaiblir cette théorie ne peut prétendre y réussir en établissant à sa place une autre théorie précise et déterminée. Il lui suffit, s’il soulève des doutes et des difficultés, d’atteindre, (234) par des vues lointaines et abstraites, à cette suspension du jugement qui est le terme extrême de ses désirs. Mais, outre que cet état d’esprit, en lui-même, ne nous satisfait pas, il ne peut jamais être fermement maintenu contre ces apparences frappantes qui nous engagent continuellement dans l’hypothèse religieuse. La nature humaine, par la force des préjugés, est capable d’adhérer à un système faux ou absurde avec obstination et persévérance mais pas de système du tout, en opposition avec une théorie soutenue par des raisons fortes et évidentes, par un penchant naturel et par la première éducation, voilà, je pense, ce qu’il est absolument impossible de maintenir ou de défendre.
J’estime si peu, reprit Philon, que cette suspension du jugement soit possible que je suis porté à soupçonner qu’il entre comme une dispute de mots dans cette controverse, et cela plus qu’on ne l’imagine habituellement. Que les ouvrages de la nature aient une grande (235) analogie avec les productions de l’art, c’est évident et, selon toutes les règles du bon raisonnement, vous devons inférer, si nous argumentons tant soit peu sur eux, que leurs causes ont une analogie proportionnelle. Mais, comme il y a aussi des différences considérables, nous avons des raisons de supposer une différence proportionnelle dans les causes et, en particulier, nous devons attribuer à la cause suprême un plus haut degré de pouvoir et d’énergie que ceux que nous avons observés dans le genre humain. Ici donc, l’existence d’un dieu est manifestement établie par la raison et, si nous nous demandons si nous pouvons sans impropriété l’appeler un esprit ou une intelligence malgré la grande différence qu’on peut raisonnablement supposer entre lui et les esprits humains, qu’est-ce sinon une simple controverse verbale ? Personne ne peut nier les analogies entre les effets. Nous empêcher de faire des recherches sur les causes n’est guère possible. (236) La légitime conclusion de cette recherche est que les causes ont aussi une analogie. Et, si nous ne nous contentons pas d’appeler la cause première et suprême un dieu ou une divinité mais que nous désirons varier l’expression, comment pouvons-nous l’appeler sinon esprit ou pensée, réalités auxquelles il est justement supposé avoir une ressemblance considérable.
Tous les hommes qui ont une raison saine sont dégoûtés des disputes verbales qui abondent tant dans les recherches philosophiques que dans les recherches théologiques ; et on s’aperçoit que le seul remède à cet abus doit venir de définitions claires, de la précision des idées qui entrent dans une argumentation et de l’usage strict et uniforme des termes qui sont employés. Mais il y a une espèce de controverse qui, par la nature même du langage et des idées humaines, est enveloppée d’une perpétuelle ambiguïté et qui ne peut jamais, par aucune précaution (237), par aucune définition, atteindre une certitude ou une précision raisonnable. Ce sont les controverses sur les degrés d’une qualité ou d’une circonstance. On peut disputer pendant toute l’éternité pour savoir si Hannibal était un grand homme, un très grand homme ou un homme suprêmement grand, quel degré de beauté Cléopâtre possédait ou avec quel épithète on peut justement faire l’éloge de Tite-Live ou de Thucydide sans parvenir à trancher la discussion. Ceux qui débattent peuvent ici s’accorder sur le sens et différer dans les termes, ou vice versa, et pourtant n’être jamais capables de définir suffisamment les termes qu’ils emploient pour faire comprendre à l’autre le sens qu’ils leur donnent parce que les degrés de ces qualités ne sont pas, comme la quantité ou le nombre, susceptibles d’une mesure exacte qui puisse être la règle de la controverse. Le plus léger examen montrera que la dispute sur le théisme est de cette nature et que, par conséquent, elle n’est qu’une dispute purement verbale ou, peut-être, si c’est possible, encore plus incurablement ambiguë (238). Je demande au théiste s’il ne reconnaît pas qu’il y a une grande et incommensurable – parce qu’incompréhensible – différence entre l’esprit humain et l’esprit divin. Plus il sera pieux et plus il donnera volontiers son assentiment à l’affirmative et plus il sera disposé à exagérer la différence. Il affirmera même que la différence est d’une nature telle qu’elle ne saurait être trop exagérée. Je me tourne maintenant vers l’athée qui, je l’affirme, ne l’est que de nom et ne saurait l’être sérieusement et je lui demande si, par la cohérence et l’apparente sympathie de toutes les parties de ce monde, il n’y a pas un certain degré d’analogie entre toutes les opérations de la nature dans toutes les situations et à toutes les époques, si la putréfaction d’un navet, la génération d’un animal et la structure de l’esprit humain ne sont pas des énergies qui, probablement, ont entre elles une lointaine analogie. Il est impossible qu’il le nie (239) ; il le reconnaîtra volontiers. Ayant obtenu cette concession, je le pousse encore davantage dans son retranchement et je lui demande s’il n’est pas probable que le principe qui arrangea au début et qui maintient encore l’ordre dans l’univers n’ait pas aussi quelque analogie lointaine et inconcevable avec les autres opérations de la nature et, entre autres, avec l’économie de l’esprit et de la pensée de l’homme. Même réticent, il doit donner son assentiment. Où est donc, vais-je demander aux deux adversaires, le sujet de votre dispute ? Le théiste admet que l’intelligence originelle est très différente de la raison humaine et l’athée admet que le principe originel a quelque lointaine analogie avec elle. Allez-vous vous quereller, messieurs, sur les degrés et entrer dans une controverse qui n’admet aucun sens précis et qui, par conséquent, ne saurait être tranchée ? Si vous êtes si obstinés, je ne serais pas surpris de (240) vous voir insensiblement changer de côté, le théiste, d’un côté, exagérant la dissimilitude entre l’Etre Suprême et les créatures fragiles, imparfaites, variables, éphémères et mortelles et l’athée, d’un autre côté, exagérant l’analogie entre les opérations de la nature à toutes les époques, dans toutes les situations et positions. Considérez donc où se trouve le point réel de la controverse et, si vous ne pouvez renoncer à vos disputes, efforcez-vous au moins de vous guérir de votre animosité.
Et ici, je dois aussi reconnaître, Cléanthe, que, comme les œuvres de la nature ont une plus grande analogie avec les effets de notre art et de notre technique qu’avec les effets de notre bienveillance et de notre justice, nous avons raison d’inférer que les attributs naturels de Dieu ont une plus grande ressemblance avec ceux des hommes que ses attributs moraux n’en ont avec les vertus humaines. Mais quelle est la conséquence ? Aucune (241), sinon que les qualités morales de l’homme sont plus déficientes dans leur genre que ses aptitudes naturelles. En effet, comme on reconnaît que l’Etre Suprême est absolument et entièrement parfait, plus on diffère de lui et plus on s’éloigne du modèle suprême de rectitude et de perfection. [28]
Ce sont là, Cléanthe, mes véritables sentiments sur ce sujet et vous savez que je les ai toujours nourris et soutenus. Mais autant je vénère la vraie religion, autant j’ai en aversion les superstitions vulgaires; et j’éprouve un plaisir particulier, je l’avoue, à pousser ces principes tantôt jusqu’à l’absurdité, tantôt jusqu’à l’impiété. Vous savez que tous les bigots, bien qu’ils aient une plus grande aversion pour l’impiété que pour l’absurdité, sont généralement également coupables des deux.
J’avoue, répondit Cléanthe, que mon inclination emprunte un chemin contraire. La religion, même corrompue, est toujours meilleure que pas de religion du tout. La doctrine d’un état futur est une garantie si solide et si nécessaire de la morale que nous ne devons jamais l’abandonner ou la négliger. En effet, si des récompenses et des punitions finies et temporaires ont un effet aussi grand, comme nous le (243) voyons chaque jour, quel effet encore plus grand ne devons-nous pas attendre de récompenses et de punitions infinies et éternelles?
Comment se fait-il donc, dit Philon, si la superstition vulgaire est aussi salutaire à la société, que toute l’histoire abonde en récits de ses pernicieuses conséquences sur les affaires publiques? Factions, guerres civiles, persécutions, renversements de gouvernements, oppression, esclavage, telles sont les funestes conséquences qui accompagnent toujours son empire sur l’esprit des hommes. Si jamais l’esprit religieux est mentionné dans un récit historique, nous sommes certains de rencontrer ensuite le détail des malheurs qui l’accompagnent. Aucune époque n’est plus heureuse ou plus prospère que celles où les hommes ne s’en soucient pas et n’en entendent pas parler.
La raison de cette observation, répondit Cléanthe, est évidente. La (244) fonction propre de la religion est de régler le cœur des hommes, d’humaniser leur conduite, de leur insuffler l’esprit de tempérance, d’ordre et d’obéissance; et, comme son opération est silencieuse et ne fait que renforcer les motifs de la moralité et de la justice, elle est en danger d’être négligée et confondue avec ces autres motifs. Quand elle se distingue et agit comme un principe séparé sur les hommes, elle s’est écartée de sa sphère propre et n’est plus que la couverture de la faction et de l’ambition.
Et il en sera ainsi de toute religion, dit Philon, à l’exception de la religion du genre philosophique et rationnel. Vos raisonnements sont plus aisément éludés que mes faits. Il n’est pas juste d’inférer que, parce que des récompenses et des punitions finies et temporaires ont une aussi grande influence, les récompenses et punitions infinies et éternelles doivent avoir une influence encore plus grande. Considérez, je vous prie, l’attachement que nous avons pour (245) les choses présentes et le peu de souci que nous montrons pour des objets si lointains et incertains. Quand les théologiens déclament contre la conduite et le comportement habituels du monde, ils représentent toujours ce principe comme le plus fort que l’on puisse imaginer (ce qu’il est en vérité) et ils décrivent presque tout le genre humain comme soumis à son influence et plongé dans la plus profonde léthargie et la plus profonde indifférence à l’égard des intérêts religieux. Pourtant, ces mêmes théologiens, quand ils réfutent leurs adversaires spéculatifs, supposent les motifs religieux si puissants que, sans eux, la société civile ne pourrait subsister; et ils n’ont pas honte d’une contradiction aussi palpable. L’expérience nous montre avec certitude que le moindre brin d’honnêteté et de bienveillance naturelles a plus d’effet sur la conduite des hommes que les plus pompeuses vues suggérées par les théories et les systèmes théologiques. L’inclination naturelle d’un homme agit sans cesse sur lui, elle est toujours (246) présente à l’esprit et se mêle à chaque vue et à chaque considération alors que les motifs religieux, quand ils agissent un tant soit peu, opèrent par sursauts et par bonds; et il n’est guère possible à l’esprit de s’y habituer totalement. La force de la plus grande gravité, disent les philosophes, est infiniment petite en comparaison de celle de la moindre impulsion. Il est pourtant certain que la plus petite gravité l’emportera finalement sur une grande impulsion parce qu’aucun choc ou coup ne peut être répété avec une constance telle que celle de l’attraction et de la gravitation.
Un autre avantage de l’inclination : elle engage de son côté toute l’intelligence et toute l’ingéniosité de l’esprit et, quand elle se trouve en opposition avec des principes religieux, elle cherche toutes les méthodes et tous les artifices pour les éluder, à quoi elle réussit presque toujours. Qui peut expliquer le cœur de l’homme ou rendre compte de ces étranges échappatoires et excuses (247) dont les gens se satisfont quand ils suivent leurs inclinations en opposition avec leur devoir religieux? C’est ce qui est bien compris dans le monde et seul un imbécile fait moins confiance à un homme parce qu’il a entendu dire que cet homme, par l’étude et la philosophie, en est venu à nourrir certains doutes spéculatifs à l’égard des sujets théologiques. Et quand nous avons affaire à un homme qui fait grande profession de religion et de dévotion, cela a-t-il d’autre effet sur ceux qui passent pour prudents que de les mettre en garde, de peur d’être dupés et trompés par lui?
Nous devons de plus considérer que les philosophes qui cultivent la raison et la réflexion ont moins besoin de tels motifs pour rester sous la contrainte de la morale et que le vulgaire, qui seul peut en avoir besoin, est totalement incapable d’une religion assez pure pour représenter un Dieu (248) qui ne se satisfait que d’une chose, la vertu dans la conduite humaine. On suppose généralement que les recommandations à Dieu sont des observances frivoles, des extases profondes ou une crédulité bigote. Nous n’avons pas besoin de remonter jusqu’à l’antiquité ou d’aller dans des contrées lointaines pour trouver des exemples de cette décadence. Parmi nous, certains se sont rendus coupables de ce crime inconnu des superstitions égyptiennes et grecques, déclamer en termes exprès contre la moralité et la représenter comme un moyen sûr de perdre la faveur divine si on lui accorde la moindre confiance.
Mais, même si la superstition ou l’enthousiasme ne se mettait pas en opposition directe avec la moralité, le fait même de détourner l’attention, de faire naître une nouvelle et frivole espèce de mérite, la distribution absurde qu’elle fait des louanges et des blâmes doivent avoir (249) les conséquences les plus pernicieuses et doivent extrêmement affaiblir l’attachement des hommes aux motifs naturels de justice et d’humanité.
En outre, un tel principe, n’étant pas l’un des motifs familiers de la conduite humaine, n’agit que par intervalles sur le tempérament et doit être réveillé par de continuels efforts pour que le pieux zélateur remplisse son devoir de dévotion et soit satisfait de sa propre conduite. On s’engage dans de nombreux exercices religieux avec une ferveur apparente alors que le cœur, en même temps, se sent froid et languissant. L’habitude de la dissimulation se contracte par degrés, la fraude et la fausseté deviennent le principe prédominant. C’est la raison de cette observation vulgaire, que le plus grand zèle en religion et la plus profonde hypocrisie, loin d’être incompatibles, sont souvent ou communément unis dans le même individu.
(250) On peut facilement imaginer les mauvais effets de telles habitudes, même dans la vie courante; mais, quand les intérêts de la religion sont concernés, aucune moralité ne saurait être assez forte pour freiner le zélateur enthousiaste. La sainteté de la cause sanctifie toutes les mesures prises pour la promouvoir.
La seule attention constante à un intérêt aussi important que le salut éternel est susceptible d’éteindre les affections bienveillantes et d’inspirer un égoïsme étroit et rétréci. Quand un tel tempérament est encouragé, il élude facilement tous les préceptes généraux de charité et de bienveillance.
Ainsi les motifs de la superstition vulgaire n’ont pas une grande influence sur la conduite générale et leur opération n’est pas très favorable à la moralité dans les cas où ils prévalent.
(251) Existe-t-il une maxime politique plus certaine et plus infaillible que celle qui déclare que le nombre et l’autorité des prêtres doivent être confinés dans des limites très étroites et que le magistrat civil doit pour toujours tenir éloignés de mains si dangereuses ses faisceaux et ses haches? [29] Mais, si l’esprit de la religion populaire était si salutaire à la société, c’est une maxime contraire qui devrait prévaloir. Plus le nombre de prêtres sera grand, plus leur autorité et leurs richesses seront importantes et plus l’esprit religieux augmentera. Quoique les prêtres aient la direction de cet esprit, pourquoi ne pourrions nous pas attendre une sainteté de vie plus grande, une plus grande bienveillance et une plus grande modération de la part de personnes qui se distinguent par leur fonction religieuse, qui inculquent continuellement cet esprit aux autres et qui doivent s’en imprégner d’une plus grande part? D’où vient donc que, dans les faits, le plus qu’un sage magistrat puisse se proposer à l’égard des religions populaires est, autant que possible, de tirer (252) son épingle du jeu [30] et d’empêcher leurs conséquences pernicieuses à l’égard de la société. Tous les expédients qu’il essaie dans cet humble but s’entourent d’inconvénients. S’il n’admet qu’une religion parmi ses sujets, il doit sacrifier à une perspective incertaine de tranquillité toute considération de liberté publique, de science, de raison, d’industrie et même sa propre indépendance. S’il permet qu’il y ait plusieurs sectes, ce qui est la maxime la plus sage, il doit conserver une indifférence très philosophique envers toutes et il doit soigneusement limiter les prétentions de la secte la plus importante. Autrement, il ne peut s’attendre qu’à d’interminables disputes, querelles, factions, persécutions et troubles civils.
La vraie religion, je l’admets, n’a pas ces conséquences pernicieuses mais vous devons traiter de la religion telle qu’on la trouve d’ordinaire dans le monde et je ne m’en prends pas ici à la doctrine spéculative (253) du théisme qui, en tant qu’elle est une espèce de philosophie, partage nécessairement l’influence bénéfique de ce principe et, en même temps, connaît le même inconvénient d’être limitée à un très petit nombre de personnes.
On exige des serments dans toutes les cours de justice mais c’est une question de savoir si leur autorité vient d’une religion populaire. Ce sont surtout la solennité et l’importance de l’occasion, le souci de la réputation et la réflexion sur les intérêts généraux de la société qui retiennent les hommes. Les serments de douane [31] et les serments politiques ne sont que peu considérés, même par ceux qui prétendent à des principes d’honnêteté et de religion; et la déclaration d’un Quaker se trouve pour nous et à juste titre sur le même pied que le serment de toute autre personne. Je sais que Polybe [32] attribue la triste réputation de la foi grecque à la prédominance (254) de la philosophie épicurienne mais je sais aussi que la foi punique avait une aussi mauvaise réputation dans les anciens temps que le témoignage irlandais à l’époque moderne, bien que nous ne puissions expliquer ces observations communes par la même raison. Sans mentionner que la foi grecque avait une mauvaise réputation avant la naissance de la philosophie épicurienne et qu’Euripide [33], dans un passage que je vous indiquerai, avait lancé contre sa nation un trait remarquable de satire à l’égard de cette circonstance.
Prenez garde, Philon, reprit Cléanthe, prenez garde : ne poussez pas les choses trop loin, ne laissez pas votre zèle contre la fausse religion saper votre vénération de la vraie. Ne renoncez pas à ce principe, l’essentiel et le seul grand réconfort dans la vie, notre principal soutien au milieu de toutes les attaques de la mauvaise fortune. La plus agréable réflexion qu’il soit possible (255) à l’imagination humaine de suggérer est celle de l’authentique théisme qui nous représente comme l’ouvrage d’un Être parfaitement bon, sage et puissant, qui nous a créés pour le bonheur et qui, ayant implanté en nous des désirs illimités de bonté, prolongera notre existence pendant toute l’éternité et nous transportera dans une infinie variété de scènes afin de satisfaire ces désirs et de rendre notre félicité complète et durable. Juste après celui de cet Être lui-même (si l’on nous permet cette comparaison), le plus heureux sort que nous puissions imaginer est celui d’un être qui se trouve sous sa garde et sous sa protection.
Ces apparences, dit Philon, sont les plus engageantes et les plus séduisantes et, pour le vrai philosophe, ce sont plus que des apparences mais ici, comme dans le cas précédent, ces apparences, pour la plus grande partie du genre humain, se révèlent trompeuses et (256) les terreurs de la religion l’emportent d’ordinaire sur ses réconforts.
Il est connu que les hommes n’ont jamais si volontiers recours à la religion que quand ils sont accablés par le chagrin ou abattus par la maladie. N’est-ce pas la preuve que l’esprit religieux est plus étroitement lié à la tristesse qu’à la joie?
Mais les hommes, quand ils sont affligés, trouvent une consolation dans la religion, répondit Cléanthe. Parfois, dit Philon, mais il est naturel d’imaginer que, quand ils font de ces êtres inconnus les objets de leur contemplation, ils s’en forment une idée conforme à la tristesse et la mélancolie actuelles de leur tempérament. C’est pourquoi les images les plus effrayantes prédominent dans toutes les religions; et nous-mêmes, après avoir employé les expressions les plus sublimes pour décrire Dieu, tombons dans la plus nette contradiction en affirmant que (257) le nombre des damnés est infiniment supérieur au nombre des élus.
J’ose affirmer qu’aucune religion populaire n’a jamais représenté l’état des âmes défuntes sous une lumière qui fasse souhaiter aux hommes qu’il y ait un tel état. Les beaux modèles de religion ne sont que le produit de la philosophie. En effet, comme la mort se trouve entre l’œil et la perspective d’une vie future, cet événement est si horrible pour la nature qu’il répand nécessairement une noirceur sur toutes les régions de l’au-delà et suggère à la plupart des hommes les idées de Cerbère, de furies, de démons et de torrents de feu et de soufre.
Il est vrai que la crainte et l’espérance entrent dans la religion parce que ces deux passions, à des moments différents, agitent l’esprit humain et que chacune d’elles se forme une espèce de divinité qui lui est conforme. Mais, (258) quand un homme est dans une disposition joyeuse, il est prêt pour le travail, la compagnie et tous les genres de divertissement et il s’applique à ces occupations sans penser à la religion. Quand il est mélancolique et abattu, il n’a rien d’autre à faire que broyer du noir sous les terreurs du monde invisible et se plonger encore plus profondément dans l’affliction. En vérité, il peut arriver que, après avoir profondément gravé les opinions religieuses dans sa pensée et son imagination, un changement de santé ou de circonstances restaure sa bonne humeur et, faisant naître de joyeuses perspectives d’avenir, le jette dans l’autre extrême, la joie et le triomphe. Mais encore faut-il reconnaître que, comme la terreur est le principe premier de la religion, c’est la passion qui prédomine toujours en elle et qui n’admet que de brefs intervalles de plaisir.
Sans mentionner que ces excès (259) de joie excessive et enthousiaste, en épuisant les esprits, préparent toujours la voie à des excès semblables de terreurs superstitieuses et d’abattement. Il n’est aucun état de l’esprit si heureux que le calme et l’égalité d’humeur mais il est impossible de maintenir cet état quand on pense qu’on se trouve, dans une telle obscurité profonde et une telle incertitude, entre une éternité de bonheur et une éternité de malheur. Il n’est pas étonnant qu’une telle opinion introduise le désordre dans l’organisation ordinaire de l’esprit et le jette dans la plus extrême confusion. Et bien que cette opinion soit rarement assez constante pour influencer toutes les actions, elle est cependant susceptible de détériorer considérablement le tempérament et de produire cette noirceur et cette mélancolie si remarquables chez tous les dévots.
Il est contraire au sens commun de nourrir des appréhensions ou des terreurs en raison d’une opinion ou d’imaginer que nous courons un risque dans l’au-delà (260) en usant librement de notre raison. Un tel sentiment implique à la fois une absurdité et une contradiction. C’est une absurdité de croire que Dieu a des passions humaines et l’une des plus basses, un ardent appétit des applaudissements. C’est une contradiction de croire que, puisque Dieu a cette passion humaine, il n’en a pas d’autres et en particulier le mépris des opinions de créatures si inférieures.
Connaître Dieu, dit Sénèque, c’est lui rendre un culte. Tous les autres cultes sont en vérité absurdes, superstitieux et même impies. Ils le dégradent jusqu’à la basse condition des hommes qui se délectent des supplications, des sollicitations, des présents et des flatteries. Encore cette impiété est-elle la plus petite dont se rende coupable la superstition. Généralement, elle ravale Dieu bien au-dessous de la condition du genre humain et le représente comme un démon capricieux qui exerce son pouvoir sans raison et (261) sans humanité. Et si l’Être divin était disposé à s’offenser des vices et des folies de stupides mortels – qui sont son propre ouvrage – les zélateurs de la plupart des superstitions populaires seraient certainement en mauvaise posture. Aucun membre de la race humaine ne mériterait sa faveur sinon une très petite minorité, les philosophes théistes qui nourrissent ou plutôt, en fait, s’efforcent de nourrir des idées conformes à ses divines perfections. De même, les seules personnes qui auraient droit à sa compassion et son indulgence seraient les philosophes sceptiques, une secte presque aussi rare, qui, par une défiance naturelle envers leurs propres capacités, suspendent ou s’efforcent de suspendre tout jugement sur des sujets aussi sublimes et aussi extraordinaires.
