PHILOTRAHOBBES : LEVIATHAN – Traduction de Philippe Folliot avec notes.

Chapitre 14Chapitre 16 - Sommaire des chapitres traduits avec notes - Index Philotra

 

 

Chapitre 15 : Des autres lois de nature

 

De cette loi de nature par laquelle nous sommes obligés de transmettre à autrui des droits qui, s'ils sont conservés, empêchent [1] la paix du genre humain, il s'ensuit une troisième, qui est celle-ci : que les hommes exécutent les conventions qu'ils ont faites; sans quoi, les conventions sont [faites] en vain et ne sont que des paroles vides; et le droit de tous les hommes sur toutes choses demeurant, nous sommes toujours dans l'état de guerre.

 

Et c'est en cette loi de nature que consiste la source et l'origine de la JUSTICE. Car là où aucune convention n'a précédé, aucun droit n'a été transmis, et tout homme a droit sur toute chose et, par conséquent, aucune action ne peut être injuste. Mais quand une convention est faite, alors la rompre est injuste, et la définition de l'INJUSTICE n'est rien d'autre que la non-exécution de convention [2]. Et tout ce qui n'est pas injuste est juste.

 

Mais parce que les conventions fondées sur la confiance mutuelle, où il y a une crainte que l'une des parties ne s'exécute pas (comme il a été dit au chapitre précé­dent), sont invalides, quoique l'origine de la justice soit l'établissement de convent­ions, cependant en fait, il ne peut pas y avoir d'injustice tant que la cause d'une telle crainte ne disparaît pas, ce qui ne peut être réalisé alors que les hommes sont dans l'état naturel de guerre. C'est pourquoi, avant que les dénominations de juste et d'in­juste puissent avoir place, il faut qu'il y ait quelque pouvoir coercitif pour contraindre également les hommes à exécuter leurs conventions, par la terreur de quelque châtiment plus grand que le bénéfice qu'ils comptent tirer de la violation de la con­vention, et pour rendre sûre [3] cette propriété que les hommes acquièrent par contrat mutuel, en compensation du droit universel qu'ils abandonnent. Un tel pouvoir, il n'en existe aucun avant l'érection [4] d'une République. Et c'est ce qui ressort aussi de la définition ordinaire de la justice dans les Écoles, car il y est dit que la justice est une volonté constante de donner à chaque homme ce qui est sien [5]. Et donc, où il n'y a rien à soi, c'est-à-dire, nulle propriété, il n'y a aucune injustice, et là où aucun pouvoir coercitif n'a été érigé, c'est-à-dire là où il n'y a pas de République, il n'y a pas de propriété, tous les hommes ayant droit sur toutes choses. C'est pourquoi là où il n'y a pas de République, rien n'est injuste. Si bien que la nature [6] de la justice consiste à observer les conventions valides, mais la validité des conventions [7] ne commence qu'avec la constitution d'un pouvoir civil suffisant pour contraindre les hommes à les observer; et c'est alors aussi que commence la propriété.

 

L'insensé a dit dans son cœur : il n'existe aucune chose telle que la justice [8], et quelquefois, il l'a dit aussi en paroles, alléguant sérieusement que, la conservation et la satisfaction de chaque homme étant confiées à ses propres soins, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne pût faire ce qu'il croyait y contribuer [9] :  et c'est pourquoi faire ou ne pas faire des conventions, les respecter ou ne pas les respecter, n'était pas contraire à la raison quand cela contribuait à son propre bénéfice [10]. Il ne nie pas par là qu'il y ait des conventions, et qu'elles soient tantôt rompues, tantôt respectées et qu'une telle rupture [de contrat] puisse être appelée injustice, et l'observation [des conventions] justice; mais il pose [11] la question de savoir si l'injustice, la crainte de Dieu ôtée (car le même insensé a dit dans son cœur qu'il n'y avait pas de Dieu), ne se trouve pas parfois en accord avec cette raison qui dicte à tout homme son propre bien, en particulier quand elle contribue à un avantage tel qu'il nous met en état de ne pas tenir compte [12], non seulement de la désapprobation et des insultes, mais aussi du pouvoir des autres hommes. Le royaume de Dieu se gagne par la violence, mais qu'en serait-il s'il pouvait être gagné par la violence injuste? Serait-il contraire à la raison de l'obtenir ainsi, quand il serait impossible d'en recevoir du mal ? [13] Et si ce n'est pas contraire à la raison, ce n'est pas contraire à la justice, ou sinon, la justice ne peut pas être considérée comme bonne [14]. A partir d'un tel raisonnement, la méchanceté couronnée de succès a obtenu le nom de vertu, et certains, qui, en toutes autres choses, ont interdit [15] la violation de la parole [16], l'ont cependant autorisée quand c'était pour gagner un royaume. Et les païens, qui croyaient que Saturne avait été déposé par son fils Jupiter, croyaient pourtant que le même Jupiter était le vengeur de l'injustice, un peu comme dans ce passage portant sur le droit dans les commentaires de Coke sur Littleton, où il dit que, si l'héritier en titre [17] de la couronne est convaincu de trahison, la couronne doit cependant lui être transmise, et eo instante [18] l'acte de loi [qui accusait l'héritier] doit être [considéré comme] nul. On pourra être porté à inférer de ces exemples que quand l'héritier présomptif d'un royaume tuera celui qui le possède, même son père, vous pouvez appeler cela une injustice, ou par quelque autre dénomination de votre choix, et cependant, cet acte ne peut jamais être contraire à la raison, vu que toutes les actions volontaires des hommes tendent à leur propre avantage, et que sont les plus raisonnables celles qui contribuent le plus aux fins qu'ils visent. Toujours est-il que ce raisonnement spécieux est faux.

