David Hume
Essai sur les partis
de la Grande-Bretagne
in
Essays, Moral and Political
1 volume
Edinburgh, A. Kincaid
1741
Traduction de Philippe Folliot
Si l’on proposait
le gouvernement britannique comme objet de spéculation, on percevrait
immédiatement en lui une source de divisions et de partis qu’il est presque
impossible d’éviter, sous quelque administration que ce soit. La juste balance
entre la partie républicaine et la partie monarchique de notre constitution est
si délicate et incertaine que, quand s’y joignent les passions et les préjugés
des hommes, il est impossible que ne naissent pas à son sujet différentes
opinions, même chez ceux qui possèdent le meilleur entendement. Ceux qui ont un
tempérament calme, qui aiment la paix et l’ordre et détestent la sédition et
les guerres civiles nourriront toujours des sentiments plus favorables à la
monarchie que ceux qui ont un tempérament hardi et généreux, qui aiment
passionnément la liberté et qui pensent qu’il n’est pas de maux comparables à
la sujétion et l’esclavage. Quoique tous les hommes raisonnables soient en
général d’accord pour conserver notre gouvernement mixte, pourtant, quand ils
en viennent aux points de détail, certains inclinent à confier de plus grands
pouvoirs à la Couronne, à lui donner plus d’influence sans prendre la
précaution de se protéger de ses empiétements alors que d’autres sont terrifiés
dès qu’ils voient au loin s’approcher la tyrannie et le pouvoir despotique. Les
partis de principe [1] sont ainsi
compris dans la nature même de notre constitution, partis que l’on peut appeler
sans impropriété parti de la Cour et parti de la Nation. [2] La force et la
violence de chacun de ces partis dépend de l’administration particulière en
place. Une administration peut être si mauvaise qu’elle précipite une grande
majorité dans l’opposition alors qu’une bonne administration peut réconcilier
avec la Cour de nombreux amoureux de la liberté. Mais, même si la nation peut
hésiter entre eux, les partis subsisteront toujours tant que nous serons
gouvernés par une monarchie limitée.
Mais, outre cette différence de principe, ces partis, pour une bonne part, sont fomentés par une différence d’intérêt sans laquelle ils ne pourraient guère être dangereux ou violents. La Couronne donne naturellement toute confiance et tout pouvoir à ceux dont les principes, réels ou prétendus, sont les plus favorables au gouvernement monarchique ; et cette tentation les engage à aller beaucoup plus loin que le point où leurs principes les auraient entraînés. Leurs adversaires, dont les ambitions sont déçues, se précipitent dans le parti dont les sentiments inclinent à la plus grande méfiance à l’égard du pouvoir royal et ils portent ces sentiments au-delà de ce que peut justifier une saine politique. Ainsi le parti de la Cour et le parti de la Nation, authentique progéniture du gouvernement britannique, sont des partis d’un genre mixte et sont influencés autant par les principes que par l’intérêt. Les chefs de ces factions sont plus couramment gouvernés par ce dernier motif tandis que les membres subordonnés le sont par le premier. [3]
Pour ce qui est des partis ecclésiastiques, nous pouvons remarquer que, à toutes les époques, les prêtres ont été des ennemis de la liberté [4] et il est certain que leur conduite constante a dû se fonder sur des raisons durables d’intérêt et d’ambition. La liberté de pensée et d’expression est toujours fatale au pouvoir des prêtres et à ces pieuses fraudes sur lesquelles il se fonde habituellement et, vu le lien qui unit toutes les sortes de liberté, on ne peut jamais jouir de ce privilège ou du moins on n’en a encore jamais joui que dans un gouvernement libre. C’est pourquoi, dans une constitution telle que celle de la Grande-Bretagne, tant que les choses suivront leur cours naturel, le clergé établi sera toujours du parti de la Cour tandis que les dissidents de tous genres seront du parti de la Nation puisqu’ils ne peuvent espérer cette tolérance dont ils ont besoin que de notre gouvernement libre. Tous les princes qui ont visé le pouvoir despotique ont su comme il était important de gagner à leur cause le clergé établi et ce dernier, pour sa part, a montré une grande facilité à entrer dans les vues de ces princes. [5] Gustave Vasa fut peut-être le seul monarque ambitieux à avoir jamais fait décliner l’Eglise tout en réprimant la liberté. Mais le pouvoir exorbitant des évêques en Suède, qui surpassait à cette époque le pouvoir de la Couronne elle-même, et leur attachement à une famille étrangère expliquent pourquoi il a embrassé un système politique aussi inhabituel.
Cette observation sur le penchant des prêtres au gouvernement d’un seul n’est pas seulement valable pour une secte. Le clergé presbytérien et le clergé calviniste de Hollande étaient des amis notoires de la famille d’Orange, tout comme les Arminiens, estimés hérétiques et partisans de la liberté, étaient de la faction de Louvestein. Mais si un prince a le choix entre les deux, on voit facilement qu’il préférera la forme épiscopale de gouvernement à la forme presbytérienne à cause de la plus grande affinité entre la monarchie et l’épiscopat et à cause de la facilité avec laquelle, dans un tel gouvernement, il régnera sur les prêtres par l’intermédiaire de leurs supérieurs ecclésiastiques. [6]
Si nous considérons la naissance des partis en Angleterre durant la grande rébellion, nous remarquerons qu’elle fut conforme à cette théorie générale et que le gouvernement leur donna naissance par une opération régulière et infaillible. La constitution anglaise, avant cette époque, était dans une telle confusion que les sujets possédaient de nombreux nobles privilèges qui, bien qu’ils ne fussent pas limités et garantis par la loi, leur appartenaient – reconnaissait-on universellement – comme un droit de naissance à cause de leur longue possession. Vint un prince ambitieux, ou plutôt mal avisé, qui estima que tous ces privilèges étaient des concessions faites par ses prédécesseurs et sur lesquelles il pouvait revenir comme il l’entendait ; et, en suivant ce principe, il viola ouvertement la liberté pendant plusieurs années. La nécessité le contraignit finalement à convoquer le Parlement. L’esprit de liberté se réveilla et se répandit. Le prince, sans aucun soutien, fut obligé d’accorder tout ce qu’on exigeait de lui, et ses ennemis, jaloux et implacables, ne mirent aucune limite à leurs prétentions. C’est alors qu’apparurent ces conflits où les hommes de cette époque – il ne faut pas s’en étonner – se divisèrent en différents partis. Même aujourd’hui, les personnes impartiales sont incapables de dire qui avait raison dans cette querelle. Si l’on cédait aux prétentions du Parlement, on brisait la balance de la constitution en faisant du gouvernement un gouvernement presque entièrement républicain. Si l’on négligeait ces prétentions, vu les principes établis et les habitudes invétérées que le roi avait manifestés clairement à chaque concession qu’il avait été contraint de faire au peuple, il y avait un risque de pouvoir absolu. Dans cette question si délicate et si incertaine, les hommes se précipitèrent naturellement du côté qui était le plus conforme à leurs principes habituels. Les partisans les plus passionnés de la monarchie se déclarèrent pour le roi tandis que les défenseurs les plus zélés de la liberté prenaient parti pour le Parlement. Les chances de succès étant à peu près égales des deux côtés, l’intérêt n’eut aucune influence générale dans ce conflit, de sorte que le parti des Têtes-rondes et celui des Cavaliers ne furent que des partis de principe dont aucun ne désavouait la monarchie ou la liberté. Le premier parti inclinait davantage vers la partie républicaine de notre gouvernement, le second vers la partie monarchique. A cet égard, on peut les considérer comme le parti de la Cour et le parti de la Nation qui se seraient enflammés dans une guerre civile à cause d’un malheureux concours de circonstances et à cause de l’esprit turbulent de cette époque. Les républicains et les absolutistes demeurèrent cachés dans les deux partis et ils n’en formèrent qu’une très faible partie.