Si l’ensemble de la théologie naturelle, comme certaines personnes semblent le soutenir, se réduit à une proposition simple quoique quelque peu ambiguë ou du moins indéfinie, (262) à savoir que la ou les causes de l’ordre de l’univers ont probablement quelque lointaine analogie avec l’intelligence humaine, si cette proposition n’est pas capable d’extension, de variation ou d’explication plus précise, si elle n’offre aucune inférence qui affecte la vie humaine ou si elle ne peut être la source d’une action ou d’une abstention d’action, et si l’analogie, imparfaite comme elle est, ne peut être portée au-delà de l’intelligence humaine et ne peut être transférée avec quelque apparence de probabilité aux autres qualités de l’esprit, si c’est réellement le cas, que peut faire d’autre l’homme le plus curieux, le plus contemplatif et le plus religieux sinon donner un assentiment complet et philosophique à la proposition aussi souvent qu’elle se présente et croire que les arguments sur lesquels elle est établie dépassent les objections qu’on lui oppose. En vérité, un certain étonnement peut naître de la grandeur de l’objet, une certaine mélancolie de son obscurité, un certain mépris de la raison humaine (263) parce qu’elle ne peut donner une solution plus satisfaisante à cette question extraordinaire et magnifique. Mais croyez-moi, Cléanthe, le sentiment le plus naturel qu’un esprit bien disposé puisse éprouver en cette occasion est une attente et un désir ardents qu’il plaise au Ciel de dissiper ou du moins d’alléger cette profonde ignorance en offrant certaines révélations plus précises au genre humain et en lui faisant découvrir la nature, les attributs et les opérations de l’objet divin de notre foi. Une personne qui éprouve un juste sentiment des imperfections de la raison naturelle ira vers les vérités révélées avec la plus grande avidité alors que le dogmatique hautain, persuadé de pouvoir ériger un système complet de théologie par la seule aide de la philosophie, dédaignera toute autre aide et rejettera cet instructeur extérieur. Être un philosophe sceptique est, chez un homme de lettres, le premier pas et le plus essentiel vers (264) la véritable foi chrétienne; une proposition que je recommanderais volontiers à l’attention de Pamphile; et j’espère que Cléanthe me pardonnera d’être tant intervenu dans l’éducation et l’instruction de son élève.
Cléanthe et Philon ne poussèrent pas la conversation plus loin et, comme rien n’a jamais fait une plus grande impression sur moi que tous les raisonnements de cette journée, j’avoue que j’ai revu sérieusement l’ensemble et que je ne peux m’empêcher de penser que les principes de Philon sont plus probables que ceux de Déméa mais que ceux de Cléanthe se rapprochent encore plus de la vérité.
Fin
Dialogues Concerning Natural Religion
by David Hume
(5) It has been remarked, my HERMIPPUS, that
though the ancient philosophers conveyed most of their instruction in the form of
dialogue, this method of composition has been little (6) practised in later
ages, and has seldom succeeded in the hands of those who have attempted it.
Accurate and regular argument, indeed, such as is now expected of philosophical
inquirers, naturally throws a man into the methodical and didactic manner;
where he can immediately, without preparation, explain the point at which he
aims; and thence proceed, without interruption, to deduce the proofs on which
it is established. To deliver a SYSTEM in conversation, scarcely appears
natural; and while the dialogue-writer desires, by departing from the direct
style of composition, to give a freer air to his performance, and avoid the
appearance of Author and Reader, he is apt to run into a worse
inconvenience, and convey the image of Pedagogue and Pupil. Or,
if he carries on the dispute in the natural spirit of good company, by throwing
in a variety of topics, and preserving a proper balance among the speakers, (7)
he often loses so much time in preparations and transitions, that the reader
will scarcely think himself compensated, by all the graces of dialogue, for the
order, brevity, and precision, which are sacrificed to them.
There
are some subjects, however, to which dialogue-writing is peculiarly adapted,
and where it is still preferable to the direct and simple method of
composition.
Any
point of doctrine, which is so obvious that it scarcely admits of
dispute, but at the same time so important that it cannot be too often
inculcated, seems to require some such method of handling it; where the novelty
of the manner may compensate the triteness of the subject; where the vivacity
of conversation may enforce the precept; and where the variety of lights,
presented by various personages and characters, (8) may appear neither tedious
nor redundant.
Any
question of philosophy, on the other hand, which is so obscure and uncertain,
that human reason can reach no fixed determination with regard to it; if it
should be treated at all, seems to lead us naturally into the style of dialogue
and conversation. Reasonable men may be allowed to differ, where no one can
reasonably be positive. Opposite sentiments, even without any decision, afford
an agreeable amusement; and if the subject be curious and interesting, the book
carries us, in a manner, into company; and unites the two greatest and purest
pleasures of human life, study and society.
Happily,
these circumstances are all to be found in the subject of NATURAL RELIGION. What
truth so obvious, so certain, as the being of a (9) God, which the most
ignorant ages have acknowledged, for which the most refined geniuses have
ambitiously striven to produce new proofs and arguments? What truth so
important as this, which is the ground of all our hopes, the surest foundation
of morality, the firmest support of society, and the only principle which ought
never to be a moment absent from our thoughts and meditations? But, in treating
of this obvious and important truth, what obscure questions occur concerning
the NATURE of that Divine Being, his attributes, his decrees, his plan of
providence? These have been always subjected to the disputations of men;
concerning these, human reason has not reached any certain determination. But
these are topics so interesting, that we cannot restrain our restless inquiry
with regard to them; though nothing but doubt, uncertainty, and contradiction,
(10) have as yet been the result of our most accurate researches.
This
I had lately occasion to observe, while I passed, as usual, part of the summer
season with CLEANTHES, and was present at those conversations of his with PHILO
and DEMEA, of which I gave you lately some imperfect account. Your curiosity,
you then told me, was so excited, that I must, of necessity, enter into a more
exact detail of their reasonings, and display those various systems which they
advanced with regard to so delicate a subject as that of natural religion. The
remarkable contrast in their characters still further raised your expectations;
while you opposed the accurate philosophical turn of CLEANTHES to the careless
scepticism of PHILO, or compared either of their dispositions with the rigid
inflexible orthodoxy of DEMEA. My youth rendered me a mere auditor of their
disputes; (11) and that curiosity, natural to the early season of life, has so
deeply imprinted in my memory the whole chain and connection of their
arguments, that, I hope, I shall not omit or confound any considerable part of
them in the recital.
(13)
After
I joined the company, whom I found sitting in CLEANTHES's library, DEMEA paid
CLEANTHES some compliments on the great care which he took of my education, and
on his unwearied perseverance and constancy in all his friendships. The father
of PAMPHILUS, said he, was your intimate friend: The son is your pupil; and may
indeed be regarded as your adopted son, were we to judge by the pains which you
bestow in conveying to him every useful branch of literature and science. You
are no more wanting, I am persuaded, in prudence, than in industry. I shall, therefore, communicate to you (14) a
maxim, which I have observed with regard to my own children, that I may learn
how far it agrees with your practice. The method I follow in their education is
founded on the saying of an ancient, "That students of philosophy ought
first to learn logics, then ethics, next physics, last of all the nature of the
gods." [34]
This science of natural theology, according to him, being the most
profound and abstruse of any, required the maturest judgement in its students;
and none but a mind enriched with all the other sciences, can safely be
entrusted with it.
Are
you so late, says PHILO, in teaching your children the principles of religion?
Is there no danger of their neglecting, or rejecting altogether those opinions
of which they have heard so little during the whole course of their education?
It is only as a science, replied (15) DEMEA, subjected to human reasoning and
disputation, that I postpone the study of Natural Theology. To season their
minds with early piety, is my chief care; and by continual precept and
instruction, and I hope too by example, I imprint deeply on their tender minds
an habitual reverence for all the principles of religion. While they pass
through every other science, I still remark the uncertainty of each part; the
eternal disputations of men; the obscurity of all philosophy; and the strange,
ridiculous conclusions, which some of the greatest geniuses have derived from
the principles of mere human reason. Having thus tamed their mind to a proper
submission and self-diffidence, I have no longer any scruple of opening to them
the greatest mysteries of religion; nor apprehend any danger from that assuming
arrogance of philosophy, which may lead them to reject the most established
doctrines and opinions.
(16
)Your precaution, says PHILO, of seasoning your children's minds early with
piety, is certainly very reasonable; and no more than is requisite in this
profane and irreligious age. But what I chiefly admire in your plan of
education, is your method of drawing advantage from the very principles of
philosophy and learning, which, by inspiring pride and self-sufficiency, have
commonly, in all ages, been found so destructive to the principles of religion.
The vulgar, indeed, we may remark, who are unacquainted with science and
profound inquiry, observing the endless disputes of the learned, have commonly
a thorough contempt for philosophy; and rivet themselves the faster, by that
means, in the great points of theology which have been taught them. Those who
enter a little into study and inquiry, finding many appearances of evidence in
doctrines the newest and most extraordinary, think nothing too (17) difficult
for human reason; and, presumptuously breaking through all fences, profane the
inmost sanctuaries of the temple. But CLEANTHES will, I hope, agree with me,
that, after we have abandoned ignorance, the surest remedy, there is still one
expedient left to prevent this profane liberty. Let DEMEA's principles be improved
and cultivated: Let us become thoroughly sensible of the weakness, blindness,
and narrow limits of human reason: Let us duly consider its uncertainty and
endless contrarieties, even in subjects of common life and practice: Let the
errors and deceits of our very senses be set before us; the insuperable
difficulties which attend first principles in all systems; the contradictions
which adhere to the very ideas of matter, cause and effect, extension, space,
time, motion; and in a word, quantity of all kinds, the object of the only
science that can fairly pretend to any certainty (18) or evidence. When these
topics are displayed in their full light, as they are by some philosophers and
almost all divines; who can retain such confidence in this frail faculty of
reason as to pay any regard to its determinations in points so sublime, so
abstruse, so remote from common life and experience? When the coherence of the parts of a stone, or
even that composition of parts which renders it extended; when these familiar
objects, I say, are so inexplicable, and contain circumstances so repugnant and
contradictory; with what assurance can we decide concerning the origin of
worlds, or trace their history from eternity to eternity?
While
PHILO pronounced these words, I could observe a smile in the countenance both
of DEMEA and CLEANTHES. That of DEMEA seemed to imply an unreserved
satisfaction in the doctrines delivered: But, in CLEANTHES's (19) features, I
could distinguish an air of finesse; as if he perceived some raillery or
artificial malice in the reasonings of PHILO.
You
propose then, PHILO, said CLEANTHES, to erect religious faith on philosophical
scepticism; and you think, that if certainty or evidence be expelled from every
other subject of inquiry, it will all retire to these theological doctrines,
and there acquire a superior force and authority. Whether your scepticism be as absolute and
sincere as you pretend, we shall learn by and by, when the company breaks up:
We shall then see, whether you go out at the door or the window; and whether
you really doubt if your body has gravity, or can be injured by its fall;
according to popular opinion, derived from our fallacious senses, and more
fallacious experience. And this consideration, DEMEA, may, I think, fairly
serve to abate our (20) ill-will to this humorous sect of the sceptics. If they
be thoroughly in earnest, they will not long trouble the world with their
doubts, cavils, and disputes: If they be only in jest, they are, perhaps, bad
raillers; but can never be very dangerous, either to the state, to philosophy,
or to religion.
In
reality, PHILO, continued he, it seems certain, that though a man, in a flush
of humour, after intense reflection on the many contradictions and
imperfections of human reason, may entirely renounce all belief and opinion, it
is impossible for him to persevere in this total scepticism, or make it appear
in his conduct for a few hours. External objects press in upon him; passions
solicit him; his philosophical melancholy dissipates; and even the utmost
violence upon his own temper will not be able, during any time, to preserve the
poor appearance of scepticism. And for (21) what reason impose on himself such
a violence? This is a point in which it will be impossible for him ever to
satisfy himself, consistently with his sceptical principles. So that, upon the
whole, nothing could be more ridiculous than the principles of the ancient
PYRRHONIANS; if in reality they endeavoured, as is pretended, to extend,
throughout, the same scepticism which they had learned from the declamations of
their schools, and which they ought to have confined to them.
In
this view, there appears a great resemblance between the sects of the STOICS
and PYRRHONIANS, though perpetual antagonists; and both of them seem founded on
this erroneous maxim, That what a man can perform sometimes, and in some
dispositions, he can perform always, and in every disposition. When the mind,
by Stoical reflections, is elevated into a sublime enthusiasm of (22) virtue,
and strongly smit with any species of honour or public good, the utmost
bodily pain and sufferings will not prevail over such a high sense of duty; and
it is possible, perhaps, by its means, even to smile and exult in the midst of
tortures. If this sometimes may be the case in fact and reality, much more may
a philosopher, in his school, or even in his closet, work himself up to such an
enthusiasm, and support in imagination the acutest pain or most calamitous
event which he can possibly conceive. But how shall he support this enthusiasm
itself? The bent of his mind relaxes, and cannot be recalled at pleasure;
avocations lead him astray; misfortunes attack him unawares; and the philosopher
sinks by degrees into the plebeian.
I allow of your comparison between the STOICS
and SKEPTICS, replied PHILO. But you may observe, at the same (23) time, that
though the mind cannot, in Stoicism, support the highest flights of philosophy,
yet, even when it sinks lower, it still retains somewhat of its former disposition;
and the effects of the Stoic's reasoning will appear in his conduct in common
life, and through the whole tenor of his actions. The ancient schools,
particularly that of ZENO, produced examples of virtue and constancy which seem
astonishing to present times.
Vain Wisdom all and false
Philosophy.
Yet with a pleasing sorcery could charm
Pain, for a while, or anguish; and excite
Fallacious Hope, or arm the obdurate
breast
With stubborn Patience, as with triple
steel.
In
like manner, if a man has accustomed himself to sceptical considerations on the
uncertainty and narrow limits of reason, he will not entirely forget them when
he turns his reflection on other subjects; but in all his philosophical
principles and reasoning, I dare not say in his common conduct, he will be
found (24) different from those, who either never formed any opinions in the
case, or have entertained sentiments more favourable to human reason.
To
whatever length any one may push his speculative principles of scepticism, he
must act, I own, and live, and converse, like other men; and for this conduct
he is not obliged to give any other reason, than the absolute necessity he lies
under of so doing. If he ever carries his speculations further than this necessity
constrains him, and philosophises either on natural or moral subjects, he is
allured by a certain pleasure and satisfaction which he finds in employing
himself after that manner. He considers besides, that every one, even in common
life, is constrained to have more or less of this philosophy; that from our
earliest infancy we make continual advances in forming more general principles
of conduct and reasoning; (25) that the larger experience we acquire, and the
stronger reason we are endued with, we always render our principles the more
general and comprehensive; and that what we call philosophy is nothing
but a more regular and methodical operation of the same kind. To philosophise
on such subjects, is nothing essentially different from reasoning on common
life; and we may only expect greater stability, if not greater truth, from our
philosophy, on account of its exacter and more scrupulous method of proceeding.
But
when we look beyond human affairs and the properties of the surrounding bodies:
when we carry our speculations into the two eternities, before and after the
present state of things; into the creation and formation of the universe; the
existence and properties of spirits; the powers and operations of one universal
Spirit existing without (26) beginning and without end; omnipotent, omniscient,
immutable, infinite, and incomprehensible: We must be far removed from the
smallest tendency to scepticism not to be apprehensive, that we have here got
quite beyond the reach of our faculties. So long as we confine our speculations
to trade, or morals, or politics, or criticism, we make appeals, every moment,
to common sense and experience, which strengthen our philosophical conclusions,
and remove, at least in part, the suspicion which we so justly entertain with
regard to every reasoning that is very subtle and refined. But, in theological
reasonings, we have not this advantage; while, at the same time, we are
employed upon objects, which, we must be sensible, are too large for our grasp,
and of all others, require most to be familiarised to our apprehension. We are
like foreigners in a strange country, to whom every thing must seem suspicious,
(27) and who are in danger every moment of transgressing against the laws and
customs of the people with whom they live and converse. We know not how far we
ought to trust our vulgar methods of reasoning in such a subject; since, even
in common life, and in that province which is peculiarly appropriated to them,
we cannot account for them, and are entirely guided by a kind of instinct or
necessity in employing them.
All sceptics pretend, that, if reason be
considered in an abstract view, it furnishes invincible arguments against
itself; and that we could never retain any conviction or assurance, on any
subject, were not the sceptical reasonings so refined and subtle, that they are
not able to counterpoise the more solid and more natural arguments derived from
the senses and experience. But it is evident, whenever our arguments (28) lose
this advantage, and run wide of common life, that the most refined scepticism
comes to be upon a footing with them, and is able to oppose and counterbalance
them. The one has no more weight than the other. The mind must remain in
suspense between them; and it is that very suspense or balance, which is the
triumph of scepticism.
But
I observe, says CLEANTHES, with regard to you, PHILO, and all speculative
sceptics, that your doctrine and practice are as much at variance in the most
abstruse points of theory as in the conduct of common life. Wherever evidence
discovers itself, you adhere to it, notwithstanding your pretended scepticism;
and I can observe, too, some of your sect to be as decisive as those who make
greater professions of certainty and assurance. In reality, would not a man be
ridiculous, who pretended (29) to reject NEWTON's explication of the wonderful
phenomenon of the rainbow, because that explication gives a minute anatomy of
the rays of light; a subject, forsooth, too refined for human comprehension?
And what would you say to one, who, having nothing particular to object to the
arguments of COPERNICUS and GALILEO for the motion of the earth, should
withhold his assent, on that general principle, that these subjects were too
magnificent and remote to be explained by the narrow and fallacious reason of
mankind?
There
is indeed a kind of brutish and ignorant scepticism, as you well observed,
which gives the vulgar a general prejudice against what they do not easily
understand, and makes them reject every principle which requires elaborate
reasoning to prove and establish it. This species of scepticism is fatal to
knowledge, not to religion; (30) since we find, that those who make greatest
profession of it, give often their assent, not only to the great truths of
Theism and natural theology, but even to the most absurd tenets which a
traditional superstition has recommended to them. They firmly believe in
witches, though they will not believe nor attend to the most simple proposition
of Euclid. But the refined and philosophical sceptics fall into an
inconsistence of an opposite nature. They push their researches into the most
abstruse corners of science; and their assent attends them in every step,
proportioned to the evidence which they meet with. They are even obliged to acknowledge,
that the most abstruse and remote objects are those which are best explained by
philosophy. Light is in reality anatomised. The true system of the heavenly
bodies is discovered and ascertained. But the nourishment of bodies by food is
still an inexplicable (31) mystery. The cohesion of the parts of matter is
still incomprehensible. These sceptics, therefore, are obliged, in every
question, to consider each particular evidence apart, and proportion their
assent to the precise degree of evidence which occurs. This is their practice
in all natural, mathematical, moral, and political science. And why not the
same, I ask, in the theological and religious? Why must conclusions of this
nature be alone rejected on the general presumption of the insufficiency of
human reason, without any particular discussion of the evidence? Is not such an
unequal conduct a plain proof of prejudice and passion?
Our
senses, you say, are fallacious; our understanding erroneous; our ideas, even of
the most familiar objects, extension, duration, motion, full of absurdities and
contradictions. You defy me to solve the difficulties, or reconcile (32) the
repugnancies which you discover in them. I have not capacity for so great an
undertaking: I have not leisure for it: I perceive it to be superfluous. Your
own conduct, in every circumstance, refutes your principles, and shows the
firmest reliance on all the received maxims of science, morals, prudence, and
behaviour.
I
shall never assent to so harsh an opinion as that of a celebrated writer, who
says, that the Sceptics are not a sect of philosophers: They are only a sect of
liars. I may, however, affirm (I hope without offence), that they are a sect of
jesters or raillers. But for my part, whenever I find myself disposed to mirth
and amusement, I shall certainly choose my entertainment of a less perplexing
and abstruse nature. A comedy, a novel, or at most a history, seems a (33) more
natural recreation than such metaphysical subtleties and abstractions.
In
vain would the sceptic make a distinction between science and common life, or
between one science and another. The arguments employed in all, if just, are of
a similar nature, and contain the same force and evidence. Or if there be any
difference among them, the advantage lies entirely on the side of theology and
natural religion. Many principles of mechanics are founded on very abstruse
reasoning; yet no man who has any pretensions to science, even no speculative
sceptic, pretends to entertain the least doubt with regard to them. The
COPERNICAN system contains the most surprising paradox, and the most contrary
to our natural conceptions, to appearances, and to our very senses: yet even
monks and inquisitors are now constrained to withdraw their opposition to it.
And shall PHILO, a man of so liberal a genius and extensive knowledge,
entertain any general undistinguished scruples with regard to the religious
hypothesis, which is founded on the simplest and most obvious arguments, and,
unless it meets with artificial obstacles, has such easy access and admission
into the mind of man?
And
here we may observe, continued he, turning himself towards DEMEA, a pretty
curious circumstance in the history of the sciences. After the union of
philosophy with the popular religion, upon the first establishment of
Christianity, nothing was more usual, among all religious teachers, than
declamations against reason, against the senses, against every principle
derived merely from human research and inquiry. All the topics of the ancient
academics were adopted by the fathers; and thence propagated for several ages
(35) in every school and pulpit throughout Christendom. The Reformers embraced
the same principles of reasoning, or rather declamation; and all panegyrics on the
excellency of faith, were sure to be interlarded with some severe strokes of
satire against natural reason. A celebrated prelate [35] too, of the Romish communion, a man
of the most extensive learning, who wrote a demonstration of Christianity, has
also composed a treatise, which contains all the cavils of the boldest and most
determined PYRRHONISM. LOCKE seems to have been the first Christian who
ventured openly to assert, that faith was nothing but a species of reason; that
religion was only a branch of philosophy; and that a chain of arguments,
similar to that which established any truth in morals, politics, or physics,
was always employed in discovering all the principles of theology, natural and
revealed. The ill use (36) which BAYLE and other libertines made of the
philosophical scepticism of the fathers and first reformers, still further
propagated the judicious sentiment of Mr. LOCKE: And it is now in a manner
avowed, by all pretenders to reasoning and philosophy, that Atheist and Sceptic
are almost synonymous. And as it is certain that no man is in earnest when he
professes the latter principle, I would fain hope that there are as few who
seriously maintain the former.
Don't
you remember, said PHILO, the excellent saying of LORD BACON on this head? That
a little philosophy, replied CLEANTHES, makes a man an Atheist: A great deal
converts him to religion. That is a very judicious remark too, said PHILO. But
what I have in my eye is another passage, where, having mentioned DAVID's fool,
who said in his heart there is no God, this great philosopher observes, that
the Atheists (37) nowadays have a double share of folly; for they are not
contented to say in their hearts there is no God, but they also utter that
impiety with their lips, and are thereby guilty of multiplied indiscretion and
imprudence. Such people, though they were ever so much in earnest, cannot,
methinks, be very formidable.
But
though you should rank me in this class of fools, I cannot forbear
communicating a remark that occurs to me, from the history of the religious and
irreligious scepticism with which you have entertained us. It appears to me,
that there are strong symptoms of priestcraft in the whole progress of this
affair. During ignorant ages, such as those which followed the dissolution of
the ancient schools, the priests perceived, that Atheism, Deism, or heresy of
any kind, could only proceed from the presumptuous questioning of received (38)
opinions, and from a belief that human reason was equal to every thing.
Education had then a mighty influence over the minds of men, and was almost
equal in force to those suggestions of the senses and common understanding, by
which the most determined sceptic must allow himself to be governed. But at
present, when the influence of education is much diminished, and men, from a
more open commerce of the world, have learned to compare the popular principles
of different nations and ages, our sagacious divines have changed their whole
system of philosophy, and talk the language of STOICS, PLATONISTS, and
PERIPATETICS, not that of PYRRHONIANS and ACADEMICS. If we distrust human
reason, we have now no other principle to lead us into religion. Thus, sceptics
in one age, dogmatists in another; whichever system best suits the purpose of
these reverend gentlemen, in giving them an ascendant over mankind, (39) they
are sure to make it their favourite principle, and established tenet.
It
is very natural, said CLEANTHES, for men to embrace those principles, by which
they find they can best defend their doctrines; nor need we have any recourse
to priestcraft to account for so reasonable an expedient. And, surely nothing
can afford a stronger presumption, that any set of principles are true, and
ought to be embraced, than to observe that they tend to the confirmation of
true religion, and serve to confound the cavils of Atheists, Libertines, and
Freethinkers of all denominations.
(41) I must own, CLEANTHES, said DEMEA, that nothing can more surprise me,
than the light in which you have all along put this argument. By the whole
tenor of your discourse, one would imagine that you were maintaining the Being
of a God, against the cavils of Atheists and Infidels; and were necessitated to
become a champion for that fundamental principle of all religion. But this, I
hope, is not by any means a question among us. No man, no man at least of
common sense, I am persuaded, ever entertained a serious doubt with regard to a
truth so certain and self-evident. The question is not (42) concerning the being,
but the nature of God. This, I affirm, from the infirmities of human
understanding, to be altogether incomprehensible and unknown to us. The essence
of that supreme Mind, his attributes, the manner of his existence, the very
nature of his duration; these, and every particular which regards so divine a
Being, are mysterious to men. Finite, weak, and blind creatures, we ought to
humble ourselves in his august presence; and, conscious of our frailties, adore
in silence his infinite perfections, which eye hath not seen, ear hath not
heard, neither hath it entered into the heart of man to conceive. They are
covered in a deep cloud from human curiosity. It is profaneness to attempt
penetrating through these sacred obscurities. And, next to the impiety of
denying his existence, is the temerity of prying into his nature and essence,
decrees and attributes.