 

En effet, la question n'est pas celle des promesses mutuelles, où il n'y a aucune assurance, d'un côté et de l'autre, que la promesse sera tenue, comme quand aucun pouvoir civil n'a été érigé [19] au-dessus des parties qui promettent, car de telles promesses ne sont pas des conventions; mais si l'une ou l'autre des parties s'est déjà exécutée, ou là où il existe un pouvoir pour la faire s'exécuter, la question est de savoir s'il est contraire ou non à la raison, c'est-à-dire contraire à l'avantage de l'autre, de s'exécuter. Je dis que ce n'est pas contraire à la raison. Pour rendre cela évident [20], nous devons considérer ceci : premièrement, quand un homme fait une chose qui, quelles que soient les choses qu'il puisse prévoir ou sur lesquelles il puisse compter, tend à sa propre destruction, même si un événement fortuit [21], auquel il ne pouvait s'attendre, tourne à son avantage en se produisant, pourtant une telle issue ne rend pas la chose raisonnable ou sage. Deuxièmement, dans un état de guerre où, parce que fait défaut un pouvoir commun pour maintenir tous les hommes dans la peur, tout homme est l'ennemi de tout homme, personne ne peut espérer, par sa propre force, ou par ses qualités d'esprit [22], se protéger de la destruction sans l'aide de confédérés [23], et chacun attend que la confédération le défende de la même façon qu'elle défend tout autre; et c'est pourquoi celui qui déclare qu'il croit raisonnable de tromper ceux qui l'aident ne peut raisonnablement attendre d'autres moyens pour se mettre en sécurité que ceux qu'il peut tirer de son propre pouvoir singulier [24]. C'est pourquoi celui qui rompt sa convention et qui, par conséquent, déclare qu'il pense qu'il peut en raison le faire ainsi, ne peut pas être admis dans une société qui unit les hommes pour la paix et la défense, sinon par l'erreur de ceux qui l'admettent; et quand il est admis, ils ne peu­vent le garder en cette société sans voir le danger de leur erreur. On ne peut raisonnablement compter sur de telles erreurs comme moyens [d'assurer] sa sécurité. Et donc, s'il est laissé, ou jeté hors de la société, il périt; et s'il vit en société, c'est par l'erreur des autres hommes, qu'il ne peut pas prévoir, sur laquelle il ne pouvait pas compter, et par conséquent ce n'est pas là une façon raisonnable de préserver sa vie [25]. Ainsi, tous les hommes qui ne contribuent pas à sa destruction le supportent [26] unique­ment par ignorance de ce qui est bon pour eux-mêmes

 

Pour à ce qui est de gagner assurément et pour toujours la félicité céleste par n'importe quel moyen, voilà qui est frivole. Il n'y a qu'un moyen imaginable, et c'est de ne pas rompre mais de respecter les conventions.

 

Et pour ce qui est d'acquérir la souveraineté par rébellion, même si le résultat est obtenu, cependant, parce qu'on ne pouvait raisonnablement s'y attendre, mais s'atten­dre plutôt au contraire, et parce que, l'acquérant ainsi, on apprend aux autres à l'ac­quérir de la même manière, il est évident que cette tentative est contraire à la raison. La justice, donc, c'est-à-dire le respect des conventions, est une règle de raison [27] par laquelle il nous est interdit de faire quelque chose qui détruit notre vie, et par conséquent, c'est une loi de nature.

 

Certains vont plus loin, et pensent que la loi de nature [28] n'est pas de ces règles qui conduisent à la préservation de la vie humaine sur terre, mais de celles qui mènent à une félicité éternelle après la mort, félicité à laquelle peut conduire la rupture des conventions qui, par conséquent, est juste et raisonnable. Ainsi sont ceux qui pensent que c'est une oeuvre méritoire de tuer ou déposer le pouvoir souverain qui a été constitué au-dessus d'eux par leur propre consentement, ou de se rebeller contre lui [29]. Mais parce qu'il n'existe aucune connaissance naturelle de la condition de l'homme après la mort, encore moins de la récompense qui sera alors donnée pour avoir violé sa parole [30], mais seulement une croyance fondée sur d'autres hommes qui disent qu'ils en ont une connaissance surnaturelle, ou qu'ils connaissent ceux qui connaissent ceux qui en connaissent [31] d'autres qui en ont une connaissance surnaturelle, la violation de sa parole [32] ne peut pas être appelée un précepte de raison ou de nature.

 

D'autres, qui admettent comme une loi de nature le respect de la parole [33], font cependant exception de certaines personnes, comme les hérétiques ou ceux qui ont coutume de ne pas exécuter les conventions qu'ils ont passées avec d'autres; et cela est aussi contraire à la raison. Car si quelque défaut d'un homme était suffisant pour se libérer d'un pacte qui a été conclu, le même défaut aurait dû, en raison, être suffisant pour empêcher qu'il soit conclu.

 

Les dénominations [34] de juste et d'injuste, quand elles sont attribuées aux hommes, signifient une chose, et quand elles sont attribuées aux actions, une autre chose. Quand elles sont attribuées aux hommes, elles signifient la conformité ou la non conformité des mœurs à la raison. Mais quand elles sont attribuées à l'action, elles signifient la conformité ou la conformité à la raison, non des mœurs, ou de la manière de vivre [35], mais des actions particulières. Un homme juste, par conséquent, est celui qui veille le plus possible à ce que ses actions soient justes, et un homme injuste est celui qui néglige cela. Dans notre langue, on désigne de tels hommes plus souvent par les dénominations righteous [36] et unrighteous que par celles de just et injust [37], bien que le sens soit le même. C'est pourquoi un homme juste (righteous) ne perd pas ce titre par une ou quelques actions injustes (unjust) qui procèdent d'une passion soudaine, ou d'une erreur sur les choses ou les personnes, pas plus qu'un homme injuste (unrighteous) ne perd son caractère par des actions qu'il fait, ou dont il s'abstient, par crainte; parce que sa volonté n'est pas réglée [38] par la justice, mais par l'avantage manifeste de ce qu'il doit faire. Ce qui donne aux actions humaines la saveur [39] de la justice est une certaine noblesse, un courage chevaleresque [40], qu'on trouve rarement, par lequel un homme dédaigne de devoir [41] la satisfaction de son existence au dol [42] et au non respect des promesses. Cette justice des mœurs est ce que nous entendons quand nous nommons la justice une vertu et l'injustice un vice.

 

Mais la justice des actions ne fait pas qu'on nomme les hommes justes, mais innocents; et l'injustice des actions (qui se nomme aussi tort [43]) ne leur donne que la dénomination coupables.

 

De plus, l'injustice des mœurs est la tendance ou disposition [44] à faire tort, et elle est injustice avant de procéder à l'acte, et sans supposer quelque personne individuelle subissant un tort. Mais l'injustice d'une action (c'est-à-dire le tort) suppose qu'une personne individuelle subisse un tort, à savoir celle avec qui la convention a été faite : et c'est pourquoi, souvent, le tort est subi par un homme alors que le dommage rejaillit sur un autre. Par exemple, quand le maître ordonne à son serviteur de donner de l'argent à un tiers [45], si cela n'est pas fait, le tort est fait au maître, auquel il avait convenu d'obéir, mais le dommage rejaillit sur le tiers, envers qui il n'avait aucune obligation, et à qui, par conséquent, il ne pouvait faire tort. De même, dans les Républiques, des particuliers peuvent se remettre les uns aux autres leurs dettes, mais pas les vols et autres violences par lesquels ils subissent un dommage ; parce que la détention de [l'argent de] la dette est un tort qui leur est fait, mais les vols et la violence sont des torts faits à la personne de la République.