Le clergé prêta son concours aux desseins arbitraires du roi et, en retour, il eut l’autorisation de persécuter ses adversaires qu’il appelait hérétiques et schismatiques. Le clergé établi était épiscopal, les non conformistes étaient presbytériens, de sorte que tout était réuni pour précipiter le premier sans réserve dans le parti du roi et les derniers dans celui du Parlement. [7]
Tout le monde sait quelle fut l’issue de cette querelle. Elle fut d’abord fatale au roi puis au Parlement. Après de nombreux troubles et révolutions, la famille royale fut finalement restaurée et l’ancien gouvernement rétabli. L’exemple de son père n’avait pas rendu Charles II plus sage et il prit les mêmes mesures, mais plus secrètement et avec plus de précautions au début. De nouveaux partis naquirent, sous le nom de Whig et de Tory, partis qui ont depuis toujours troublé et bouleversé notre gouvernement. Déterminer la nature de ces partis est sans doute l’un des plus difficiles problèmes que l’on puisse rencontrer et c’est la preuve que l’histoire peut contenir des questions aussi incertaines que celles qu’on trouve dans les sciences les plus abstraites. Nous avons vu la conduite de ces deux partis durant ces soixante-dix dernières années dans une grande diversité de circonstances, possédant le pouvoir, en étant privé, pendant la paix, pendant la guerre. Des personnes qui se déclarent pour l’un des partis ou pour l’autre, nous en rencontrons à chaque heure, en société, pendant nos loisirs ou nos occupations sérieuses. Nous sommes nous-mêmes contraints, d’une certaine manière, de prendre parti et, comme nous vivons dans un pays où l’on trouve la plus grande liberté, chacun peut déclarer ouvertement tous ses sentiments et toutes ses opinions. Pourtant, nous ne parvenons pas à dire quelle est la nature, quels sont les prétentions et les principes de ces différentes factions. [8]
Si nous comparons les partis Whig et Tory aux partis des Têtes-rondes et des Cavaliers, la différence la plus évidente qui se manifeste entre eux porte sur les principes de l’obéissance passive et du droit indéfectible que les Cavaliers ne connaissaient guère mais qui sont devenus la doctrine universelle des Tories, celle que l’on reconnaît comme leur véritable caractéristique. Si l’on pousse ces principes jusqu’à leurs plus évidentes conséquences, ils impliquent la renonciation formelle à toutes nos libertés et la reconnaissance de la monarchie absolue puisque rien n’est plus absurde qu’un pouvoir limité auquel on ne peut résister, même quand il va au-delà de ses limites. Mais, comme les principes les plus rationnels ne sont souvent qu’un faible contrepoids des passions, il n’est pas étonnant que ces principes absurdes se révèlent trop faibles [9] pour produire cet effet. Les Tories, en tant qu’hommes, étaient ennemis de l’oppression et, en tant qu’Anglais, ils étaient ennemis du pouvoir arbitraire. Leur zèle en faveur de la liberté était peut-être moins fervent que celui de leurs adversaires mais il fut suffisant pour leur faire oublier tous leurs principes généraux quand ils se virent ouvertement menacés par une subversion de l’ancien gouvernement. Ces sentiments donnèrent naissance à la Révolution, événement d’une très grande conséquence, le fondement le plus solide de la liberté britannique. La conduite des Tories pendant et après ces événements nous offre une véritable idée de la nature de ce parti.
En premier lieu, les Tories, par leur affection pour la liberté et leur résolution déterminée de ne pas la sacrifier à un principe abstrait ou aux droits imaginaires des princes, ont eu d’authentiques sentiments de Britanniques. On eût pu douter à juste titre de ce trait de leur caractère avant la Révolution à cause de la tendance évidente des principes qu’ils revendiquaient et à cause de leur complaisance [10] à l’égard d’une Cour qui semblait à peine dissimuler ses desseins arbitraires. La Révolution a montré qu’ils formaient un véritable parti de la Cour tel qu’on peut en attendre un dans un gouvernement britannique, c’est-à-dire qu’ils étaient des amoureux de la liberté mais qu’ils aimaient encore plus la monarchie. Il faut cependant reconnaître qu’ils ont porté leurs principes monarchiques, même dans la pratique, et encore plus en théorie, au-delà du degré compatible avec un gouvernement limité.
En second lieu, ni leurs principes, ni leurs affections ne coïncidaient, entièrement ou de bon cœur, avec ce qui fut établi lors de la Révolution ou avec ce qui l’a été depuis. Ce trait de leur caractère peut sembler opposé au premier puisque tout autre établissement, dans la situation où se trouvait la nation, eût été probablement dangereux, si ce n’est fatal, à la liberté. Mais le cœur de l’homme est fait pour réconcilier les contradictions et cette contradiction n’est pas plus importante que celle qui se trouvait entre l’obéissance passive et la résistance employée lors de la Révolution. Donc, un Tory, si l’on veut le définir en quelques mots, aime la monarchie sans pourtant abandonner la liberté et est partisan de la famille des Stuart tandis qu’un Whig aime la liberté sans pourtant renoncer à la monarchie et est partisan de la succession de la lignée protestante. [11]
Ces différentes vues sur la succession à la Couronne étaient accidentelles mais elles s’ajoutèrent naturellement aux principes du parti de la Cour et du parti de la Nation qui sont les divisions authentiques du gouvernement britannique. Celui qui aime passionnément la monarchie est porté à ne pas apprécier les changements de succession qui sentent trop la République tandis que celui qui aime passionnément la liberté est porté à penser que tous les éléments du gouvernement devraient être subordonnés aux intérêts de la liberté.