(43)
But lest you should think that my piety has here got the better of my
philosophy, I shall support my opinion, if it needs any support, by a very
great authority. I might cite all the divines, almost, from the foundation of
Christianity, who have ever treated of this or any other theological subject:
But I shall confine myself, at present, to one equally celebrated for piety and
philosophy. It is Father MALEBRANCHE, who, I remember, thus expresses
himself [36]. "One ought not so much,"
says he, "to call God a spirit, in order to express positively what he is,
as in order to signify that he is not matter. He is a Being infinitely perfect:
Of this we cannot doubt. But in the same manner as we ought not to imagine,
even supposing him corporeal, that he is clothed with a human body, as the
ANTHROPOMORPHITES asserted, under colour that that figure was (44) the most
perfect of any; so, neither ought we to imagine that the spirit of God has
human ideas, or bears any resemblance to our spirit, under colour that we know
nothing more perfect than a human mind. We ought rather to believe, that as he
comprehends the perfections of matter without being material.... he comprehends
also the perfections of created spirits without being spirit, in the manner we
conceive spirit: That his true name is, He that is; or, in other words, Being
without restriction, All Being, the Being infinite and universal."
After
so great an authority, DEMEA, replied PHILO, as that which you have produced,
and a thousand more which you might produce, it would appear ridiculous in me
to add my sentiment, or express my approbation of your doctrine. But surely,
where reasonable (45) men treat these subjects, the question can never be
concerning the Being, but only the Nature, of the Deity. The
former truth, as you well observe, is unquestionable and self-evident. Nothing
exists without a cause; and the original cause of this universe (whatever it
be) we call God; and piously ascribe to him every species of perfection.
Whoever scruples this fundamental truth, deserves every punishment which can be
inflicted among philosophers, to wit, the greatest ridicule, contempt, and
disapprobation. But as all perfection is entirely relative, we ought never to
imagine that we comprehend the attributes of this divine Being, or to suppose
that his perfections have any analogy or likeness to the perfections of a human
creature. Wisdom, Thought, Design, Knowledge; these we justly ascribe to him;
because these words are honourable among men, and we have no other language or
other conceptions (46) by which we can express our adoration of him. But let us
beware, lest we think that our ideas anywise correspond to his perfections, or
that his attributes have any resemblance to these qualities among men. He is
infinitely superior to our limited view and comprehension; and is more the
object of worship in the temple, than of disputation in the schools.
In
reality, CLEANTHES, continued he, there is no need of having recourse to that
affected scepticism so displeasing to you, in order to come at this
determination. Our ideas reach no further than our experience. We have no
experience of divine attributes and operations. I need not conclude my
syllogism. You can draw the inference yourself. And it is a pleasure to me (and
I hope to you too) that just reasoning and sound piety here concur in the same
conclusion, and both of them establish (47) the adorably mysterious and
incomprehensible nature of the Supreme Being.
Not
to lose any time in circumlocutions, said CLEANTHES, addressing himself to
DEMEA, much less in replying to the pious declamations of PHILO; I shall briefly
explain how I conceive this matter. Look round the world: contemplate the whole
and every part of it: You will find it to be nothing but one great machine,
subdivided into an infinite number of lesser machines, which again admit of
subdivisions to a degree beyond what human senses and faculties can trace and
explain. All these various machines, and even their most minute parts, are
adjusted to each other with an accuracy which ravishes into admiration all men
who have ever contemplated them. The curious adapting of means to ends,
throughout all nature, resembles exactly, though it much exceeds, the
productions of human contrivance; (48) of human designs, thought, wisdom, and
intelligence. Since, therefore, the effects resemble each other, we are led to
infer, by all the rules of analogy, that the causes also resemble; and that the
Author of Nature is somewhat similar to the mind of man, though possessed of
much larger faculties, proportioned to the grandeur of the work which he has
executed. By this argument a posteriori, and by this argument alone, do
we prove at once the existence of a Deity, and his similarity to human mind and
intelligence.
I
shall be so free, CLEANTHES, said DEMEA, as to tell you, that from the
beginning, I could not approve of your conclusion concerning the similarity of
the Deity to men; still less can I approve of the mediums by which you
endeavour to establish it. What! No demonstration of the Being of God! No
abstract arguments! No proofs a priori! (49) Are these, which have
hitherto been so much insisted on by philosophers, all fallacy, all sophism?
Can we reach no further in this subject than experience and probability? I will
not say that this is betraying the cause of a Deity: But surely, by this
affected candour, you give advantages to Atheists, which they never could
obtain by the mere dint of argument and reasoning.
What
I chiefly scruple in this subject, said PHILO, is not so much that all
religious arguments are by CLEANTHES reduced to experience, as that they appear
not to be even the most certain and irrefragable of that inferior kind. That a
stone will fall, that fire will burn, that the earth has solidity, we have
observed a thousand and a thousand times; and when any new instance of this
nature is presented, we draw without hesitation the accustomed inference. The
exact similarity of the (50) cases gives us a perfect assurance of a similar
event; and a stronger evidence is never desired nor sought after. But wherever
you depart, in the least, from the similarity of the cases, you diminish
proportionably the evidence; and may at last bring it to a very weak analogy,
which is confessedly liable to error and uncertainty. After having experienced
the circulation of the blood in human creatures, we make no doubt that it takes
place in TITIUS and MAEVIUS. But from its circulation in frogs and fishes, it
is only a presumption, though a strong one, from analogy, that it takes place
in men and other animals. The analogical reasoning is much weaker, when we
infer the circulation of the sap in vegetables from our experience that the
blood circulates in animals; and those, who hastily followed that imperfect
analogy, are found, by more accurate experiments, to have been mistaken.
(51)
If we see a house, CLEANTHES, we conclude, with the greatest certainty, that it
had an architect or builder; because this is precisely that species of effect
which we have experienced to proceed from that species of cause. But surely you
will not affirm, that the universe bears such a resemblance to a house, that we
can with the same certainty infer a similar cause, or that the analogy is here
entire and perfect. The dissimilitude is so striking, that the utmost you can
here pretend to is a guess, a conjecture, a presumption concerning a similar cause;
and how that pretension will be received in the world, I leave you to consider.
It
would surely be very ill received, replied CLEANTHES; and I should be
deservedly blamed and detested, did I allow, that the proofs of a Deity
amounted to no more than a guess or conjecture. But is the whole adjustment
(52) of means to ends in a house and in the universe so slight a resemblance?
The economy of final causes? The order, proportion, and arrangement of every
part? Steps of a stair are plainly contrived, that human legs may use them in
mounting; and this inference is certain and infallible. Human legs are also
contrived for walking and mounting; and this inference, I allow, is not
altogether so certain, because of the dissimilarity which you remark; but does
it, therefore, deserve the name only of presumption or conjecture?
Good
God! cried DEMEA, interrupting him, where are we? Zealous defenders of religion
allow, that the proofs of a Deity fall short of perfect evidence! And you,
PHILO, on whose assistance I depended in proving the adorable mysteriousness of
the Divine Nature, do you assent to all these extravagant opinions of
CLEANTHES? For (53) what other name can I give them? or, why spare my censure,
when such principles are advanced, supported by such an authority, before so
young a man as PAMPHILUS?
You
seem not to apprehend, replied PHILO, that I argue with CLEANTHES in his own
way; and, by showing him the dangerous consequences of his tenets, hope at last
to reduce him to our opinion. But what sticks most with you, I observe, is the
representation which CLEANTHES has made of the argument a posteriori; and
finding that that argument is likely to escape your hold and vanish into air,
you think it so disguised, that you can scarcely believe it to be set in its
true light. Now, however much I may dissent, in other respects, from the
dangerous principles of CLEANTHES, I must allow that he has fairly represented
that argument; and I shall endeavour so to state the (54) matter to you, that
you will entertain no further scruples with regard to it.
Were
a man to abstract from every thing which he knows or has seen, he would be
altogether incapable, merely from his own ideas, to determine what kind of
scene the universe must be, or to give the preference to one state or situation
of things above another. For as nothing which he clearly conceives could be
esteemed impossible or implying a contradiction, every chimera of his fancy
would be upon an equal footing; nor could he assign any just reason why he
adheres to one idea or system, and rejects the others which are equally
possible.
Again;
after he opens his eyes, and contemplates the world as it really is, it would
be impossible for him at first to assign the cause of any one event, much less
of the whole of things, or of the universe. (55) He might set his fancy a
rambling; and she might bring him in an infinite variety of reports and
representations. These would all be possible; but being all equally possible,
he would never of himself give a satisfactory account for his preferring one of
them to the rest. Experience alone can point out to him the true cause of any
phenomenon.
Now,
according to this method of reasoning, DEMEA, it follows, (and is, indeed,
tacitly allowed by CLEANTHES himself,) that order, arrangement, or the
adjustment of final causes, is not of itself any proof of design; but only so
far as it has been experienced to proceed from that principle. For aught we can
know a priori, matter may contain the source or spring of order
originally within itself, as well as mind does; and there is no more difficulty
in conceiving, that the several elements, (56) from an internal unknown cause,
may fall into the most exquisite arrangement, than to conceive that their
ideas, in the great universal mind, from a like internal unknown cause, fall
into that arrangement. The equal possibility of both these suppositions is
allowed. But, by experience, we find, (according to CLEANTHES), that there is a
difference between them. Throw several pieces of steel together, without shape
or form; they will never arrange themselves so as to compose a watch. Stone,
and mortar, and wood, without an architect, never erect a house. But the ideas
in a human mind, we see, by an unknown, inexplicable economy, arrange
themselves so as to form the plan of a watch or house. Experience, therefore,
proves, that there is an original principle of order in mind, not in matter.
From similar effects we infer similar causes. The adjustment of means to ends
is alike in the universe, as in (57) a machine of human contrivance. The
causes, therefore, must be resembling.
I
was from the beginning scandalised, I must own, with this resemblance, which is
asserted, between the Deity and human creatures; and must conceive it to imply
such a degradation of the Supreme Being as no sound Theist could endure. With
your assistance, therefore, DEMEA, I shall endeavour to defend what you justly
call the adorable mysteriousness of the Divine Nature, and shall refute this
reasoning of CLEANTHES, provided he allows that I have made a fair
representation of it.
When
CLEANTHES had assented, PHILO, after a short pause, proceeded in the following
manner.
That
all inferences, CLEANTHES, concerning fact, are founded on experience; (58) and
that all experimental reasonings are founded on the supposition that similar
causes prove similar effects, and similar effects similar causes; I shall not
at present much dispute with you. But observe, I entreat you, with what extreme
caution all just reasoners proceed in the transferring of experiments to
similar cases. Unless the cases be exactly similar, they repose no perfect
confidence in applying their past observation to any particular phenomenon.
Every alteration of circumstances occasions a doubt concerning the event; and
it requires new experiments to prove certainly, that the new circumstances are
of no moment or importance. A change in bulk, situation, arrangement, age,
disposition of the air, or surrounding bodies; any of these particulars may be
attended with the most unexpected consequences: And unless the objects be quite
familiar to us, it is the highest temerity to expect with (59) assurance, after
any of these changes, an event similar to that which before fell under our
observation. The slow and deliberate steps of philosophers here, if any where,
are distinguished from the precipitate march of the vulgar, who, hurried on by
the smallest similitude, are incapable of all discernment or consideration.
But
can you think, CLEANTHES, that your usual phlegm and philosophy have been
preserved in so wide a step as you have taken, when you compared to the
universe houses, ships, furniture, machines, and, from their similarity in some
circumstances, inferred a similarity in their causes? Thought, design, intelligence,
such as we discover in men and other animals, is no more than one of the
springs and principles of the universe, as well as heat or cold, attraction or
repulsion, and a hundred others, which fall under daily observation. It (60) is
an active cause, by which some particular parts of nature, we find, produce
alterations on other parts. But can a conclusion, with any propriety, be
transferred from parts to the whole? Does not the great disproportion bar all
comparison and inference? From observing the growth of a hair, can we learn any
thing concerning the generation of a man? Would the manner of a leaf's blowing,
even though perfectly known, afford us any instruction concerning the
vegetation of a tree?
But,
allowing that we were to take the operations of one part of nature upon
another, for the foundation of our judgement concerning the origin of
the whole, (which never can be admitted,) yet why select so minute, so weak, so
bounded a principle, as the reason and design of animals is found to be upon this
planet? What peculiar privilege has this little agitation of the brain which
(61) we call thought, that we must thus make it the model of the whole
universe? Our partiality in our own favour does indeed present it on all
occasions; but sound philosophy ought carefully to guard against so natural an
illusion.
So
far from admitting, continued PHILO, that the operations of a part can afford
us any just conclusion concerning the origin of the whole, I will not allow any
one part to form a rule for another part, if the latter be very remote from the
former. Is there any reasonable ground to conclude, that the inhabitants of
other planets possess thought,
intelligence, reason, or any thing similar to these faculties in men?
When nature has so extremely diversified her manner of operation in this small
globe, can we imagine that she incessantly copies herself throughout so immense
a universe? And if thought, as we may well suppose, be confined merely to this
(62) narrow corner, and has even there so limited a sphere of action, with what
propriety can we assign it for the original cause of all things? The narrow
views of a peasant, who makes his domestic economy the rule for the government
of kingdoms, is in comparison a pardonable sophism.
But
were we ever so much assured, that a thought and reason, resembling the human,
were to be found throughout the whole universe, and were its activity elsewhere
vastly greater and more commanding than it appears in this globe; yet I cannot
see, why the operations of a world constituted, arranged, adjusted, can with
any propriety be extended to a world which is in its embryo state, and is
advancing towards that constitution and arrangement. By observation, we know
somewhat of the economy, action, and nourishment of a finished animal; but we
must transfer (63) with great caution that observation to the growth of a
foetus in the womb, and still more to the formation of an animalcule in the
loins of its male parent. Nature, we find, even from our limited experience,
possesses an infinite number of springs and principles, which incessantly
discover themselves on every change of her position and situation. And what new
and unknown principles would actuate her in so new and unknown a situation as
that of the formation of a universe, we cannot, without the utmost temerity,
pretend to determine.
A
very small part of this great system, during a very short time, is very
imperfectly discovered to us; and do we thence pronounce decisively concerning
the origin of the whole?
Admirable
conclusion! Stone, wood, brick, iron, brass, have not, at this time, (64) in
this minute globe of earth, an order or arrangement without human art and
contrivance; therefore the universe could not originally attain its order and
arrangement, without something similar to human art. But is a part of nature a
rule for another part very wide of the former? Is it a rule for the whole? Is a
very small part a rule for the universe? Is nature in one situation, a certain
rule for nature in another situation vastly different from the former?
And
can you blame me, CLEANTHES, if I here imitate the prudent reserve of
SIMONIDES, who, according to the noted story, being asked by HIERO, What God
was? desired a day to think of it, and then two days more; and after that manner
continually prolonged the term, without ever bringing in his definition or
description? Could you even blame me, if I had answered at first, that I did
not (65) know, and was sensible that this subject lay vastly beyond
the reach of my faculties? You might cry out sceptic and railler, as much as
you pleased: but having found, in so many other subjects much more familiar,
the imperfections and even contradictions of human reason, I never should
expect any success from its feeble conjectures, in a subject so sublime, and so
remote from the sphere of our observation. When two species of objects
have always been observed to be conjoined together, I can infer, by
custom, the existence of one wherever I see the existence of the other;
and this I call an argument from experience. But how this argument can have
place, where the objects, as in the present case, are single, individual,
without parallel, or specific resemblance, may be difficult to explain. And
will any man tell me with a serious countenance, that an orderly universe must
arise from some thought and art like (66) the human, because we have experience
of it? To ascertain this reasoning, it were requisite that we had experience of
the origin of worlds; and it is not sufficient, surely, that we have seen ships
and cities arise from human art and contrivance...
PHILO
was proceeding in this vehement manner, somewhat between jest and earnest, as
it appeared to me, when he observed some signs of impatience in CLEANTHES, and
then immediately stopped short. What I had to suggest, said CLEANTHES, is only
that you would not abuse terms, or make use of popular expressions to subvert
philosophical reasonings. You know, that the vulgar often distinguish reason
from experience, even where the question relates only to matter of fact and
existence; though it is found, where that reason is properly analysed, that it
is nothing but a species of experience. To prove (67) by experience the origin
of the universe from mind, is not more contrary to common speech, than to prove
the motion of the earth from the same principle. And a caviller might raise all
the same objections to the Copernican system, which you have urged against my
reasonings. Have you other earths, might he say, which you have seen to move?
Have...
Yes!
cried PHILO, interrupting him, we have other earths. Is not the moon another
earth, which we see to turn round its centre? Is not Venus another earth, where
we observe the same phenomenon? Are not the revolutions of the sun also a
confirmation, from analogy, of the same theory? All the planets, are they not
earths, which revolve about the sun? Are not the satellites moons, which move
round Jupiter and Saturn, and along with these primary planets round the sun?
These analogies (68) and resemblances, with others which I have not mentioned,
are the sole proofs of the COPERNICAN system; and to you it belongs to
consider, whether you have any analogies of the same kind to support your
theory.
In
reality, CLEANTHES, continued he, the modern system of astronomy is now so much
received by all inquirers, and has become so essential a part even of our
earliest education, that we are not commonly very scrupulous in examining the
reasons upon which it is founded. It is now become a matter of mere curiosity
to study the first writers on that subject, who had the full force of prejudice
to encounter, and were obliged to turn their arguments on every side in order
to render them popular and convincing. But if we peruse GALILEO's famous
Dialogues concerning the system of the world, we shall find, that that great
genius, one of the (69) sublimest that ever existed, first bent all his
endeavours to prove, that there was no foundation for the distinction commonly
made between elementary and celestial substances. The schools, proceeding from
the illusions of sense, had carried this distinction very far; and had
established the latter substances to be ingenerable, incorruptible,
unalterable, impassable; and had assigned all the opposite qualities to the
former. But GALILEO, beginning with the moon, proved its similarity in every
particular to the earth; its convex figure, its natural darkness when not
illuminated, its density, its distinction into solid and liquid, the variations
of its phases, the mutual illuminations of the earth and moon, their mutual
eclipses, the inequalities of the lunar surface, &c. After many instances
of this kind, with regard to all the planets, men plainly saw that these bodies
became proper objects of experience; and that the similarity (70) of their
nature enabled us to extend the same arguments and phenomena from one to the
other.
In
this cautious proceeding of the astronomers, you may read your own condemnation, CLEANTHES; or rather may see,
that the subject in which you are engaged exceeds all human reason and inquiry.
Can you pretend to show any such similarity between the fabric of a house, and
the generation of a universe? Have you ever seen nature in any such situation
as resembles the first arrangement of the elements? Have worlds ever been
formed under your eye; and have you had leisure to observe the whole progress
of the phenomenon, from the first appearance of order to its final
consummation? If you have, then cite your experience, and deliver your theory.
(71)
How
the most absurd argument, replied CLEANTHES, in the hands of a man of ingenuity
and invention, may acquire an air of probability! Are you not aware, PHILO,
that it became necessary for Copernicus and his first disciples to prove the
similarity of the terrestrial and celestial matter; because several
philosophers, blinded by old systems, and supported by some sensible
appearances, had denied this similarity? But that it is by no means necessary,
that Theists should prove the similarity of the works of Nature to those of
Art; because this similarity is self-evident and undeniable? The same matter, a
(72) like form; what more is requisite to show an analogy between their causes,
and to ascertain the origin of all things from a divine purpose and intention?
Your objections, I must freely tell you, are no better than the abstruse cavils
of those philosophers who denied motion; and ought to be refuted in the same
manner, by illustrations, examples, and instances, rather than by serious
argument and philosophy.
Suppose,
therefore, that an articulate voice were heard in the clouds, much louder and
more melodious than any which human art could ever reach: Suppose, that this
voice were extended in the same instant over all nations, and spoke to each
nation in its own language and dialect: Suppose, that the words delivered not
only contain a just sense and meaning, but convey some instruction altogether
worthy of a benevolent Being, superior to mankind: (73) Could you possibly
hesitate a moment concerning the cause of this voice? and must you not
instantly ascribe it to some design or purpose? Yet I cannot see but all the
same objections (if they merit that appellation) which lie against the system
of Theism, may also be produced against this inference.
Might
you not say, that all conclusions concerning fact were founded on experience:
that when we hear an articulate voice in the dark, and thence infer a man, it
is only the resemblance of the effects which leads us to conclude that there is
a like resemblance in the cause: but that this extraordinary voice, by its
loudness, extent, and flexibility to all languages, bears so little analogy to
any human voice, that we have no reason to suppose any analogy in their causes:
and consequently, that a rational, wise, coherent speech proceeded, you know
not whence, from some (74) accidental whistling of the winds, not from any
divine reason or intelligence? You see clearly your own objections in these
cavils, and I hope too you see clearly, that they cannot possibly have more
force in the one case than in the other.
But
to bring the case still nearer the present one of the universe, I shall make
two suppositions, which imply not any absurdity or impossibility. Suppose that there
is a natural, universal, invariable language, common to every individual of
human race; and that books are natural productions, which perpetuate themselves
in the same manner with animals and vegetables, by descent and propagation.
Several expressions of our passions contain a universal language: all brute
animals have a natural speech, which, however limited, is very intelligible to
their own species. And as there are infinitely fewer parts and less (75)
contrivance in the finest composition of eloquence, than in the coarsest
organised body, the propagation of an Iliad or Aeneid is an
easier supposition than that of any plant or animal.
Suppose,
therefore, that you enter into your library, thus peopled by natural volumes,
containing the most refined reason and most exquisite beauty; could you
possibly open one of them, and doubt, that its original cause bore the
strongest analogy to mind and intelligence? When it reasons and discourses;
when it expostulates, argues, and enforces its views and topics; when it
applies sometimes to the pure intellect, sometimes to the affections; when it
collects, disposes, and adorns every consideration suited to the subject; could
you persist in asserting, that all this, at the bottom, had really no meaning;
and that the first formation of this volume in the loins of its original parent
(76) proceeded not from thought and design? Your obstinacy, I know, reaches not
that degree of firmness: even your sceptical play and wantonness would be
abashed at so glaring an absurdity.
But
if there be any difference, PHILO, between this supposed case and the real one
of the universe, it is all to the advantage of the latter. The anatomy of an
animal affords many stronger instances of design than the perusal of LIVY or
TACITUS; and any objection which you start in the former case, by carrying me
back to so unusual and extraordinary a scene as the first formation of worlds,
the same objection has place on the supposition of our vegetating library.
Choose, then, your party, PHILO, without ambiguity or evasion; assert either
that a rational volume is no proof of a rational cause, or admit of a similar
cause to all the works of nature.
(77)
Let me here observe too, continued CLEANTHES, that this religious argument,
instead of being weakened by that scepticism so much affected by you, rather
acquires force from it, and becomes more firm and undisputed. To exclude all
argument or reasoning of every kind, is either affectation or madness. The
declared profession of every reasonable sceptic is only to reject abstruse,
remote, and refined arguments; to adhere to common sense and the plain
instincts of nature; and to assent, wherever any reasons strike him with so
full a force that he cannot, without the greatest violence, prevent it. Now the
arguments for Natural Religion are plainly of this kind; and nothing but the
most perverse, obstinate metaphysics can reject them. Consider, anatomise the
eye; survey its structure and contrivance; and tell me, from your own feeling,
if the idea of a contriver does not immediately flow in upon you with (78) a
force like that of sensation. The most obvious conclusion, surely, is in favour
of design; and it requires time, reflection, and study, to summon up those
frivolous, though abstruse objections, which can support Infidelity. Who can
behold the male and female of each species, the correspondence of their parts
and instincts, their passions, and whole course of life before and after
generation, but must be sensible, that the propagation of the species is
intended by Nature? Millions and millions of such instances present themselves
through every part of the universe; and no language can convey a more
intelligible irresistible meaning, than the curious adjustment of final causes.
To what degree, therefore, of blind dogmatism must one have attained, to reject
such natural and such convincing arguments?
Some
beauties in writing we may meet with, which seem contrary to (79) rules, and
which gain the affections, and animate the imagination, in opposition to all
the precepts of criticism, and to the authority of the established masters of
art. And if the argument for Theism be, as you pretend, contradictory to the
principles of logic; its universal, its irresistible influence proves clearly,
that there may be arguments of a like irregular nature. Whatever cavils may be
urged, an orderly world, as well as a coherent, articulate speech, will still
be received as an incontestable proof of design and intention.
It
sometimes happens, I own, that the religious arguments have not their due
influence on an ignorant savage and barbarian; not because they are obscure and
difficult, but because he never asks himself any question with regard to them.