 

Tout ce qui peut être fait à un homme conformément à sa propre volonté, signifiée à l'agent, n'est pas un tort qui lui est fait. Car si celui qui agit n'a pas transmis son droit originaire de faire ce qui lui plaît par quelque convention antérieure, il n'y a pas de rupture de convention, et par conséquent, aucun tort ne lui est fait. Si cette transmission a été faite par convention antérieure, alors, le fait que la volonté que l'acte soit fait ait été signifiée [par celui qui subit l'action] libère celui qui agit de cette convention, et de nouveau, aucun tort n'est fait à celui qui subit l'action  [46]

 

La justice des actions est divisée par les auteurs en commutative et distributive. Ils disent que la première consiste en une proportion arithmétique, et que la seconde en une proportion géométrique. La justice commutative se trouve dans l'égalité de valeur des choses pour lesquelles on contracte [47], et la justice distributive dans la distribution d'avantages égaux à des hommes de mérite égal; comme si c'était une injustice de vendre plus cher qu'on n'achète, ou de donner à un homme plus qu'il ne mérite. La valeur de toutes les choses pour lesquelles on contracte est mesurée par l'appétit des contractants, et la juste valeur est donc celle qu'ils veulent bien leur donner. Et le mérite (en dehors de celui des conventions, où la partie qui s'exécute mérite que l'autre partie s'exécute, et qui relève de la justice commutative, non de la justice distributive) ne donne aucun droit à un dû [48], mais est simplement récompensé par une grâce. Et c'est pourquoi cette distinction, dans le sens où on a l'habitude de l'exposer, n'est pas correcte. A proprement parler, la justice commutative est la justice d'un contractant, c'est-à-dire l'exécution d'une convention dans l'achat et la vente, la prise et le don en location, le prêt et l'emprunt, l'échange, le troc, et les autres actes con­tractuels.

 

Et la justice distributive est la justice d'un arbitre, c'est-à-dire l'acte de définir ce qui est juste.  La charge d'arbitre lui ayant été confiée par certains [49], s'il remplit la charge confiée, on dit qu'il distribue à chaque homme ce qui est sien [50]. Et c'est en vérité une juste distribution, qui peut être appelée, quoiqu'improprement, justice dis­tributive, mais plus proprement équité, qui est aussi une loi de nature, comme nous le montrerons quand il sera nécessaire.

 

De même que la justice dépend d'une convention antérieure, la GRATITUDE dépend d'une grâce antérieure, autrement dit d'un don gratuit [51], et c'est une quatrième loi de nature, qui peut être conçue sous cette forme : que celui qui reçoit un avantage d'un autre par pure grâce s'efforce que celui qui fait le don n'ait pas de cause raisonnable de se repentir de sa bonne volonté [52]. Car personne ne fait un don, sinon avec l'intention d'un bien pour soi-même, parce que le don est volontaire, et l'objet de tous les actes volontaires de tout homme est son propre bien. Si des hommes voient qu'ils seront frustrés de ce bien, il n'y aura aucun commencement [53] de bienveillance ou de confiance, ni par conséquent d'aide mutuelle, ni de réconciliation de l'un avec l'autre. Et ils doivent donc demeurer dans l'état de guerre, ce qui est contraire à la première et fondamentale loi de nature qui ordonne aux hommes de rechercher la paix. L'infraction à cette loi est nommée ingratitude, et elle a la même relation avec la grâce que l'injustice avec l'obligation par convention.

 

Une cinquième loi de nature est la COMPLAISANCE [54]; autrement dit que chaque homme s'efforce de s'accommoder à autrui. Pour comprendre cela, nous devons considérer qu'en ce qui concerne le penchant [55] à la société, il y a chez les hommes une diversité de nature qui provient de la diversité des affections, qui n'est pas différente de celle que nous voyons entre les pierres réunies pour construire un édifice. Car, tout comme une pierre qui, par l'aspérité et l'irrégularité de sa forme prend plus de place aux autres qu'elle n'en remplit elle-même, et qui, à cause de sa dureté, ne peut pas être aisément aplanie et empêche par là la construction, est rejetée par les constructeurs comme inutilisable et gênante [56], un homme qui, par aspérité de nature [57], tâchera de conserver ces choses qui lui sont superflues mais qui sont nécessaires aux autres, et qui, à cause de l'entêtement de ses passions, ne peut être corrigé, sera laissé hors de la société, ou rejeté comme une gêne pour la société [58]. Car, vu que tout homme, non seulement par droit de nature, mais aussi par nécessité de nature, est supposé s'effor­cer autant que possible d'obtenir ce qui est nécessaire pour sa conservation, celui qui s'y opposera pour des choses superflues est coupable de la guerre qui doit en résulter, et il fait donc ce qui est contraire à la loi fondamentale de nature qui ordonne de rechercher la paix. Ceux qui observent cette loi peuvent être appelés SOCIABLES (les latins les nomment commodi [59]), le contraire étant entêtés, insociables, rebelles, intraitables [60].

 

Une sixième loi de nature est celle-ci : que, si on a des garanties pour l'avenir [61], on doit pardonner les offenses passées à ceux qui s'en repentent et qui désirent ce pardon. PARDONNER, en effet, n'est rien d'autre qu'octroyer la paix. Cependant, si elle est octroyée à ceux qui persévèrent dans leur hostilité, elle n'est pas paix, mais crainte. Néanmoins, ne pas l'octroyer à ceux qui donnent des garanties pour l'avenir est signe d'une aversion pour la paix, et [ce refus] est contraire à la loi de nature.

 

Une septième loi est : que, dans les vengeances (c'est-à-dire punir [62] le mal par le mal), on ne regarde pas à la grandeur du mal passé, mais à la grandeur du mal à venir; loi par laquelle il nous est interdit d'infliger des punitions avec un autre dessein que celui de corriger l'offenseur ou de diriger les autres [63]. Car cette loi est la conséquence de celle qui précède immédiatement, qui ordonne de pardonner quand on est assuré de l'avenir. En outre, la vengeance qui ne tient pas compte de l'exemple et de l'avantage à venir n'est qu'un triomphe, une gloire qu'on tire du mal subi par les autres [64], qui ne tend à aucune fin (car la fin est toujours quelque chose à venir); et tirer gloire [de quelque chose] sans tendre à une fin, c'est de la vaine gloire, et elle est contraire à la raison. Faire du mal à quelqu'un sans raison tend à introduire la guerre, ce qui est contraire à la loi de nature et est couramment désigné par la dénomination cruauté.

