David Hume
Essai sur la superstition et l’enthousiasme
Première édition : 1741
in
Edition
de travail :
Essays : Moral, Political and Literary
Edited by Henry Frowde
Edinburg and Glasgow
1903-1904
(75) [1] La corruption des meilleures choses produit les pires. [2] Cette phrase est devenue une maxime qui est généralement prouvée, entre autres arguments, par les effets pernicieux de la superstition et de l’enthousiasme, les corruptions de la vraie religion.
Ces deux sortes de fausse religion, bien que toutes les deux pernicieuses, sont pourtant d’une nature très différente et même d’une nature contraire. L’esprit humain est sujet à certaines terreurs et appréhensions inexplicables qui viennent soit de la situation malheureuse des affaires privées ou de l’état malheureux des affaires publiques, soit d’une mauvais santé, soit d’une disposition sombre et mélancolique, soit du concours de toutes ces circonstances. Dans un tel état d’esprit, on redoute une infinité de maux inconnus apportés par des agents [eux-mêmes] inconnus et, quand les véritables objets de terreur font défaut, l’âme, agissant contre elle-même et nourrissant son inclination prédominante, trouve des objets imaginaires ayant un pouvoir et une malveillance auxquels elle ne met pas de limites. Comme ces ennemis sont entièrement invisibles et inconnus, les méthodes prises pour les apaiser sont également inexplicables et consistent en cérémonies, observances, mortifications, sacrifices, présents ou en toute autre pratique, quelque absurde ou frivole qu’elle soit, que des fous ou des escrocs recommandent à une crédulité aveuglée et terrifiée. La faiblesse, la peur, la mélancolie, liées à l’ignorance, sont donc les véritables sources de la superstition.
(76) Mais l’esprit humain est aussi sujet à une élévation et une présomption inexplicables qui viennent d’un heureux succès, d’une santé florissante, d’un caractère fort ou d’une disposition hardie et confiante. Dans cet état d’esprit, l’imagination s’enfle de grandes mais confuses conceptions auxquelles aucune beauté ni aucune jouissance sublunaires ne peuvent correspondre. Toute chose mortelle et périssable s’évanouit, comme indigne d’attention, et une pleine latitude est donnée à la fantaisie dans les régions invisibles, dans le monde des Esprits où l’âme est libre de se livrer à toutes les fantaisies qui conviennent le mieux à sa disposition et à son goût présents. De là naissent des extases, des transports et de surprenantes envolées de l’imagination et, la confiance et la présomption augmentant encore, ces extases, étant totalement inexplicables, semblent entièrement au-delà des facultés ordinaires et sont attribuées à l’inspiration directe de l’Etre divin qui est l’objet de dévotion. En peu de temps, la personne inspirée en vient à se regarder comme une favorite de la Divinité qui l’a distinguée et, une fois que cette frénésie – qui est le sommet de l’enthousiasme – a pris place, toute bizarrerie est consacrée, la raison humaine et même la moralité sont rejetées comme des guides fallacieux. Le fanatique dément se livre aveuglément et sans réserve aux prétendues effluves de l’Esprit et à l’inspiration venue d’en haut. [3] L’espoir, l’orgueil, la présomption, une imagination brûlante, liées à l’ignorance sont donc les véritables sources de l’enthousiasme.
Ces deux sortes de fausse religion peuvent donner matière à de nombreuses spéculations mais je me contenterai pour l’instant de quelques réflexions sur leurs différentes influences sur le gouvernement et la société.