Sans se risquer à affirmer que la réelle différence entre les Whigs et les Tories a disparu avec la Révolution, certains semblent enclins à penser que la différence est désormais abolie et que les affaires sont revenues si près de leur état naturel qu’il n’existe plus à présent d’autres partis chez nous que le parti de la Cour et le parti de la Nation, c’est-à-dire des hommes qui, par intérêt ou par principe, s’attachent soit à la monarchie, soit à la liberté. Les Tories ont été si longtemps obligés de s’exprimer dans le style républicain qu’ils semblent s’être convertis eux-mêmes par leur hypocrisie et avoir embrassé les sentiments et le langage de leurs adversaires. Il y a cependant des restes considérables de ce parti en Angleterre avec tous leurs anciens préjugés. Une preuve que le parti de la Cour et le parti de la Nation ne sont pas nos seuls partis, c’est que presque tous les dissidents se rangent du côté de la Cour tandis que le bas-clergé, du moins celui de l’Eglise d’Angleterre, se range du côté de l’opposition. Cela peut nous convaincre qu’il y a encore une certaine tendance attachée à notre constitution, un poids extrinsèque qui la détourne de son cours naturel et qui cause une confusion dans nos partis. [12]
OF PARTIES OF GREAT BRITAIN
Were the British government proposed as a subject of speculation, one
would immediately perceive in it a source of division and party, which it would
be almost impossible for it, under any administration, to avoid. The just
balance between the republican and monarchical part of our constitution is
really, in itself, so extremely delicate and uncertain, that, when joined to
men's passions and prejudices, it is impossible but different opinions must
arise concerning it, even among persons of the best understanding. Those of
mild tempers, who love peace and order, and detest sedition and civil wars,
will always entertain more favourable sentiments of monarchy, than men of bold
and generous spirits, who are passionate lovers of liberty, and think no evil
comparable to subjection and slavery. And though all reasonable men agree in
general to preserve our mixed government; yet, when they come to particulars,
some will incline to trust greater powers to the crown, to bestow on it more
influence, and to guard against its encroachments with less caution, than
others who are terrified at the most distant approaches of tyranny and despotic
power. Thus are there parties of principle involved in the very nature
of our constitution, which may properly enough be denominated those of Court
and Country. [13] The strength and violence of each
of these parties will much depend upon the particular administration. An
administration may be so bad, as to throw a great majority into the opposition;
as a good administration will reconcile to the court many of the most
passionate lovers of liberty. But however the nation may fluctuate between
them, the parties themselves will always subsist, so long as we are governed by
a limited monarchy.
But, besides this difference of Principle, those parties are very
much fomented by a difference of Interest, without which they could
scarcely ever be dangerous or violent. The crown will naturally bestow all
trust and power upon those, whose principles, real or pretended, are most
favourable to monarchical government; and this temptation will naturally engage
them to go greater lengths than their principles would otherwise carry them.
Their antagonists, who are disappointed in their ambitious aims, throw
themselves into the party whose sentiments incline them to be most jealous of
royal power, and naturally carry those sentiments to a greater height than
sound politics will justify. Thus Court and Country, which are
the genuine offspring of the british government, are a kind of mixed parties,
and are influenced both by principle and by interest. The heads of the factions
are commonly most governed by the latter motive; the inferior members of them
by the former. [14]
As to ecclesiastical parties; we may observe, that, in all ages of the
world, priests have been enemies to liberty [15]; and it is certain, that this
steady conduct of theirs must have been founded on fixed reasons of interest
and ambition. Liberty of thinking, and of expressing our thoughts, is always
fatal to priestly power, and to those pious frauds, on which it is commonly
founded; and, by an infallible connexion, which prevails among all kinds of
liberty, this privilege can never be enjoyed, at least has never yet been
enjoyed, but in a free government. Hence it must happen, in such a constitution
as that of Great Britain, that the established clergy, while things are in
their natural situation, will always be of the Court-party; as, on the
contrary, dissenters of all kinds will be of the Country-party; since
they can never hope for that toleration, which they stand in need of, but by
means of our free government. All princes, that have aimed at despotic power,
have known of what importance it was to gain the established clergy: As the
clergy, on their part, have shewn a great facility in entering into the views
of such princes. [16] Gustavus Vaza was, perhaps, the
only ambitious monarch, that ever depressed the church, at the same time that
he discouraged liberty. But the exorbitant power of the bishops in Sweden, who,
at that time, overtopped the crown itself, together with their attachment to a
foreign family, was the reason of his embracing such an unusual system of
politics.
This observation, concerning the propensity of priests to the government
of a single person, is not true with regard to one sect only. The Presbyterian
and Calvinistic clergy in Holland were professed friends to the family
of Orange; as the Arminians, who were esteemed heretics, were of the
Louvestein faction, and zealous for liberty. But if a prince have the choice of
both, it is easy to see, that he will prefer the episcopal to the presbyterian
form of government, both because of the greater affinity between monarchy and
episcopacy, and because of the facility, which he will find, in such a
government, of ruling the clergy, by means of their ecclesiastical
superiors. [17]
If we consider the first rise of parties in England, during the great
rebellion, we shall observe, that it was conformable to this general theory,
and that the species of government gave birth to them, by a regular and
infallible operation. The english constitution, before that period, had lain in
a kind of confusion; yet so, as that the subjects possessed many noble privileges,
which, though not exactly bounded and secured by law, were universally deemed,
from long possession, to belong to them as their birth-right. An ambitious, or
rather a misguided, prince arose, who deemed all these privileges to be
concessions of his predecessors, revokeable at pleasure; and, in prosecution of
this principle, he openly acted in violation of liberty, during the course of
several years. Necessity, at last, constrained him to call a parliament: The
spirit of liberty arose and spread itself: The prince, being without any
support, was obliged to grant every thing required of him: And his enemies,
jealous and implacable, set no bounds to their pretensions. Here then began
those contests, in which it was no wonder, that men of that age were divided
into different parties; since, even at this day, the impartial are at a loss to
decide concerning the justice of the quarrel. The pretensions of the
parliament, if yielded to, broke the balance of the constitution, by rendering
the government almost entirely republican. If not yielded to, the nation was,
perhaps, still in danger of absolute power, from the settled principles and
inveterate habits of the king, which had plainly appeared in every concession
that he had been constrained to make to his people. In this question, so
delicate and uncertain, men naturally fell to the side which was most
conformable to their usual principles; and the more passionate favourers of
monarchy declared for the king, as the zealous friends of liberty sided with
the parliament. The hopes of success being nearly equal on both sides, interest
had no general influence in this contest: So that Round-Head and Cavalier
were merely parties of principle; neither of which disowned either monarchy or liberty;
but the former party inclined most to the republican part of our government,
the latter to the monarchical. In this respect, they may be considered as court
and country-party, enflamed into a civil war, by an unhappy concurrence of
circumstances, and by the turbulent spirit of the age. The commonwealth's men,
and the partizans of absolute power, lay concealed in both parties, and formed
but an inconsiderable part of them.