 

Et parce que tous les signes de haine ou de mépris incitent [65] au combat [66], vu que la plupart des hommes choisissent de hasarder leur vie plutôt que de ne pas se venger, nous pouvons, en huitième lieu, poser ce précepte : que personne, par des actes, des paroles, par des expressions du visage, par des gestes, ne déclare haïr ou mépriser un autre. L'infraction à cette loi est couramment nommée outrage [67].

 

La question de savoir qui est le meilleur n'a pas sa place dans l'état de simple nature (comme il a été montré précédemment) où tous les hommes sont égaux. L'inégalité qui existe aujourd'hui a été introduite par les lois civiles. Je sais qu'Aris­tote, au premier livre de ses Politiques, comme fondement de sa doctrine, rend, par nature, certains hommes dignes de commander, entendant [par là] la catégorie la plus sage, à laquelle il croyait appartenir par sa philosophie, et d'autres de servir, entendant [par là] ceux qui possédaient des corps vigoureux, mais n'étaient pas philosophes comme lui; comme si les maîtres et les serviteurs n'étaient pas introduits par le consentement des hommes, mais par la différence d'esprit [68]; ce qui n'est pas seule­ment contraire à la raison, mais est aussi contraire à l'expérience. Car il en est très peu qui sont assez insensés [69] pour se laisser gouverner par les autres plutôt que de se gouverner eux-mêmes. Quand ceux qui s'imaginent être sages combattent par la force avec ceux qui se défient de leur propre sagesse, ils n'obtiennent la victoire ni toujours, ni souvent, mais presque jamais [70]. Donc, si la nature a fait les hommes égaux, cette égalité doit être reconnue, ou si la nature a fait les hommes inégaux, cependant parce que les hommes qui se croient eux-mêmes égaux ne concluront pas la paix, sinon sur des clauses égales [71], une telle égalité doit être admise. Et c'est pourquoi comme neuvième loi de nature, je pose celle-ci : que tout homme reconnaisse autrui comme son égal par nature. L'infraction à cette loi est l'orgueil.

 

De cette loi en dépend une autre : que, en concluant la paix, personne n'exige de se réserver un droit qu'il ne serait pas satisfait de voir tous les autres se réserver. De même qu'il est nécessaire que tous les hommes qui recherchent la paix sacrifient [72] certains droits de nature, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas la liberté de faire tout ce qui leur plaît, aussi il est nécessaire, pour la vie de l'homme, d'en conserver certains [73] : comme le droit de gouverner son propres corps, de jouir de l'air, de l'eau, du mouvement, d'aller d'un endroit à un autre, et toutes les autres choses sans lesquelles un homme ne peut vivre, ou [du moins] ne peut vivre bien. Si, dans ce cas, en faisant la paix, des hommes exigent pour eux-mêmes ce qu'ils ne voudraient pas voir accor­der aux autres, ils agissent contrairement à la précédente loi qui ordonne qu'on reconnaisse l'égalité naturelle, et par conséquent aussi contre la loi de nature. Ceux qui observent cette loi sont ceux que nous appelons hommes modestes [74], et ceux qui enfreignent cette loi des hommes arrogants. Les Grecs appellent la violation de cette loi pleonexia [75], c'est-à-dire un désir d'avoir plus que sa part.

 

De même, si un homme se voit confier la charge de juger entre un homme et un homme, c'est un précepte de la loi de nature qu'il les traite avec égalité [76]. Sans cela, les disputes des hommes ne peuvent être résolues, sinon par la guerre. Par consé­quent, celui qui est partial dans un jugement fait tout ce qu'il faut [77] pour décourager les hommes de recourir aux juges et aux arbitres, et [ce qu'il fait ainsi] contre la loi fondamentale de nature est la cause de la guerre.

 

L'observation de cette loi, qui porte sur l'égale distribution à chacun de ce qui lui appartient en raison, est appelée ÉQUITÉ, et (comme je l'ai dit précédemment) justice distributive. La violation [de cette loi] est appelée acception [78] de personnes, prosopolepsia [79].

 

Et de là découle une autre loi :qu'on jouisse en commun des choses qui ne peuvent être divisées, si c'est possible; et si la quantité des choses le permet, sans restriction; autrement, proportionnellement au nombre de ceux qui y ont droit. Car autrement [80], la distribution est inégale et contraire à l'équité.

 

Mais il existe certaines choses qu'on ne peut diviser ou dont on ne peut jouir en commun. Alors, la loi de nature qui prescrit l'équité exige : que le droit entier, ou autrement (faisant un usage alterné) la première possession, soit déterminé par le sort [81]. Car l'égale distribution est prescrite par la loi de nature, et d'autres moyens d'égale distribution ne peuvent pas être imaginés.

 

Il y a deux sortes de sort [82], l'un arbitraire [83], l'autre naturel. L'arbitraire est celui sur lequel s'accordent les concurrents, le naturel est soit la primogéniture (que les Grecs nomment kleronomia [84], qui signifie donné par le sort), soit la première occupation [85].

 

Et par conséquent, ces choses dont on ne peut jouir en commun, et qui ne peuvent pas être divisées, doivent être adjugées au premier possesseur [86], et dans certains cas au premier-né, en tant que choses acquises par sort.

 

C'est aussi une loi de nature qu'on alloue un sauf-conduit  [87] à ceux qui servent de médiateur pour [conclure] la paix. En effet, la loi qui ordonne la paix comme fin ordonne la médiation [88] comme moyen, et le sauf-conduit est le moyen de la médiation.

 

Quelque bien disposés que soient jamais les hommes à observer ces lois, il peut cependant surgir des questions au sujet de l'action d'un homme : premièrement, si elle a été faite ou non; deuxièmement, au cas où elle est faite, si elle contraire à la loi ou non. La première est appelée question de fait, la seconde question de droit [89]; et donc, à moins que les parties, pour la question, ne conviennent mutuellement de s'en tenir au jugement d'un tiers, elles sont aussi loin que jamais de la paix. Ce tiers, au jugement duquel ils se soumettent, est appelé un ARBITRE. Et, par conséquent, c'est la loi de nature que ceux qui sont en dispute soumettent leur droit au jugement d'un arbitre.