[4] Ma première réflexion est que la superstition est favorable au pouvoir des prêtres et que l’enthousiasme ne lui est pas moins contraire que la saine raison et la philosophie. En fait, elle lui est plus contraire. Comme la superstition se fonde sur la crainte, la tristesse et l’abattement des esprits, elle représente l’homme à lui-même (77) sous des couleurs si méprisables que, à ses propres yeux, il semble indigne d’approcher la divine présence et, évidemment, il a recours à toute autre personne dont la sainteté de vie ou peut-être l’impudence et la fourberie lui ont fait supposer qu’elle est plus favorisée par la Divinité. C’est à cette personne qu’il confie ses dévotions, à ses soins qu’il recommande ses prières, ses suppliques, ses sacrifices. De cette façon, il espère faire accepter ses demandes par sa Divinité courroucée. De là l’origine des prêtres [5] qui peuvent à juste titre être regardés comme une invention [6] d’une superstition timorée et abjecte qui, toujours défiante d’elle-même, n’ose pas offrir ses propres dévotions mais juge, dans son ignorance, qu’elles se recommandent à la Divinité par la médiation de ses supposés amis et serviteurs. Comme la superstition est un ingrédient considérable de presque toutes les religions, même les plus fanatiques, seule la philosophie est capable de vaincre entièrement ces terreurs inexplicables. De là vient que, dans presque toutes les sectes religieuses, on trouve des prêtres et, dans ce mélange, plus il y a de superstition, plus l’autorité des prêtres est importante. [7]
D’un autre côté, on peut remarquer que les enthousiastes n’ont pas subi le joug ecclésiastique et qu’ils ont exprimé une grande indépendance dans leurs dévotions, avec un mépris des formalités, des cérémonies et des traditions. Les Quakers sont les enthousiastes les plus extrêmes mais, en même temps, les plus innocents qui aient été connus. Ils forment peut-être la seule secte qui n’ait jamais admis de prêtres en son sein. Les Indépendants, de toutes les sectes anglaises, se rapprochent le plus des Quakers en fanatisme et dans leur liberté à l’égard de l’asservissement aux prêtres. Les Presbytériens viennent ensuite, à égale distance pour ce qui est des deux points. En somme, cette observation est fondée sur l’expérience mais elle apparaîtra aussi fondée sur la raison si nous considérons que, comme l’enthousiasme naît d’une confiance et d’un orgueil présomptueux, (78) l’enthousiaste se juge suffisamment qualifié pour approcher la Divinité sans aucun médiateur humain. Ses dévotions extatiques sont si ferventes qu’il s’imagine même approcher effectivement la Divinité au moyen de la contemplation et de la relation intime, ce qui lui fait négliger les cérémonies et les observances extérieures pour lesquelles l’assistance du prêtre paraît si nécessaire aux yeux des dévots superstitieux. Le fanatique se consacre lui-même et accorde à sa propre personne un caractère sacré nettement supérieur à ce que les formalités et les institutions cérémonieuses peuvent conférer à tout autre.
Ma seconde réflexion à l’égard de ces sortes de fausse religion est que celles qui participent de l’enthousiasme sont, à leur origine, plus furieuses et violentes que celles qui participent de la superstition mais que, peu de temps après, elles deviennent plus douces et modérées. La violence de ces sortes de religion, quand elle excitée par la nouveauté et stimulée par l’opposition, se montre en de nombreux exemples, celle des Anabaptistes en Allemagne, celle des Camisards en France, celle des Niveleurs et d’autres fanatiques en Angleterre, celle des Covenantaires en Ecosse. Etant fondée sur un caractère fort, présomptueux et hardi, l’enthousiasme engendre naturellement les résolutions les plus extrêmes, surtout quand il a atteint une hauteur qui inspire au fanatique abusé la croyance en des illuminations divines, un mépris des communes règles de la raison, de la moralité et de la prudence.
C’est ainsi que l’enthousiasme produit les désordres les
plus cruels dans la société humaine mais sa fureur est semblable à celle de
l’orage et de la tempête qui s’épuise en peu de temps et laisse l’air plus
calme et plus serein qu’avant. Quand le premier feu de l’enthousiasme est
consumé, les hommes, naturellement, dans toutes les sectes fanatiques,
replongent dans l’indifférence et la froideur à l’égard des choses sacrées.