The clergy had concurred with the king's arbitrary designs; and, in
return, were allowed to persecute their adversaries, whom they called heretics
and schismatics. The established clergy were episcopal; the non-conformists
presbyterian: So that all things concurred to throw the former, without
reserve, into the king's party; and the latter into that of the
parliament. [18]
Every one knows the event of this quarrel; fatal to the king first, to
the parliament afterwards. After many confusions and revolutions, the royal
family was at last restored, and the ancient government re-established. Charles
II. was not made wiser by the example of his father; but prosecuted the same
measures, though at first, with more secrecy and caution. New parties arose,
under the appellation of Whig and Tory, which have continued ever
since to confound and distract our government. To determine the nature of these
parties is, perhaps, one of the most difficult problems, that can be met with,
and is a proof that history may contain questions, as uncertain as any to be
found in the most abstract sciences. We have seen the conduct of the two
parties, during the course of seventy years, in a vast variety of
circumstances, possessed of power, and deprived of it, during peace, and during
war: Persons, who profess themselves of one side or other, we meet with every hour,
in company, in our pleasures, in our serious occupations: We ourselves are
constrained, in a manner, to take party; and living in a country of the highest
liberty, every one may openly declare all his sentiments and opinions: Yet are
we at a loss to tell the nature, pretensions, and principles of the different
factions. [19]
When we compare the parties of Whig and Tory with those of
Round-head and Cavalier, the most obvious difference, that appears between
them, consists in the principles of passive obedience, and indefeasible
right, which were but little heard of among the Cavaliers, but became the
universal doctrine, and were esteemed the true characteristic of a Tory. Were
these principles pushed into their most obvious consequences, they imply a
formal renunciation of all our liberties, and an avowal of absolute monarchy;
since nothing can be a greater absurdity than a limited power, which must not
be resisted, even when it exceeds its limitations. But as the most rational
principles are often but a weak counterpoise to passion; it is no wonder that
these absurd principles were found too weak [20] for that effect. The Tories, as
men, were enemies to oppression; and also as Englishmen, they were enemies to
arbitrary power. Their zeal for liberty, was, perhaps, less fervent than that
of their antagonists; but was sufficient to make them forget all their general
principles, when they saw themselves openly threatened with a subversion of the
ancient government. From these sentiments arose the revolution; an event
of mighty consequence, and the firmest foundation of british liberty. The
conduct of the Tories, during that event, and after it, will afford us a true
insight into the nature of that party.
In the first place, they appear to have had the genuine sentiments
of Britons in their affection for liberty, and in their determined resolution
not to sacrifice it to any abstract principle whatsoever, or to any imaginary
rights of princes. This part of their character might justly have been doubted
of before the revolution, from the obvious tendency of their avowed
principles, and from their compliances [21] with a court , which seemed to make
little secret of its arbitrary designs. The revolution shewed them to
have been, in this respect, nothing, but a genuine court-party, such as
might be expected in a british government: That is, lovers of liberty, but
greater lovers of monarchy. It must, however, be confessed, that they
carried their monarchical principles farther, even in practice, but more so in
theory, than was, in any degree, consistent with a limited government.
Secondly,
Neither their principles nor affections concurred, entirely or heartily, with
the settlement made at the revolution, or with that which has since
taken place. This part of their character may seem opposite to the former;
since any other settlement, in those circumstances of the nation, must probably
have been dangerous, if not fatal to liberty. But the heart of man is made to
reconcile contradictions; and this contradiction is not greater than that
between passive obedience, and the resistance employed at the revolution.
A Tory, therefore, since the revolution, may be defined in a few words,
to be a lover of monarchy, though without abandoning liberty; and a partizan
of the family of Stuart. As a Whig may be defined to be a lover of
liberty though without renouncing monarchy; and a friend to the settlement in
the Protestant line. [22]
These different views, with regard to the settlement of the crown, were
accidental, but natural additions to the principles of the court and country
parties, which are the genuine divisions in the british government. A
passionate lover of monarchy is apt to be displeased at any change of the
succession; as savouring too much of a commonwealth: A passionate lover of liberty
is apt to think that every part of the government ought to be subordinate to
the interests of liberty.
Some, who will not venture to assert, that the real difference
between Whig and Tory was lost at the revolution, seem inclined to
think, that the difference is now abolished, and that affairs are so far
returned to their natural state, that there are at present no other parties
among us but court and country; that is, men, who, by interest or
principle, are attached either to monarchy or liberty. The Tories have been so
long obliged to talk in the republican stile, that they seem to have made
converts of themselves by their hypocrisy, and to have embraced the sentiments,
as well as language of their adversaries. There are, however, very considerable
remains of that party in England, with all their old prejudices; and a proof
that court and country are not our only parties, is, that almost
all the dissenters side with the court, and the lower clergy, at least, of the
church of England, with the opposition. This may convince us, that some biass
still hangs upon our constitution, some extrinsic weight, which turns it from
its natural course, and causes a confusion in our parties. [23]
[1] Sur cette notion, voir l’essai sur les partis en général. (NdT)
[2] Ces expressions sont désormais utilisées couramment et j’en ferai donc usage sans intention d’exprimer par elles un blâme universel pour l’un des partis ou une approbation pour l’autre. Il n’y a aucun doute, le parti de la Cour peut en certaines occasions mieux tenir compte des intérêts de la nation et le parti de la Nation s’y opposer. De la même manière, les partis romains étaient appelés Optimates et Populares et Cicéron, comme un véritable homme de parti, définit les Optimates comme ceux qui, dans leur conduite publique, se règlent sur les sentiments des meilleurs et des plus estimables Romains. Pro Sextio. Chap.45. L’expression parti de la Nation peut offrir une définition ou une étymologie favorable du même genre mais ce serait folie que d’en tirer un argument. Je ne tiendrai aucunement compte de tout cela en employant ces expressions. (Note présente dans les éditions 1741 à 1768)
[3] Il faut comprendre que je parle ici des personnes qui ont une raison de prendre parti d’un côté ou de l’autre car, à dire vrai, la plupart des hommes qui s’associent ne savent pas pourquoi et ils le font par imitation, par passion, par désœuvrement. Mais encore faut-il qu’il y ait quelque source de division, soit de principe, soit d’intérêt, sinon ces personnes ne trouveraient pas de parti auquel s’associer. (note des éditions 1741 à 1768).