 

Et, vu que tout homme est présumé faire toute chose en vue de son propre avantage, nul n'est le juge qui convient pour sa propre cause; et si jamais il convenait parfaitement, cependant l'équité allouant à chaque partie un avantage égal, si l'on admet que l'une soit juge, il faut aussi admettre que l'autre le soit; et ainsi la dispute, c'est-à-dire la cause de guerre, demeure, contrairement [à ce que prescrit] la loi de nature.

 

Pour la même raison, nul, en une cause quelconque, ne doit être reçu comme arbitre, s'il retire apparemment un plus grand avantage, un plus grand honneur, un plus grand plaisir de la victoire d'une des parties que de celle de l'autre, car il se laisse malgré tout corrompre [90], bien que ce soit une corruption inévitable [91], et personne n'est obligé de lui faire confiance. Et ainsi, de même, la dispute et l'état de guerre demeurent, ce qui est contraire à la loi de nature.

 

Et dans une dispute qui concerne un fait, le juge ne devant pas accorder plus de crédit à l'une des parties qu'à l'autre [92], il doit, s'il n'y a pas d'autres preuves, accorder crédit à un troisième; ou à un troisième et un quatrième, et davantage; car autrement, la question n'est pas résolue, et elle est abandonnée à la force, ce qui est contraire à la loi de nature.

 

Voilà les lois de nature, qui ordonnent la paix comme un moyen de conservation des hommes dans les multitudes, et qui concernent seulement la doctrine de la société civile. Il y a d'autres choses qui tendent à la destruction des particuliers, comme l'ivrognerie et les autres sortes d'intempérance, qui peuvent par conséquent être comptées parmi ces choses que la loi de nature a interdites, mais qu'il n'est pas néces­saire et pertinent de mentionner à cet endroit.

 

Et quoique cette déduction des lois de nature puisse paraître trop subtile pour que tous les hommes y prêtent attention, hommes dont la plupart sont trop occupés du soin de leur alimentation, et le reste trop négligent pour comprendre, cependant, pour les laisser sans excuses, ces lois de nature ont été condensées en un résumé facile [93] [à comprendre], même intelligible à celui qui a les capacités les plus limitées, et ce résumé est : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même, [résumé] qui lui montre qu'il n'a rien de plus à faire, pour apprendre les lois de nature, que, quand il compare le poids des actions des autres hommes avec les siennes et qu'elles semblent trop lourdes, les mettre sur l'autre plateau de la balance, et mettre les siennes à leur place, pour que ses propres passions et son amour de soi ne puissent rien ajouter au poids. Alors, il n'est aucune de ces lois de nature qui ne lui apparaîtra très raisonnable [94].

 

Les lois de nature obligent in foro interno, autrement dit, on se sent contraint [95] de désirer qu'elles s'effectuent; mais pas toujours in foro externo [96], c'est-à-dire de les appliquer dans les faits [97]. Car celui qui serait modeste et accommodant, et qui exécuterait toutes ses promesses en un temps et un lieu où aucun autre ferait de même, s'offrirait aux autres comme une proie, et provoquerait assurément sa propre perte, contrairement au fondement de toutes les lois de nature qui tend(ent) à la préservation de la nature. Et de même, celui qui, ayant une assurance suffisante que les autres observeront les mêmes lois envers lui, ne les observe pas lui-même, ne recherche pas la paix, mais recherche la guerre, et par conséquent la destruction de sa nature par la violence.

 

Et quelles que soient les lois qui obligent [98] in foro externo, elles peuvent être enfreintes, non seulement par un fait contraire à la loi, mais aussi par un fait qui s'accorde avec la loi, au cas où un homme la croit contraire. Car, bien que son action, dans ce cas, s'accorde avec la loi, cependant son intention [99] est contraire à la loi, ce qui, là où l'obligation est in foro interno, est une infraction.

 

Les lois de nature sont immuables et éternelles, car l'injustice, l'ingratitude, l'arrogance, l'orgueil, l'iniquité, l'acception de personnes, et le reste, ne peuvent jamais être rendues légitimes [100], car il n'est jamais possible que la guerre préserve la vie, et que la paix la détruise [101].

 

Les mêmes lois, parce qu'elles n'obligent qu'à désirer et s'efforcer, entendu au sens d'un effort non simulé et constant, sont faciles à observer [102], car en ce qu'elles n'exigent rien d'autre qu'un effort, celui qui s'efforce de les exécuter leur obéit pleinement [103]; et celui qui obéit pleinement à la loi est juste.

 

Et la science de ces lois est la seule et vraie philosophie, car la philosophie morale n'est rien d'autre que la science de ce qui est bon et mauvais [104] pour les relations et la société humaines. Bon et mauvais sont des dénominations qui signifient [105] nos appétits [106] et nos aversions, qui diffèrent selon les différents [107] tempéraments, coutumes et doctrines des hommes. Et les hommes divers ne diffèrent pas seulement dans leur jugement sur la sensation de ce qui est plaisant ou déplaisant au goût, à l'odorat, à l'ouïe, au toucher et  la vue, mais aussi sur ce qui est conforme ou non conforme à la raison [108] dans les actions de la vie courante. Mieux, le même homme, à divers moments, diffère de lui-même, et à un moment, il loue, c'est-à-dire il appelle bon, ce qu'à un autre moment il blâme et appelle mauvais. De là surgissent des querelles, des polémiques et finalement la guerre. Et c'est pourquoi, tant qu'on est dans l'état de simple nature, qui est un état de guerre, l'appétit personnel est la mesure du bon et du mauvais. Par conséquent, tous les hommes s'accordent en ce que la paix est bonne, et donc aussi le chemin [qui mène à la paix], les moyens [d'atteindre] cette paix, qui (comme je l'ai déjà montré) sont la justice, la gratitude, la modestie, l'équité, la pitié [109] et les autres lois de nature, sont bons, c'est-à-dire des vertus morales, et leur contraire des vices, des choses mauvaises [110]. Or la science de la vertu et du vice est la philo­sophie morale, et donc la vraie doctrine des lois de nature est la vraie philosophie morale. Mais les auteurs de philosophie morale, quoiqu'ils reconnaissent les mêmes vertus et les mêmes vices, ne voyant pas en qui consiste leur bonté, et en quoi elles viennent à être loués [111] en tant que moyens d'une vie paisible, sociale et agréable, les situent [112] dans la médiocrité [113] des passions, comme si ce n'était pas la cause, mais le degré d'audace, qui faisait la force d'âme, ou comme si ce n'était pas la cause, mais la quantité donnée, qui faisait la libéralité.

