HOBBES :
LEVIATHAN – Traduction de Philippe Folliot avec notes.
Chapitre 11 – Chapitre 13 - Sommaire
des chapitres traduits avec notes - Index Philotra
Chapitre 12 : De la religion
Etant
donné qu'il n'y a de signes et de fruits de la religion que chez l'homme, il n'y a pas de raison de douter que le
germe de la religion ne se trouve
aussi qu'en l'homme, et il consiste en quelque qualité [qui lui est]
particulière [1], ou du moins [qui se révèle] chez lui à un degré
supérieur [2] qu'on ne peut trouver chez les autres créatures
vivantes.
Et
en premier, il est particulier à la nature des hommes d'être curieux [3] des causes des événements qu'ils voient, certains
plus, d'autres moins, mais suffisamment chez tous les hommes dans la recherche
des causes de leur propre bonne ou mauvaise fortune.
Deuxièmement,
à la vue de quelque chose qui a un commencement, de penser aussi qu'elle eut
une cause qui détermina son commencement, au moment où cela se fit, plutôt
qu'avant ou plus tard.
Troisièmement,
alors qu'il n'y a pas d'autre félicité, pour les bêtes, que de jouir, au quotidien,
de leur nourriture, de leur bien-être, et de leur concupiscence, n'ayant que
peu ou pas de prévision du temps à venir, parce qu'il leur manque [4] l'observation et le souvenir de l'ordre, de la
consécution, et de la dépendance des choses qu'elles voient, l'homme observe
comment un événement a été produit par un autre, se rappelle ce qui les a
précédés et ce qui les a suivis; et quand il ne peut pas s'assurer des
véritables [5] causes des choses (car les causes de la bonne et de
la mauvaise fortune sont pour la plupart invisibles), il suppose des causes de
ces choses, soit telles que sa propre imagination [6] les lui suggère, soit en se fiant à l'autorité
d'autres hommes, ceux qu'il pense être ses amis, et être plus sages que
lui-même.
Les
deux premières [caractéristiques dont nous avons parlé au deuxième et troisième
paragraphe de ce chapitre] [7] produisent l'angoisse [8]. Car, étant assuré que toutes les choses qui sont
arrivées jusqu'à maintenant, ou qui arriveront désormais, ont des causes, il
est impossible à un homme qui s'efforce continuellement de se mettre à l'abri
des maux qu'il craint, et de se procurer le bien qu'il désire, de ne pas être
dans un souci [9] perpétuel du temps à venir; si bien que tout homme,
surtout ceux qui sont sur-prévoyants [10], sont dans une situation semblable à celle de Prométhée. Car, tout comme Prométhée (mot qui, traduit, signifie l'homme prudent) [11] était attaché sur le mont Caucase, lieu d'où l'on voit très loin, où un aigle, se nourrissant
de son foie, dévorait le jour ce qui s'était reconstitué [12] pendant la nuit, l'homme qui regarde trop loin
devant lui par souci du temps futur a tout le jour le cœur rongé par la crainte
de la mort, de la pauvreté, ou d'une autre infortune, et son angoisse ne
connaît aucun repos, aucun répit sinon dans le sommeil.
Cette
crainte perpétuelle, qui accompagne toujours les hommes dans leur ignorance
des causes, comme s'ils étaient dans les ténèbres, doit nécessairement avoir
quelque chose pour objet. Et donc, quand il n'y a rien à voir, il n'y a rien
auquel ils puissent attribuer leur bonne ou leur mauvaise fortune, sinon
quelque pouvoir ou agent invisible, et c'est peut-être en
ce sens que l'un des anciens poètes a dit que les dieux furent à l'origine
créés par la crainte humaine [13], ce qui, à propos des dieux (c'est-à-dire des
nombreux dieux des Gentils [14]), est très vrai. Mais le fait de reconnaître un seul
Dieu éternel, infini et omnipotent peut plus aisément provenir du désir qu'ont
les hommes de connaître les causes des corps naturels, leurs différentes
vertus, leurs différentes façon d'agir [15], que de la crainte de ce qui doit [16] leur arriver dans les temps à venir. Car celui qui,
à partir d'un effet qu'il voit se produire, raisonnerait pour découvrir sa cause
prochaine et immédiate, et de là la cause de cette cause, et se plongerait
profondément dans la poursuite des causes, arriverait finalement à ceci, qu'il
doit y avoir (comme même les philosophes païens l'ont avoué) un unique Premier
Moteur [17], qui est la première et éternelle cause de toutes
choses, et c'est ce qu'on entend par la dénomination Dieu; et tout cela sans avoir pensé à son sort [18], dont le souci à la fois incline à la crainte et
détourne de la recherche des causes des autres choses, et de ce fait donne
occasion d'imaginer autant de dieux qu'il y a d'hommes qui les imaginent.