Parmi eux, il n’existe pas de corps doté d’une autorité suffisante et dont
l’intérêt soit d’entretenir la ferveur religieuse : aucun rite, (79)
aucune cérémonie, aucune sainte observance ne peut entrer dans le cours
habituel de la vie et protéger les principes sacrés de l’oubli. La
superstition, au contraire, s’insinue graduellement et insensiblement, rend les
hommes serviles et soumis. Elle est acceptée par le magistrat et elle semble
inoffensive au peuple jusqu’à ce que, finalement, le prêtre, ayant fermement
établi son autorité, devienne un tyran et trouble la société par des
controverses sans fin, des persécutions et des guerres civiles. Comme l’Eglise
romaine a progressé avec douceur dans son acquisition du pouvoir ! Mais
dans quelles lamentables convulsions a-t-elle jeté toute l’Europe afin de le
conserver ! D’un autre côté, nos sectaires, qui étaient avant de dangereux
bigots, sont devenus de très libre raisonneurs ; et les Quakers
semblent s’approcher au plus près du seul corps régulier de Déistes de
l’univers, les lettrés ou disciples de Confucius en Chine.
Ma troisième observation sur ce sujet est que
la superstition est l’ennemie de la liberté civile alors que l’enthousiasme est
son amie. Que la superstition gémisse sous la domination des prêtres et que
l’enthousiasme détruise tout pouvoir ecclésiastique, cela explique suffisamment
la remarque précédente ; sans mentionner que l’enthousiasme, étant
l’infirmité des tempéraments hardis et ambitieux, s’accompagne naturellement
d’un esprit de liberté alors que la superstition, au contraire, rend les hommes
serviles et abjects et les dispose à la servitude. Nous apprenons de l’histoire
anglaise que, durant les guerres civiles, les Indépendants et les Déistes,
quoique les plus contraires dans leurs principes religieux, se rejoignaient
cependant sur leurs principes politiques et éprouvaient une même passion pour
la république. Et, depuis l’origine des Whigs et des Tories, les
chefs des Whigs ont été soit Déistes, soit Latitudinaires
avoués dans leurs principes, c’est-à-dire amis de la tolérance et indifférents
à toutes les sectes particulières de Chrétiens, alors que (80) les
sectaires, qui ont une forte teinture d’enthousiasme, ont toujours concouru
avec ce parti pour défendre la liberté civile. La ressemblance dans leurs
superstitions a longtemps uni les Tories de la Haute Eglise aux Catholiques
romains, bien que l’expérience de l’esprit de tolérance des Whigs semble
avoir récemment réconcilié les Catholiques avec ce parti.
En France, les Molinistes et les Jansénistes
ont mille disputes inintelligibles qui ne sont pas dignes de la réflexion d’un
homme sensé. Seul ce qui distingue ces deux sectes et mérite l’attention est
l’esprit différent de leur religion. Les Molinistes, conduits par les Jésuites,
sont de grands amis de la superstition ; ils observent rigidement les
formalités et cérémonies extérieures et sont dévoués à l’autorité des prêtres
et à la tradition. Les Jansénistes
sont des enthousiastes et de zélés partisans de la dévotion passionnée et de la
vie intérieure. Ils sont peu influencés par l’autorité et, en un mot, ne sont
qu’à demi catholiques. Les conséquences sont exactement conformes au
raisonnement qui a précédé : les Jésuites sont les tyrans du peuple
et les esclaves de la cour, et les Jansénistes gardent vivantes les
petites étincelles d’amour de la liberté qui se trouvent dans la nation
française.
That the corruption of the best things produces the worst, is grown
into a maxim, and is commonly proved, among other instances, by the pernicious
effects of superstition and enthusiasm, the corruptions of true
religion.
These
two species of false religion, though both pernicious, are yet of a very
different, and even of a contrary nature. The mind of man is subject to certain
unaccountable terrors and apprehensions, proceeding either from the unhappy
situation of private or public affairs, from ill health, from a gloomy and
melancholy disposition, or from the concurrence of all these circumstances. In
such a state of mind, infinite unknown evils are dreaded from unknown agents;
and where real objects of terror are wanting, the soul, active to its own
prejudice, and fostering its predominant inclination, finds imaginary ones, to
whose power and malevolence it sets no limits. As these enemies are entirely
invisible and unknown, the methods taken to appease them are equally
unaccountable, and consist in ceremonies, observances, mortifications,
sacrifices, presents, or in any practice, however absurd or frivolous, which
either folly or knavery recommends to a blind and terrified credulity.