[4] Cette proposition est vraie bien que, aux premiers temps du gouvernement anglais, le clergé ait été le principal ennemi important de la Couronne ; mais, à cette époque, les biens des membres du clergé étaient si grands qu’ils formaient une partie considérable de la propriété d’Angleterre et que, dans de nombreux conflits, le clergé était le rival direct de la Couronne. (Note des éditions 1742 à 1768)
[5] Judæi sibi ipsi reges imposuere; qui mobilitate vulgi expulsi, resumpta per arma dominatione; fugas civium, urbium eversiones, fratrum, conjugum, parentum neces, aliaque solita regibus ausi, superstitionem fovebant; quia honor sacerdotii firmamentum potentiæ assumebatur. TACIT. hist. lib. V. [les Juifs saisirent ce moment pour se donner des rois. Chassés par l'inconstance populaire, rétablis par la force des armes, ces rois, osant tout ce qu'ose la royauté, exils de citoyens, renversements de cités, assassinats de frères, de pères, d'épouses, entretinrent la superstition dans l'intérêt de leur pouvoir, auquel ils unissaient, pour mieux l'affermir, la dignité du sacerdoce. Traduction Burnouf, Hachette, 1859] (Note ajoutée dans l’édition de 1753)
[6] Populi imperium juxta libertatem: paucorum dominatio regiæ libidini proprior est. TACIT. Ann. lib. vi. [le gouvernement populaire est voisin de la liberté, tandis que la domination du petit nombre ressemble davantage au despotisme d'un roi. Traduction Burnouf, 1859]
[7] Dans les éditions 1741 à 1748, on lit à la place de ce paragraphe le paragraphe suivant : Le clergé prêta son concours d’une manière éhontée aux desseins arbitraires du roi, conformément à ses maximes habituelles dans de tels cas, et, en retour, il eut l’autorisation de persécuter ses adversaires qu’il appelait hérétiques et schismatiques. Le clergé établi était épiscopal, les non conformistes étaient presbytériens, de sorte que tout était réuni pour précipiter le premier sans réserve dans le parti du roi et les derniers dans celui du Parlement. Le parti des Cavaliers étant le parti de la Cour et celui des Têtes-rondes étant le parti de la Nation, l’union était inévitable entre le premier parti et les prélats de l’Eglise établie et entre le deuxième et les non conformistes presbytériens. Cette union est si naturelle, conformément aux principes généraux de la politique, qu’il faut quelque situation très extraordinaire pour la rompre.
[8] Les éditions 1741 à 1748 ajoutent : La question est sans doute en elle-même quelque peu difficile mais elle l’est devenue encore davantage à cause des préjugés et de la violence des partis.
[9] Suffisants, selon un célèbre auteur [Bolingbroke – Dissertation on parties] pour choquer le sens commun d’un Hottentot ou d’un Samoyède. (ajouté dans les éditions 1741 à 1768).
[10] Editions 1741 à 1753 : une complaisance presque sans limites.
Editions 1758 à 1770 : une grande complaisance.
[11]
On
trouve la note qui suit dans les éditions 1741 à 1768 : L’auteur
[« le célèbre écrivain » dans les éditions 1741, 1742 et 1748]
ci-dessus mentionné a affirmé que la réelle distinction entre Whig
et Tory disparut lors de la Révolution et que, depuis, ce ne sont plus
que de simples partis personnels, comme l’étaient les Guelfes et les Gibelins
après la perte de l’autorité par les empereurs en Italie. Si l’on
admettait une telle opinion, elle ferait de toute notre histoire une énigme.
[« et elle est en vérité si contraire à la plus forte évidence qu’il faut
avoir une haute opinion de sa propre éloquence pour tenter de la prouver »
dans les éditions de 1741 et 1742]
Comme preuve d’une réelle distinction
entre ces partis, je mentionnerai d’abord ce que tout le monde peut avoir
observé ou entendu dire sur la conduite et la conversation de ses amis et
connaissances des deux partis. Les Tories n’ont-ils pas toujours porté
une affection déclarée pour la famille des Stuart et leurs adversaires
ne se sont-ils toujours opposés avec vigueur à la succession de cette
famille ?
On reconnaît que les principes des Tories
sont les plus favorables à la monarchie. Pourtant les Tories se sont toujours
opposés à la Cour ces cinquante dernières années. Ils n’étaient pas non plus
des amis chaleureux du roi Guillaume, même quand il les employa. Il faut
donc supposer que la querelle n’était pas due au trône mais à la personne qui
l’occupait.
Ils s’entendirent cordialement avec la
Cour durant les quatre dernières années du règne de la reine Anne. Qui
n’en connaît pas la raison ?
La succession à la Couronne dans le
gouvernement britannique est un point de trop grande importance pour que ceux
qui ont quelque souci du sort des affaires publiques y soient absolument
indifférents. Encore moins peut-on supposer que le parti Tory, qui ne
s’est jamais signalé par sa modération, ait pu conserver une indifférence
stoïque sur un point d’une si grande importance. Fit-il donc preuve de zèle
envers la maison de Hanovre ? N’était-ce pas la prudence et le
sentiment de la décence qui le retinrent de manifester ouvertement un zèle
opposé, si tant est qu’il ne se soit pas manifesté ouvertement ? [ce
paragraphe n’est présent que dans les éditions 1741 et 1742]
Il est monstrueux de voir le clergé
épiscopal établi s’opposer ouvertement à la Cour et le clergé presbytérien non
conformiste s’y rallier. Qu’est-ce qui put produire une conduite aussi peu
naturelle ? Rien, sinon le fait que le premier avait épousé des principes
monarchistes trop forts pour l’établissement présent qui se fonde sur des
principes de liberté et que le deuxième, craignant que ces principes excessifs
ne prévalussent, s’attacha au parti dont il avait des raisons d’attendre
liberté et tolérance.
La conduite des deux partis en matière de politique étrangère est une autre preuve. Les Whigs ont toujours été favorables à la Hollande et les Tories à la France. En bref, les preuves de cette sorte semblent si tangibles et si évidentes qu’il est inutile de les accumuler.
[12] On ne trouve ce paragraphe que dans les éditions de 1770
et de 1777. Dans les éditions de 1741 à 1768, il est remplacé par le passage
suivant : Il est néanmoins remarquable que, quoique les principes des Whigs
et des Tories fussent d’une nature composée, pourtant, les ingrédients
qui prédominaient dans les deux partis ne correspondaient pas. Un Tory
aimait la monarchie et portait une affection à la famille des Stuart
mais c’était cette affection qui était l’inclination prédominante du parti. Un Whig
aimait la liberté et était partisan de la succession de la lignée protestante
mais c’était l’amour de la liberté qui était notoirement son inclination
dominante. Les Tories ont fréquemment agi comme des républicains quand la
politique ou le désir de revanche les a engagés à adopter cette conduite, et il
n’en fut aucun de ce parti, à supposer que leurs vues quant à la succession
aient été déçus, qui n’eût pas désiré imposer les plus strictes limites à la
Couronne et rapprocher aussi près que possible notre forme de gouvernement de
la forme républicaine afin de rabaisser la famille qui, selon eux, avait pris
la succession sans aucun titre légitime. Les Whigs, il est vrai, ont aussi pris
des mesures dangereuses pour la liberté sous prétexte d’assurer la succession
et l’établissement de la Couronne selon leurs vues mais, comme le corps du
parti n’acceptait cette succession que comme moyen pour garantir la liberté, il
fut trahi par ces mesures, par ignorance, par faiblesse ou par l’intérêt de ses
chefs. La succession était donc le point essentiel pour les Tories alors que
c’était la garantie de nos libertés pour les Whigs. [la fin de ce paragraphe
est absente des éditions de 1741 et de 1742. NdT] Mais il n’est pas difficile
selon notre philosophie [voir en particulier la question de la relation des
perceptions de l’esprit dans le Traité de la nature humaine. NdT.]