Et
pour ce qui est de la matière ou substance des agents invisibles ainsi
imaginés, les hommes ne purent, par la réflexion naturelle, arriver à d'autre
idée sinon que leur matière, ou substance, était la même que celle de l'âme
humaine, et que l'âme humaine était de la même substance que ce qui apparaît
dans le rêve de quelqu'un qui dort, ou dans un miroir chez quelqu'un qui est
éveillé. Ne sachant pas que de telles apparitions ne sont rien d'autre que les
créatures de l'imagination, les hommes pensent qu'elles sont des substances
réelles et extérieures, et par suite, ils les appellent spectres, tout comme
les Latins les appelaient imagines et
umbrae, et croyaient que c'étaient
des esprits (c'est-à-dire des corps ténus et aériens), et que ces agents
invisibles, qu'ils craignaient [19], étaient semblables à eux, sauf qu'ils
apparaissaient et disparaissaient comme il leur plaisait. Mais l'idée que de tels esprits soient incorporels,
ou immatériels, ne pourrait jamais entrer naturellement dans l'esprit d'un
homme, parce que, bien que les hommes puissent mettre ensemble des mots de
signification contradictoire, tels esprit
et incorporel, cependant ils ne
peuvent jamais avoir l'imagination [20] de quelque chose qui leur corresponde; et, par
conséquent, les hommes qui, par leur propre méditation, arrivent à reconnaître
un unique Dieu infini, omnipotent et éternel, choisissent plutôt d'admettre
qu'il est incompréhensible et au-dessus de leur compréhension, que de définir
Sa nature par esprit incorporel, pour
avouer ensuite que leur définition est inintelligible. Ou, s'ils lui donnent un
tel titre, ce n'est pas dogmatiquement,
avec l'intention de rendre la nature divine compréhensible, mais pieusement, pour l'honorer par des
attributs de significations aussi éloignées que possible de la grossièreté des
corps visibles.
Puis,
pour ce qui est de la façon dont ils pensent que ces agents invisibles produisaient
leurs effets, c'est-à-dire quelles causes immédiates ils utilisaient pour faire
en sorte que les choses aient lieu, les hommes qui ne savent pas ce que nous
appelons causer (c'est-à-dire presque
tous les hommes) n'ont pas d'autre règle, pour faire des conjectures, que
d'observer et de se souvenir de ce qu'ils ont vu antérieurement précéder le
même [21] effet une ou plusieurs fois, sans apercevoir entre
l'événement antécédent et l'événement subséquent aucune dépendance ou
connexion [22]. Et c'est pourquoi,
en partant des choses semblables du passé, ils s'attendent à ce
qu'arrivent les mêmes choses dans le futur et ils comptent superstitieusement
sur une bonne ou une mauvaise fortune, en se fondant sur des choses qui n'ont
aucune part à sa causation; comme le firent les Athéniens qui, pour la guerre
de Lépante réclamèrent une autre Phormion, et les factieux liés à Pompée
dans la guerre d'Afrique, qui réclamèrent
un autre Scipion. Et depuis, d'autres
ont fait la même chose en diverses autres occasions. De la même manière, ils
attribuent leur [bonne ou mauvaise] fortune à quelqu'un qui se trouve là, à un
endroit qui porte chance ou malchance, à des mots prononcés, surtout si le nom
de Dieu est parmi ces mots, considérés comme des sortilèges et des
conjurations (la liturgie des sorcières), à tel point qu'ils croient que ces
formules [23] ont le pouvoir de transformer une pierre en pain, un
pain en homme, ou n'importe quoi en n'importe quoi.
Troisièmement,
pour ce qui est du culte que les hommes rendent naturellement aux puissances
invisibles, il ne peut être rien d'autre que [l'ensemble] des témoignages de
leur vénération, dont ils useraient envers les hommes : présents, prières,
remerciements, soumission, paroles pleines d'égards, comportement tempérant,
paroles réfléchies, serment prêté (c'est-à-dire s'assurer mutuellement de [la
valeur] des promesses) en les invoquant [24]. La raison
ne suggère rien de plus, mais leur laisse le choix soit d'en rester là, soit,
pour des cérémonies supplémentaires, de se fier à ceux qu'ils croient plus
sages qu'eux-mêmes.
Enfin,
sur la façon dont ces puissances invisibles déclarent aux hommes les choses
qui arriveront à l'avenir, surtout ce qui a trait à leur bonne ou mauvaise
fortune en général, ou au succès ou insuccès de quelque entreprise
particulière, les hommes sont naturellement en suspens [25]; sauf que, habitués à conjecturer [26] le futur par le passé, ils sont très portés, non
seulement à considérer des choses fortuites, après une ou deux
expériences [27], comme permettant toujours désormais des pronostics
pour une expérience semblable, mais aussi à croire les mêmes pronostics qui
viennent d'autres hommes dont ils ont conçu une fois une bonne opinion.
Et
c'est en ces quatre choses, l'opinion sur les spectres, l'ignorance des causes
secondes, la dévotion envers ce que les
hommes craignent, et le fait de considérer les choses fortuites comme
permettant des pronostics, que consiste le germe naturel de la religion qui, en raison de la diversité
des imaginations, des jugements et des passions des différents hommes, a
produit en poussant [28] des cérémonies si différentes que celles qu'un homme
pratique sont pour l'essentiel ridicules aux yeux d'un autre.
Car
ces germes ont été cultivés par deux sortes d'hommes. La première a été celle
d'hommes qui les ont nourris et arrangés à leur façon [29]. Les seconds l'ont fait sous le commandement et la
direction de Dieu. Mais les deux sortes l'ont fait avec le dessein de porter
davantage ces hommes qui se fiaient à eux [30] à l'obéissance, aux lois, à la paix, à la charité,
et à la société civile. De sorte que la religion de la première sorte d'hommes
est une partie de la politique humaine, et elle enseigne une partie des devoirs
que les rois de la terre [31] exigent de leurs sujets. Et la religion de la
seconde sorte d'hommes est la politique divine [32], et elle contient des préceptes pour ceux qui se
sont soumis à Dieu et sont devenus sujets de son royaume [33]. De la première sorte furent les fondateurs de
Républiques, et les législateurs des Gentils. De la seconde sorte étaient Abraham, Moïse, et notre Sauveur béni,
par qui les lois du royaume de Dieu nous sont parvenues.