Whence arises the curious structure of an animal? From the copulation of its
parents. And (80) these whence? From their parents? A few removes set
the objects at such a distance, that to him they are lost in darkness and
confusion; nor is he actuated by any curiosity to trace them further. But this
is neither dogmatism nor scepticism, but stupidity: a state of mind very
different from your sifting, inquisitive disposition, my ingenious friend. You
can trace causes from effects: You can compare the most distant and remote
objects: and your greatest errors proceed not from barrenness of thought and
invention, but from too luxuriant a fertility, which suppresses your natural
good sense, by a profusion of unnecessary scruples and objections.
Here
I could observe, HERMIPPUS, that PHILO was a little embarrassed and confounded:
But while he hesitated in delivering an answer, luckily for him, (81) DEMEA
broke in upon the discourse, and saved his countenance.
Your
instance, CLEANTHES, said he, drawn from books and language, being familiar,
has, I confess, so much more force on that account: but is there not some
danger too in this very circumstance; and may it not render us presumptuous, by
making us imagine we comprehend the Deity, and have some adequate idea of his
nature and attributes? When I read a volume, I enter into the mind and
intention of the author: I become him, in a manner, for the instant; and have
an immediate feeling and conception of those ideas which revolved in his
imagination while employed in that composition. But so near an approach we
never surely can make to the Deity. His ways are not our ways. His attributes
are perfect, but incomprehensible. And this volume of nature contains a great
and (82) inexplicable riddle, more than any intelligible discourse or
reasoning.
The
ancient PLATONISTS, you know, were the most religious and devout of all the
Pagan philosophers; yet many of them, particularly PLOTINUS, expressly declare,
that intellect or understanding is not to be ascribed to the Deity; and that
our most perfect worship of him consists, not in acts of veneration, reverence,
gratitude, or love; but in a certain mysterious self-annihilation, or total
extinction of all our faculties. These ideas are, perhaps, too far stretched;
but still it must be acknowledged, that, by representing the Deity as so
intelligible and comprehensible, and so similar to a human mind, we are guilty
of the grossest and most narrow partiality, and make ourselves the model of the
whole universe.
All
the sentiments of the human mind, (83) gratitude, resentment, love,
friendship, approbation, blame, pity, emulation, envy, have a plain reference
to the state and situation of man, and are calculated for preserving the
existence and promoting the activity of such a being in such circumstances. It
seems, therefore, unreasonable to transfer such sentiments to a supreme
existence, or to suppose him actuated by them; and the phenomena besides of the
universe will not support us in such a theory. All our ideas, derived
from the senses, are confessedly false and illusive; and cannot therefore be
supposed to have place in a supreme intelligence: And as the ideas of internal
sentiment, added to those of the external senses, compose the whole furniture
of human understanding, we may conclude, that none of the materials of
thought are in any respect similar in the human and in the divine intelligence.
Now, as to the manner of thinking; how can we make any comparison (84)
between them, or suppose them any wise resembling? Our thought is fluctuating,
uncertain, fleeting, successive, and compounded; and were we to remove these
circumstances, we absolutely annihilate its essence, and it would in such a
case be an abuse of terms to apply to it the name of thought or reason. At
least if it appear more pious and respectful (as it really is) still to retain
these terms, when we mention the Supreme Being, we ought to acknowledge, that
their meaning, in that case, is totally incomprehensible; and that the
infirmities of our nature do not permit us to reach any ideas which in the
least correspond to the ineffable sublimity of the Divine attributes.
(85)
It
seems strange to me, said CLEANTHES, that you, DEMEA, who are so sincere in the
cause of religion, should still maintain the mysterious, incomprehensible nature
of the Deity, and should insist so strenuously that he has no manner of
likeness or resemblance to human creatures. The Deity, I can readily allow,
possesses many powers and attributes of which we can have no comprehension: But
if our ideas, so far as they go, be not just, and adequate, and correspondent
to his real nature, I know not what there is in this subject worth insisting
on. Is the name, without any meaning, of such mighty (86) importance? Or how do
you Mystics, who maintain the absolute incomprehensibility of the Deity,
differ from Sceptics or Atheists, who assert, that the first cause of all is
unknown and unintelligible? Their temerity must be very great, if, after
rejecting the production by a mind, I mean a mind resembling the human, (for I
know of no other,) they pretend to assign, with certainty, any other specific
intelligible cause: And their conscience must be very scrupulous indeed, if
they refuse to call the universal unknown cause a God or Deity; and to bestow
on him as many sublime eulogies and unmeaning epithets as you shall please to
require of them.
Who
could imagine, replied DEMEA, that CLEANTHES, the calm philosophical CLEANTHES,
would attempt to refute his antagonists by affixing a nickname to them; and,
like the common (87) bigots and inquisitors of the age, have recourse to
invective and declamation, instead of reasoning? Or does he not perceive, that
these topics are easily retorted, and
that Anthropomorphite is an appellation as invidious, and implies as
dangerous consequences, as the epithet of Mystic, with which he has
honoured us? In reality, CLEANTHES, consider what it is you assert when you
represent the Deity as similar to a human mind and understanding. What is the
soul of man? A composition of various faculties, passions, sentiments, ideas;
united, indeed, into one self or person, but still distinct from each other.
When it reasons, the ideas, which are the parts of its discourse, arrange
themselves in a certain form or order; which is not preserved entire for a moment,
but immediately gives place to another arrangement. New opinions, new passions,
new affections, new feelings arise, which continually diversify the mental (88)
scene, and produce in it the greatest variety and most rapid succession
imaginable. How is this compatible with that perfect immutability and
simplicity which all true Theists ascribe to the Deity? By the same act, say
they, he sees past, present, and future: His love and hatred, his mercy and
justice, are one individual operation: He is entire in every point of space;
and complete in every instant of duration. No succession, no change, no
acquisition, no diminution. What he is implies not in it any shadow of
distinction or diversity. And what he is this moment he ever has been, and ever
will be, without any new judgement, sentiment, or operation. He stands fixed in
one simple, perfect state: nor can you ever say, with any propriety, that this
act of his is different from that other; or that this judgement or idea has
been lately formed, and will give place, by succession, to any different
judgement or idea.
(89)
I can readily allow, said CLEANTHES, that those who maintain the perfect
simplicity of the Supreme Being, to the extent in which you have explained it,
are complete Mystics, and chargeable with all the consequences which I
have drawn from their opinion. They are, in a word, Atheists, without
knowing it. For though it be allowed, that the Deity possesses attributes of
which we have no comprehension, yet ought we never to ascribe to him any
attributes which are absolutely incompatible with that intelligent nature
essential to him. A mind, whose acts and sentiments and ideas are not distinct
and successive; one, that is wholly simple, and totally immutable, is a mind
which has no thought, no reason, no will, no sentiment, no love, no hatred; or,
in a word, is no mind at all. It is an abuse of terms to give it that
appellation; and we may as well speak of limited extension (90) without figure,
or of number without composition.
Pray
consider, said PHILO, whom you are at present inveighing against. You are
honouring with the appellation of Atheist all the sound, orthodox
divines, almost, who have treated of this subject; and you will at last be,
yourself, found, according to your reckoning, the only sound Theist in the
world. But if idolaters be Atheists, as, I think, may justly be asserted, and
Christian Theologians the same, what becomes of the argument, so much
celebrated, derived from the universal consent of mankind?
But
because I know you are not much swayed by names and authorities, I shall
endeavour to show you, a little more distinctly, the inconveniences of that
Anthropomorphism, which you have embraced; and shall prove, that (91) there is
no ground to suppose a plan of the world to be formed in the Divine mind,
consisting of distinct ideas, differently arranged, in the same manner as an
architect forms in his head the plan of a house which he intends to execute.
It
is not easy, I own, to see what is gained by this supposition, whether we judge
of the matter by Reason or by Experience. We are still obliged to
mount higher, in order to find the cause of this cause, which you had assigned
as satisfactory and conclusive.
If
Reason (I mean abstract reason, derived from inquiries a priori)
be not alike mute with regard to all questions concerning cause and effect,
this sentence at least it will venture to pronounce, That a mental world, or
universe of ideas, requires a cause as much, as does a material world, or
universe of (92) objects; and, if similar in its arrangement, must require a
similar cause. For what is there in this subject, which should occasion a
different conclusion or inference? In an abstract view, they are entirely
alike; and no difficulty attends the one supposition, which is not common to
both of them.
Again,
when we will needs force Experience to pronounce some sentence, even on
these subjects which lie beyond her sphere, neither can she perceive any
material difference in this particular, between these two kinds of worlds; but
finds them to be governed by similar principles, and to depend upon an equal
variety of causes in their operations. We have specimens in miniature of both
of them. Our own mind resembles the one; a vegetable or animal body the other.
Let experience, therefore, judge from these samples. Nothing seems more
delicate, with regard (93) to its causes, than thought; and as these causes
never operate in two persons after the same manner, so we never find two
persons who think exactly alike. Nor indeed does the same person think exactly
alike at any two different periods of time. A difference of age, of the
disposition of his body, of weather, of food, of company, of books, of
passions; any of these particulars, or others more minute, are sufficient to alter
the curious machinery of thought, and communicate to it very different
movements and operations. As far as we can judge, vegetables and animal bodies
are not more delicate in their motions, nor depend upon a greater variety or
more curious adjustment of springs and principles.
How,
therefore, shall we satisfy ourselves concerning the cause of that Being whom
you suppose the Author of Nature, or, according to your system of (94)
Anthropomorphism, the ideal world, into which you trace the material? Have we
not the same reason to trace that ideal world into another ideal world, or new
intelligent principle? But if we stop, and go no further; why go so far? why
not stop at the material world? How can we satisfy ourselves without going on in
infinitum? And, after all, what satisfaction is there in that infinite
progression? Let us remember the story of the Indian philosopher and his
elephant. It was never more applicable than to the present subject. If the
material world rests upon a similar ideal world, this ideal world must rest
upon some other; and so on, without end. It were better, therefore, never to
look beyond the present material world. By supposing it to contain the
principle of its order within itself, we really assert it to be God; and the
sooner we arrive at that Divine Being, so much the better. When you go one step
beyond the mundane (95) system, you only excite an inquisitive humour which it
is impossible ever to satisfy.
To
say, that the different ideas which compose the reason of the Supreme Being,
fall into order of themselves, and by their own nature, is really to talk
without any precise meaning. If it has a meaning, I would fain know, why it is
not as good sense to say, that the parts of the material world fall into order
of themselves and by their own nature. Can the one opinion be intelligible,
while the other is not so?
We
have, indeed, experience of ideas which fall into order of themselves, and
without any known cause. But, I am sure, we have a much larger
experience of matter which does the same; as, in all instances of generation
and vegetation, where the accurate analysis of the cause exceeds all human
comprehension. (96) We have also experience of particular systems of thought
and of matter which have no order; of the first in madness, of the second in
corruption. Why, then, should we think, that order is more essential to one
than the other? And if it requires a cause in both, what do we gain by your
system, in tracing the universe of objects into a similar universe of ideas?
The first step which we make leads us on for ever. It were, therefore, wise in
us to limit all our inquiries to the present world, without looking further. No
satisfaction can ever be attained by these speculations, which so far exceed
the narrow bounds of human understanding.
It
was usual with the PERIPATETICS, you know, CLEANTHES, when the cause of any
phenomenon was demanded, to have recourse to their faculties or occult
qualities; and to say, for instance, that bread nourished by its (97)
nutritive faculty, and senna purged by its purgative. But it has been
discovered, that this subterfuge was nothing but the disguise of ignorance; and
that these philosophers, though less ingenuous, really said the same thing with
the sceptics or the vulgar, who fairly confessed that they knew not the cause
of these phenomena. In like manner, when it is asked, what cause produces order
in the ideas of the Supreme Being; can any other reason be assigned by you,
Anthropomorphites, than that it is a rational faculty, and that such is
the nature of the Deity? But why a similar answer will not be equally
satisfactory in accounting for the order of the world, without having recourse
to any such intelligent creator as you insist on, may be difficult to
determine. It is only to say, that such is the nature of material
objects, and that they are all originally possessed of a faculty of
order and proportion. These are only more (98) learned and elaborate ways of
confessing our ignorance; nor has the one hypothesis any real advantage above
the other, except in its greater conformity to vulgar prejudices.
You have displayed this argument
with great emphasis, replied CLEANTHES: You seem not sensible how easy it is to
answer it. Even in common life, if I assign a cause for any event, is it any
objection, PHILO, that I cannot assign the cause of that cause, and answer
every new question which may incessantly be started? And what philosophers
could possibly submit to so rigid a rule? philosophers, who confess ultimate
causes to be totally unknown; and are sensible, that the most refined
principles into which they trace the phenomena, are still to them as
inexplicable as these phenomena themselves are to the vulgar. The order and
arrangement of nature, the curious adjustment (99) of final causes, the plain
use and intention of every part and organ; all these bespeak in the clearest
language an intelligent cause or author. The heavens and the earth join in the
same testimony: The whole chorus of Nature raises one hymn to the praises of
its Creator. You alone, or almost alone, disturb this general harmony. You
start abstruse doubts, cavils, and objections: You ask me, what is the cause of
this cause? I know not; I care not; that concerns not me. I have found a Deity;
and here I stop my inquiry. Let those go further, who are wiser or more
enterprising.
I pretend to be neither, replied
PHILO: And for that very reason, I should never perhaps have attempted to go so
far; especially when I am sensible, that I must at last be contented to sit
down with the same answer, which, without further trouble, might have satisfied
me from the beginning. (100) If I am still to remain in utter ignorance of
causes, and can absolutely give an explication of nothing, I shall never esteem
it any advantage to shove off for a moment a difficulty, which, you
acknowledge, must immediately, in its full force, recur upon me. Naturalists
indeed very justly explain particular effects by more general causes, though
these general causes themselves should remain in the end totally inexplicable;
but they never surely thought it satisfactory to explain a particular effect by
a particular cause, which was no more to be accounted for than the effect
itself. An ideal system, arranged of itself, without a precedent design, is not
a whit more explicable than a material one, which attains its order in a like
manner; nor is there any more difficulty in the latter supposition than in the
former.
(101)
But to show you still more inconveniences, continued
PHILO, in your Anthropomorphism, please to take a new survey of your
principles. Like effects prove like causes. This is the experimental
argument; and this, you say too, is the sole theological argument. Now, it is
certain, that the liker the effects are which are seen, and the liker the
causes which are inferred, the stronger is the argument. Every departure on
either side diminishes the probability, and renders the experiment less
conclusive. You cannot doubt of the principle; neither ought you to reject its
consequences.
(102) All the new discoveries in astronomy, which
prove the immense grandeur and magnificence of the works of Nature, are so many
additional arguments for a Deity, according to the true system of Theism; but,
according to your hypothesis of experimental Theism, they become so many
objections, by removing the effect still further from all resemblance to the
effects of human art and contrivance. For, if LUCRETIUS [37], even following the old
system of the world, could exclaim :
Quis regere immensi
summam, quis habere profundi
Indu manu validas potis
est moderanter habenas?
Quis pariter coelos omnes convertere? et omnes
Ignibus aetheriis terras suffire feraces?
Omnibus inque locis esse omni tempore praesto? »
If TULLY [38] esteemed this reasoning
so natural, as to put it into the mouth of his EPICUREAN: "Quibus enim
oculis animi intueri potuit vester Plato fabricam illam tanti operis, qua
construi a Deo atque (103) aedificari mundum facit? Quae molitio? quae ferramenta? qui vectes? quae machinae? qui
ministri tanti muneris fuerunt? quemadmodum autem obedire et parere voluntati
architecti aer, ignis, aqua, terra potuerunt?" If this argument, I say, had any force in former ages, how much greater
must it have at present, when the bounds of Nature are so infinitely enlarged,
and such a magnificent scene is opened to us? It is still more unreasonable to
form our idea of so unlimited a cause from our experience of the narrow
productions of human design and invention.
The discoveries by microscopes, as they open a new
universe in miniature, are still objections, according to you, arguments,
according to me. The further we push our researches of this kind, we are still
led to infer the universal cause of all to be vastly different from mankind, or
from any object of human experience and observation.
And
what say you to the discoveries in anatomy, chemistry, botany?... These surely
are no objections, replied CLEANTHES; they only discover new instances of art
and contrivance. It is still the image of mind reflected on us from innumerable
objects. Add, a mind like the human, said PHILO. I know of no other, replied
CLEANTHES. And the liker the better, insisted PHILO. To be sure, said
CLEANTHES.
Now, CLEANTHES, said PHILO, with an air of alacrity
and triumph, mark the consequences. First, By this method of reasoning, you
renounce all claim to infinity in any of the attributes of the Deity. For, as
the cause ought only to be proportioned to the effect, and the effect, so far
as it falls under our cognisance, is not infinite; what pretensions (105) have
we, upon your suppositions, to ascribe that attribute to the Divine Being? You
will still insist, that, by removing him so much from all similarity to human
creatures, we give in to the most arbitrary hypothesis, and at the same time
weaken all proofs of his existence.
Secondly, You have no reason, on your theory, for ascribing
perfection to the Deity, even in his finite capacity, or for supposing him free
from every error, mistake, or incoherence, in his undertakings. There are many
inexplicable difficulties in the works of Nature, which, if we allow a perfect
author to be proved a priori, are easily solved, and become only seeming
difficulties, from the narrow capacity of man, who cannot trace infinite
relations. But according to your method of reasoning, these difficulties become
all real; and perhaps will be insisted on, as new instances of likeness (106)
to human art and contrivance. At least, you must acknowledge, that it is
impossible for us to tell, from our limited views, whether this system contains
any great faults, or deserves any considerable praise, if compared to other
possible, and even real systems. Could a peasant, if the ÆNEID were read to
him, pronounce that poem to be absolutely faultless, or even assign to it its
proper rank among the productions of human wit, he, who had never seen any
other production?
But were this world ever so perfect a production, it
must still remain uncertain, whether all the excellences of the work can justly
be ascribed to the workman. If we survey a ship, what an exalted idea must we
form of the ingenuity of the carpenter who framed so complicated, useful, and
beautiful a machine? And what surprise must we feel, when we find him a stupid
mechanic, (107) who imitated others, and copied an art, which, through a long
succession of ages, after multiplied trials, mistakes, corrections,
deliberations, and controversies, had been gradually improving? Many worlds
might have been botched and bungled, throughout an eternity, ere this system
was struck out; much labour lost, many fruitless trials made; and a slow, but
continued improvement carried on during infinite ages in the art of
world-making. In such subjects, who can determine, where the truth; nay, who
can conjecture where the probability lies, amidst a great number of hypotheses
which may be proposed, and a still greater which may be imagined?
And what shadow of an argument, continued PHILO, can
you produce, from your hypothesis, to prove the unity of the Deity? A great
number of men join in building a house or ship, in rearing (108) a city, in
framing a commonwealth; why may not several deities combine in contriving and
framing a world? This is only so much greater similarity to human affairs. By
sharing the work among several, we may so much further limit the attributes of
each, and get rid of that extensive power and knowledge, which must be supposed
in one deity, and which, according to you, can only serve to weaken the proof
of his existence. And if such foolish, such vicious creatures as man, can yet
often unite in framing and executing one plan, how much more those deities or
demons, whom we may suppose several degrees more perfect!
To multiply causes without necessity, is indeed
contrary to true philosophy: but this principle applies not to the present
case. Were one deity antecedently proved by your theory, who were possessed of
every attribute requisite (109) to the production of the universe; it would be
needless, I own, (though not absurd,) to suppose any other deity existent. But
while it is still a question, Whether all these attributes are united in one
subject, or dispersed among several independent beings, by what phenomena in
nature can we pretend to decide the controversy? Where we see a body raised in
a scale, we are sure that there is in the opposite scale, however concealed
from sight, some counterpoising weight equal to it; but it is still allowed to
doubt, whether that weight be an aggregate of several distinct bodies, or one
uniform united mass. And if the weight requisite very much exceeds any thing
which we have ever seen conjoined in any single body, the former supposition
becomes still more probable and natural. An intelligent being of such vast
power and capacity as is necessary to produce the universe, or, to speak in the
language of ancient philosophy, (110) so prodigious an animal exceeds all analogy,
and even comprehension.
But further, CLEANTHES: men are mortal, and renew
their species by generation; and this is common to all living creatures. The
two great sexes of male and female, says MILTON, animate the world. Why must
this circumstance, so universal, so essential, be excluded from those numerous
and limited deities? Behold, then, the theogony of ancient times brought back
upon us.
And why not become a perfect Anthropomorphite? Why not
assert the deity or deities to be corporeal, and to have eyes, a nose, mouth,
ears, &c.? EPICURUS maintained, that no man had ever seen reason but in a
human figure; therefore the gods must have a human figure. And this argument,
which is deservedly so much ridiculed by CICERO, (111) becomes, according to
you, solid and philosophical.
In a word, CLEANTHES, a man who
follows your hypothesis is able perhaps to assert, or conjecture, that the
universe, sometime, arose from something like design: but beyond that position
he cannot ascertain one single circumstance; and is left afterwards to fix
every point of his theology by the utmost license of fancy and hypothesis. This
world, for aught he knows, is very faulty and imperfect, compared to a superior
standard; and was only the first rude essay of some infant deity, who
afterwards abandoned it, ashamed of his lame performance: it is the work only
of some dependent, inferior deity; and is the object of derision to his
superiors: it is the production of old age and dotage in some superannuated
deity; and ever since his death, has run on at adventures, from the first
impulse and active (112) force which it received from him. You justly give
signs of horror, DEMEA, at these strange suppositions; but these, and a
thousand more of the same kind, are CLEANTHES's suppositions, not mine. From
the moment the attributes of the Deity are supposed finite, all these have
place. And I cannot, for my part, think that so wild and unsettled a system of
theology is, in any respect, preferable to none at all.
These suppositions I absolutely disown, cried CLEANTHES: they strike me, however, with no horror, especially when proposed in that rambling way in which they drop from you. On the contrary, they give me pleasure, when I see, that, by the utmost indulgence of your imagination, you never get rid of the hypothesis of design in the universe, but are obliged at every turn to have recourse to it. To this concession I adhere steadily; and this I regard as a sufficient foundation for religion.
(113)
It
must be a slight fabric, indeed, said DEMEA, which can be erected on so
tottering a foundation. While we are uncertain whether there is one deity or
many; whether the deity or deities, to whom we owe our existence, be perfect or
imperfect, subordinate or supreme, dead or alive, what trust or confidence can
we repose in them? What devotion or worship address to them? What veneration or
obedience pay them? To all the purposes of life the theory of religion becomes
altogether useless: and even with regard to speculative consequences, its
uncertainty, according to you, (114) must render it totally precarious and
unsatisfactory.
To
render it still more unsatisfactory, said PHILO, there occurs to me another
hypothesis, which must acquire an air of probability from the method of
reasoning so much insisted on by CLEANTHES. That like effects arise from like
causes: this principle he supposes the foundation of all religion. But there is
another principle of the same kind, no less certain, and derived from the same
source of experience; that where several known circumstances are observed
to be similar, the unknown will also be found similar. Thus, if we see
the limbs of a human body, we conclude that it is also attended with a human
head, though hid from us. Thus, if we see, through a chink in a wall, a small
part of the sun, we conclude, that, were the wall removed, we should see the
whole body. In short, this (115) method of reasoning is so obvious and
familiar, that no scruple can ever be made with regard to its solidity.
Now,
if we survey the universe, so far as it falls under our knowledge, it bears a
great resemblance to an animal or organised body, and seems actuated with a
like principle of life and motion. A continual circulation of matter in it
produces no disorder: a continual waste in every part is incessantly repaired:
the closest sympathy is perceived throughout the entire system: and each part
or member, in performing its proper offices, operates both to its own preservation
and to that of the whole. The world, therefore, I infer, is an animal; and the
Deity is the SOUL of the world, actuating it, and actuated by it.
You
have too much learning, CLEANTHES, to be at all surprised at this opinion,
(116) which, you know, was maintained by almost all the Theists of antiquity,
and chiefly prevails in their discourses and reasonings. For though, sometimes,
the ancient philosophers reason from final causes, as if they thought the world
the workmanship of God; yet it appears rather their favourite notion to
consider it as his body, whose organisation renders it subservient to him. And
it must be confessed, that, as the universe resembles more a human body than it
does the works of human art and contrivance, if our limited analogy could ever,
with any propriety, be extended to the whole of nature, the inference seems
juster in favour of the ancient than the modern theory.
There
are many other advantages, too, in the former theory, which recommended it to
the ancient theologians. Nothing more repugnant to all their notions, because
nothing more repugnant (117) to common experience, than mind without body; a
mere spiritual substance, which fell not under their senses nor comprehension,
and of which they had not observed one single instance throughout all nature.