d’expliquer cette apparente irrégularité. Le parti de la Cour et le
parti de la Nation sont les véritables parents du parti Tory et du parti
Whig. Mais il est presque impossible que l’attachement du parti de la Cour ne
dégénère pas en un attachement au monarque puisqu’il y a une connexion étroite
entre eux et que le deuxième est un objet d’attachement plus naturel. Comme il
est facile pour le culte de la divinité de dégénérer en idolâtrie ! La
connexion n’est pas si forte entre la liberté, divinité de l’ancien parti de la
Nation ou des Whigs, et le monarque ou la famille royale et il n’est pas
raisonnable de supposer que, dans ce parti, le culte puisse aisément se
transférer de l’un à l’autre (mais si cela arrivait, ce ne serait pas un grand
miracle).
Il est difficile de pénétrer les pensées
et les sentiments d’un individu mais il est presque impossible de distinguer
ceux d’un parti dans son ensemble puisqu’il arrive souvent que deux personnes
n’aient pas précisément la même façon de penser. J’ose cependant affirmer que
ce n’était pas tant un principe ou l’idée du droit indéfectible qui
attacha les Tories à l’ancienne famille royale mais plutôt une affection,
un certain amour, une certaine estime pour les personnes de cette famille. La
même cause divisa autrefois l’Angleterre entre les maisons de York et de
Lancastre et l’Ecosse entre les familles des Bruce et des Balliol à une époque
où les disputes politiques n’étaient pas très à la mode et où les principes
politiques ne devaient évidemment avoir qu’une faible influence sur les hommes.
La doctrine de l’obéissance passive est si absurde en elle-même et si opposée à
nos libertés qu’elle semble avoir été surtout laissée à ceux qui déclament en
chaire et à la populace induite en erreur. Les hommes de meilleur sens furent
guidés par l’affection. Quant aux chefs de ce parti, il est probable que
l’intérêt fut leur seul motif et que la contradiction entre leurs actes et
leurs sentiments privés fut plus grande chez eux que chez les chefs du parti
opposé. [La fin de ce paragraphe est absente des éditions de 1741 et de 1742.
NdT.] Bien qu’il soit presque impossible de soutenir avec zèle le droit d’une
personne ou d’une famille sans s’attacher à elles et sans changer ses principes
en affection, c’est une chose moins naturelle chez les personnes d’une
situation élevée et qui ont bénéficié d’une éducation libérale car elles ont
pleinement l’occasion de remarquer la faiblesse, la folie et l’arrogance des
monarques et elles se rendent compte que ces derniers ne sont pas supérieurs au
reste des hommes, et même qu’ils leur sont plutôt inférieurs. Donc, c’est l’intérêt
qu’il y a à être chef de parti qui, souvent chez de telles personnes, tient
lieu de principe et d’affection.
Sans se
risquer à affirmer que la réelle différence entre les Whigs et les
Tories a disparu avec la Révolution, certains semblent enclins à penser
que la différence est désormais abolie et que les affaires sont revenues si
près de leur état naturel qu’il n’existe plus à présent d’autres partis chez
nous que le parti de la Cour et le parti de la Nation,
c’est-à-dire des hommes qui, par intérêt ou par principe, s’attachent soit à la
monarchie, soit à la liberté. En vérité, il faut avouer que le parti Tory, ces
derniers temps, a vu le nombre de ses partisans se réduire beaucoup, son zèle
aussi et – oserais-je dire – son crédit et son autorité encore davantage. Il
est peu d’hommes de savoir et d’instruction, du moins peu de philosophes,
depuis les écrits de Locke, qui n’auraient pas honte d’être considérés comme
partisans des Tories et, dans presque toutes les sociétés, l’expression Vieux
Whig est mentionnée comme un titre d’honneur et de dignité. C’est pourquoi
les ennemis du ministère, comme un reproche, appellent les courtisans de
véritables Tories et, comme un signe d’honneur, nomment les gentlemen de
l’opposition de véritables Whigs. Les Tories ont été si longtemps
obligés de s’exprimer dans le style républicain qu’ils semblent s’être
convertis eux-mêmes par leur hypocrisie et avoir embrassé les sentiments et le
langage de leurs adversaires. Il y a cependant des restes considérables de ce
parti en Angleterre avec tous leurs anciens préjugés. Une preuve que le parti
de la Cour et le parti de la Nation ne sont pas nos seuls partis,
c’est que presque tous les dissidents se rangent du côté de la Cour tandis que
le bas-clergé, du moins celui de l’Eglise d’Angleterre, se range du côté de
l’opposition. Cela peut nous convaincre qu’il y a encore une certaine tendance
attachée à notre constitution, un poids extrinsèque qui la détourne de son
cours naturel et qui cause une confusion dans nos partis.
Je conclurai ce sujet en faisant remarquer que nous n’avons jamais eu de Tories – au sens propre du mot – en Ecosse et que la division des partis dans ce pays était une division entre Whigs et Jacobites. Un Jacobite semble être un Tory qui n’a aucun égard pour la constitution et qui est soit un partisan zélé de la monarchie absolue, soit, du moins, quelqu’un qui sacrifierait volontiers nos libertés à la succession de la famille à laquelle il est attaché. La raison de cette différence entre l’Angleterre et l’Ecosse est selon moi celle-ci : les divisions politiques dans ce pays ont régulièrement correspondu, depuis la Révolution, aux divisions religieuses. Les presbytériens étaient tous Whigs, sans exception, et les épiscopaux étaient du parti opposé. Et, comme les membres du clergé de cette dernière secte avaient été expulsés des églises à la révolution, ils n’avaient aucune raison de plaire au gouvernement dans leurs serments ou dans la forme de leurs prières. Ils avouaient ouvertement les principes les plus forts de leur parti, ce qui explique que leurs partisans furent plus impudents et plus violents que leurs frères du parti Tory d’Angleterre. *
Comme les choses violentes durent généralement moins longtemps que les choses modérées, nous voyons actuellement que le parti Jacobite a presque entièrement disparu et que la distinction entre le Parti de la Cour et le parti de la Nation, qui ne fait que gagner Londres, est la seule qui soit jamais mentionnée dans ce royaume. Outre la violence et la présence du parti Jacobite, une autre raison a peut-être contribué à produire un changement si soudain et si visible dans cette partie de la Grande-Bretagne. Chez nous, il n’y a que deux classes d’hommes, les gentlemen qui ont une certaine fortune et une certaine éducation et les pauvres miséreux qui travaillent comme des esclaves, sans qu’il y ait un nombre considérable d’hommes dans la classe moyenne qui, à la ville comme à la campagne, abonde plus dans ce pays que dans toute autre partie du monde. Les pauvres qui triment sont incapables de principes. Les gentlemen peuvent se convertir à de vrais principes avec le temps et l’expérience. La classe moyenne a assez de connaissances et de curiosité pour former des principes mais pas assez pour former de vrais principes ou pour corriger les préjugés dont elle est imprégnée. En Angleterre, c’est dans la classe moyenne que les principes Tory prévalent actuellement. [Ce paragraphe n’est présent que dans les éditions de 1741 et 1742. NdT.]