Et
pour ce qui est de cette partie de la religion qui consiste en opinions sur la
nature des puissances invisibles, n'existe presque rien de connu [34] qui n'ait été considéré par les Gentils, à un
endroit à un autre, comme un dieu ou un diable, ou qui n'ait été imaginé par
les poètes comme animé, habité ou possédé par tel ou tel esprit.
La
matière informe du monde était un dieu, sous le nom de Chaos.
Le
ciel, l'océan, les planètes, le feu, la terre, les vents étaient autant de
dieux.
Des
hommes, des femmes, un oiseau, un crocodile, un veau, un chien, un serpent, un
oignon, [toutes ces réalités] furent déifiées. De plus, les hommes
remplissaient presque tous les lieux avec des esprits nommés démons : les
plaines, avec Pan et les Sylvains, ou satyres; les bois, avec les
Faunes et les Nymphes; la mer, avec les Tritons et d'autres Nymphes; chaque
rivière, chaque source, avec un esprit portant son nom et des Nymphes, chaque
demeure, avec ses Lares ou esprits familiers, chaque homme, avec son Génie;
l'Enfer, avec les fantômes et les officiers spirituels, tels Charon, Cerbère et les Furies; et
pendant la nuit, tous les lieux avec des larves,
des lémures, les fantômes des morts,
et tout un royaume de fées et de spectres à tête d'ours [35]. Ils ont aussi attribué la divinité à de simples
accidents et qualités, et leur ont édifié des temples, par exemple le Temps, la
Nuit, le Jour, la Paix, la Concorde, l'Amour, la Dispute, la Vertu, l'Honneur,
la Santé, la Rouille, la Fièvre, ainsi de suite. Quand ils leur adressaient des
prières pour [obtenir] ou [éviter ces choses] [36], ils le faisaient comme s'il y avait des esprits
portant ces noms suspendus au-dessus de leur tête, laissant tomber ou retenant [37] ce bien pour lequel, ou ce mal contre lequel ils
priaient. Ils invoquaient aussi leurs propres qualités d'esprit, sous le nom de
Muses; leur propre ignorance, sous le
nom de Fortune; leur propre
concupiscence, sous le nom de Cupidon,
leur propre fureur, sous le nom de Furies;
leur propre membre intime sous le nom de Priape;
et ils attribuaient leurs pollutions aux incubes et aux succubes; à tel point qu'il n'y avait rien qu'un poète ne pût
introduire dans son poème en le personnifiant pour en faire un dieu ou un
diable.
Les
mêmes auteurs de la religion des Gentils; remarquant le second fondement de la
religion, qui est l'ignorance des causes, et de ce fait, leur tendance à
attribuer leur sort à des causes dont il ne semble manifestement pas du tout
dépendre [38], en profitèrent pour imposer [39] à leur ignorance, au lieu des causes secondes, une
sorte de dieux seconds chargés de certains offices [40], attribuant la cause de la fécondité à Vénus, la cause des arts à Apollon, de la subtilité et de la ruse à
Mercure, des tempêtes et des orages à
Eole, et des autres effets à d'autres
dieux, de sorte qu'il y avait chez les païens, une diversité presque aussi
importante de dieux que d'activités.
Et
pour ce qui est du culte que les hommes imaginaient naturellement propres à
être employés pour leurs dieux, à savoir offrandes, prières, actions de grâces
et tout ce qui a été précédemment indiqué, les mêmes législateurs des Gentils
ont ajouté leurs images, tant peintes que sculptées, pour que les plus
ignorants (c'est-à-dire la plupart des gens, la majorité), pensant que les
dieux, pour qui ces représentations étaient faites, étaient réellement contenus
et comme logés en elles, pussent être d'autant plus à même de les craindre; et
ils les dotèrent de terres, de maisons, d'employés [41] et de revenus,
et cela de façon à ce que les humains ne puissent en faire usage [42], c'est-à-dire que furent consacrés et sanctifiés,
pour ceux qui étaient leurs idoles, des grottes, des bosquets, des bois, des
montagnes et des îles entières. On attribua à ces dieux non seulement la forme
des hommes à certains, des bêtes à d'autres, des monstres à d'autre [encore],
mais aussi les facultés et les passions des hommes et des bêtes, comme la
sensation, la parole, le sexe, la concupiscence, la génération, et ceci non
seulement en unissant [43] les dieux les uns avec les autres, pour propager
l'espèce des dieux, mais aussi en les unissant à des hommes et des femmes pour
engendrer des dieux hybrides, qui ne sont que des hôtes des cieux, comme Bacchus, Hercule, et d'autres. On leur attribua en plus la colère, le désir
de vengeance, et d'autres passions des créatures vivantes, et les actions qui
en procèdent, comme la tromperie, le vol, l'adultère, la sodomie, et tout vice
qui puisse être pris comme un effet du pouvoir ou une cause de plaisir, et tous
les vices semblables qui, parmi les hommes, sont plus jugés contraires à la loi
que contraires à l'honneur.