Weakness, fear, melancholy, together with ignorance, are, therefore, the true
sources of Superstition.
But the
mind of man is also subject to an unaccountable elevation and presumption,
arising from prosperous success, from luxuriant health, from strong spirits, or
from a bold and confident disposition. In such a state of mind, the imagination
swells with great, but confused conceptions, to which no sublunary beauties or
enjoyments can correspond. Every thing mortal and perishable vanishes as
unworthy of attention. And a full range is given to the fancy in the invisible
regions or world of spirits, where the soul is at liberty to indulge itself in
every imagination, which may best suit its present taste and disposition. Hence
arise raptures, transports, and surprising flights of fancy; and confidence and
presumption still encreasing, these raptures, being altogether unaccountable,
and seeming quite beyond the reach of our ordinary faculties, are attributed to
the immediate inspiration of that Divine Being, who is the object of devotion.
In a little time, the inspired person comes to regard himself as a distinguished
favourite of the Divinity; and when this frenzy once takes place, which is the
summit of enthusiasm, every whimsy is consecrated: Human reason, and even
morality are rejected as fallacious guides: And the fanatic madman delivers
himself over, blindly, and without reserve, to the supposed illapses of the
spirit, and to inspiration from above. Hope, pride, presumption, a warm
imagination, together with ignorance, are, therefore, the true sources of Enthusiasm.
These two
species of false religion might afford occasion to many speculations; but I
shall confine myself, at present, to a few reflections concerning their
different influence on government and society.
My first
reflection is, That superstition is favourable to priestly power, and
enthusiasm not less or rather more contrary to it, than sound reason and
philosophy. As superstition is founded on fear, sorrow, and a depression of
spirits, it represents the man to himself in such despicable colours, that he
appears unworthy, in his own eyes, of approaching the divine presence, and
naturally has recourse to any other person, whose sanctity of life, or,
perhaps, impudence and cunning, have made him be supposed more favoured by the
Divinity. To him the superstitious entrust their devotions: To his care they
recommend their prayers, petitions, and sacrifices: And by his means, they hope
to render their addresses acceptable to their incensed Deity. Hence the origin
of Priests, who may justly be regarded as an invention of
a timorous and abject superstition, which, ever diffident of itself, dares not
offer up its own devotions, but ignorantly thinks to recommend itself to the
Divinity, by the mediation of his supposed friends and servants. As
superstition is a considerable ingredient in almost all religions, even the
most fanatical; there being nothing but philosophy able entirely to conquer
these unaccountable terrors; hence it proceeds, that in almost every sect of
religion there are priests to be found: But the stronger mixture there is of
superstition, the higher is the authority of the priesthood.
On the
other hand, it may be observed, that all enthusiasts have been free from the
yoke of ecclesiastics, and have expressed great independence in their devotion;
with a contempt of forms, ceremonies, and traditions. The quakers are
the most egregious, though, at the same time, the most innocent enthusiasts
that have yet been known; and are, perhaps, the only sect, that have never
admitted priests amongst them. The independents, of all the English sectaries, approach nearest to the quakers in
fanaticism, and in their freedom from priestly bondage. The presbyterians
follow after, at an equal distance in both particulars. In short this
observation is founded in experience; and will also appear to be founded in
reason, if we consider, that, as enthusiasm arises from a presumptuous pride
and confidence, it thinks itself sufficiently qualified to approach the
Divinity, without any human mediator. Its rapturous devotions are so fervent,
that it even imagines itself actually to approach him by the way
of contemplation and inward converse; which makes it neglect all those outward
ceremonies and observances, to which the assistance of the priests appears so
requisite in the eyes of their superstitious votaries. The fanatic consecrates
himself, and bestows on his own person a sacred character, much superior to
what forms and ceremonious institutions can confer on any other.