* Note des éditions postérieures à 1758 : L’auteur, après un examen plus approfondi, a jugé bon de retirer de son Histoire de la Grande-Bretagne certaines des opinions livrées dans ces essais sur les affaires publiques au siècle dernier. De même qu’il ne voudrait pas être l’esclave des systèmes d’un parti ou de l’autre, il ne voudrait pas enchaîner son jugement par ses propres opinions et principes préconçus. Il n’a pas honte de reconnaître ses erreurs. Ces erreurs étaient en vérité presque générales dans le royaume à cette époque.
[13] These
words have become of general use, and therefore I shall employ them, without
intending to express by them an universal blame of the one party, or
approbation of the other. The court-party may, no doubt, on some occasions
consult best the interest of the country, and the country-party oppose it. In
like manner, the roman parties were denominated Optimates and Populares;
and Cicero, like a true party man, defines the Optimates to be such as,
in all public conduct, regulated themselves by the sentiments of the best and
worthiest of the Romans: Pro Sextio, cap. 45. The term of Country-party
may afford a favourable definition or etymology of the same kind: But it would
be folly to draw any argument from that head, and I have regard to it in
employing these terms.
[14] I
must be understood to mean this of persons who have motives for taking party on
any side. For, to tell the truth, the greatest part are commonly men who
associate themselves they know not why; from example, from passion, from
idleness. But still it is requisite, that there be some source of division,
either in principle or interest; otherwise such persons would not find parties,
to which they could associate themselves.
[15] This
proposition is true, notwithstanding, that in the early times of the english
government, the clergy were the great and principal opposers of the crown: But,
at that time, their possessions were so immensely great, that they composed a
considerable part of the proprietors of England, and in many contests were
direct rivals of the crown.
[16] Judæi
sibi ipsi reges imposuere; qui mobilitate vulgi expulsi, resumpta per arma
dominatione; fugas civium, urbium eversiones, fratrum, conjugum, parentum
neces, aliaque solita regibus ausi, superstitionem fovebant; quia honor
sacerdotii firmamentum potentiæ assumebatur. TACIT. hist. lib. V.
[17] Populi
imperium juxta libertatem: paucorum dominatio regiæ libidini proprior est.
TACIT. Ann. lib. vi.
[18] Dans
les éditions 1741 à 1748, on lit à la place de ce paragraphe le paragraphe
suivant : The clergy had concurred [in a shameless manner] with the king's
arbitrary designs, according to their usual maxims in such cases: And, in
return, were allowed to persecute their adversaries, whom they called heretics
and schismatics. The established clergy were episcopal; the nonconformists
presbyterian: So that all things concurred to throw the former, without
reserve, into the king's party; and the latter into that of the parliament. The
Cavaliers being the court-party, and the Round-heads the
country-party, the union was infallible between the former and the established
prelacy, and between the latter and presbyterian non-conformists. This union is
so natural, according to the general principles of politics, that it requires
some very extraordinary situation of affairs to break it.
[19] Les
éditions 1741 à 1748 ajoutent : The question is, perhaps, in itself, somewhat
difficult; but has been rendered more so, by the prejudice and violence of
party.
[20] sufficient, according to a celebrated author, (Dissertation on Parties, Letter 2d.) to shock the common sense of a Hottentot or Samoiede. (ajouté dans les éditions 1741 à 1768).
[21] Editions
1741 à 1753 : almost unbounded compliances.
Editions 1758 à 1770 : great
compliances.
[22] The author above
cited has asserted, that the real distinction betwixt Whig and Tory
was lost at the revolution, and that ever since they have continued to
be mere personal parties, like the Guelfs and Gibbelines,
after the emperors had lost all authority in Italie. Such an opinion,
were it received, would turn our whole history into an ænigma;
I shall first mention, as a proof of a
real distinction between these parties, what every one may have observed or
heard concerning the conduct and conversation of all his friends and
acquaintance on both sides. Have not the Tories always borne an avowed
affection to the family of Stuart, and have not their adversaries always
opposed with vigour the succession of that family?
The Tory principles are
confessedly the most favourable to monarchy. Yet the Tories have almost always
opposed the court these fifty years; nor were they cordial friends to King
William, even when employed by him. Their quarrel, therefore, cannot be
supposed to have lain with the throne, but with the person who sat on it.
They concurred heartily with the court
during the four last years of Queen Anne. But is any one at a loss to
find the reason?
The succession of the crown in the
british government is a point of too great consequence to be absolutely
indifferent to persons who concern themselves, in any degree, about the fortune
of the public; much less can it be supposed that the Tory party, who
never valued themselves upon moderation, could maintain a stoical
indifference in a point of such importance. Were they, therefore, zealous for
the house of Hanover? Or was there any thing that kept an opposite zeal from
openly appearing, if it did not openly appear, but prudence, and a sense of
decency?
'Tis monstrous to see an established
episcopal clergy in declared opposition to the court, and a non-conformist
presbyterian clergy in conjunction with it. What could have produced such an
unnatural conduct in both? Nothing, but that the former espoused monarchical
principles too high for the present settlement, which is founded on principles
of liberty: And the latter, being afraid of the prevalence of those high
principles, adhered to that party from whom they had reason to expect liberty
and toleration.
The different conduct of the two parties,
with regard to foreign politics, is also a proof to the same purpose, Holland
has always been most favoured by one, and France by the other. In short,
the proofs of this kind seem so palpable and evident, that 'tis almost needless
to collect them.