Enfin,
aux pronostics touchant le temps à venir, qui ne sont, d'un point de vue
naturel [44], que des conjectures sur l'expérience passée, et
d'un point de vue surnaturel, que la révélation divine, les mêmes auteurs de la
religion des Gentils, se fondant en partie sur une soi-disant expérience [45], en partie sur une soi-disant révélation, ont ajouté
d'innombrables modes [46] superstitieux de divination, et ils ont fait croire
aux hommes qu'ils pourraient lire leur destin [47] soit dans les réponses ambiguës ou dénuées de
signification des prêtres de Delphes,
Délos, Ammon, et des autres fameux oracles; lesquelles réponses étaient
rendues ambiguës à dessein, pour s'approprier l'événement dans les deux
cas [48], ou étaient absurdes, à cause des vapeurs toxiques
de l'endroit, ce qui est très fréquent dans les grottes sulfureuses; soit dans
les feuilles des Sibylles, dont les prophéties, comme peut-être celles de
Nostradamus (car les fragments qui subsistent aujourd'hui semblent être
l'invention d'une époque plus tardive), formaient des livres réputés à l'époque
de la République romaine; soit dans les propos incohérents des fous, qu'on
supposait possédés par un esprit divin, laquelle possession était nommée
enthousiasme; et ces sortes de prédictions [49] étaient tenues pour de la théomancie ou de la
prophétie; soit dans l'aspect des astres au moment de leur naissance, ce qui a
été nommé horoscope, qu'on considérait être une partie de l'astrologie judiciaire;
soit dans leurs propres espoirs et craintes, ce qu'on appelait thymomancie, ou
présage; soit dans la prédiction des sorcières qui prétendaient consulter les
morts, ce qui était nommé nécromancie, évocation [50], sorcellerie, et qui n'est rien que la complicité
de la prestidigitation [51] et de la friponnerie; soit dans le vol fortuit ou la
façon fortuite de se nourrir des oiseaux, ce qu'on appelait science des
augures; soit dans les entrailles d'une bête sacrifiée, [ce qu'on appelait] la
science des aruspices (aruspicina); soit dans les rêves; soit dans le
croassement des corbeaux, ou le caquetage des oiseaux; soit dans les traits du
visage, ce qu'on appelait la métoposcopie; ou par la chiromancie, dans les
lignes de la main ou les paroles fortuites qu'on appelait omina; soit dans les choses monstrueuses ou les accidents [52] inhabituels, comme les éclipses, les comètes, les
rares météores, les tremblements de terre, les inondations, les naissances
d'enfants malformés [53], et choses semblables, ce qu'il appelaient portenta et ostenta parce qu'ils croyaient que ces événements présageaient ou
indiquaient à l'avance quelque grand malheur à venir; soit dans un simple
tirage au sort, comme pile ou face, ou en comptant les trous d'un crible, ou en
puisant [au hasard] [54] dans les vers d'Homère et de Virgile, et
d'innombrables autres vaines prétentions [55] du même genre. Il est si facile à ceux qui ont
acquis du crédit auprès des hommes de les amener à croire n'importe quoi, et
ces hommes peuvent, avec douceur et habileté, manipuler [56] leur crainte et leur ignorance.
C'est
pourquoi les premiers fondateurs et législateurs des Républiques, parmi les
Gentils, dont le but était seulement de maintenir les gens dans l'obéissance et
la paix, ont partout pris soin : premièrement d'imprimer en leurs esprits
une croyance qui fit qu'on ne pût penser que les préceptes qu'ils donnaient
provenaient de leur propre invention [57], mais qu'on crût qu'ils venaient des commandements
de quelque dieu ou de quelque autre esprit, ou bien qu'eux-mêmes étaient d'une
nature supérieure à celles des simples mortels, afin que leurs lois pussent
être plus facilement acceptées. C'est ainsi que Numa Pompilius prétendait tenir de la nymphe Egérie les rites qu'il instituait parmi les Romains, que le premier
roi et fondateur du royaume du Pérou prétendait que lui-même et sa femme
étaient les enfants du soleil, que Mahomet,
pour établir sa religion, prétendait avoir des entretiens avec le Saint-Esprit
[qui lui apparaissait] sous la forme d'une colombe. Deuxièmement, ils ont pris
soin de faire croire que les choses qui déplaisaient aux dieux étaient les
mêmes que celles que les lois interdisaient. Troisièmement, d'ordonner des
rites, des supplications, des sacrifices, et des fêtes, et ils devaient croire
que, de cette façon, la colère des dieux pourrait être apaisée, et [croire] que
les défaites militaires, les grandes épidémies, les tremblements de terre, et
les malheurs privés de chaque homme venaient de la colère des dieux, et que
cette colère venait de ce qu'on négligeait leur culte, qu'on oubliait quelque
point des cérémonies qu'il fallait faire, ou qu'on se trompait sur ce point.
Et bien que, chez les Romains, il n'était pas interdit de nier ce qu'on trouve
dans les écrits des poètes sur les peines et les plaisirs d'après cette vie,
écrits que plusieurs hommes d'une grande autorité et d'un grands poids dans
l’État ont ouvertement tourné en déraison dans leurs harangues, cependant, cette croyance a toujours été plus entretenue
que la croyance contraire.