 

Ces hommes ont coutume de désigner ces commandements de la raison par la dénomination lois, mais c'est improprement [qu'ils le font], car ces commandements ne sont que les conclusions ou théorèmes qui concernent ce qui conduit [114]  à la conservation et à la défense de soi-même, alors que la loi est proprement ce que dit [115] celui qui, de droit, à le commandement sur autrui. Cependant, si nous considérons les mêmes théorèmes en tant qu'ils sont transmis par la parole de Dieu qui, de droit, commande à toutes choses, alors ils  sont proprement appelées lois [116].


 

Traduction Philippe Folliot
 

Version téléchargée en août 2003.

 

 

 

 



[1]              "hinder the peace". Le verbe "to hinder" peut signifier gêner, embarrasser. F. Tricaud, conscient de cela, a préféré traduire "nuisent à la paix". Pourtant, il est très clair que l'absence de transmission du droit bloque tout processus du paix. Il ne peut s'agit d'une gêne ou d'une entrave provisoire. (NdT)

 

[2]              "the not performance of covenant". (NdT)

 

[3]              "to make good". L'expression est polysémique. Nous tairons le "pour rendre bonne" de G. Mairet. R. Anthony choisit "confirmer" et F. Tricaud traduit par "garantir". L'expression (dans le contexte présent) peut soit signifier qu'on dédommage (compense), soit signifier qu'on légitime, qu'on transforme une simple possession de fait en une propriété de droit défendue par le Souverain, qu'on assure, qu'on institutionnalise cette propriété. (NdT)

 

[4]              Il me semblerait maladroit de faire disparaître ce terme (pour l'anglais "erection"- voir plus loin aussi le verbe "to erect"), ce que font pourtant R. Anthony et G. Mairet. (NdT)

 

[5]              "his own" : ce qui lui est propre, ce qui lui appartient en propre, ce qui est sien. (NdT)

 

[6]              Le latin dit "l'essence". (NdT)

 

[7]              On notera que G. Mairet choisit ici le mot "contrat". (NdT)

 

[8]              "there is no such thing as justice". (NdT)

 

[9]              F. Tricaud utilise le verbe "interdire" pour rendre "might not" ("there could be no reason why every man might not do what he thought conduced thereunto"). A noter : "to conduce" : contribuer, favoriser. On notera que R. Anthony, F. Tricaud et G. Mairet négligent le temps passé du texte anglais. (NdT)

 

[10]             On notera deux passages dicutables dans la traduction de G. Mairet : 1) "qu'elles soient respectées ou non" n'est pas fidèle mais acceptable ("and therefore also to make, or not make; keep, or not keep, covenants"). 2) Beaucoup plus discutable est la traduction de "was not against reason when it conduced to one's benefit" par "ce ne serait pas contraire à la raison qu'on y trouve son avantage" (souligné par nous). (NdT)

 

[11]             L'absence de pronom réfléchi ne semble pas permettre l'utilisation d'un verbe pronominal (voir R. Anthony : "il se demande" et G. Mairet : "il se pose la question".). (NdT)

 

[12]             Je reprends la traduction de R. Anthony, que F. Tricaud a aussi choisie. (NdT)

 

[13]             "hurt". (NdT)

 

[14]             "or else justice is not to be approved for good". "to approve" peut avoir le sens de ratifier, homologuer. (NdT)

 

[15]             "have disallowed". (NdT)

 

[16]             "have disallowed the violation of faith". (NdT)

 

[17]             "the right heir" : l'héritier légitime, selon le droit. (NdT)

 

[18]             A l'instant. (NdT)

 

[19]             On notera que G. Mairet évite de nouveau ce verbe. (NdT)

 

[20]             "For the manifestation whereof ". (NdT)

 

[21]             "accident". (NdT)

 

[22]             "wit". (NdT)

 

[23]             "without the help of confederates". (NdT)

 

[24]             "from his own single power". (NdT)

 

[25]             Traduction libre de "and consequently against the reason of his preservation". (NdT)

 

[26]             "forbear". R. Anthony et F. Tricaud : "l'épargnent". G. Mairet : "le tolèrent". (NdT)

 

[27]             "a rule of reason". (NdT)

 

[28]             "the law of nature". F. Tricaud utilise un pluriel sans justification. (NdT)

 

[29]             On notera l'incorrection grammaticale de la traduction de G. Mairet. (NdT)

 

[30]             "the reward that is then to be given to breach of faith". (NdT)

 

[31]             Le verbe utilisé par Hobbes dans cette phrase est "to know". Je pense qu'il est maladroit de faire alterner "savoir" et "connaître". Seul F. Tricaud, une fois n'étant pas coutume, commet cette maladresse. (NdT)

 

[32]             "breach of faith". (NdT)

 

[33]             "the keeping of faith". (NdT)

 

[34]             Pour le choix de cette traduction pour "names", voir les notes du chapitre 4 de la 1ère partie. (NdT)

 

[35]             "not of manners, or manner of life". (NdT)

 

[36]             Juste, droit, vertueux. Le contraire : injuste, inique. (NdT)

 

[37]             Juste et injuste. (NdT)

 

[38]             "framed". (NdT)

 

[39]             "relish". Le mot "caractéristique", chez F. Tricaud, a été ajouté (avec assez de bonheur) et ne correspond à rien dans le texte anglais. (NdT)

 

[40]             "gallantness of courage". F. Tricaud, qui traduit par "générosité du tempérament" est plus fidèle au texte latin qu'au texte anglais.