Mind and body they knew, because they felt both: an order, arrangement,
organisation, or internal machinery, in both, they likewise knew, after the
same manner: and it could not but seem reasonable to transfer this experience
to the universe; and to suppose the divine mind and body to be also coeval, and
to have, both of them, order and arrangement naturally inherent in them, and
inseparable from them.
Here,
therefore, is a new species of Anthropomorphism, CLEANTHES, on which you
may deliberate; and a theory which seems not liable to any considerable
difficulties. You are too much superior, surely, to systematical (118) prejudices,
to find any more difficulty in supposing an animal body to be, originally, of
itself, or from unknown causes, possessed of order and organisation, than in
supposing a similar order to belong to mind. But the vulgar prejudice,
that body and mind ought always to accompany each other, ought not, one should
think, to be entirely neglected; since it is founded on vulgar experience,
the only guide which you profess to follow in all these theological inquiries.
And if you assert, that our limited experience is an unequal standard, by which
to judge of the unlimited extent of nature; you entirely abandon your own
hypothesis, and must thenceforward adopt our Mysticism, as you call it, and
admit of the absolute incomprehensibility of the Divine Nature.
This
theory, I own, replied CLEANTHES, has never before occurred to me, though a
pretty natural one; and I (118) cannot readily, upon so short an examination
and reflection, deliver any opinion with regard to it. You are very scrupulous,
indeed, said PHILO: were I to examine any system of yours, I should not have
acted with half that caution and reserve, in starting objections and
difficulties to it. However, if any thing occur to you, you will oblige us by
proposing it.
Why
then, replied CLEANTHES, it seems to me, that, though the world does, in many
circumstances, resemble an animal body; yet is the analogy also defective in
many circumstances the most material: no organs of sense; no seat of thought or
reason; no one precise origin of motion and action. In short, it seems to bear
a stronger resemblance to a vegetable than to an animal, and your inference
would be so far inconclusive in favour of the soul of the world.
(120)
But, in the next place, your theory seems to imply the eternity of the world;
and that is a principle, which, I think, can be refuted by the strongest
reasons and probabilities. I shall suggest an argument to this purpose, which,
I believe, has not been insisted on by any writer. Those, who reason from the
late origin of arts and sciences, though their inference wants not force, may
perhaps be refuted by considerations derived from the nature of human society,
which is in continual revolution, between ignorance and knowledge, liberty and
slavery, riches and poverty; so that it is impossible for us, from our limited
experience, to foretell with assurance what events may or may not be expected.
Ancient learning and history seem to have been in great danger of entirely
perishing after the inundation of the barbarous nations; and had these
convulsions continued a little longer, or been a little more violent, we (121)
should not probably have now known what passed in the world a few centuries
before us. Nay, were it not for the superstition of the Popes, who preserved a
little jargon of Latin, in order to support the appearance of an ancient
and universal church, that tongue must have been utterly lost; in which case,
the Western world, being totally barbarous, would not have been in a fit
disposition for receiving the GREEK language and learning, which was conveyed
to them after the sacking of CONSTANTINOPLE. When learning and books had been
extinguished, even the mechanical arts would have fallen considerably to decay;
and it is easily imagined, that fable or tradition might ascribe to them a much
later origin than the true one. This vulgar argument, therefore, against the
eternity of the world, seems a little precarious.
But
here appears to be the foundation (122) of a better argument. LUCULLUS was the
first that brought cherry-trees from ASIA to EUROPE; though that tree thrives
so well in many EUROPEAN climates, that it grows in the woods without any
culture. Is it possible, that throughout a whole eternity, no EUROPEAN had ever
passed into ASIA, and thought of transplanting so delicious a fruit into his
own country? Or if the tree was once transplanted and propagated, how could it
ever afterwards perish? Empires may rise and fall, liberty and slavery succeed
alternately, ignorance and knowledge give place to each other; but the
cherry-tree will still remain in the woods of GREECE, SPAIN, and ITALY, and
will never be affected by the revolutions of human society.
It
is not two thousand years since vines were transplanted into FRANCE, though
there is no climate in the world more favourable to them. It is not three (123)
centuries since horses, cows, sheep, swine, dogs, corn, were known in AMERICA.
Is it possible, that during the revolutions of a whole eternity, there never
arose a COLUMBUS, who might open the communication between EUROPE and that
continent? We may as well imagine, that all men would wear stockings for ten
thousand years, and never have the sense to think of garters to tie them. All
these seem convincing proofs of the youth, or rather infancy, of the world; as
being founded on the operation of principles more constant and steady than
those by which human society is governed and directed. Nothing less than a
total convulsion of the elements will ever destroy all the EUROPEAN animals and
vegetables which are now to be found in the Western world.
And
what argument have you against such convulsions? replied PHILO. Strong (124) and
almost incontestable proofs may be traced over the whole earth, that every part
of this globe has continued for many ages entirely covered with water. And
though order were supposed inseparable from matter, and inherent in it; yet may
matter be susceptible of many and great revolutions, through the endless
periods of eternal duration. The incessant changes, to which every part of it
is subject, seem to intimate some such general transformations; though, at the
same time, it is observable, that all the changes and corruptions of which we
have ever had experience, are but passages from one state of order to another;
nor can matter ever rest in total deformity and confusion. What we see in the
parts, we may infer in the whole; at least, that is the method of reasoning on
which you rest your whole theory. And were I obliged to defend any particular
system of this nature, which I never willingly should do, I esteem (125) none
more plausible than that which ascribes an eternal inherent principle of order
to the world, though attended with great and continual revolutions and
alterations. This at once solves all difficulties; and if the solution, by
being so general, is not entirely complete and satisfactory, it is at least a
theory that we must sooner or later have recourse to, whatever system we
embrace. How could things have been as they are, were there not an original
inherent principle of order somewhere, in thought or in matter? And it is very
indifferent to which of these we give the preference. Chance has no place, on
any hypothesis, sceptical or religious. Every thing is surely governed by
steady, inviolable laws. And were the inmost essence of things laid open to us,
we should then discover a scene, of which, at present, we can have no idea.
Instead of admiring the order of natural beings, we should clearly see that it
was absolutely impossible (126) for them, in the smallest article, ever to
admit of any other disposition.
Were
any one inclined to revive the ancient Pagan Theology, which maintained, as we learn
from HESIOD, that this globe was governed by 30,000 deities, who arose from the
unknown powers of nature: you would naturally object, CLEANTHES, that nothing
is gained by this hypothesis; and that it is as easy to suppose all men
animals, beings more numerous, but less perfect, to have sprung immediately
from a like origin. Push the same inference a step further, and you will find a
numerous society of deities as explicable as one universal deity, who possesses
within himself the powers and perfections of the whole society. All these
systems, then, of Scepticism, Polytheism, and Theism, you must allow, on your
principles, to be on a like footing, (127) and that no one of them has any
advantage over the others. You may thence learn the fallacy of your principles.
(129)
But
here, continued PHILO, in examining the ancient system of the soul of the
world, there strikes me, all on a sudden, a new idea, which, if just, must go near
to subvert all your reasoning, and destroy even your first inferences, on which
you repose such confidence. If the universe bears a greater likeness to animal
bodies and to vegetables, than to the works of human art, it is more probable
that its cause resembles the cause of the former than that of the latter, and
its origin ought rather to be ascribed to generation or vegetation, than to
reason or design. Your conclusion, even according to your (130) own principles,
is therefore lame and defective.
Pray
open up this argument a little further, said DEMEA, for I do not rightly
apprehend it in that concise manner in which you have expressed it.
Our
friend CLEANTHES, replied PHILO, as you have heard, asserts, that since no
question of fact can be proved otherwise than by experience, the existence of a
Deity admits not of proof from any other medium. The world, says he, resembles
the works of human contrivance; therefore its cause must also resemble that of
the other. Here we may remark, that the operation of one very small part of
nature, to wit man, upon another very small part, to wit that inanimate matter
lying within his reach, is the rule by which CLEANTHES judges of the origin of
the whole; (131) and he measures objects, so widely disproportioned, by the
same individual standard. But to waive all objections drawn from this topic, I
affirm, that there are other parts of the universe (besides the machines of
human invention) which bear still a greater resemblance to the fabric of the
world, and which, therefore, afford a better conjecture concerning the
universal origin of this system. These parts are animals and vegetables. The
world plainly resembles more an animal or a vegetable, than it does a watch or
a knitting-loom. Its cause, therefore, it is more probable, resembles the cause
of the former. The cause of the former is generation or vegetation. The cause,
therefore, of the world, we may infer to be something similar or analogous to
generation or vegetation.
But
how is it conceivable, said DEMEA, that the world can arise from any thing
(132) similar to vegetation or generation?
Very
easily, replied PHILO. In like manner as a tree sheds its seed into the
neighbouring fields, and produces other trees; so the great vegetable, the
world, or this planetary system, produces within itself certain seeds, which,
being scattered into the surrounding chaos, vegetate into new worlds. A comet,
for instance, is the seed of a world; and after it has been fully ripened, by
passing from sun to sun, and star to star, it is at last tossed into the
unformed elements which every where surround this universe, and immediately
sprouts up into a new system.
Or
if, for the sake of variety (for I see no other advantage), we should suppose
this world to be an animal; a comet is the egg of this animal: and in like
manner as an ostrich lays its egg in the sand, which, without any further care,
hatches the egg, and produces a new animal; so... I understand you, says DEMEA:
But what wild, arbitrary suppositions are these! What data have you for
such extraordinary conclusions? And is the slight, imaginary resemblance of the
world to a vegetable or an animal sufficient to establish the same inference
with regard to both? Objects, which are in general so widely different, ought
they to be a standard for each other?
Right,
cries PHILO: This is the topic on which I have all along insisted. I have still
asserted, that we have no data to establish any system of cosmogony. Our
experience, so imperfect in itself, and so limited both in extent and duration,
can afford us no probable conjecture concerning the whole of things. But if we
must needs fix on some hypothesis; by what rule, pray, (134) ought we to
determine our choice? Is there any other rule than the greater similarity of
the objects compared? And does not a plant or an animal, which springs from
vegetation or generation, bear a stronger resemblance to the world, than does
any artificial machine, which arises from reason and design?
But
what is this vegetation and generation of which you talk? said DEMEA. Can you
explain their operations, and anatomise that fine internal structure on which
they depend?
As
much, at least, replied PHILO, as CLEANTHES can explain the operations of
reason, or anatomise that internal structure on which it depends. But
without any such elaborate disquisitions, when I see an animal, I infer, that
it sprang from generation; and that with as great certainty as you (135)
conclude a house to have been reared by design. These words, generation,
reason, mark only certain powers and energies in nature, whose effects
are known, but whose essence is incomprehensible; and one of these principles,
more than the other, has no privilege for being made a standard to the whole of
nature.
In
reality, DEMEA, it may reasonably be expected, that the larger the views are
which we take of things, the better will they conduct us in our conclusions
concerning such extraordinary and such magnificent subjects. In this little
corner of the world alone, there are four principles, reason, instinct,
generation, vegetation, which are similar to each other, and are
the causes of similar effects. What a number of other principles may we
naturally suppose in the immense extent and variety of the universe, could we
travel from planet (136) to planet, and from system to system, in order to
examine each part of this mighty fabric? Any one of these four principles above
mentioned, (and a hundred others which lie open to our conjecture,) may afford
us a theory by which to judge of the origin of the world; and it is a palpable
and egregious partiality to confine our view entirely to that principle by
which our own minds operate. Were this principle more intelligible on that
account, such a partiality might be somewhat excusable: But reason, in its
internal fabric and structure, is really as little known to us as instinct or
vegetation; and, perhaps, even that vague, indeterminate word, Nature,
to which the vulgar refer every thing, is not at the bottom more inexplicable.
The effects of these principles are all known to us from experience; but the
principles themselves, and their manner of operation, are totally unknown; nor
is it less (137) intelligible, or less conformable to experience, to say, that
the world arose by vegetation, from a seed shed by another world, than to say
that it arose from a divine reason or contrivance, according to the sense in
which CLEANTHES understands it.
But
methinks, said DEMEA, if the world had a vegetative quality, and could sow the
seeds of new worlds into the infinite chaos, this power would be still an
additional argument for design in its author. For whence could arise so
wonderful a faculty but from design? Or how can order spring from any thing
which perceives not that order which it bestows?
You
need only look around you, replied PHILO, to satisfy yourself with regard to
this question. A tree bestows order and organisation on that tree which springs
from it, without knowing (138) the order; an animal in the same manner on its offspring;
a bird on its nest; and instances of this kind are even more frequent in the
world than those of order, which arise from reason and contrivance. To say,
that all this order in animals and vegetables proceeds ultimately from design,
is begging the question; nor can that great point be ascertained otherwise than
by proving, a priori, both that order is, from its nature, inseparably
attached to thought; and that it can never of itself, or from original unknown
principles, belong to matter.
But
further, DEMEA; this objection which you urge can never be made use of by
CLEANTHES, without renouncing a defence which he has already made against one
of my objections. When I inquired concerning the cause of that supreme reason
and intelligence into which he resolves (139) every thing; he told me, that the
impossibility of satisfying such inquiries could never be admitted as an
objection in any species of philosophy. We must stop somewhere, says he;
nor is it ever within the reach of human capacity to explain ultimate
causes, or show the last connections of any objects. It is sufficient, if any
steps, so far as we go, are supported by experience and observation. Now,
that vegetation and generation, as well as reason, are experienced to be
principles of order in nature, is undeniable. If I rest my system of cosmogony
on the former, preferably to the latter, it is at my choice. The matter seems
entirely arbitrary. And when CLEANTHES asks me what is the cause of my great
vegetative or generative faculty, I am equally entitled to ask him the cause of
his great reasoning principle. These questions we have agreed to forbear on
both sides; and it is chiefly his interest on the present occasion to stick to
this (140) agreement. Judging by our limited and imperfect experience,
generation has some privileges above reason: for we see every day the latter
arise from the former, never the former from the latter.
Compare,
I beseech you, the consequences on both sides. The world, say I, resembles an
animal; therefore it is an animal, therefore it arose from generation. The
steps, I confess, are wide; yet there is some small appearance of analogy in
each step. The world, says CLEANTHES, resembles a machine; therefore it is a
machine, therefore it arose from design. The steps are here equally wide, and
the analogy less striking. And if he pretends to carry on my hypothesis
a step further, and to infer design or reason from the great principle of
generation, on which I insist; I may, with better authority, use the same
freedom to push further his hypothesis, (141) and infer a divine
generation or theogony from his principle of reason. I have at least some faint
shadow of experience, which is the utmost that can ever be attained in the
present subject. Reason, in innumerable instances, is observed to arise from
the principle of generation, and never to arise from any other principle.
HESIOD,
and all the ancient mythologists, were so struck with this analogy, that they
universally explained the origin of nature from an animal birth, and
copulation. PLATO too, so far as he is intelligible, seems to have adopted some
such notion in his TIMAEUS.
The
BRAHMINS assert, that the world arose from an infinite spider, who spun this
whole complicated mass from his bowels, and annihilates afterwards the whole or
any part of it, by absorbing it again, and resolving it into his own (142)
essence. Here is a species of cosmogony, which appears to us ridiculous;
because a spider is a little contemptible animal, whose operations we are never
likely to take for a model of the whole universe. But still here is a new
species of analogy, even in our globe. And were there a planet wholly inhabited
by spiders, (which is very possible,) this inference would there appear as
natural and irrefragable as that which in our planet ascribes the origin of all
things to design and intelligence, as explained by CLEANTHES. Why an orderly
system may not be spun from the belly as well as from the brain, it will be
difficult for him to give a satisfactory reason.
I
must confess, PHILO, replied CLEANTHES, that of all men living, the task which
you have undertaken, of raising doubts and objections, suits you best, and
seems, in a manner, natural and unavoidable to you. So great is your fertility
(143) of invention, that I am not ashamed to acknowledge myself unable, on a
sudden, to solve regularly such out-of-the-way difficulties as you incessantly
start upon me: though I clearly see, in general, their fallacy and error. And I
question not, but you are yourself, at present, in the same case, and have not
the solution so ready as the objection: while you must be sensible, that common
sense and reason are entirely against you; and that such whimsies as you have
delivered, may puzzle, but never can convince us.
(145)
What you ascribe to the fertility of my invention, replied PHILO, is entirely owing to the nature of the subject. In subjects adapted to the narrow compass of human reason, there is commonly but one determination, which carries probability or conviction with it; and to a man of sound judgement, all other suppositions, but that one, appear entirely absurd and chimerical. But in such questions as the present, a hundred contradictory views may preserve a kind of imperfect analogy; and invention has here full scope to exert itself. Without any great effort of thought, I believe that I could, in an instant, (146) propose other systems of cosmogony, which would have some faint appearance of truth, though it is a thousand, a million to one, if either yours or any one of mine be the true system.
For instance, what if I should revive the old EPICUREAN hypothesis? This is commonly, and I believe justly, esteemed the most absurd system that has yet been proposed; yet I know not whether, with a few alterations, it might not be brought to bear a faint appearance of probability. Instead of supposing matter infinite, as EPICURUS did, let us suppose it finite. A finite number of particles is only susceptible of finite transpositions: and it must happen, in an eternal duration, that every possible order or position must be tried an infinite number of times. This world, therefore, with all its events, even the most minute, has before been produced and destroyed, and will again be produced (147) and destroyed, without any bounds and limitations. No one, who has a conception of the powers of infinite, in comparison of finite, will ever scruple this determination.
But this supposes, said DEMEA, that
matter can acquire motion, without any voluntary agent or first mover.
And where is the difficulty, replied
PHILO, of that supposition? Every event, before experience, is equally
difficult and incomprehensible; and every event, after experience, is equally
easy and intelligible. Motion, in many instances, from gravity, from elasticity,
from electricity, begins in matter, without any known voluntary agent: and to
suppose always, in these cases, an unknown voluntary agent, is mere hypothesis;
and hypothesis attended with no advantages. The beginning of motion in matter
itself is as conceivable a priori as (148) its communication from mind
and intelligence.
Besides, why may not motion have
been propagated by impulse through all eternity, and the same stock of it, or
nearly the same, be still upheld in the universe? As much is lost by the
composition of motion, as much is gained by its resolution. And whatever the
causes are, the fact is certain, that matter is, and always has been, in
continual agitation, as far as human experience or tradition reaches. There is
not probably, at present, in the whole universe, one particle of matter at
absolute rest.
And this very consideration too,
continued PHILO, which we have stumbled on in the course of the argument,
suggests a new hypothesis of cosmogony, that is not absolutely absurd and improbable.
Is there a system, an order, an economy of things, by which matter (149) can
preserve that perpetual agitation which seems essential to it, and yet maintain
a constancy in the forms which it produces? There certainly is such an economy;
for this is actually the case with the present world. The continual motion of
matter, therefore, in less than infinite transpositions, must produce this
economy or order; and by its very nature, that order, when once established,
supports itself, for many ages, if not to eternity. But wherever matter is so
poised, arranged, and adjusted, as to continue in perpetual motion, and yet
preserve a constancy in the forms, its situation must, of necessity, have all
the same appearance of art and contrivance which we observe at present. All the
parts of each form must have a relation to each other, and to the whole; and
the whole itself must have a relation to the other parts of the universe; to
the element in which the form subsists; to the materials with (150) which it repairs
its waste and decay; and to every other form which is hostile or friendly. A
defect in any of these particulars destroys the form; and the matter of which
it is composed is again set loose, and is thrown into irregular motions and
fermentations, till it unite itself to some other regular form. If no such form
be prepared to receive it, and if there be a great quantity of this corrupted
matter in the universe, the universe itself is entirely disordered; whether it
be the feeble embryo of a world in its first beginnings that is thus destroyed,
or the rotten carcass of one languishing in old age and infirmity. In either
case, a chaos ensues; till finite, though innumerable revolutions produce at
last some forms, whose parts and organs are so adjusted as to support the forms
amidst a continued succession of matter.
Suppose (for we shall endeavour to vary (151) the expression), that matter were thrown into any position, by a blind, unguided force; it is evident that this first position must, in all probability, be the most confused and most disorderly imaginable, without any resemblance to those works of human contrivance, which, along with a symmetry of parts, discover an adjustment of means to ends, and a tendency to self-preservation. If the actuating force cease after this operation, matter must remain for ever in disorder, and continue an immense chaos, without any proportion or activity. But suppose that the actuating force, whatever it be, still continues in matter, this first position will immediately give place to a second, which will likewise in all probability be as disorderly as the first, and so on through many successions of changes and revolutions. No particular order or position ever continues a moment unaltered. The original force, still remaining in activity, gives a perpetual (152) restlessness to matter. Every possible situation is produced, and instantly destroyed. If a glimpse or dawn of order appears for a moment, it is instantly hurried away, and confounded, by that never-ceasing force which actuates every part of matter.
Thus the universe goes on for many ages in a continued succession of chaos and disorder. But is it not possible that it may settle at last, so as not to lose its motion and active force (for that we have supposed inherent in it), yet so as to preserve an uniformity of appearance, amidst the continual motion and fluctuation of its parts? This we find to be the case with the universe at present. Every individual is perpetually changing, and every part of every individual; and yet the whole remains, in appearance, the same. May we not hope for such a position, or rather be assured of it, from the eternal revolutions of (153) unguided matter; and may not this account for all the appearing wisdom and contrivance which is in the universe? Let us contemplate the subject a little, and we shall find, that this adjustment, if attained by matter, of a seeming stability in the forms, with a real and perpetual revolution or motion of parts, affords a plausible, if not a true solution of the difficulty.
It is in vain, therefore, to insist upon the uses of the parts in animals or vegetables, and their curious adjustment to each other. I would fain know, how an animal could subsist, unless its parts were so adjusted? Do we not find, that it immediately perishes whenever this adjustment ceases, and that its matter corrupting tries some new form? It happens indeed, that the parts of the world are so well adjusted, that some regular form immediately lays claim to this corrupted matter: and if it were not so, (154) could the world subsist? Must it not dissolve as well as the animal, and pass through new positions and situations, till in great, but finite succession, it falls at last into the present or some such order?
It is well, replied
CLEANTHES, you told us, that this hypothesis was suggested on a sudden, in the
course of the argument. Had you had leisure to examine it, you would soon have
perceived the insuperable objections to which it is exposed. No form, you say,
can subsist, unless it possess those powers and organs requisite for its
subsistence: some new order or economy must be tried, and so on, without
intermission; till at last some order, which can support and maintain itself,
is fallen upon. But according to this hypothesis, whence arise the many
conveniences and advantages which men and all animals possess? Two eyes, two
ears, are not absolutely necessary (155) for the subsistence of the species.
Human race might have been propagated and preserved, without horses, dogs,
cows, sheep, and those innumerable fruits and products which serve to our
satisfaction and enjoyment. If no camels had been created for the use of man in
the sandy deserts of AFRICA and ARABIA, would the world have been dissolved? If
no lodestone had been framed to give that wonderful and useful direction to the
needle, would human society and the human kind have been immediately
extinguished? Though the maxims of Nature be in general very frugal, yet
instances of this kind are far from being rare; and any one of them is a
sufficient proof of design, and of a benevolent design, which gave rise to the
order and arrangement of the universe.
At least, you may safely infer,
said PHILO, that the foregoing hypothesis is (156) so far incomplete and imperfect,
which I shall not scruple to allow. But can we ever reasonably expect greater
success in any attempts of this nature? Or can we ever hope to erect a system
of cosmogony, that will be liable to no exceptions, and will contain no
circumstance repugnant to our limited and imperfect experience of the analogy
of Nature? Your theory itself cannot surely pretend to any such advantage, even
though you have run into Anthropomorphism, the better to preserve a conformity
to common experience. Let us once more put it to trial. In all instances which
we have ever seen, ideas are copied from real objects, and are ectypal, not
archetypal, to express myself in learned terms: You reverse this order, and
give thought the precedence. In all instances which we have ever seen, thought
has no influence upon matter, except where that matter is so conjoined with it
as to have an equal reciprocal influence upon it. (157) No animal can move
immediately any thing but the members of its own body; and indeed, the equality
of action and reaction seems to be an universal law of nature: But your theory
implies a contradiction to this experience. These instances, with many more,
which it were easy to collect, (particularly the supposition of a mind or
system of thought that is eternal, or, in other words, an animal ingenerable
and immortal); these instances, I say, may teach all of us sobriety in
condemning each other, and let us see, that as no system of this kind ought
ever to be received from a slight analogy, so neither ought any to be rejected
on account of a small incongruity. For that is an inconvenience from which we
can justly pronounce no one to be exempted.