Et
par ces institutions, ou d'autres institutions du même type, ils obtinrent -
afin d'atteindre leur but, la paix dans la République - que les gens du commun,
attribuant ce qui n'allait pas [58] à leur négligence ou leurs erreurs dans les rites,
ou [encore] à leur propre désobéissance aux lois, soient d'autant moins
susceptibles de se révolter contre les gouvernants; et que, divertis par le
faste et l'amusement [59] des fêtes et des jeux publics institués en
l'honneur des dieux, n'aient besoin de rien d'autre que du pain pour être
préservés du mécontentent, des murmures [60] et de l'agitation contre l’État. Et c'est pourquoi les
Romains, qui avaient conquis la plus grande partie du monde connu, ne se firent
aucun scrupule de tolérer n'importe quelle religion dans la cité même de Rome, à moins que quelque chose en elle
ne pût s'accorder avec le gouvernement civil. Nous ne lisons pas qu'une
religion ait été interdite, sinon celle des Juifs, qui (formant le royaume
particulier de Dieu) croyaient illégitime [61] de se reconnaître sujet de quelque roi mortel ou de
quelque État, quel qu'il fût. Vous voyez ainsi comment la religion des Gentils
était une partie de leur politique.
Mais
là où Dieu lui-même, par une révélation surnaturelle, implanta la religion, il
établit pour lui-même un royaume particulier, et donna des lois, non seulement
du comportement des hommes envers lui-même, mais aussi du comportement des
hommes l'un envers l'autre; de sorte que, dans le royaume de Dieu, la politique
et les lois civiles sont une partie de la religion, et c'est pourquoi la
distinction de la domination temporelle et de la domination spirituelle n'a
ici pas lieu d'être. Il est vrai que Dieu est le roi de toute la terre.
Cependant, Il peut être le roi d'une nation particulière et élue ; car
cela n'est pas plus incongru [62] que quand celui qui a le commandement général de
toute l'armée a, en même temps, un régiment particulier ou une compagnie qui
lui appartient. Dieu est le roi de toute la terre en vertu de sa puissance,
mais de son peuple élu, il est roi en vertu d'une convention [63]. Mais, pour parler plus largement du royaume de
Dieu, aussi bien par nature que par contrat, j'ai consacré un autre endroit [à
ce sujet], dans la suite du discours (chapitre XXXV).
A
partir de la propagation de la religion, il n'est pas difficile de comprendre
pourquoi elle se réduit à ses premiers germes ou principes [64], qui ne sont que l'idée d'une divinité et de
puissances invisibles et surnaturelles, germes qui ne peuvent jamais être
extirpés [65] de la nature humaine à un point tel qu'on ne puisse
encore en faire surgir de nouvelles religions, s'ils sont cultivés par des hommes
qui sont réputés pouvoir réaliser un tel dessein [66].
Car,
vu que toute religion constituée est fondée en premier lieu sur la foi qu'une
multitude a en une personne unique, qu'ils croient non seulement être un homme
sage qui oeuvre à leur procurer le bonheur, mais aussi être un saint homme à
qui Dieu lui-même a daigné [67] déclarer sa volonté de façon surnaturelle, il
s'ensuit nécessairement que, quand ceux qui possèdent le gouvernement de la
religion en viennent à suspecter soit la sagesse de ces hommes [68], soit leur sincérité, soit leur amour, ou qu'ils
sont incapables d'exhiber quelque signe
vraisemblable de révélation divine [69], la religion qu'ils désirent soutenir sera suspectée
de la même façon et (sans la crainte du glaive civil) contredite et rejetée.
Ce
qui ôte la réputation de sagesse à celui qui constitue une religion, ou celui
qui lui ajoute [70] quelque chose quand elle est déjà constituée, c'est
d'obliger à croire à des choses contradictoires, car il n'est pas possible que
les deux termes d'une contradiction soient vrais. Par conséquent, obliger à y
croire, c'est une preuve d'ignorance, ce qui révèle l'auteur en cela, et le
discrédite dans toutes les autres choses qu'il prétendra tenir [71] d'une révélation surnaturelle; [car] on peut
certainement avoir révélation de nombreuses choses [qui se situent] au-dessus
de la raison naturelle, mais de rien qui lui soit contraire [72].
Ce
qui ôte la réputation de sincérité, c'est de faire ou de dire des choses telles
qu'elles semblent être les signes que ce qu'on ordonne aux autres de croire
n'est pas cru par soi-même, et c'est pourquoi toutes ces actions et ces propos
sont appelés scandaleux, parce ce sont des pierres d'achoppement [73] qui font trébucher les hommes qui sont sur la voie
de la religion, comme l'injustice, la cruauté, l'impiété, l'avarice, et la
luxure. Car qui peut croire que celui qui fait ordinairement de telles actions
procédant de l'une de ces racines, croit qu'il y a quelque puissance invisible
à redouter, pareille à celle avec laquelle il effraie autrui pour des fautes
moindres ?
Ce
qui ôte la réputation d'amour, c'est la découverte de buts personnels, comme
quand la croyance que certains hommes exigent des autres conduit, ou semble
conduire, pour ces hommes, à l'acquisition de domination, richesses, dignité,
ou à leur assurer du plaisir à eux seuls ou surtout à eux. Car quand les hommes
tirent un bénéfice personnel, on pense qu'ils agissent pour leur propre
intérêt, et non pour l'amour d'autrui.
Enfin,
le témoignage que les hommes peuvent exposer de leur mission divine ne peut
être autre chose que l'accomplissement de miracles, ou une vraie prophétie (ce
qui est aussi un miracle), ou une exceptionnelle félicité. Et donc, à ces
articles de religion qui ont été reçus de ceux qui ont fait de tels miracles,
les articles qui sont ajoutés par ceux qui ne font pas la preuve de leur
mission par quelque miracle ne provoquent pas chez les hommes une plus grande
croyance que celle que la coutume et les lois de l'endroit où ils ont été
éduqués ont forgée en eux. Car tout comme les hommes, pour les choses
naturelles, exigent des signes et des preuves naturels, pour les choses
surnaturelles, ils exigent des signes surnaturels (qui sont les miracles) avant
qu'ils n'accordent intimement, du fond du cœur, leur assentiment.