My second
reflection with regard to these species of false religion is, that
religions, which partake of enthusiasm are, on their first rise, more furious
and violent than those which partake of superstition; but in a little time
become more gentle and moderate. The violence of this species of religion,
when excited by novelty, and animated by opposition, appears from numberless
instances; of the anabaptists in Germany, the camisars
in France, the levellers and other fanatics in England, and the covenanters in Scotland.
Enthusiasm being founded on strong spirits, and a presumptuous boldness of
character, it naturally begets the most extreme resolutions; especially after
it rises to that height as to inspire the deluded fanatic with the opinion of
divine illuminations, and with a contempt for the common rules of reason, morality,
and prudence.
It is
thus enthusiasm produces the most cruel disorders in human society; but its
fury is like that of thunder and tempest, which exhaust themselves in a little
time, and leave the air more calm and serene than before. When the first fire
of enthusiasm is spent, men naturally, in all fanatical sects, sink into the
greatest remissness and coolness in sacred matters; there being no body of men
among them, endowed with sufficient authority, whose interest is concerned to
support the religious spirit: No rites, no ceremonies, no holy observances,
which may enter into the common train of life, and preserve the sacred
principles from oblivion. Superstition, on the contrary, steals in gradually
and insensibly; renders men tame and submissive; is acceptable to the
magistrate, and seems inoffensive to the people: Till at last the priest,
having firmly established his authority, becomes the tyrant and disturber of
human society, by his endless contentions, persecutions, and religious wars.
How smoothly did the Romish church advance in her acquisition of power? But
into what dismal convulsions did she throw all Europe,
in order to maintain it? On the other hand, our sectaries, who were formerly
such dangerous bigots, are now become very free reasoners; and the Quakers
seem to approach nearly the only regular body of Deists in the universe,
the Literati, or the disciples of Confucius in China.
My third
observation on this head is, that superstition is an enemy to civil liberty,
and enthusiasm a friend to it. As superstition groans under the dominion of
priests, and enthusiasm is destructive of all ecclesiastical power, this
sufficiently accounts for the present observation. Not to mention, that
enthusiasm, being the infirmity of bold and ambitious tempers, is naturally
accompanied with a spirit of liberty; as superstition, on the contrary, renders
men tame and abject, and fits them for slavery. We learn from English
history, that, during the civil wars, the Independents and Deists,
though the most opposite in their religious principles; yet were united in
their political ones, and were alike passionate for a commonwealth. And since
the origin of Whig and Tory, the leaders of the Whigs have
either been Deists or profest Latitudinarians in their principles;
that is, friends to toleration, and indifferent to any particular sect of Christians:
While the sectaries, who have all a strong tincture of enthusiasm, have always,
without exception, concurred with that party, in defence of civil liberty. The
resemblance in their superstitions long united the high-church Tories,
and the Roman Catholics, in support of prerogative and kingly power;
though experience of the tolerating spirit of the whigs seems of late to
have reconciled the Catholics to that party.
The molinists
and jansenists in France have a thousand
unintelligible disputes, which are not worthy the reflection of a man of sense:
But what principally distinguishes these two sects, and alone merits attention,
is the different spirit of their religion. The molinists conducted by
the jesuits, are great friends to superstition, rigid observers of
external forms and ceremonies, and devoted to the authority of the priests, and
to tradition. The jansenists are enthusiasts, and zealous promoters of
the passionate devotion, and of the inward life; little influenced by
authority; and, in a word, but half catholics. The consequences are exactly
conformable to the foregoing reasoning. The jesuits are the tyrants of
the people, and the slaves of the court: And the jansenists preserve
alive the small sparks of the love of liberty, which are to be found in the French nation.