All
religious systems, it is confessed, are subject to great and insuperable
difficulties. Each disputant triumphs (158) in his turn; while he carries on an
offensive war, and exposes the absurdities, barbarities, and pernicious tenets
of his antagonist. But all of them, on the whole, prepare a complete triumph
for the Sceptic; who tells them, that no system ought ever to be
embraced with regard to such subjects: For this plain reason, that no absurdity
ought ever to be assented to with regard to any subject. A total suspense of
judgement is here our only reasonable resource. And if every attack, as is
commonly observed, and no defence, among Theologians, is successful; how
complete must be his victory, who remains always, with all mankind, on
the offensive, and has himself no fixed station or abiding city, which he is
ever, on any occasion, obliged to defend?
(159)
But if so many difficulties attend
the argument a posteriori, said DEMEA, had we not better adhere to that
simple and sublime argument a priori, which, by offering to us infallible
demonstration, cuts off at once all doubt and difficulty? By this argument,
too, we may prove the infinity of the Divine attributes, which, I am
afraid, can never be ascertained with certainty from any other topic. For how
can an effect, which either is finite, or, for aught we know, may be so; how
can such an effect, I say, prove an infinite cause? The unity too of the Divine
Nature, it is very difficult, if not absolutely impossible, (160) to deduce
merely from contemplating the works of nature; nor will the uniformity alone of
the plan, even were it allowed, give us any assurance of that attribute.
Whereas the argument a priori ...
You seem to reason, DEMEA,
interposed CLEANTHES, as if those advantages and conveniences in the abstract
argument were full proofs of its solidity. But it is first proper, in my
opinion, to determine what argument of this nature you choose to insist on; and
we shall afterwards, from itself, better than from its useful
consequences, endeavour to determine what value we ought to put upon it.
The argument, replied DEMEA, which I
would insist on, is the common one. Whatever exists must have a cause or reason
of its existence; it being absolutely impossible for any thing to produce (161)
itself, or be the cause of its own existence. In mounting up, therefore, from
effects to causes, we must either go on in tracing an infinite succession,
without any ultimate cause at all; or must at last have recourse to some
ultimate cause, that is necessarily existent: Now, that the first
supposition is absurd, may be thus proved. In the infinite chain or succession
of causes and effects, each single effect is determined to exist by the power
and efficacy of that cause which immediately preceded; but the whole eternal
chain or succession, taken together, is not determined or caused by any thing;
and yet it is evident that it requires a cause or reason, as much as any
particular object which begins to exist in time. The question is still
reasonable, why this particular succession of causes existed from eternity, and
not any other succession, or no succession at all. If there be no necessarily
existent being, any supposition (162) which can be formed is equally possible;
nor is there any more absurdity in Nothing's having existed from eternity, than
there is in that succession of causes which constitutes the universe. What was
it, then, which determined Something to exist rather than Nothing, and bestowed
being on a particular possibility, exclusive of the rest? External causes,
there are supposed to be none. Chance is a word without a meaning. Was
it Nothing? But that can never produce any thing. We must, therefore,
have recourse to a necessarily existent Being, who carries the REASON of his
existence in himself, and who cannot be supposed not to exist, without an
express contradiction. There is, consequently, such a Being; that is, there is
a Deity.
I shall not leave it to PHILO, said CLEANTHES, though I know that the starting objections is his chief delight, to point out the weakness of this metaphysical reasoning. It seems to me so obviously ill-grounded, and at the same time of so little consequence to the cause of true piety and religion, that I shall myself venture to show the fallacy of it.
I shall begin with observing, that
there is an evident absurdity in pretending to demonstrate a matter of fact, or
to prove it by any arguments a priori. Nothing is demonstrable, unless the
contrary implies a contradiction. Nothing, that is distinctly conceivable,
implies a contradiction. Whatever we conceive as existent, we can also conceive
as non-existent. There is no being, therefore, whose non-existence implies a
contradiction. Consequently there is no being, whose existence is demonstrable.
I propose this argument as entirely decisive, and am willing to rest the whole
controversy upon it.
(164) It is pretended that the Deity
is a necessarily existent being; and this necessity of his existence is
attempted to be explained by asserting, that if we knew his whole essence or
nature, we should perceive it to be as impossible for him not to exist, as for
twice two not to be four. But it is evident that this can never happen, while
our faculties remain the same as at present. It will still be possible for us,
at any time, to conceive the non-existence of what we formerly conceived to
exist; nor can the mind ever lie under a necessity of supposing any object to
remain always in being; in the same manner as we lie under a necessity of
always conceiving twice two to be four. The words, therefore, necessary
existence, have no meaning; or, which is the same thing, none that is
consistent.
But further, why may not the material universe be the necessarily existent Being, (165) according to this pretended explication of necessity? We dare not affirm that we know all the qualities of matter; and for aught we can determine, it may contain some qualities, which, were they known, would make its non-existence appear as great a contradiction as that twice two is five. I find only one argument employed to prove, that the material world is not the necessarily existent Being: and this argument is derived from the contingency both of the matter and the form of the world. "Any particle of matter," it is said, "may be conceived to be annihilated; and any form may be conceived to be altered. Such an annihilation or alteration, therefore, is not impossible." But it seems a great partiality not to perceive, that the same argument extends equally to the Deity, so far as we have any conception of him; and that the mind can at least (166) imagine him to be non-existent, or his attributes to be altered. It must be some unknown, inconceivable qualities, which can make his non-existence appear impossible, or his attributes unalterable: And no reason can be assigned, why these qualities may not belong to matter. As they are altogether unknown and inconceivable, they can never be proved incompatible with it.
Add to this, that in tracing an
eternal succession of objects, it seems absurd to inquire for a general cause
or first author. How can any thing, that exists from eternity, have a cause,
since that relation implies a priority in time, and a beginning of existence?
In such a chain, too, or succession
of objects, each part is caused by that which preceded it, and causes that
which succeeds it. Where then is the difficulty? (167) But the whole, you say,
wants a cause. I answer, that the uniting of these parts into a whole, like the
uniting of several distinct countries into one kingdom, or several distinct
members into one body, is performed merely by an arbitrary act of the mind, and
has no influence on the nature of things. Did I show you the particular causes
of each individual in a collection of twenty particles of matter, I should
think it very unreasonable, should you afterwards ask me, what was the cause of
the whole twenty. This is sufficiently explained in explaining the cause of the
parts.
Though the reasonings which you have
urged, CLEANTHES, may well excuse me, said PHILO, from starting any further
difficulties, yet I cannot forbear insisting still upon another topic. It is
observed by arithmeticians, that the products of 9, compose always (168) either
9, or some lesser product of 9, if you add together all the characters of which
any of the former products is composed. Thus, of 18, 27, 36, which are products
of 9, you make 9 by adding 1 to 8, 2 to 7, 3 to 6. Thus, 369 is a product also
of 9; and if you add 3, 6, and 9, you make 18, a lesser product of 9. To a
superficial observer, so wonderful a regularity may be admired as the effect
either of chance or design: but a skilful algebraist immediately concludes it
to be the work of necessity, and demonstrates, that it must for ever result
from the nature of these numbers. Is it not probable, I ask, that the whole
economy of the universe is conducted by a like necessity, though no human
algebra can furnish a key which solves the difficulty? And instead of admiring
the order of natural beings, may it not happen, that, could we penetrate into
the intimate nature (169) of bodies, we should clearly see why it was
absolutely impossible they could ever admit of any other disposition? So
dangerous is it to introduce this idea of necessity into the present question!
and so naturally does it afford an inference directly opposite to the religious
hypothesis!
But
dropping all these abstractions, continued PHILO, and confining ourselves to
more familiar topics, I shall venture to add an observation, that the argument a
priori has seldom been found very convincing, except to people of a
metaphysical head, who have accustomed themselves to abstract reasoning, and
who, finding from mathematics, that the understanding frequently leads to truth
through obscurity, and, contrary to first appearances, have transferred the
same habit of thinking to subjects where it ought not to have place. Other
people, even (170) of good sense and the best inclined to religion, feel always
some deficiency in such arguments, though they are not perhaps able to explain
distinctly where it lies; a certain proof that men ever did, and ever will
derive their religion from other sources than from this species of reasoning.
(171)
It is my opinion, I own, replied DEMEA, that each man feels, in a manner, the truth of religion within his own breast, and, from a consciousness of his imbecility and misery, rather than from any reasoning, is led to seek protection from that Being, on whom he and all nature is dependent. So anxious or so tedious are even the best scenes of life, that futurity is still the object of all our hopes and fears. We incessantly look forward, and endeavour, by prayers, adoration, and sacrifice, to appease those unknown powers, whom we find, by experience, so able to afflict and oppress us. (172) Wretched creatures that we are! what resource for us amidst the innumerable ills of life, did not religion suggest some methods of atonement, and appease those terrors with which we are incessantly agitated and tormented?
I am indeed persuaded, said PHILO,
that the best, and indeed the only method of bringing every one to a due sense
of religion, is by just representations of the misery and wickedness of men.
And for that purpose a talent of eloquence and strong imagery is more requisite
than that of reasoning and argument. For is it necessary to prove what every
one feels within himself? It is only necessary to make us feel it, if possible,
more intimately and sensibly.
The people, indeed, replied DEMEA, are
sufficiently convinced of this great and melancholy truth. The miseries of
(173) life; the unhappiness of man; the general corruptions of our nature; the
unsatisfactory enjoyment of pleasures, riches, honours; these phrases have
become almost proverbial in all languages. And who can doubt of what all men
declare from their own immediate feeling and experience?
In this point, said PHILO, the
learned are perfectly agreed with the vulgar; and in all letters, sacred and
profane, the topic of human misery has been insisted on with the most pathetic
eloquence that sorrow and melancholy could inspire. The poets, who speak from
sentiment, without a system, and whose testimony has therefore the more
authority, bound in images of this
nature. From HOMERE down to Dr. YOUNG, the whole inspired tribe have ever been
sensible, that no other representation of things would suit (174) the feeling
and observation of each individual.
As to authorities, replied DEMEA,
you need not seek them. Look round this library of CLEANTHES. I shall venture
to affirm, that, except authors of particular sciences, such as chemistry or
botany, who have no occasion to treat of human life, there is scarce one of
those innumerable writers, from whom the sense of human misery has not, in some
passage or other, extorted a complaint and confession of it. At least, the
chance is entirely on that side; and no one author has ever, so far as I can
recollect, been so extravagant as to deny it.
There you must excuse me, said
PHILO: LEIBNIZ has denied it; and is perhaps the first [39] who ventured (175) upon so bold and
paradoxical an opinion; at least, the first who made it essential to his
philosophical system.
And by being the first, replied DEMEA, might he not have been sensible of his error? For is this a subject in which philosophers can propose to make discoveries especially in so late an age? And can any man hope by a simple denial (for the subject scarcely admits of reasoning), to bear down the united testimony of mankind, founded on sense and consciousness?
And why should man, added he,
pretend to an exemption from the lot of all other animals? The whole earth,
believe me, PHILO, is cursed and polluted. A perpetual war is kindled amongst
all living creatures. Necessity, hunger, want, stimulate the strong and
courageous: Fear, anxiety, terror, agitate the weak and infirm. The first (176)
entrance into life gives anguish to the new-born infant and to its wretched
parent: Weakness, impotence, distress, attend each stage of that life: and it
is at last finished in agony and horror.
Observe too, says PHILO, the curious artifices of Nature, in order to embitter the life of every living being. The stronger prey upon the weaker, and keep them in perpetual terror and anxiety. The weaker too, in their turn, often prey upon the stronger, and vex and molest them without relaxation. Consider that innumerable race of insects, which either are bred on the body of each animal, or, flying about, infix their stings in him. These insects have others still less than themselves, which torment them. And thus on each hand, before and behind, above and below, every animal is surrounded with enemies, which incessantly seek his misery and destruction.
(177) Man alone, said DEMEA, seems
to be, in part, an exception to this rule. For by combination in society, he
can easily master lions, tigers, and bears, whose greater strength and agility
naturally enable them to prey upon him.
On the contrary, it is here chiefly,
cried PHILO, that the uniform and equal maxims of Nature are most apparent.
Man, it is true, can, by combination, surmount all his real enemies, and
become master of the whole animal creation: but does he not immediately raise
up to himself imaginary enemies, the demons of his fancy, who haunt him
with superstitious terrors, and blast every enjoyment of life? His pleasure, as
he imagines, becomes, in their eyes, a crime: his food and repose give them
umbrage and offence: his very sleep and dreams furnish new materials to anxious
fear: and even death, his refuge from every other ill, presents (178) only the
dread of endless and innumerable woes. Nor does the wolf molest more the timid
flock, than superstition does the anxious breast of wretched mortals.
Besides, consider, DEMEA: This very society, by which we surmount those wild beasts, our natural enemies; what new enemies does it not raise to us? What woe and misery does it not occasion? Man is the greatest enemy of man. Oppression, injustice, contempt, contumely, violence, sedition, war, calumny, treachery, fraud; by these they mutually torment each other; and they would soon dissolve that society which they had formed, were it not for the dread of still greater ills, which must attend their separation.
But though these external insults,
said DEMEA, from animals, from men, from all the elements, which assault us,
form a frightful catalogue of woes, they are nothing in comparison of those
which arise within ourselves, from the distempered condition of our mind and
body. How many lie under the lingering torment of diseases? Hear the pathetic
enumeration of the great poet.
Intestine stone and ulcer, colic-pangs,
Demoniac frenzy, moping melancholy,
And moon-struck madness, pining atrophy,
Marasmus, and wide-wasting pestilence.
Tended the sick, busiest from couch to
couch.
And over them triumphant DEATH his dart
Shook: but delay'd to strike, though oft
invok'd
With vows, as their chief good and final
hope.
The disorders of the mind, continued DEMEA, though more secret, are not perhaps less dismal and vexatious. Remorse, shame, anguish, rage, disappointment, anxiety, fear, dejection, despair; who has ever passed through life without cruel inroads from these tormentors? How many have scarcely ever felt any better sensations? Labour and poverty, (180) so abhorred by every one, are the certain lot of the far greater number; and those few privileged persons, who enjoy ease and opulence, never reach contentment or true felicity. All the goods of life united would not make a very happy man; but all the ills united would make a wretch indeed; and any one of them almost (and who can be free from every one?) nay often the absence of one good (and who can possess all?) is sufficient to render life ineligible.
Were a stranger to drop on a sudden into this world, I would show him, as a specimen of its ills, a hospital full of diseases, a prison crowded with malefactors and debtors, a field of battle strewed with carcasses, a fleet foundering in the ocean, a nation languishing under tyranny, famine, or pestilence. To turn the gay side of life to him, and give him a notion of its pleasures; whither (181) should I conduct him? to a ball, to an opera, to court? He might justly think, that I was only showing him a diversity of distress and sorrow.
There is no evading such striking
instances, said PHILO, but by apologies, which still further aggravate the
charge. Why have all men, I ask, in all ages, complained incessantly of the
miseries of life?... They have no just reason, says one: these complaints
proceed only from their discontented, repining, anxious disposition...And can
there possibly, I reply, be a more certain foundation of misery, than such a
wretched temper?
But if they were really as unhappy
as they pretend, says my antagonist, why do they remain in life?...
Not satisfied with life, afraid of death.
This is the secret chain, say I, that holds us. We are terrified, not bribed to the continuance of our existence.
It is only a false delicacy, he may insist, which a few refined spirits indulge, and which has spread these complaints among the whole race of mankind. . . . And what is this delicacy, I ask, which you blame? Is it any thing but a greater sensibility to all the pleasures and pains of life? and if the man of a delicate, refined temper, by being so much more alive than the rest of the world, is only so much more unhappy, what judgement must we form in general of human life?
Let men remain at rest, says our adversary, and they will be easy. They are willing artificers of their own misery. . . . No! reply I: an anxious languor follows their repose; disappointment, (183) vexation, trouble, their activity and ambition.
I can observe something like what
you mention in some others, replied CLEANTHES: but I confess I feel little or
nothing of it in myself, and hope that it is not so common as you represent it.
If you feel not human misery
yourself, cried DEMEA, I congratulate you on so happy a singularity. Others,
seemingly the most prosperous, have not been ashamed to vent their complaints
in the most melancholy strains. Let us attend to the great, the fortunate
emperor, CHARLES V, when, tired with human grandeur, he resigned all his
extensive dominions into the hands of his son. In the last harangue which he
made on that memorable occasion, he publicly avowed, that the greatest
prosperities which he had ever enjoyed, had been mixed (184) with so
many adversities, that he might truly say he had never enjoyed any satisfaction
or contentment. But did the retired life, in which he sought for shelter,
afford him any greater happiness? If we may credit his son's account, his
repentance commenced the very day of his resignation.
CICERO's fortune, from small beginnings, rose to the greatest lustre and renown; yet what pathetic complaints of the ills of life do his familiar letters, as well as philosophical discourses, contain? And suitably to his own experience, he introduces CATO, the great, the fortunate CATO, protesting in his old age, that had he a new life in his offer, he would reject the present.
Ask yourself, ask any of your
acquaintance, whether they would live over again the last ten or twenty years
of their life. No! but the next twenty, they say, will be better:
And from the dregs
of life, hope to receive
What the first
sprightly running could not give.
Thus at last they find (such is the
greatness of human misery, it reconciles even contradictions), that they
complain at once of the shortness of life, and of its vanity and sorrow.
And is it possible, CLEANTHES, said PHILO, that after all these reflections, and infinitely more, which might be suggested, you can still persevere in your Anthropomorphism, and assert the moral attributes of the Deity, his justice, benevolence, mercy, and rectitude, to be of the same nature with these virtues in human creatures? His power we allow is infinite: whatever he wills is executed: but neither man nor any other animal is happy: therefore he does not will their happiness. His wisdom is infinite: He is never mistaken (186) in choosing the means to any end: But the course of Nature tends not to human or animal felicity: therefore it is not established for that purpose. Through the whole compass of human knowledge, there are no inferences more certain and infallible than these. In what respect, then, do his benevolence and mercy resemble the benevolence and mercy of men?
EPICURUS's old questions are yet
unanswered. Is he willing to prevent evil, but not able? then is he impotent.
Is he able, but not willing? then is he malevolent. Is he both able and
willing? whence then is evil?
You ascribe, CLEANTHES (and I believe justly), a purpose and intention to Nature. But what, I beseech you, is the object of that curious artifice and machinery, (187) which she has displayed in all animals? The preservation alone of individuals, and propagation of the species. It seems enough for her purpose, if such a rank be barely upheld in the universe, without any care or concern for the happiness of the members that compose it. No resource for this purpose: no machinery, in order merely to give pleasure or ease: no fund of pure joy and contentment: no indulgence, without some want or necessity accompanying it. At least, the few phenomena of this nature are overbalanced by opposite phenomena of still greater importance.
Our sense of music, harmony, and indeed beauty of all kinds, gives satisfaction, without being absolutely necessary to the preservation and propagation of the species. But what racking pains, on the other hand, arise from gouts, gravels, megrims, toothaches, (188) rheumatisms, where the injury to the animal machinery is either small or incurable? Mirth, laughter, play, frolic, seem gratuitous satisfactions, which have no further tendency: spleen, melancholy, discontent, superstition, are pains of the same nature. How then does the Divine benevolence display itself, in the sense of you Anthropomorphites? None but we Mystics, as you were pleased to call us, can account for this strange mixture of phenomena, by deriving it from attributes, infinitely perfect, but incomprehensible.
And have you at last, said CLEANTHES
smiling, betrayed your intentions, PHILO? Your long agreement with DEMEA did
indeed a little surprise me; but I find you were all the while erecting a
concealed battery against me. And I must confess, that you have now fallen upon
a subject worthy of your (189) noble spirit of opposition and controversy. If
you can make out the present point, and prove mankind to be unhappy or
corrupted, there is an end at once of all religion. For to what purpose
establish the natural attributes of the Deity, while the moral are still
doubtful and uncertain?
You take umbrage very easily, replied DEMEA, at opinions the most innocent, and the most generally received, even amongst the religious and devout themselves: and nothing can be more surprising than to find a topic like this, concerning the wickedness and misery of man, charged with no less than Atheism and profaneness. Have not all pious divines and preachers, who have indulged their rhetoric on so fertile a subject; have they not easily, I say, given a solution of any difficulties which may attend it? This world is but a point in comparison of the (190) universe; this life but a moment in comparison of eternity. The present evil phenomena, therefore, are rectified in other regions, and in some future period of existence. And the eyes of men, being then opened to larger views of things, see the whole connection of general laws; and trace with adoration, the benevolence and rectitude of the Deity, through all the mazes and intricacies of his providence.
No! replied CLEANTHES, No! These
arbitrary suppositions can never be admitted, contrary to matter of fact,
visible and uncontroverted. Whence can any cause be known but from its known
effects? Whence can any hypothesis be proved but from the apparent phenomena?
To establish one hypothesis upon another, is building entirely in the air; and
the utmost we ever attain, by these conjectures and fictions, is to ascertain
the bare possibility of our opinion; (191) but never can we, upon such terms,
establish its reality.
The only method of supporting Divine
benevolence (and it is what I willingly embrace) is to deny absolutely the
misery and wickedness of man. Your representations are exaggerated; your
melancholy views mostly fictitious; your inferences contrary to fact and
experience. Health is more common than sickness; pleasure than pain; happiness
than misery. And for one vexation which we meet with, we attain, upon
computation, a hundred enjoyments.
Admitting your position, replied PHILO, which yet is extremely doubtful, you must at the same time allow, that if pain be less frequent than pleasure, it is infinitely more violent and durable. One hour of it is often able to outweigh a day, a week, a month of (192) our common insipid enjoyments; and how many days, weeks, and months, are passed by several in the most acute torments? Pleasure, scarcely in one instance, is ever able to reach ecstasy and rapture; and in no one instance can it continue for any time at its highest pitch and altitude. The spirits evaporate, the nerves relax, the fabric is disordered, and the enjoyment quickly degenerates into fatigue and uneasiness. But pain often, good God, how often! rises to torture and agony; and the longer it continues, it becomes still more genuine agony and torture. Patience is exhausted, courage languishes, melancholy seizes us, and nothing terminates our misery but the removal of its cause, or another event, which is the sole cure of all evil, but which, from our natural folly, we regard with still greater horror and consternation.
But not to insist upon these topics,
continued PHILO, though most obvious, certain, and important; I must use the
freedom to admonish you, CLEANTHES, that you have put the controversy upon a
most dangerous issue, and are unawares introducing a total scepticism into the
most essential articles of natural and revealed theology. What! no method of
fixing a just foundation for religion, unless we allow the happiness of human
life, and maintain a continued existence even in this world, with all our
present pains, infirmities, vexations, and follies, to be eligible and desirable!
But this is contrary to every one's feeling and experience: It is contrary to
an authority so established as nothing can subvert. No decisive proofs can ever
be produced against this authority; nor is it possible for you to compute,
estimate, and compare, all the pains and all the pleasures in the lives of all
men and of all animals: And thus, by your resting the whole system of religion
on a point, (194) which, from its very nature, must for ever be uncertain, you
tacitly confess, that that system is equally uncertain.
But allowing you what never will be
believed, at least what you never possibly can prove, that animal, or at least
human happiness, in this life, exceeds its misery, you have yet done nothing:
For this is not, by any means, what we expect from infinite power, infinite
wisdom, and infinite goodness. Why is there any misery at all in the world? Not
by chance surely. From some cause then. Is it from the intention of the Deity?
But he is perfectly benevolent. Is it contrary to his intention? But he is
almighty. Nothing can shake the solidity of this reasoning, so short, so clear,
so decisive; except we assert, that these subjects exceed all human capacity,
and that our common measures of truth and falsehood are not applicable to them;
a topic which I (195) have all along insisted on, but which you have, from the
beginning, rejected with scorn and indignation.
But I will be contented to retire still from
this entrenchment, for I deny that you can ever force me in it. I will allow,
that pain or misery in man is compatible with infinite power and
goodness in the Deity, even in your sense of these attributes: What are you
advanced by all these concessions? A mere possible compatibility is not
sufficient. You must prove these pure, unmixed, and uncontrollable
attributes from the present mixed and confused phenomena, and from these alone.
A hopeful undertaking! Were the phenomena ever so pure and unmixed, yet being
finite, they would be insufficient for that purpose. How much more, where they
are also so jarring and discordant!
Here, CLEANTHES, I find myself at ease (196) in my argument. Here I triumph. Formerly, when we argued concerning the natural attributes of intelligence and design, I needed all my sceptical and metaphysical subtlety to elude your grasp. In many views of the universe, and of its parts, particularly the latter, the beauty and fitness of final causes strike us with such irresistible force, that all objections appear (what I believe they really are) mere cavils and sophisms; nor can we then imagine how it was ever possible for us to repose any weight on them. But there is no view of human life, or of the condition of mankind, from which, without the greatest violence, we can infer the moral attributes, or learn that infinite benevolence, conjoined with infinite power and infinite wisdom, which we must discover by the eyes of faith alone. It is your turn now to tug the labouring oar, and to support your philosophical subtleties against the dictates of plain reason and experience.