Toutes
ces causes de l'affaiblissement de la foi des hommes se révèlent manifestement
dans les exemples suivants. Nous avons d'abord l'exemple des enfants d'Israël
qui, quand Moïse, qui leur avait
prouvé sa mission par des miracles et par la conduite heureuse de ces enfants
hors d’Égypte, s'absenta pendant
quarante jours, se révoltèrent contre le culte du vrai Dieu qu'il leur avait
recommandé, et ils instituèrent [74] comme leur dieu un veau d'or, retombant [75] dans l'idolâtrie des Égyptiens dont ils avaient été
si récemment délivrés. Et, de nouveau, après la mort de Moïse, Aaron, Josué, et de cette génération qui avait
vu les grandes oeuvres de Dieu en Israël [76], une nouvelle génération survint qui servit Baal. Aussi, quand les miracles font
défaut, la foi fait aussi défaut [77].
De
nouveau, quand les fils de Samuel,[78] établis par leur père juges à Bersabée [79] se laissèrent corrompre et jugèrent injustement, le
peuple d'Israël refusa que Dieu soit
plus longtemps leur roi d'une autre façon qu'il était roi d'un autre peuple, et
c'est pourquoi ils demandèrent [80] à grands cris [81] à Samuel
de leur choisir un roi d'après la manière des nations. De sorte que la justice
faisant défaut, la foi fit aussi défaut, à tel point qu'ils déposèrent leur
Dieu du règne qu'il exerçait sur eux.
Et
tandis que s'implantait la religion Chrétienne, les oracles se turent dans
toutes les parties de l'Empire Romain, et le nombre de Chrétiens augmenta
prodigieusement chaque jour et en chaque lieu grâce à la prédication des
Apôtres et des Évangélistes, et une grande part de ce succès peut
raisonnablement être attribuée au mépris que les prêtres des Gentils de cette
époque s'étaient attiré par leur impureté, leur avarice, leurs affaires
louches [82] avec les princes. C'est aussi en partie pour la même
cause que l’Église de Rome fut abolie
en Angleterre, et dans d'autres
parties de la Chrétienté, à un tel point que l'affaiblissement de la
vertu [83] chez les pasteurs fait que la foi diminue dans le
peuple; et en partie parce que les Scolastiques avaient introduit dans la religion
la philosophie et la doctrine d'Aristote,
d'où surgirent tant de contradictions et d'absurdités que le clergé fut porté à
la réputation d'ignorance et, en même temps, d'intention frauduleuse; et le
peuple fut incliné à se rebeller contre lui, soit contre la volonté de leur
propre prince, comme en France et en Hollande, soit avec leur accord, comme
en Angleterre.
Enfin,
parmi les articles que l’Église de Rome
déclara nécessaires au salut, il y en avait tant qui étaient manifestement à
l'avantage du Pape et de ses sujets spirituels résidant dans les territoires
des autres princes Chrétiens que, si ce n'était à cause de la rivalité mutuelle
de ces princes, ils auraient pu, sans guerre et sans trouble, rejeter toute
autorité étrangère, aussi facilement que cela a été fait en Angleterre. Qui, dans ce cas, ne voit pas au profit de qui conduit le fait de
faire croire qu'un roi ne tient pas son autorité du Christ, à moins d'être
couronné par un évêque ? Qu'un roi, s'il est prêtre, ne peut se
marier ? Que l'autorité Romaine
doit juger si un prince est né, ou non, d'un mariage légitime ? Que les
sujets peuvent être affranchis de leur allégeance, si le roi est jugé hérétique
par la cour de Rome ? Qu'un roi,
comme Childéric [84], roi de France, peut être déposé par un Pape, comme
le Pape Zacharie, sans raison, et son royaume donné à l'un de ses
sujets ? [85] Que le clergé et les réguliers, quel que soit le
pays, seront soustraits à la juridiction de leur roi dans les affaires
criminelles ? Qui ne voit aussi à qui profite les rétributions des Messes
privées et des indulgences [86], et on peut trouver d'autres signes de l'intérêt
personnel, suffisants pour mortifier la foi la plus vive si, comme je l'ai dit,
le magistrat civil et la coutume ne la soutenaient pas plus qu'ils ne
soutiennent l'idée de la sainteté, de la sagesse et de la probité de ceux qui
la professent ? [87] De sorte que je peux attribuer tous les changements
de religion dans le monde à une seule et même cause, et c'est le mécontentement
à l'égard des prêtres [88], non seulement parmi les catholiques, mais même en
cette Église qui se prévaut le plus d'une réforme.
Traduction Philippe Folliot
Version
téléchargée en août 2003.
[1] "and consisteth
in some peculiar quality". (NdT)
[2] "eminent".
(NdT)
[3] "inquisitive".
(NdT)
[4] "for want".
(NdT)
[5] "true". (NdT)
[6] "fancy". G. Mairet traduit avec audace par "la fantaisie de son imagination". F. Tricaud et R. Anthony : "imagination".
[7] Hobbes se contente de dire "The two first". (NdT)
[8] "anxiety" : on peut aussi traduire par "inquiétude" ou "anxiété". (NdT)
[9] "solicitude".
R. Anthony : "inquiétude". (NdT)
[10] "over-provident". (NdT)
[11] En grec, Prométheus : Prométhée, et promèthès : prévoyant, qui s'inquiète d'avance (NdT)
[12] Littéralement "ce qui s'était réparé", mais cette traduction serait peu heureuse. R. Anthony : "ce qui en renaissait", repris par F. Tricaud.