 

[41]             "to be beholding for ...to..." : "être redevable de ... à ..." Ce sens a échappé, semble-t-il, aux traducteurs.  On eût pu employer aussi le verbe "tenir". (NdT)

 

[42]             "fraud" : fraude, tromperie. Vu le contexte juridique, le mot "dol" semble indiqué. (NdT)

 

[43]             "injury" : préjudice, tort, dommage. (NdT)

 

[44]             "the disposition or aptitude". (NdT)

 

[45]             G. Mairet choisit bizarement "un étranger". (NdT)

 

[46]             Le paragraphe peut sembler confus, et le texte anglais l'est aussi, par la répétition des pronoms personnels. L'idée est pourtant très simple : dans tous les cas de figure, un acte qu'on autorise explicitement ne peut nous faire subir un tort. 1) Si aucun contrat n'a été fait, cette autorisation fait qu'on ne subit aucun tort (la question du respect de la convention ne se posant pas). 2) Mais si l'autre m'a remis son droit d'agir (par convention), le cas est le même : si j'autorise l'acte, je ne subis aucun tort, l'autorisation délivrant l'autre de la convention.  (NdT)

 

[47]             Le "des choses contractées" de G. Mairet semble maladroit. (NdT)

 

[48]             Littéralement : "le mérite n'est pas dû par justice". (NdT)

 

[49]             Le passage est délicat ("being trusted by them that make him arbitrator, if he perform his trust, he is said to distribute to every man his own"). En effet, le verbe ("being trusted") et le substantif ("his trust") utilisés renvoient d'une part à l'idée de confiance, d'autre part à l'idée d'une charge, d'une fonction. G. Mairet se contente, dans les deux cas, du mot charge, mais le lecteur n'y trouve pas son compte. Le choix de F. Tricaud est correct : "commis par la confiance, commission". R. Anthony ne s'attache qu'à l'idée de confiance. (NdT)

 

[50]             "his own". (NdT)

 

[51]             "free gift". (NdT)

 

[52]             "good will". F. Tricaud traduit par "bienveillance" (qui se dit plutôt "benevolence". Néanmoins, Hobbes a associé bienveillance et bonne volonté dans la même définition au chapitre 6 de la 1ère partie, ce qui peut justifier le choix de F. Tricaud.). (NdT)

 

[53]             "beginning". F. Tricaud ne traduit pas directement ce mot, en quoi il a tort car ce terme est très adapté à la conception mécaniste hobbesienne de la pensée. F. Tricaud traduit : "la bienveillance et la confiance n'apparaîtront pas". G. Mairet ignore totalement le mot et n 'offre aucune traduction. Le traducteur qui aurait voulu choisir une formule plus élégante aurait pu opter pour: "on ne verra pas la moindre amorce ...". (NdT)

 

[54]             G. Mairet traduit "complaisance" par "bienveillance". Or, au chapitre 6 de la 1ère partie, Hobbes s'exprime en ces termes : "Le désir du bien pour autrui [est] la BIENVEILLANCE, la BONNE VOLONTÉ, la CHARITÉ. Si cette passion vise l'homme en général, on parle de BON NATUREL." Nous avons précédemment vu Hobbes parler de bienveillance pour un don gratuit. Dans le passage actuel, il ne s'agit pas à proprement parler de bienveillance, mais de capacité à s'adapter à la vie sociale, pour des mobiles bien évidemment égoïstes. La complaisance dont parle ici notre auteur renvoie à la psychologie des hommes qui ont mené un juste calcul rationnel, et dont les passions peuvent s'adapter aux moyens que nécessite la fin (essentiellement éviter la mort). Ceux qui n'ont pas bien mené ce calcul rationnel ou dont les passions ne sont pas compatibles avec la vie sociale ne peuvent pas s'accomoder aux autres, ils ne peuvent pas faire preuve de bienveillance. En admettant même avec indulgence que certains hommes, qui contractent, soient portés à la bienveillance, ce trait psychologique particulier ne saurait permettre d'élaborer une loi de nature dont la portée doit être générale.  Seule la complaisaince (capacité de s'accommoder aux autres), en tant qu'elle est une condition nécessaire de la vie sociale peut constituer une loi de nature. On pourra penser que G. Mairet a évité le mot "complaisance" en raison du sens que ce mot a aujourd'hui : disposition à s'accommoder à quelqu'un pour lui plaire. On notera néanmoins que si l'idée de bienveillance n'est, pour cette loi de nature, ni présente dans le De Cive, ni présente dans le Léviathan, elle apparaît dans les Elements of Law (I,XVI,8) : "that passion by which we strive mutually to accommodate each other, must be the cause of peace. And this passion is that charity defined chap. IX, sect. 17. 9." (cette passion par laquelle nous tâchons mutuellement de nous accomoder l'un à l'autre doit être la cause de la paix. Et cette passion est cette charité définie au chapitre IX, sect.17.9." - Trad. P.Folliot). Dans le chapitre de renvoi, Hobbes écrit : "There is yet another passion sometimes called love, but more properly good will or CHARITY. There can be no greater argument to a man of his own power, than to find himself able, not only to accomplish his own desires, but also to assist other men in theirs: and this is that conception wherein consisteth charity." (Il y a encore une autre passion, quelquefois nommée amour, mais plus proprement bonne volonté (bienveillance) ou charité. Il ne peut y avoir de plus forte preuve, pour un homme, de son propre pouvoir, de se trouver capable, non seulement de satisfaire ses propres désirs, mais aussi d'aider les autres à satisfaire les leurs. Et c'est en cette conception que consiste la charité - Trad. P.Folliot) (NdT)

 

[55]             "aptness" : aptitude, tendance, penchant, propension. (NdT)

 

[56]             G. Mairet, qui traduit par "impropre à la construction" aurait dû songer au sens de l'image hobbesienne. (NdT)

 

[57]             "by asperity of nature". Précédemment, pour la pierre, Hobbes avait écrit : "by the asperity". (NdT)

 

[58]             "as cumbersome thereunto". (NdT)

 

[59]             Différents sens dont "accomodant, agréable, plaisant". (NdT)

 

[60]             "stubborn, insociable, forward, intractable". Le mot le plus délicat à traduire est "forward" : effronté (le plus fidèle à l'anglais), hardi, mutin. Le "incommode" de F. Tricaud et le "incon­ciliables" de G. Mairet demanderaient quelques explications. R. Anthony traduit par "indociles". (NdT)

 

[61]             "upon caution of the future time". (NdT)

 

[62]             "retribution". F. Tricaud reprend la traduction de R. Anthony : "rendre la mal pour le mal". G. Mairet, influencé par le mot français rétribution, choisit "payer le mal par le mal". Si certains mots anglais (de même origine), comme "tribute", peuvent renvoyer à l'acte de payer, il ne semble pas (malgré l'étymologie) que le mot anglais "retribution" soit couramment utilisé en ce sens. On est donc dans l'ordre de l'image. (NdT)

 

[63]             "for correction of the offender, or direction of others". Le mot "direction" a autant le sens de direction que d'instruction. Dans "Elements of Law", Hobbes écrit : "all revenge ought to tend to amendment, either of the person offending, or of others, by the example of his punishment" (Toute vengeance doit tendre à amender soit l'offenseur, soit les autres, par l'exemple de la punition. - Trad. P.Folliot). Dans le De Cive, Hobbes écrit :"or that others warned by his punishment may become better." (ou pour que les autres, avertis par cette punition, puissent devenir meilleurs - Trad.P.Folliot).