(197)
I scruple not to allow, said
CLEANTHES, that I have been apt to suspect the frequent repetition of the word infinite,
which we meet with in all theological writers, to savour more of panegyric than
of philosophy; and that any purposes of reasoning, and even of religion, would
be better served, were we to rest contented with more accurate and more
moderate expressions. The terms, admirable, excellent, superlatively
great, wise, and holy; these sufficiently fill the
imaginations of men; and any thing beyond, besides that it leads into
absurdities, has no influence on the affections or sentiments. Thus, (198) in
the present subject, if we abandon all human analogy, as seems your intention,
DEMEA, I am afraid we abandon all religion, and retain no conception of the
great object of our adoration. If we preserve human analogy, we must for ever
find it impossible to reconcile any mixture of evil in the universe with
infinite attributes; much less can we ever prove the latter from the former.
But supposing the Author of Nature to be finitely perfect, though far exceeding
mankind, a satisfactory account may then be given of natural and moral evil,
and every untoward phenomenon be explained and adjusted. A less evil may then
be chosen, in order to avoid a greater; inconveniences be submitted to, in
order to reach a desirable end; and in a word, benevolence, regulated by
wisdom, and limited by necessity, may produce just such a world as the present.
You, PHILO, who are so prompt at starting views, and reflections, (199) and
analogies, I would gladly hear, at length, without interruption, your opinion
of this new theory; and if it deserve our attention, we may afterwards, at more
leisure, reduce it into form.
My sentiments, replied PHILO, are
not worth being made a mystery of; and therefore, without any ceremony, I shall
deliver what occurs to me with regard to the present subject. It must, I think,
be allowed, that if a very limited intelligence, whom we shall suppose utterly
unacquainted with the universe, were assured, that it were the production of a
very good, wise, and powerful Being, however finite, he would, from his
conjectures, form beforehand a different notion of it from what we find it to
be by experience; nor would he ever imagine, merely from these attributes of
the cause, of which he is informed, that the effect could be so full of vice
and misery and disorder, (200) as it appears in this life. Supposing now, that this person were
brought into the world, still assured that it was the workmanship of such a
sublime and benevolent Being; he might, perhaps, be surprised at the
disappointment; but would never retract his former belief, if founded on any
very solid argument; since such a limited intelligence must be sensible of his
own blindness and ignorance, and must allow, that there may be many solutions
of those phenomena, which will for ever escape his comprehension. But
supposing, which is the real case with regard to man, that this creature is not
antecedently convinced of a supreme intelligence, benevolent, and powerful, but
is left to gather such a belief from the appearances of things; this entirely
alters the case, nor will he ever find any reason for such a conclusion. He may
be fully convinced of the narrow limits of his understanding; (201) but this
will not help him in forming an inference concerning the goodness of superior
powers, since he must form that inference from what he knows, not from what he
is ignorant of. The more you exaggerate his weakness and ignorance, the more
diffident you render him, and give him the greater suspicion that such subjects
are beyond the reach of his faculties. You are obliged, therefore, to reason
with him merely from the known phenomena, and to drop every arbitrary
supposition or conjecture.
Did I show you a house or palace, where there was not one apartment convenient or agreeable; where the windows, doors, fires, passages, stairs, and the whole economy of the building, were the source of noise, confusion, fatigue, darkness, and the extremes of heat and cold; you would certainly blame the contrivance, without (202) any further examination. The architect would in vain display his subtlety, and prove to you, that if this door or that window were altered, greater ills would ensue. What he says may be strictly true: The alteration of one particular, while the other parts of the building remain, may only augment the inconveniences. But still you would assert in general, that, if the architect had had skill and good intentions, he might have formed such a plan of the whole, and might have adjusted the parts in such a manner, as would have remedied all or most of these inconveniences. His ignorance, or even your own ignorance of such a plan, will never convince you of the impossibility of it. If you find any inconveniences and deformities in the building, you will always, without entering into any detail, condemn the architect.
(203) In short, I repeat the question:
Is the world, considered in general, and as it appears to us in this life,
different from what a man, or such a limited being, would, beforehand,
expect from a very powerful, wise, and benevolent Deity? It must be strange
prejudice to assert the contrary. And from thence I conclude, that however
consistent the world may be, allowing certain suppositions and conjectures,
with the idea of such a Deity, it can never afford us an inference concerning
his existence. The consistence is not absolutely denied, only the inference.
Conjectures, especially where infinity is excluded from the Divine attributes,
may perhaps be sufficient to prove a consistence, but can never be foundations
for any inference.
There seem to be four
circumstances, on which depend all, or the greatest part of the ills, that
molest sensible (204) creatures; and it is not impossible but all these
circumstances may be necessary and unavoidable. We know so little beyond common
life, or even of common life, that, with regard to the economy of a universe,
there is no conjecture, however wild, which may not be just; nor any one,
however plausible, which may not be erroneous. All that belongs to human
understanding, in this deep ignorance and obscurity, is to be sceptical, or at
least cautious, and not to admit of any hypothesis whatever, much less of any
which is supported by no appearance of probability. Now, this I assert to be
the case with regard to all the causes of evil, and the circumstances on which
it depends. None of them appear to human reason in the least degree necessary
or unavoidable; nor can we suppose them such, without the utmost license of
imagination.
(205) The first circumstance
which introduces evil, is that contrivance or economy of the animal creation,
by which pains, as well as pleasures, are employed to excite all creatures to
action, and make them vigilant in the great work of self-preservation. Now
pleasure alone, in its various degrees, seems to human understanding sufficient
for this purpose. All animals might be constantly in a state of enjoyment: but
when urged by any of the necessities of nature, such as thirst, hunger,
weariness; instead of pain, they might feel a diminution of pleasure, by which
they might be prompted to seek that object which is necessary to their
subsistence. Men pursue pleasure as eagerly as they avoid pain; at least they
might have been so constituted. It seems, therefore, plainly possible to carry
on the business of life without any pain. Why then is any animal ever rendered
susceptible of such a sensation? If animals (206) can be free from it an hour,
they might enjoy a perpetual exemption from it; and it required as particular a
contrivance of their organs to produce that feeling, as to endow them with
sight, hearing, or any of the senses. Shall we conjecture, that such a
contrivance was necessary, without any appearance of reason? and shall we build
on that conjecture as on the most certain truth?
But a capacity of pain would not
alone produce pain, were it not for the second circumstance, viz.
the conducting of the world by general laws; and this seems nowise necessary to
a very perfect Being. It is true, if everything were conducted by particular
volitions, the course of nature would be perpetually broken, and no man could
employ his reason in the conduct of life. But might not other particular
volitions remedy this inconvenience? (207) In short, might not the Deity
exterminate all ill, wherever it were to be found; and produce all good,
without any preparation, or long progress of causes and effects?
Besides, we must consider, that,
according to the present economy of the world, the course of nature, though
supposed exactly regular, yet to us appears not so, and many events are
uncertain, and many disappoint our expectations. Health and sickness, calm and
tempest, with an infinite number of other accidents, whose causes are unknown
and variable, have a great influence both on the fortunes of particular persons
and on the prosperity of public societies; and indeed all human life, in a manner,
depends on such accidents. A being, therefore, who knows the secret springs of
the universe, might easily, by particular volitions, turn all these accidents
to the good of mankind, (208) and render the whole world happy, without
discovering himself in any operation. A fleet, whose purposes were salutary to
society, might always meet with a fair wind. Good princes enjoy sound health
and long life. Persons born to power and authority, be framed with good tempers
and virtuous dispositions. A few such events as these, regularly and wisely
conducted, would change the face of the world; and yet would no more seem to
disturb the course of nature, or confound human conduct, than the present
economy of things, where the causes are secret, and variable, and compounded.
Some small touches given to CALIGULA's brain in his infancy, might have
converted him into a TRAJAN. One wave, a little higher than the rest, by
burying CAESAR and his fortune in the bottom of the ocean, might have restored
liberty to a considerable part of mankind. There may, for aught we know, be
good reasons (209) why Providence interposes not in this manner; but they are
unknown to us; and though the mere supposition, that such reasons exist, may be
sufficient to save the conclusion concerning the Divine attributes, yet
surely it can never be sufficient to establish that conclusion.
If every thing in the universe be
conducted by general laws, and if animals be rendered susceptible of pain, it
scarcely seems possible but some ill must arise in the various shocks of
matter, and the various concurrence and opposition of general laws; but this
ill would be very rare, were it not for the third circumstance, which I
proposed to mention, viz. the great frugality with which all powers and
faculties are distributed to every particular being. So well adjusted are the
organs and capacities of all animals, and so well fitted to their preservation,
that, as far as history or tradition (210) reaches, there appears not to be any
single species which has yet been extinguished in the universe. Every animal
has the requisite endowments; but these endowments are bestowed with so
scrupulous an economy, that any considerable diminution must entirely destroy
the creature. Wherever one power is increased, there is a proportional
abatement in the others. Animals which excel in swiftness are commonly
defective in force. Those which possess both are either imperfect in some of
their senses, or are oppressed with the most craving wants. The human species,
whose chief excellency is reason and sagacity, is of all others the most
necessitous, and the most deficient in bodily advantages; without clothes,
without arms, without food, without lodging, without any convenience of life,
except what they owe to their own skill and industry. In short, nature seems to
have formed an exact calculation of the (210) necessities of her creatures;
and, like a rigid master, has afforded them little more powers or
endowments than what are strictly sufficient to supply those necessities. An indulgent
parent would have bestowed a large stock, in order to guard against
accidents, and secure the happiness and welfare of the creature in the most
unfortunate concurrence of circumstances. Every course of life would not have
been so surrounded with precipices, that the least departure from the true
path, by mistake or necessity, must involve us in misery and ruin. Some
reserve, some fund, would have been provided to ensure happiness; nor would the
powers and the necessities have been adjusted with so rigid an economy. The
Author of Nature is inconceivably powerful: his force is supposed great, if not
altogether inexhaustible: nor is there any reason, as far as we can judge, to
make him observe this strict frugality in his dealings with his creatures. (212)
It would have been better, were his power extremely limited, to have created
fewer animals, and to have endowed these with more faculties for their
happiness and preservation. A builder is never esteemed prudent, who undertakes
a plan beyond what his stock will enable him to finish.
In order to cure most of the ills of
human life, I require not that man should have the wings of the eagle, the
swiftness of the stag, the force of the ox, the arms of the lion, the scales of
the crocodile or rhinoceros; much less do I demand the sagacity of an angel or
cherubim. I am contented to take an increase in one single power or faculty of
his soul. Let him be endowed with a greater propensity to industry and labour;
a more vigorous spring and activity of mind; a more constant bent to business
and application. Let the whole species possess naturally an equal diligence
(213) with that which many individuals are able to attain by habit and
reflection; and the most beneficial consequences, without any allay of ill, is
the immediate and necessary result of this endowment. Almost all the moral, as
well as natural evils of human life, arise from idleness; and were our species,
by the original constitution of their frame, exempt from this vice or
infirmity, the perfect cultivation of land, the improvement of arts and
manufactures, the exact execution of every office and duty, immediately follow;
and men at once may fully reach that state of society, which is so imperfectly
attained by the best regulated government. But as industry is a power, and the
most valuable of any, Nature seems determined, suitably to her usual maxims, to
bestow it on men with a very sparing hand; and rather to punish him severely
for his deficiency in it, than to reward him for his attainments. She has so contrived
his (214) frame, that nothing but the most violent necessity can oblige him to
labour; and she employs all his other wants to overcome, at least in part, the
want of diligence, and to endow him with some share of a faculty of which she
has thought fit naturally to bereave him. Here our demands may be allowed very
humble, and therefore the more reasonable. If we required the endowments of
superior penetration and judgement, of a more delicate taste of beauty, of a
nicer sensibility to benevolence and friendship; we might be told, that we
impiously pretend to break the order of Nature; that we want to exalt ourselves
into a higher rank of being; that the presents which we require, not being
suitable to our state and condition, would only be pernicious to us. But it is
hard; I dare to repeat it, it is hard, that being placed in a world so full of
wants and necessities, where almost every being and element is either (215) our
foe or refuses its assistance ... we should also have our own temper to struggle
with, and should be deprived of that faculty which can alone fence against
these multiplied evils.
The fourth circumstance,
whence arises the misery and ill of the universe, is the inaccurate workmanship
of all the springs and principles of the great machine of nature. It must be
acknowledged, that there are few parts of the universe, which seem not to serve
some purpose, and whose removal would not produce a visible defect and disorder
in the whole. The parts hang all together; nor can one be touched without
affecting the rest, in a greater or less degree. But at the same time, it must
be observed, that none of these parts or principles, however useful, are so
accurately adjusted, as to keep precisely within those bounds in which their
utility consists; but they are, all of them, (216) apt, on every occasion, to
run into the one extreme or the other. One would imagine, that this grand
production had not received the last hand of the maker; so little finished is
every part, and so coarse are the strokes with which it is executed. Thus, the
winds are requisite to convey the vapours along the surface of the globe, and
to assist men in navigation: but how oft, rising up to tempests and hurricanes,
do they become pernicious? Rains are necessary to nourish all the plants and
animals of the earth: but how often are they defective? how often excessive?
Heat is requisite to all life and vegetation; but is not always found in the
due proportion. On the mixture and secretion of the humours and juices of the
body depend the health and prosperity of the animal: but the parts perform not
regularly their proper function. What more useful than all the passions of the
mind, ambition, vanity, love, anger? (217) But how oft do they break their
bounds, and cause the greatest convulsions in society? There is nothing so
advantageous in the universe, but what frequently becomes pernicious, by its
excess or defect; nor has Nature guarded, with the requisite accuracy, against
all disorder or confusion. The irregularity is never perhaps so great as to
destroy any species; but is often sufficient to involve the individuals in ruin
and misery.
On the concurrence, then, of these four
circumstances, does all or the greatest part of natural evil depend. Were all
living creatures incapable of pain, or were the world administered by
particular volitions, evil never could have found access into the universe: and
were animals endowed with a large stock of powers and faculties, beyond what
strict necessity requires; or were the several springs and principles of the
(218) universe so accurately framed as to preserve always the just temperament
and medium; there must have been very little ill in comparison of what we feel
at present. What then shall we pronounce on this occasion? Shall we say that these
circumstances are not necessary, and that they might easily have been altered
in the contrivance of the universe? This decision seems too presumptuous for
creatures so blind and ignorant. Let us be more modest in our conclusions. Let
s allow, that, if the goodness of the Deity (I mean a goodness like the human)
could be established on any tolerable reasons a priori, these phenomena,
however untoward, would not be sufficient to subvert that principle; but might
easily, in some unknown manner, be reconcilable to it. But let us still assert,
that as this goodness is not antecedently established, but must be inferred
from the phenomena, there can be no grounds for such an inference, (219) while
there are so many ills in the universe, and while these ills might so easily
have been remedied, as far as human understanding can be allowed to judge on
such a subject. I am Sceptic enough to allow, that the bad appearances,
notwithstanding all my reasonings, may be compatible with such attributes as
you suppose; but surely they can never prove these attributes. Such a
conclusion cannot result from Scepticism, but must arise from the phenomena,
and from our confidence in the reasonings which we deduce from these phenomena.
Look round this universe. What an immense profusion of beings, animated and organised, sensible and active! You admire this prodigious variety and fecundity. But inspect a little more narrowly these living existences, the only beings worth regarding. How hostile and destructive to each other! (220) How insufficient all of them for their own happiness! How contemptible or odious to the spectator! The whole presents nothing but the idea of a blind Nature, impregnated by a great vivifying principle, and pouring forth from her lap, without discernment or parental care, her maimed and abortive children!
Here the MANICHAEAN system occurs as a proper hypothesis to solve the difficulty: and no doubt, in some respects, it is very specious, and has more probability than the common hypothesis, by giving a plausible account of the strange mixture of good and ill which appears in life. But if we consider, on the other hand, the perfect uniformity and agreement of the parts of the universe, we shall not discover in it any marks of the combat of a malevolent with a benevolent being. There is indeed an opposition of pains and pleasures (221) in the feelings of sensible creatures: but are not all the operations of Nature carried on by an opposition of principles, of hot and cold, moist and dry, light and heavy? The true conclusion is, that the original Source of all things is entirely indifferent to all these principles; and has no more regard to good above ill, than to heat above cold, or to drought above moisture, or to light above heavy.
There may four hypotheses be
framed concerning the first causes of the universe: that they are
endowed with perfect goodness; that they have perfect malice; that
they are opposite, and have both goodness and malice; that they have
neither goodness nor malice. Mixed
phenomena can never prove the two former unmixed principles; and the uniformity
and steadiness of general laws seem to oppose the third. The (222) fourth,
therefore, seems by far the most probable.
What I have said concerning natural
evil will apply to moral, with little or no variation; and we have no more
reason to infer, that the rectitude of the Supreme Being resembles human
rectitude, than that his benevolence resembles the human. Nay, it will be
thought, that we have still greater cause to exclude from him moral sentiments,
such as we feel them; since moral evil, in the opinion of many, is much more
predominant above moral good than natural evil above natural good.
But even though this should not be
allowed, and though the virtue which is in mankind should be acknowledged much
superior to the vice, yet so long as there is any vice at all in the universe,
it will very much puzzle you Anthropomorphites, how to account for it. (223)
You must assign a cause for it, without having recourse to the first cause. But
as every effect must have a cause, and that cause another, you must either
carry on the progression in infinitum, or rest on that original principle, who
is the ultimate cause of all things...
Hold! hold! cried DEMEA: Whither
does your imagination hurry you? I joined in alliance with you, in order to
prove the incomprehensible nature of the Divine Being, and refute the
principles of CLEANTHES, who would measure every thing by human rule and
standard. But I now find you running into all the topics of the greatest
libertines and infidels, and betraying that holy cause which you seemingly
espoused. Are you secretly, then, a more dangerous enemy than CLEANTHES
himself?
And are you so late in perceiving it? (224) replied CLEANTHES. Believe me, DEMEA, your friend PHILO, from the beginning, has been amusing himself at both our expense; and it must be confessed, that the injudicious reasoning of our vulgar theology has given him but too just a handle of ridicule. The total infirmity of human reason, the absolute incomprehensibility of the Divine Nature, the great and universal misery, and still greater wickedness of men; these are strange topics, surely, to be so fondly cherished by orthodox divines and doctors. In ages of stupidity and ignorance, indeed, these principles may safely be espoused; and perhaps no views of things are more proper to promote superstition, than such as encourage the blind amazement, the diffidence, and melancholy of mankind. But at present...
Blame not so much, interposed PHILO, the ignorance of these reverend gentlemen. (225) They know how to change their style with the times. Formerly it was a most popular theological topic to maintain, that human life was vanity and misery, and to exaggerate all the ills and pains which are incident to men. But of late years, divines, we find, begin to retract this position; and maintain, though still with some hesitation, that there are more goods than evils, more pleasures than pains, even in this life. When religion stood entirely upon temper and education, it was thought proper to encourage melancholy; as indeed mankind never have recourse to superior powers so readily as in that disposition. But as men have now learned to form principles, and to draw consequences, it is necessary to change the batteries, and to make use of such arguments as will endure at least some scrutiny and examination. This variation is the same (and from the same (226) causes) with that which I formerly remarked with regard to Scepticism.
Thus PHILO continued to the last his
spirit of opposition, and his censure of established opinions. But I could
observe that DEMEA did not at all relish the latter part of the discourse; and
he took occasion soon after, on some pretence or other, to leave the company.
(227)
After DEMEA's departure, CLEANTHES and PHILO continued the conversation in the following manner. Our friend, I am afraid, said CLEANTHES, will have little inclination to revive this topic of discourse, while you are in company; and to tell truth, PHILO, I should rather wish to reason with either of you apart on a subject so sublime and interesting. Your spirit of controversy, joined to your abhorrence of vulgar superstition, carries you strange lengths, when engaged in an argument; and there is nothing so sacred and venerable, even in your own eyes, which you spare on that occasion.
(228) I must confess, replied PHILO, that I am less cautious on the subject of Natural Religion than on any
other; both because I know that I can never, on that head, corrupt the
principles of any man of common sense; and because no one, I am confident, in
whose eyes I appear a man of common sense, will ever mistake my intentions.
You, in particular, CLEANTHES, with
whom I live in unreserved intimacy; you are sensible, that notwithstanding the
freedom of my conversation, and my love of singular arguments, no one has a
deeper sense of religion impressed on his mind, or pays more profound adoration
to the Divine Being, as he discovers himself to reason, in the inexplicable
contrivance and artifice of nature. A purpose, an intention, a design, strikes
every where the most careless, the most stupid thinker; and no man can be so
hardened in absurd systems, as at all times to reject it. That Nature does
nothing (229) in vain, is a maxim established in all the schools,
merely from the contemplation of the works of Nature, without any religious
purpose; and, from a firm conviction of its truth, an anatomist, who had
observed a new organ or canal, would never be satisfied till he had also
discovered its use and intention. One great foundation of the COPERNICAN system is the maxim, That Nature
acts by the simplest methods, and chooses the most proper means to any end;
and astronomers often, without thinking of it, lay this strong foundation of
piety and religion. The same thing is observable in other parts of philosophy:
And thus all the sciences almost lead us insensibly to acknowledge a first
intelligent Author; and their authority is often so much the greater, as they
do not directly profess that intention.
Could I meet with one of this (232) species (who, I thank God, are very rare), I would ask him: Supposing there were a God, who did not discover himself immediately to our senses, were it possible for him to give stronger proofs of his existence, than what appear on the whole face of Nature? What indeed could such a Divine Being do, but copy the present economy of things; render many of his artifices so plain, that no stupidity could mistake them; afford glimpses of still greater artifices, which demonstrate his prodigious superiority above our narrow apprehensions; and conceal altogether a great many from such imperfect creatures? Now, according to all rules of just reasoning, every fact must pass for undisputed, when it is supported by all the arguments which its nature admits of; even though these arguments be not, in themselves, very numerous or forcible: How much more, in the present case, where no human imagination can compute their number, (233) and no understanding estimate their cogency!
I shall further add, said CLEANTHES, to what you have so well urged, that one great advantage of the principle of Theism, is, that it is the only system of cosmogony which can be rendered intelligible and complete, and yet can throughout preserve a strong analogy to what we every day see and experience in the world. The comparison of the universe to a machine of human contrivance, is so obvious and natural, and is justified by so many instances of order and design in Nature, that it must immediately strike all unprejudiced apprehensions, and procure universal approbation. Whoever attempts to weaken this theory, cannot pretend to succeed by establishing in its place any other that is precise and determinate: It is sufficient for him if he start doubts and difficulties; and by remote and abstract (234) views of things, reach that suspense of judgement, which is here the utmost boundary of his wishes. But, besides that this state of mind is in itself unsatisfactory, it can never be steadily maintained against such striking appearances as continually engage us into the religious hypothesis. A false, absurd system, human nature, from the force of prejudice, is capable of adhering to with obstinacy and perseverance: But no system at all, in opposition to a theory supported by strong and obvious reason, by natural propensity, and by early education, I think it absolutely impossible to maintain or defend.
So little, replied PHILO, do I esteem this suspense of judgement in the present case to be possible, that I am apt to suspect there enters somewhat of a dispute of words into this controversy, more than is usually imagined. That the works of Nature bear a great (235) analogy to the productions of art, is evident; and according to all the rules of good reasoning, we ought to infer, if we argue at all concerning them, that their causes have a proportional analogy. But as there are also considerable differences, we have reason to suppose a proportional difference in the causes; and in particular, ought to attribute a much higher degree of power and energy to the supreme cause, than any we have ever observed in mankind. Here then the existence of a DEITY is plainly ascertained by reason: and if we make it a question, whether, on account of these analogies, we can properly call him a mind or intelligence, notwithstanding the vast difference which may reasonably be supposed between him and human minds; what is this but a mere verbal controversy? No man can deny the analogies between the effects: To restrain ourselves from inquiring concerning the causes is scarcely possible. (236) From this inquiry, the legitimate conclusion is, that the causes have also an analogy: And if we are not contented with calling the first and supreme cause a GOD or DEITY, but desire to vary the expression; what can we call him but MIND or THOUGHT, to which he is justly supposed to bear a considerable resemblance?