[13] "primus in orbe deos fecit timor." (Stace, Thébaïde, III, 661) (NdT)
[14] Païens. (NdT)
[15] "their several
virtues and operations". (NdT)
[16] Le texte anglais
n'utilise pas le présent : "of what was to befall them in time to
come". (NdT)
[17] "one First Mover" et non "a First Mover". (NdT)
[18] "fortune". (NdT)
[19] Bizarrement, G. Mairet
met tout ce passage au présent de l'indicatif. (NdT)
[20] "the imagination". (NdT)
[21] F. Tricaud néglige ce mot. (NdT)
[22] La traduction de G.
Mairet est très embarrassée (et très embarrassante) : le
"before" est négligé (que nous avons rendu par antérieurement) et le
"précéder" (to precede) devient un très risqué "produire".
En effet, la situation décrite ici par Hobbes est celle d'hommes qui,
justement, ne saisissent que des relations de contiguïté sans les comprendre.
Donc, à proprement parler, ils n'ont pas vu un événement A produire un
événement B, mais un événement A précéder un événement B. Si le lien saisi
était de production, nous aurions - et ce n'est justement pas le cas - une
compréhension de la causalité. (NdT)
[23] Hobbes dit simplement
"they". (NdT)
[24] "gifts,
petitions, thanks, submission of body, considerate addresses, sober behaviour,
premeditated words, swearing (that is, assuring one another of their promises),
by invoking them". (NdT)
[25] "at a stand".
(NdT)
[26] "save that using to conjecture". (NdT)
[27] "encounters" :
rencontres (choix de R. Anthony - F. Tricaud traduit "cas"). "to
encounter" : essuyer, faire l'épreuve de, affronter, aborder (un
ennemi). (NdT)
[28] "hath grown up into". (NdT)
[29] R. Anthony a trouvé
une traduction tout à fait heureuse : "ceux qui les ont fait pousser
et ont réglé la croissance suivant leur propre fantaisie". Le texte anglais est : "One sort have been they that have
nourished and ordered them, according to their own invention". (NdT)
[30] "those men that relied on them". (NdT)
[31] G. Mairet (qui traduit
"premiers rois") confond bizarrement "earthly"(terrestre)
et "early" (premier, de l'origine, du commencement)!! (NdT)
[32] "divine
politics". (NdT)
[33] Le texte anglais peut dire plus rapidement "those that have yielded themselves subjects in the kingdom of God". (NdT)
[34] Littéralement "rien qui ait un nom". (NdT)
[35] "bugbears". Le mot se forme en réunissant "bogey" (épouvantail, fantôme, spectre) et "bear" (ours). Comme le fait très bien remarquer F. Tricaud, il s'agirait, si l'expression existait, d "ours-garous". (NdT)
[36] Je reprends la
traduction de R. Anthony. Il est en effet difficile de proposer ici une simple
traduction littérale de "when they prayed for, or against". (NdT)
[37] "withholding" :
"to withhold" : déternir, mais aussi refuser. (NdT)
[38] "on which there
was no dependence at all apparent". (NdT)
[39] "to
obtrude". (NdT)
[40] "second and
ministerial gods". (NdT)
[41] "officiers".
(NdT)
[42] Traduction libre de
"set apart from all other human uses". (NdT)
[43] "by mixing".
(NdT)
[44] "naturally".
Plus loin, "supernaturally". (NdT)
[45] "pretended experience". (NdT)
[46] "ways". R.
Anthony : "pratiques" (repris par F. Tricaud). (NdT)
[47] Traduction libre de
" they should find their fortunes". (NdT)
[48] "to own the event
both ways". (NdT)
[49] "these kinds of foretelling". Rigoureusement parlant, il ne s'agit pas de pré-vision mais de pré-diction, le verbe étant "to for-tell" : dire devant, annoncer l'avenir. (NdT)
[50] "evocation". "to conjure": évoquer (ici, les morts) (NdT)
[51] "juggling". "to juggle" : jongler, mais aussi faire des tours de passe-passe, escamoter quelque chose. "jonglerie", choisie par R. Athony et F. Tricaud semble imprécis, quoique l'idée soit toujours présente, celle d'une simple adresse technique. La traduction de G. Mairet ("escroquerie") semble considérer que Hobbes utilise là une simple image, ce dont je doute. (NdT)
[52] G. Mairet, en
traduisant par "événement", supprime le caractère fortuit que suppose
le mot anglais "accident". (NdT)
[53] "uncouth births". La traduction de G. Mairet ("naissances imprévues") semble difficilement justifiable (peut-être même résulte-t-elle d'une confusion entre "uncouth" et un éventuel "uncounted").
[54] "dipping of
verses in Homer and Virgil". L'idée de choix
fortuit d'un passage est bien sûr plus que suggéré, mais aucun terme dans le
texte de Hobbes ne correspond à "hasard". Le verbe "to dip"
peut avoir le sens de "feuilleter (a book)". (NdT)
[55] "and innumerable other such vain conceits". La traduction de F. Tricaud ("inventions"), sans être fausse (car on peut appeler "conceit" un trait d'esprit), n'est pas exacte. Il s'agit ici de prétention, de l'idée délirante que l'homme se fait de sa propre capacité à prédire l'avenir par de tels moyens. R. Anthony traduit par "présomptions". La traduction de G. Mairet est insuffisante '"une multitude d'autres procédés dérisoires". Si "dérisoires" rend bien compte de "vain", "procédés" ne rend absolument pas compte de "conceits". (NdT)
[56] "take hold " : saisir, prendre en main, s'assurer la maîtrise. R. Anthony choisir "mettre la main".