[1] Les pages indiquées sont celles de notre édition de travail. (NdT)
[2] Nous avons travaillé sur l’édition Henry Frowde, Edinburg and Glasgow, 1903,1904 et nous utilisons les italiques indiquées par cette édition. (NdT)
[3] « (…) les propos incohérents des fous, qu'on supposait possédés par un esprit divin, laquelle possession était nommée enthousiasme (…). » Hobbes, Léviathan, XII, Les Classiques des Sciences Sociales, 2002. (NdT)
[4] Les éditions 1741 et 1742 donnent un texte légèrement
différent de ce paragraphe et des suivants. Le texte est : « Ma première
réflexion est que les religions qui participent de l’enthousiasme sont, à leur
origine, plus furieuses et violentes que celles qui participent de la
superstition mais que, peu de temps après, elles deviennent beaucoup plus
douces et modérées. La violence de ces sortes de religion, quand elle est excitée
par la nouveauté et stimulée par l’opposition, se montre en de nombreux
exemples, celle des Anabaptistes en Allemagne, celle des Camisards en France,
celle des Niveleurs et d’autres fanatiques en Angleterre, celle des
Covenantaires en Ecosse. Etant fondée sur un caractère fort, présomptueux et
hardi, l’enthousiasme engendre naturellement les résolutions les plus extrêmes,
surtout quand il a atteint une hauteur qui inspire au fanatique abusé la
croyance en des illuminations divines, un mépris des communes règles de la
raison, de la moralité et de la prudence.
C’est ainsi que l’enthousiasme produit les désordres
les plus cruels dans la société humaine mais sa fureur est semblable à celle de
l’orage et de la tempête qui s’épuise en peu de temps et laisse l’air plus
calme et plus serein qu’avant. La raison de cela apparaîtra avec évidence en
comparant l’enthousiasme à la superstition et aux autres sortes de fausses
religions et en recherchant les conséquences naturelles de chacune d’elles.
Comme la superstition se fonde sur la crainte, la tristesse et l’abattement des
esprits, elle représente l’homme à lui-même sous des couleurs si méprisables
que, à ses propres yeux, il semble indigne d’approcher la divine présence et,
évidemment, il a recours à toute autre personne dont la sainteté de vie ou
peut-être l’impudence et la fourberie lui ont fait supposer qu’elle est plus
favorisée par la Divinité. C’est à cette personne qu’il confie ses dévotions, à
ses soins qu’il recommande ses prières, ses suppliques, ses sacrifices. De
cette façon, il espère faire accepter ses demandes par sa Divinité courroucée.
De là l’origine des prêtres qui peuvent à juste titre être
regardés comme l’une des plus grossières inventions d’une
superstition timorée et abjecte qui, toujours défiante d’elle-même, n’ose pas
offrir ses propres dévotions mais juge, dans son ignorance, qu’elles se
recommandent à la Divinité par la médiation de ses supposés amis et serviteurs.
Comme la superstition est un ingrédient considérable de presque toutes les
religions, même les plus fanatiques, seule la philosophie est capable de
vaincre entièrement ces terreurs inexplicables. De là vient que, dans presque
toutes les sectes religieuses, on trouve des prêtres et, dans ce mélange, plus
il y a de superstition, plus l’autorité des prêtres est importante. Le judaïsme
moderne et le papisme, surtout le deuxième, étant les superstitions les plus
barbares et les plus absurdes qu’on ait connu dans le monde, sont les plus
asservies à leurs prêtres. Comme on peut dire à juste titre que l’Eglise
d’Angleterre a conservé un fort mélange de superstition papiste, elle participe
aussi, dans sa constitution d’origine, d’une propension au pouvoir et à la
domination des prêtres, surtout pour le respect qu’elle exige pour ses prêtres.
Et, bien que, selon l’opinion de cette Eglise, les prières du prêtre doivent
s’accompagner de celles des laïcs, le prêtre est cependant la parole de la
congrégation, sa personne est sacrée et, sans sa présence, peu croiraient que
ses dévotions publiques, ses sacrements et les autres rites sont acceptables
par la Divinité.
D’un autre côté, on peut
remarquer que les enthousiastes n’ont pas subi le joug ecclésiastique et qu’ils
ont exprimé une grande indépendance dans leurs dévotions, avec un mépris des
formalités, des traditions et des autorités. Les Quakers sont les enthousiastes
les plus extrêmes mais, en même temps, les plus innocents qui aient été connus.