All men of sound reason are disgusted with verbal disputes, which abound
so much in philosophical and theological inquiries; and it is found, that the
only remedy for this abuse must arise from clear definitions, from the
precision of those ideas which enter into any argument, and from the strict and
uniform use of those terms which are employed. But there is a species of
controversy, which, from the very nature of language and of human ideas, is
involved in perpetual ambiguity, and can never, by any precaution (327) or any
definitions, be able to reach a reasonable certainty or precision. These are
the controversies concerning the degrees of any quality or circumstance. Men
may argue to all eternity, whether HANNIBAL be a great, or a very great, or a
superlatively great man, what degree of beauty CLEOPATRA possessed, what epithet of praise LIVY or THUCYDIDES is entitled to, without bringing the
controversy to any determination. The disputants may here agree in their sense,
and differ in the terms, or vice versa; yet never be able to define their
terms, so as to enter into each other's meaning: Because the degrees of these
qualities are not, like quantity or number, susceptible of any exact
mensuration, which may be the standard in the controversy. That the dispute
concerning Theism is of this nature, and consequently is merely verbal, or
perhaps, if possible, still more incurably ambiguous, will appear upon (238)
the slightest inquiry. I ask the Theist, if he does not allow, that there is a
great and immeasurable, because incomprehensible difference between the human
and the divine mind: The more pious he is, the more readily will he
assent to the affirmative, and the more will he be disposed to magnify the
difference: He will even assert, that the difference is of a nature which
cannot be too much magnified. I next turn to the Atheist, who, I assert, is
only nominally so, and can never possibly be in earnest; and I ask him,
whether, from the coherence and apparent sympathy in all the parts of this
world, there be not a certain degree of analogy among all the operations of
Nature, in every situation and in every age; whether the rotting of a turnip,
the generation of an animal, and the structure of human thought, be not
energies that probably bear some remote analogy to each other: It is impossible
he can deny it: (239) He will readily acknowledge it. Having obtained this
concession, I push him still further in his retreat; and I ask him, if it be
not probable, that the principle which first arranged, and still maintains
order in this universe, bears not also some remote inconceivable analogy to the
other operations of nature, and, among the rest, to the economy of human mind
and thought. However reluctant, he must give his assent. Where then, cry I to
both these antagonists, is the subject of your dispute? The Theist allows, that
the original intelligence is very different from human reason: The Atheist
allows, that the original principle of order bears some remote analogy to it.
Will you quarrel, Gentlemen, about the degrees, and enter into a controversy,
which admits not of any precise meaning, nor consequently of any determination?
If you should be so obstinate, I should not be surprised to (240) find you
insensibly change sides; while the Theist, on the one hand, exaggerates the
dissimilarity between the Supreme Being, and frail, imperfect, variable,
fleeting, and mortal creatures; and the Atheist, on the other, magnifies the
analogy among all the operations of Nature, in every period, every situation,
and every position. Consider then, where the real point of controversy lies;
and if you cannot lay aside your disputes, endeavour, at least, to cure
yourselves of your animosity.
And here I must also acknowledge, CLEANTHES, that as the works of Nature have a much greater analogy to the effects of our art and contrivance, than to those of our benevolence and justice, we have reason to infer, that the natural attributes of the Deity have a greater resemblance to those of men, than his moral have to human virtues. But what is the consequence? Nothing (241) but this, that the moral qualities of man are more defective in their kind than his natural abilities. For, as the Supreme Being is allowed to be absolutely and entirely perfect, whatever differs most from him, departs the furthest from the supreme standard of rectitude and perfection. [40]
These, CLEANTHES, are my unfeigned sentiments on this subject; and these
sentiments, you know, I have ever cherished and maintained. But in proportion
to my veneration for true religion, is my abhorrence of vulgar superstitions;
and I indulge a peculiar pleasure, I confess, in pushing such principles,
sometimes into absurdity, sometimes into impiety. And you are sensible, that all
bigots, notwithstanding their great aversion to the latter above the former,
are commonly equally guilty of both.
My inclination, replied CLEANTHES, lies, I own, a contrary way.
Religion, however corrupted, is still better than no religion at all. The doctrine
of a future state is so strong and necessary a security to morals, that we
never ought to abandon or neglect it. For if finite and temporary rewards and
punishments have so great an effect, as we (243) daily find; how much greater
must be expected from such as are infinite and eternal?
How happens it then, said PHILO, if vulgar superstition be so salutary to society, that all history abounds so much with accounts of its pernicious consequences on public affairs? Factions, civil wars, persecutions, subversions of government, oppression, slavery; these are the dismal consequences which always attend its prevalency over the minds of men. If the religious spirit be ever mentioned in any historical narration, we are sure to meet afterwards with a detail of the miseries which attend it. And no period of time can be happier or more prosperous, than those in which it is never regarded or heard of.
The reason of this observation, replied CLEANTHES, is obvious. The (244)
proper office of religion is to regulate the heart of men, humanise their
conduct, infuse the spirit of temperance, order, and obedience; and as its
operation is silent, and only enforces the motives of morality and justice, it
is in danger of being overlooked, and confounded with these other motives. When
it distinguishes itself, and acts as a separate principle over men, it has
departed from its proper sphere, and has become only a cover to faction and
ambition.
And so will all religion, said PHILO, except the philosophical and rational kind. Your reasonings are more easily eluded than my facts. The inference is not just, because finite and temporary rewards and punishments have so great influence, that therefore such as are infinite and eternal must have so much greater. Consider, I beseech you, the attachment which we have (245) to present things, and the little concern which we discover for objects so remote and uncertain. When divines are declaiming against the common behaviour and conduct of the world, they always represent this principle as the strongest imaginable (which indeed it is); and describe almost all human kind as lying under the influence of it, and sunk into the deepest lethargy and unconcern about their religious interests. Yet these same divines, when they refute their speculative antagonists, suppose the motives of religion to be so powerful, that, without them, it were impossible for civil society to subsist; nor are they ashamed of so palpable a contradiction. It is certain, from experience, that the smallest grain of natural honesty and benevolence has more effect on men's conduct, than the most pompous views suggested by theological theories and systems. A man's natural inclination works incessantly upon him; it is for (246) ever present to the mind, and mingles itself with every view and consideration: whereas religious motives, where they act at all, operate only by starts and bounds; and it is scarcely possible for them to become altogether habitual to the mind. The force of the greatest gravity, say the philosophers, is infinitely small, in comparison of that of the least impulse: yet it is certain, that the smallest gravity will, in the end, prevail above a great impulse; because no strokes or blows can be repeated with such constancy as attraction and gravitation.
Another advantage of inclination: It engages on its side all the wit and ingenuity of the mind; and when set in opposition to religious principles, seeks every method and art of eluding them: In which it is almost always successful. Who can explain the heart of man, or account for those strange salvos and excuses, (247) with which people satisfy themselves, when they follow their inclinations in opposition to their religious duty? This is well understood in the world; and none but fools ever repose less trust in a man, because they hear, that from study and philosophy, he has entertained some speculative doubts with regard to theological subjects. And when we have to do with a man, who makes a great profession of religion and devotion, has this any other effect upon several, who pass for prudent, than to put them on their guard, lest they be cheated and deceived by him?
We must further consider, that philosophers, who cultivate reason and
reflection, stand less in need of such motives to keep them under the restraint
of morals; and that the vulgar, who alone may need them, are utterly incapable
of so pure a religion as represents (248) the Deity to be pleased with nothing
but virtue in human behaviour. The recommendations to the Divinity are
generally supposed to be either frivolous observances, or rapturous ecstasies,
or a bigoted credulity. We need not run back into antiquity, or wander into
remote regions, to find instances of this degeneracy. Amongst ourselves, some
have been guilty of that atrociousness, unknown to the EGYPTIAN and GRECIAN superstitions, of declaiming in
express terms, against morality; and representing it as a sure forfeiture of
the Divine favour, if the least trust or reliance be laid upon it.
But even though superstition or enthusiasm should not put itself in direct opposition to morality; the very diverting of the attention, the raising up a new and frivolous species of merit, the preposterous distribution which it makes of praise and blame, must have (249) the most pernicious consequences, and weaken extremely men's attachment to the natural motives of justice and humanity.
Such a principle of action likewise, not being any of the familiar
motives of human conduct, acts only by intervals on the temper; and must be
roused by continual efforts, in order to render the pious zealot satisfied with
his own conduct, and make him fulfil his devotional task. Many religious
exercises are entered into with seeming fervour, where the heart, at the time,
feels cold and languid: A habit of dissimulation is by degrees contracted; and
fraud and falsehood become the predominant principle. Hence the reason of that
vulgar observation, that the highest zeal in religion and the deepest
hypocrisy, so far from being inconsistent, are often or commonly united in the
same individual character.
(250) The bad effects of such habits, even in common life, are easily
imagined; but where the interests of religion are concerned, no morality can be
forcible enough to bind the enthusiastic zealot. The sacredness of the cause
sanctifies every measure which can be made use of to promote it.
The steady attention alone to so important an interest as that of eternal salvation, is apt to extinguish the benevolent affections, and beget a narrow, contracted selfishness. And when such a temper is encouraged, it easily eludes all the general precepts of charity and benevolence.
Thus, the motives of vulgar superstition have no great influence on
general conduct; nor is their operation favourable to morality, in the
instances where they predominate.
(251) Is there any maxim in politics more certain and infallible, than
that both the number and authority of priests should be confined within very
narrow limits; and that the civil magistrate ought, for ever, to keep his fasces
and axes from such dangerous hands? But if the spirit of popular
religion were so salutary to society, a contrary maxim ought to prevail. The
greater number of priests, and their greater authority and riches, will always
augment the religious spirit. And though the priests have the guidance of this
spirit, why may we not expect a superior sanctity of life, and greater
benevolence and moderation, from persons who are set apart for religion, who
are continually inculcating it upon others, and who must themselves imbibe a
greater share of it? Whence comes it then, that, in fact, the utmost a wise
magistrate can propose with regard to popular religions, is, as far as
possible, to make a (252) saving game of it, and to prevent their pernicious
consequences with regard to society? Every expedient which he tries for so
humble a purpose is surrounded with inconveniences. If he admits only one
religion among his subjects, he must sacrifice, to an uncertain prospect of
tranquillity, every consideration of public liberty, science, reason, industry,
and even his own independency. If he gives indulgence to several sects, which
is the wiser maxim, he must preserve a very philosophical indifference to all
of them, and carefully restrain the pretensions of the prevailing sect; otherwise
he can expect nothing but endless disputes, quarrels, factions, persecutions,
and civil commotions.
True religion, I allow, has no such pernicious consequences: but we must treat of religion, as it has commonly been found in the world; nor have I any thing to do with that speculative (253) tenet of Theism, which, as it is a species of philosophy, must partake of the beneficial influence of that principle, and at the same time must lie under a like inconvenience, of being always confined to very few persons.
Oaths are requisite in all courts of judicature; but it is a question
whether their authority arises from any popular religion. It is the solemnity
and importance of the occasion, the regard to reputation, and the reflecting on
the general interests of society, which are the chief restraints upon mankind.
Custom-house oaths and political oaths are but little regarded even by some who
pretend to principles of honesty and religion; and a Quaker's asseveration is
with us justly put upon the same footing with the oath of any other person. I
know, that POLYBIUS [41] ascribes the infamy of GREEK faith
to the (254) prevalency of the EPICUREAN philosophy: but I know also, that
Punic faith had as bad a reputation in ancient times as Irish evidence has in
modern; though we cannot account for these vulgar observations by the same
reason. Not to mention that Greek faith was infamous before the rise of the
Epicurean philosophy; and EURIPIDES [42], in a passage which I shall point
out to you, has glanced a remarkable stroke of satire against his nation, with
regard to this circumstance.
Take care, PHILO, replied CLEANTHES, take care: push not matters too far: allow not your zeal against false religion to undermine your veneration for the true. Forfeit not this principle, the chief, the only great comfort in life; and our principal support amidst all the attacks of adverse fortune. The most agreeable reflection, which it is possible (255) for human imagination to suggest, is that of genuine Theism, which represents us as the workmanship of a Being perfectly good, wise, and powerful; who created us for happiness; and who, having implanted in us immeasurable desires of good, will prolong our existence to all eternity, and will transfer us into an infinite variety of scenes, in order to satisfy those desires, and render our felicity complete and durable. Next to such a Being himself (if the comparison be allowed), the happiest lot which we can imagine, is that of being under his guardianship and protection.
These appearances, said PHILO, are most engaging and alluring; and with
regard to the true philosopher, they are more than appearances. But it happens
here, as in the former case, that, with regard to the greater part of mankind,
the appearances are deceitful, and that (256) the terrors of religion commonly
prevail above its comforts.
It is allowed, that men never have recourse to devotion so readily as
when dejected with grief or depressed with sickness. Is not this a proof, that
the religious spirit is not so nearly allied to joy as to sorrow?
But men, when afflicted, find consolation in religion, replied
CLEANTHES. Sometimes, said PHILO: but it is natural to imagine, that they will
form a notion of those unknown beings, suitably to the present gloom and
melancholy of their temper, when they betake themselves to the contemplation of
them. Accordingly, we find the tremendous images to predominate in all
religions; and we ourselves, after having employed the most exalted expression
in our descriptions of the Deity, fall into the flattest contradiction in
affirming that (257) the damned are infinitely superior in number to the elect.
I shall venture to affirm, that there never was a popular religion,
which represented the state of departed souls in such a light, as would render
it eligible for human kind that there should be such a state. These fine models
of religion are the mere product of philosophy. For as death lies between the
eye and the prospect of futurity, that event is so shocking to Nature, that it
must throw a gloom on all the regions which lie beyond it; and suggest to the
generality of mankind the idea of CERBERUS and Furies; devils, and torrents of
fire and brimstone.
It is true, both fear and hope enter into religion; because both these passions, at different times, agitate the human mind, and each of them forms a species of divinity suitable to itself. But (258) when a man is in a cheerful disposition, he is fit for business, or company, or entertainment of any kind; and he naturally applies himself to these, and thinks not of religion. When melancholy and dejected, he has nothing to do but brood upon the terrors of the invisible world, and to plunge himself still deeper in affliction. It may indeed happen, that after he has, in this manner, engraved the religious opinions deep into his thought and imagination, there may arrive a change of health or circumstances, which may restore his good humour, and raising cheerful prospects of futurity, make him run into the other extreme of joy and triumph. But still it must be acknowledged, that, as terror is the primary principle of religion, it is the passion which always predominates in it, and admits but of short intervals of pleasure.
Not to mention, that these fits of (259) excessive, enthusiastic joy, by
exhausting the spirits, always prepare the way for equal fits of superstitious
terror and dejection; nor is there any state of mind so happy as the calm and
equable. But this state it is impossible to support, where a man thinks that he
lies in such profound darkness and uncertainty, between an eternity of
happiness and an eternity of misery. No wonder that such an opinion disjoints
the ordinary frame of the mind, and throws it into the utmost confusion. And
though that opinion is seldom so steady in its operation as to influence all
the actions; yet it is apt to make a considerable breach in the temper, and to
produce that gloom and melancholy so remarkable in all devout people.
It is contrary to common sense to entertain apprehensions or terrors
upon account of any opinion whatsoever, or to imagine that we run any risk
(260) hereafter, by the freest use of our reason. Such a sentiment implies both
an absurdity and an inconsistency. It is an absurdity to believe
that the Deity has human passions, and one of the lowest of human passions, a
restless appetite for applause. It is an inconsistency to believe, that, since
the Deity has this human passion, he has not others also; and, in particular, a
disregard to the opinions of creatures so much inferior.
To know God,
says SENECA, is to worship him. All other worship is indeed absurd,
superstitious, and even impious. It degrades him to the low condition of
mankind, who are delighted with entreaty, solicitation, presents, and flattery.
Yet is this impiety the smallest of which superstition is guilty. Commonly, it
depresses the Deity far below the condition of mankind; and represents him as a
capricious daemon, who exercises his power without reason (261) and without
humanity! And were that Divine Being disposed to be offended at the vices and
follies of silly mortals, who are his own workmanship, ill would it surely fare
with the votaries of most popular superstitions. Nor would any of human race
merit his favour, but a very few, the philosophical Theists, who
entertain, or rather indeed endeavour to entertain, suitable notions of his
Divine perfections: As the only persons entitled to his compassion and indulgence
would be the philosophical Sceptics, a sect almost equally rare, who, from a
natural diffidence of their own capacity, suspend, or endeavour to suspend, all
judgement with regard to such sublime and such extraordinary subjects.
If the whole of Natural Theology, as some people seem to maintain, resolves
itself into one simple, though somewhat ambiguous, at least undefined (262)
proposition, That the cause or causes of order in the universe probably bear
some remote analogy to human intelligence: If this proposition be not
capable of extension, variation, or more particular explication: If it affords
no inference that affects human life, or can be the source of any action or
forbearance: And if the analogy, imperfect as it is, can be carried no further
than to the human intelligence, and cannot be transferred, with any appearance
of probability, to the other qualities of the mind; if this really be the case,
what can the most inquisitive, contemplative, and religious man do more than
give a plain, philosophical assent to the proposition, as often as it occurs,
and believe that the arguments on which it is established exceed the objections
which lie against it? Some astonishment, indeed, will naturally arise from the
greatness of the object; some melancholy from its obscurity; some contempt of
human reason, (263) that it can give no solution more satisfactory with regard
to so extraordinary and magnificent a question. But believe me, CLEANTHES, the
most natural sentiment which a well-disposed mind will feel on this occasion,
is a longing desire and expectation that Heaven would be pleased to dissipate,
at least alleviate, this profound ignorance, by affording some more particular
revelation to mankind, and making discoveries of the nature, attributes, and
operations of the Divine object of our faith. A person, seasoned with a just
sense of the imperfections of natural reason, will fly to revealed truth with the greatest avidity:
While the haughty Dogmatist, persuaded that he can erect a complete system of
Theology by the mere help of philosophy, disdains any further aid, and rejects
this adventitious instructor. To be a philosophical Sceptic is, in a man of
letters, the first and most essential step towards (264) being a sound,
believing Christian; a proposition which I would willingly recommend to the attention
of PAMPHILUS: And I hope CLEANTHES will forgive me for interposing so far in
the education and instruction of his pupil.
CLEANTHES and PHILO pursued not this conversation much further: and as
nothing ever made greater impression on me, than all the reasonings of that
day, so I confess, that, upon a serious review of the whole, I cannot but
think, that PHILO's principles are more probable than DEMEA's; but that those
of CLEANTHES approach still nearer to the truth.
Fin
[1] Les numéros de l’édition utilisée sont notés entre parenthèses au sein de la traduction et au sein du texte anglais. Les ajouts et corrections de Hume, tels qu’on peut les trouver dans l’édition de Norman Kemp Smith, London Thomas Nelson and Sons, 1947 ne figurent pas dans cette traduction. (NdT)
[2] Chrysippus apud Plut: de repug: Stoicorum
[3] « having thus tamed ». Le verbe utilisé est assez fort, “to tame” : apprivoiser, domestiquer, dompter, mater. (NdT)
[4] John Milton : Paradise lost, livre II, vers 565-69 – dans la traduction de Chateaubriand (NdT)
[5]
L’art de penser. [Antoine
Arnaud et Pierre Nicole : La logique ou l’art de penser. (NdT)]
[6] Monsr.
Huet.
[7] Bacon : Of atheim. (NdT)
[8] Voir Psaumes. (NdT)
[9] Recherche de la vérité, liv.3, chap.9. (Vrin 1965 p.271). La citation faite par Hume est assez fidèle au texte de Malebranche. (NdT)
[10] « même en le supposant corporel » n’est pas dans le texte de Malebranche. (NdT)
[11] Malebranche dit : « qu’il doive avoir la figure humaine ». (NdT)
[12] Malebranche dit « paraît ». (NdT)
[13] Le passage supprimé par Hume est « puisqu’il est certain que la matière a rapport avec quelque perfection qui est en Dieu. »
[14] « a contriver », celui qui invente, qui arrange, qui agence. (NdT)
[15] Lib.II, 1094 (l’édition que je suis note livre xi, ce qui est évidemment une coquille – NdT).
[16]
« lequel d'entre eux
pourrait gouverner l'ensemble de l'immensité ? Lequel aurait les mains assez
fermes pour tenir les rênes du grand tout ? Lequel serait capable de faire
tourner ensemble tous les cieux, de verser les feux de l'éther sur toutes les
terres fertilisées, de se trouver partout et toujours prêt [à rassembler les
nuages ténébreux, à ébranler par le tonnerre les espaces tranquilles du ciel et
à lancer la foudre] ? » (Traduction André Lefebvre, Paris, 1899) Ce qui
est entre crochets n’a pas été cité par Hume. (NdT)
[17] De nat. Deor. Lib.I
[18] « Avec quels yeux en effet votre Platon a-t-il pu voir à l'œuvre,
pour l'édification d'un tel ouvrage, ce dieu dont il fait l'ordonnateur, le
bâtisseur du monde? Comment ce dieu s'y prit-il? Quels furent ses outils, quels
sont les moyens de transport dont il usa, de quelles machines, de quels
ouvriers disposait-il pour s'acquitter d'une telle besogne? De quelle façon
contraignait-il à l'obéissance l'air, le feu, l'eau et la terre? » (De
la nature des Dieux, I,VIII,19 – Traduction de Charles Appuhn, Garnier.) (NdT)
[19] Dr.
Clarke.
[20] Que le multiple dont on part. (NdT)
[21] République des Lettres, août 1685.
[22] Le mot « imagery » renvoie aussi bien aux figures de style utilisées par l’orateur qu’aux événements psychologiques vécus par l’auditeur. Il ne s’agit pas ici d’images peintes. (NdT)
[23] Ce sentiment avait été soutenu par le Dr King et quelques autres avant Leibniz mais aucun n’avait une aussi grande réputation que le philosophe allemand.
[24] Milton, Le paradis perdu, livre XI, traduction de Chateaubriand. (NdT)
[25] John Dryden : Aureng-Zebe. (NdT)
[26] « industry » : ici, courage, aptitude à l’effort. (NdT)
[27] De formatione foetus.
[28] Il semble évident que la dispute entre les sceptiques et les dogmatiques soit entièrement verbale ou, du moins, ne concerne que les degrés de doute et d’assurance dont nous devons faire preuve à l’égard de tout raisonnement; et, au fond, de telles disputes sont généralement verbales et ne peuvent être tranchées avec précision. Aucun dogmatique philosophique ne nie qu’il y ait des difficultés à l’égard des sens et de toutes les sciences et que ces difficultés soient absolument insolubles avec une méthode régulière et logique. Aucun sceptique ne nie que nous nous trouvons dans l’absolue nécessité, malgré ces difficultés, de penser, de croire, de raisonner à l’égard des sujets de tout genre, et même de donner son assentiment avec confiance et sécurité. La seule différence entre ces sectes – si tant est qu’elles méritent ce nom – est donc que le sceptique, par habitude, caprice ou inclination, insiste davantage sur les difficultés et que le dogmatique, pour les mêmes raisons, insiste davantage sur la nécessité.
[29] Le faisceau de verges entourant une hache est l’instrument du licteur dans la Rome antique. (NdT)
[30] « to make a saving game » : récupérer sa mise sans rien gagner. (NdT)
[31] « custom-house » : L’expression renvoie aux bureaux gouvernementaux des douanes qui se trouvaient surtout dans les villes portuaires, bureaux où les bateaux devaient déclarer le contenu de leur cargaison et payer des droits. (NdT)
[32] Lib.vi.cap.54.
[33] Iphigénie en Tauride.
[34] Chrysippus apud Plut: de repug: Stoicorum
[35] Monsr. Huet
[36] Recherche de la Vérite. Liv. 3. Chap.9
[37]
« lequel d'entre eux
pourrait gouverner l'ensemble de l'immensité ? Lequel aurait les mains assez
fermes pour tenir les rênes du grand tout ? Lequel serait capable de faire
tourner ensemble tous les cieux, de verser les feux de l'éther sur toutes les
terres fertilisées, de se trouver partout et toujours prêt [à rassembler les
nuages ténébreux, à ébranler par le tonnerre les espaces tranquilles du ciel et
à lancer la foudre] ? » (Traduction André Lefevre, Paris, 1899) Ce qui
entre crochets n’a pas été cité par Hume. (NdT)
[38] De.
nat. Deor. Lib. I
[39] That
sentiment had been maintained by Dr. King and some few others before Leibniz;
though by none of so great a fame as that German philosopher
[40] It
seems evident that the dispute between the Skeptics and Dogmatists is entirely
verbal, or at least regards only the degrees of doubt and assurance which we
ought to indulge with regard to all reasoning; and such disputes are commonly,
at the bottom, verbal, and admit not of any precise determination. No
philosophical Dogmatist denies that there are difficulties both with regard to
the senses and to all science, and that these difficulties are in a regular,
logical method, absolutely insolvable. No Skeptic denies that we lie under an
absolute necessity, notwithstanding these difficulties, of thinking, and
believing, and reasoning, with regard to all kinds of subjects, and even of
frequently assenting with confidence and security. The only difference, then,
between these sects, if they merit that name, is, that the Sceptic, from habit,
caprice, or inclination, insists most on the difficulties; the Dogmatist, for
like reasons, on the necessity.
[41] Lib. vi. cap. 54.
[42] Iphigenia in Tauride.