[57] "from their own device". Il y a dans le mot "device" à la fois l'idée de dispositif, de produit de l'esprit, de ruse. Il ne s'agit pas, en effet, ici, de simplement dissimuler que la règle est un artifice humain. Il faut dissimuler l'intention (des mortels avisés ont compris la fonction civile de la religion dans l'évitement de l'état de guerre). (NdT)
[58] Les traducteurs du Léviathan traduisent habituellement "the fault" par "malheurs" ou "infortune", ce qui n'est pas entièrement fidèle. (NdT)
[59] "pastime" : littéralement "passe-temps". R. Anthony a d'ailleurs choisi cette dernière traduction. (NdT)
[60] Ce mot a été négligé par G. Mairet. (NdT)
[61] "unlawful". ou illégal par rapport à la loi de Dieu. (NdT)
[62] L'ajout de "dire" par G. Mairet ("incongru de dire") ne semble pas justifié. (NdT)
[63] "convenant" :
contrat, promesse, convention, accord. (NdT)
[64] "it is not hard
to understand the causes of the resolution of the same into its first seeds or
principles". (NdT)
[65] "abolished out". F. Tricaud, avec "abolis dans la nature humaine", a eu tort de ne pas suivre ici R. Anthony. (NdT)
[66] Les cinq derniers mots
sont empruntés à R. Anthony. (NdT)
[67] "to whom God Himself vouchsafeth". Le "à qui Dieu a accordé" semble trop faible. (NdT)
[68] On note une mauvaise
interprétation du passage par R. Anthony qui pense que sont suspectés ceux qui
possèdent le gouvernement de la religion. (NdT)
[69] "unable to show any probable token of divine revelation". (NdT)
[70] G. Mairet essaie
témérairement "réforme". Or la réforme est, dans le domaine
religieux, autre chose qu'un simple ajout. (NdT)
[71] Traduction assez libre
de "all things else he shall propound as from revelation
supernatural". (NdT)
[72] "of many things above, but of nothing against natural reason". Le choix de G. Mairet dans l'interprétation de "above" est discutable : "dont on a parlé ci-dessus". Le rapport "above ... against" semble raisonnablement mener au refus de cette traduction.
[73] Traduction courante de "stumbling-blocks". (NdT)
[74] Exode, XXXII, 1-2. (Note de Hobbes)
[75] "to
relapse". (NdT
[76] Juges, II, 11. (Note de Hobbes)
[77] "So that miracles failing, faith also failed". "to fail" : manquer, faire défaut, mais aussi s'affaiblir, diminuer. (NdT)
[78] 1. Samuel, VIII, 3. (Note de Hobbes)
[79] Ville de la limite méridionale de la Terre promise. Certaines traductions de la Bible la nomment Bersabée, d'autres Béer-Shéva.
[80] "cried out". "to cry" peut avoir le sens de réclamer en pleurant ou en criant. (NdT)
[81] Choix de R. Anthony, repris par F. Tricaud. (NdT)
[82] "juggling". Précédemment, nous avions traduit par "prestidigitation" quand il s'agit des tours de passe-passe des sorcières. Le verbe "to juggle" peut aussi être employé pour désigner des tripotages (financiers), des affaires qui ne se montrent pas au grand jour, et c'est ici le cas. (NdT)
[83] "the failing of virtue" : affaiblissement, manque, défaut de vertu. (NdT)
[84] Vu les dates, il ne peut s'agir de Chilpéric I ou de Chilpéric II. Il s'agit de Childéric III, dernier roi mérovingien, qui régna de 743 à 751. A vrai dire, ce n'est pas Zacharie qui déposa directement ce roi, mais Pépin le Bref, avec le consentement pontifical. (NdT)
[85] Voir note précédente. (NdT)
[86] "vales of purgatory" dans certaines versions, ce qui ne veut rien dire (vallées du purgatoire). F. Tricaud signale dans une note que la tache du manuscrit de Londres laisse lisible la fin du mot : "...yles" qui serait la fin de vayles (vails dans l'anglais moderne - voir "avail"). Il s'agit donc des "profits du purgatoire", donc, très certainement des indulgences. F. Tricaud choisit finement la traduction "casuel du purgatoire", en faisant allusion à la rubrique "casuel de la pénitence" du Dictionnaire de théologie catholique. Le mot "casuel" indique qu'il ne s'agit pas d'un revenu fixe mais d'un revenu provenant de certaines prestations occasionnelles (voir le latin "casus"). La version latine utilise le mot "indulgentiae". R. Anthony traduit par "indulgences", G. Mairet par "honoraires du purgatoire". (NdT)
[87] L'idée n'est peut-être pas très claire. La phrase doit s'entendre ainsi : la recherche du profit personnel chez les membres du clergé menace la foi. Il est donc nécessaire que l'Etat prenne les mesures nécessaires pour faire vivre cette foi, et la simple exposition des qualités du Clergé ne peut évidemment pas - vu les pratiques - être suffisante. Est ainsi réaffirmée la fonction essentiellement civile d'une religion contrôlée par l'Etat dans ses manifestations extérieures à la conscience individuelle. (NdT)
[88] "unpleasing priests" : littéralement, les prêtes qui déplaisent. (NdT)