Ils forment peut-être la seule secte qui n’ait jamais admis de prêtres en son
sein. Les Indépendants, de toutes les sectes anglaises, se rapprochent le plus
des Quakers en fanatisme et dans leur liberté à l’égard de l’asservissement aux
prêtres. Les Presbytériens viennent ensuite, à égale distance pour ce qui est
des deux points. En somme, cette observation est fondée sur l’expérience mais
elle apparaîtra aussi fondée sur la raison si nous considérons que, comme
l’enthousiasme naît d’une confiance et d’un orgueil présomptueux,
l’enthousiaste se juge suffisamment qualifié pour approcher la Divinité sans
aucun médiateur humain. Ses dévotions extatiques sont si ferventes qu’il
s’imagine même approcher effectivement la Divinité au moyen de la contemplation
et de la relation intime, ce qui lui fait négliger toutes les cérémonies et les
observances extérieures pour lesquelles l’assistance du prêtre paraît si
nécessaire aux yeux des dévots superstitieux. Le fanatique se consacre lui-même
et accorde à sa propre personne un caractère sacré nettement supérieur à ce que
les formalités et les institutions cérémonieuses peuvent conférer à tout autre.
C’est donc une règle infaillible que la superstition est favorable au pouvoir des prêtres et que l’enthousiasme ne lui est pas moins contraire que la saine raison et la philosophie. En fait, elle lui est plus contraire. Les conséquences sont évidentes. Quand le premier feu de l’enthousiasme est consumé, les hommes, naturellement, dans toutes les sectes fanatiques, replongent dans l’indifférence et la froideur à l’égard des choses sacrées. Parmi eux, il n’existe pas de corps doté d’une autorité suffisante et dont l’intérêt soit d’entretenir la ferveur religieuse : aucun rite, aucune cérémonie, aucune sainte observance ne peut entrer dans le cours habituel de la vie et protéger les principes sacrés de l’oubli. La superstition, au contraire, s’insinue graduellement et insensiblement, rend les hommes serviles et soumis. Elle est acceptée par le magistrat et elle semble inoffensive au peuple jusqu’à ce que, finalement, le prêtre, ayant fermement établi son autorité, devienne un tyran et trouble la société par des controverses sans fin, des persécutions et des guerres civiles. Comme l’Eglise romaine a progressé avec douceur dans son acquisition du pouvoir ! Mais dans quelles lamentables convulsions a-t-elle jeté toute l’Europe afin de le conserver ! D’un autre côté, nos sectaires, qui étaient avant de dangereux bigots, sont devenus les plus grands de nos libres penseurs ; et les Quakers sont peut-être le seul corps régulier de Déistes de l’univers, à l’exception des lettrés ou disciples de Confucius en Chine. » (NdT)
[5] Les éditions 1748 à 1760 donnent cette note : « Par prêtres, j’entends seulement ceux qui prétendent au pouvoir, à la domination et à une sainteté de caractère supérieure distincte de la vertu et des bonnes mœurs. Ils sont très différents des pasteurs qui sont établis à part* pour s’occuper des choses sacrées et de la conduite des dévotions publiques dans l’ordre et la décence. Il n’existe pas d’hommes plus respectables que ces derniers. » * L’édition 1742 ajoute « par les lois ». (NdT)
[6] Les éditions 1748 à 1760 : « comme l’une des plus grossières inventions ». (NdT)
[7] Les éditions 1748 à 1768 ajoutent : « Le
judaïsme moderne et le papisme, surtout le deuxième, étant les superstitions
les plus barbares et les plus absurdes qu’on ait connu dans le monde, sont les
plus asservies à leurs prêtres. Comme on peut dire à juste titre que l’Eglise
d’Angleterre a conservé un fort mélange de superstition papiste, elle participe
aussi, dans sa constitution d’origine, d’une propension au pouvoir et à la
domination des prêtres, surtout pour le respect qu’elle exige pour ses prêtres.
Et, bien que, selon l’opinion de cette Eglise, les prières du prêtre doivent
s’accompagner de celles des laïcs, le prêtre est cependant la parole de la
congrégation, sa personne est sacrée et, sans sa présence, peu croiraient que
ses dévotions publiques, ses sacrements et les autres rites sont acceptables
par la Divinité. » (NdT)