[23]
On
ne trouve ce paragraphe que dans les éditions de 1770 et de 1777. Dans les éditions de
1741 à 1768, il est remplacé par le passage suivant : 'Tis however
remarkable, that tho' the principles of Whig and Tory were both
of them of a compound nature; yet the ingredients, which predominated in both,
were not correspondent to each other. A Tory loved monarchy, and bore an
affection to the family of Stuart; but the latter affection was the
predominant inclination of the party. A Whig loved liberty, and was a
friend to the settlement in the protestant line; but the love of liberty was
professedly his predominant inclination. The Tories have frequently acted as
republicans, where either policy or revenge has engaged them to that conduct;
and there was no one of that party, who, upon the supposition, that he was to
be disappointed in his views with regard to the succession, would not have
desired to impose the strictest limitations on the crown, and to bring our form
of government as near republican as possible, in order to depress the family,
which, according to his apprehension, succeeded without any just title. The
WHIGS, 'tis true, have also taken steps dangerous to liberty, under colour of
securing the succession and settlement of the crown, according to their views:
But as the body of the party had no passion for that succession, otherwise than
as the means of securing liberty, they have been betrayed into these steps by
ignorance, or frailty, or the interests of their leaders. The succession of the
crown was, therefore, the chief point with the Tories; the security of our
liberties with the Whigs. [la fin de ce
paragraphe est absente des éditions de 1741 et 1742.] Nor is this seeming
irregularity at all difficult to be accounted for, by our present theory. Court
and country parties are the true parents of Tory and Whig. But 'tis
almost impossible, that the attachment of the court party to monarchy
should not degenerate into an attachment to the monarch; there being so close a
connexion between them, and the latter being so much the more natural object.
How easily does the worship of the divinity degenerate into a worship of the
idol? The connexion is not so great between liberty, the divinity of the old country
party or Whigs, and any monarch or royal family; nor is it so reasonable to
suppose, that in that party, the worship can be so easily transferred from the
one to the other. Tho' even that would be no great miracle.
'Tis difficult to penetrate into the
thoughts and sentiments of any particular man; but 'tis almost impossible to
distinguish those of a whole party, where it often happens, that no two persons
agree precisely in the same maxims of conduct. Yet I will venture to affirm,
that it was not so much principle, or an opinion of indefeasible right,
which attached the Tories to the ancient royal family, as affection, or
a certain love and esteem for their persons. The same cause divided England
formerly between the houses of York and Lancaster, and Scotland between the
families of Bruce and Baliol; in an age, when political disputes were but
little in fashion, and when political principles must of course have had
but little influence on mankind. The doctrine of passive obedience is so absurd
in itself, and so opposite to our liberties, that it seems to have been chiefly
left to pulpit-declaimers, and to their deluded followers among the vulgar. Men
of better sense were guided by affection; and as to the leaders of this
party, 'tis probable, that interest was their chief motive, and that
they acted more contrary to their private sentiments, than the leaders of the
opposite party. [la fin de ce paragraphe
est absente des éditions de 1741 et 1742.] Tho' 'tis almost impossible to
maintain with zeal the right of any person or family, without acquiring a
good-will to them, and changing the principle into affection; yet
this is less natural to people of an elevated station and liberal education,
who have had full opportunity of observing the weakness, folly, and arrogance
of monarchs, and have found them to be nothing superior, if not rather inferior
to the rest of mankind. The interest, therefore, of being heads of a
party does often, with such people, supply the place both of principle
and affection.
Some, who will not venture to assert,
that the real difference between Whig and Tory was lost at the revolution,
seem inclined to think, that the difference is now abolished, and that affairs
are so far returned to their natural state, that there are at present no other
parties amongst us but court and country; that is, men, who by
interest or principle, are attached either to monarchy or to liberty. It must,
indeed, be confest, that the Tory party seem, of late, to have decayed much in
their numbers; still more in their zeal; and I may venture to say, still more
in their credit and authority. There are few men of knowledge or learning, at
least, few philosophers, since Mr. Locke has wrote, who would not be ashamed to
be thought of that party; and in almost all companies the name of Old Whig
is mentioned as an uncontestable appellation of honour and dignity.
Accordingly, the enemies of the ministry, as a reproach, call the courtiers the
true Tories; and as an honour, denominate the gentlemen in the opposition
the true Whigs. The Tories have been so long obliged to talk in the
republican stile, that they seem to have made converts of themselves by their
hypocrisy, and to have embraced the sentiments, as well as language of their
adversaries. There are, however, very considerable remains of that party in
England, with all their old prejudices; and a proof that court and country are
not our only parties, is, that almost all the dissenters side with the court,
and the lower clergy, at least, of the church of England, with the opposition.
This may convince us, that some biass still hangs upon our constitution, some
intrinsic weight, which turns it from its natural course, and causes a
confusion in our parties.
I
shall conclude this subject with observing that we never had any Tories in
Sscotland, according to the proper signification of the word, and that the
division of parties in this country was really into Whigs and Jacobites. A
Jacobite seems to be a Tory, who has no regard to the constitution, but is
either a zealous partizan of absolute monarchy, or at least willing to
sacrifice our liberties to the obtaining the succession in that family to which
he is attached. The reason of the difference between England and Scotland, I
take to be this: Political and religious divisions in the latter country, have
been, since the revolution, regularly correspondent to each other. The
Presbyterians were all Whigs without exception: Those who favoured episcopacy,
of the opposite party. And as the clergy of the latter sect were turned out of
the churches at the revolution, they had no motive for making any
compliances with the government in their oaths, or their forms of prayers, but
openly avowed the highest principles of their party; which is the cause why
their followers have been more violent than their brethren of the Tory party in
England. *
As violent Things have not commonly so long a Duration as moderate, we actually find, that the Jacobite Party is almost entirely vanish'd from among us, and that the Distinction of Court and Country, which is but creeping in at London, is the only one that is ever mention'd in this kingdom. Beside the Violence and Openness of the Jacobite party, another Reason has, perhaps, contributed to produce so sudden and so visible an Alteration in this part of Britain. There are only two Ranks of Men among us; Gentlemen, who have some Fortune and Education, and the meanest slaving Poor; without any considerable Number of that middling Rank of Men, which abounds more in England, both in Cities and in the Country, than in any other Part of the World. The slaving Poor are incapable of any Principles: Gentlemen may be converted to true Principles, by Time and Experience. The middling Rank of Men have Curiosity and Knowledge enough to form Principles, but not enough to form true ones, or correct any Prejudices that they may have imbib'd: And 'tis among the middling Rank, that Tory Principles do at present prevail most in England. [ce dernier paragraphe n’est présent que dans les éditions de 1741 et de 1742.]
* Note des éditions postérieures à 1758 : Some
of the opinions delivered in these Essays, with regard to the public
transactions in the last century, the Author, on more accurate examination,
found reason to retract in his History of Great Britain. And as he would not
enslave himself to the systems of either party, neither would he fetter his
judgment by his own preconceived opinions and principles; nor is he ashamed to
acknowledge his mistakes. These mistakes were indeed, at that time, almost
universal in this kingdom.