 

[64]             "glorying in the hurt of another". La traduction de G. Mairet est malheureuse : "la glorification de la douleur des autres" (sic). Dans le De Cive, Sorbière avait jugé bon de traduire "glory" par "gloire d'esprit", traduction reprise dans la traduction des Elements of law... par Louis Roux.

 

[65]             "provok" : incitent, poussent, provoquent. Sorbière, dans le De Cive, traduit par "excitent", Louis Roux, dans sa traduction des Elements of Law, choisit "provoquent" (comme R. Anthony, F. Tricaud et G. Mairet dans le Léviathan). (NdT)

 

[66]             Dans les Elements of Law, Hobbes ajoute la querelle ("all signs which we shew to one another of hatred and contempt, provoke in the highest degree to quarrel and battle"), ce qui lui permet de faire une critique de l'attitude des riches envers les pauvres et des puissants envers les faibles, et de lier la question du mépris à celle de la valeur de la vie. (NdT)

 

[67]             "contumely". Voir le latin "contumelia" (verbe "contumelio"),  R. Anthony : "insolence". F. Tricaud : "outrage". G. Mairet : "insulte". On notera que dans le De Cive, Hobbes choisit le terme "reproach" ("The breach of which Law is called Reproach."), que Sorbière traduit par "outrage". (NdT)

 

[68]             "wit", c'est-à-dire l'intelligence, la vivacité intellectuelle, les talents d'esprit. Dans le De Cive, Hobbes écrit : "but by an aptnesse, that is, a certain kind of naturall knowledge, or ignorance" ("mais par une aptitude (disposition), c'est-à-dire un certain genre de connaissance naturelle, ou d'ignorance naturelle" - Trad. P. Folliot). (NdT)

 

[69]             "foolish".

 

[70]             Le "mais" est nécessaire ici pour traduire "or". "almost at any time" : presque jamais. (NdT)

 

[71]             "yet because men that think themselves equal will not enter into conditions of peace, but upon equal terms". R. Anthony : "en raison de ce qu'ils se croient égaux et n'établissent de paix entre eux que sur le pied de l'égalité." F. Tricaud : "étant donné que les hommes, se jugeant égaux, refuse­ront de conclure la paix, si ce n'est sur un pied d'égalité." G Mairet : "ceux qui pensent qu'ils sont égaux n'instituertont pas un état de paix, sauf en des termes égaux." "to enter into conditions of peace : conclure la paix, ou plus exactement - ce qui ne peut se dire - conclure l'état de paix. (NdT)

 

[72]             "lay down". (NdT)

 

[73]             Le De Cive parle de "common Rights". (NdT)

 

[74]             F. Tricaud est le seul qui, considérant très certainement l'étymologie (modestus, de modus, mesure), choisit de traduire "modest" par "mesuré". Les Elements of law ne parlent pas de modes­tie mais d'équité. Le De Cive utilise le mot "meekness"(humilité) Dans notre traduction, le modeste n'est évidemment pas celui qui fait preuve de médiocrité, mais celui  qui a une opinion modérée de lui-même, et qui ne réclame pas plus que son dû à partir d'une fausse idée de sa supériorité. (NdT)

 

[75]             En caractères grecs dans le texte (idem dans les Elements of Law et le De Cive). Le mot désigne d'abord le fait d'avoir plus qu'autrui, ou d'avoir trop de biens. Par suite, le mot désigne le désir d'avoir plus que les autres. Il prend alors de façon générale le sens de cupidité, convoitise. Le De Cive précise que les Latins utilisent les mots "immodici & immodesti". Les Elements of Law pré­cisent : "The breach of this law is that which the Greeks call Pleonexia, which is commonly rende­red covetousness, but seemeth to be more precisely expressed by the word ENCROACHING."( "L'infraction à cette loi est ce que les Grecs appellent pleonexia, qu'on rend communément par le mot cupidité (convoitise), mais qui semble être plus précisément exprimé par le mot usurpation." - Trad. P. Folliot). (NdT)

 

[76]             La formule de G. Mairet ("qu'il traite entre eux avec égalité") est malheureuse, même si elle part d'une bonne intention ("between them"). (NdT)

 

[77]             "doth what in him lies" : très exactement "fait tout ce qu'il peut (tout ce qui est son pouvoir)". Cette traduction est bien sûr impossible, vu le sens du passage. (NdT)

 

[78]             L'expression signifie qu'on fait entrer en ligne de compte le statut des personnes, leur position sociale, etc. C'est déjà l'un des sens du mot latin acceptio. (NdT)

 

[79]             En caractères grecs dans le texte (idem dans le De Cive). Le mot grec prosopon signifie figure, face, visage, mais aussi masque. Le juge qui est prosopoleptes tient compte des personnes, est partial : c'est la prosopolepsia. (NdT)

 

[80]             La répétition se trouve chez Hobbes. (NdT)

 

[81]             "determined by lot". Le mot anglais "lot" peut difficilement être rendu ici. Il renvoie aussi bien au sort qu'au lot ( la part). F. Tricaud n'est pas fidèle à Hobbes en employant l'expression "tirage au sort" qui supposerait la présence d'un verbe (to draw - drawing). D'ailleurs, dans la suite, il paraît difficile de parler d'un tirage au sort naturel pour la primogéniture. On notera l'utilisation de l'expression archaïque (en ce sens) "jeter le sort" par Sorbière, dans sa traduction du De Cive. (NdT)

 

[82]             Sorbière, dans le De Cive, traduit par "hasard". (NdT)

 

[83]             F. Tricaud traduit par "conventionnel", alors que Hobbes utilise le mot "arbitrary" et non le mot "conventional". (NdT)

 

[84]             Le sens n'est pas entièrement clair. C'est le fait d'hériter de quelque chose. Mais 1) Le verbe kleroo signifie tirer au sort (le tirage au sort se disant klerosis) ou désigner par sort (avec toute l'ambiguïté du mot). 2) Hériter ne signifie pas nécessairement chez les Grecs et les Latins être enfant de, ou plus précisément être le premier mâle. L'héritier peut être arbitrairement désigné, voire tiré au sort. Il semble donc que Hobbes donne un sens trop limité au mot kleronomia.  F. Tricaud, en traduisant "given par lot" par "tirage au sort" risque de faire dire à Hobbes ce qu'il ne dit pas. (NdT)

 

[85]             F. Tricaud ajoute sans justification le mot droit. Hobbes eût pu ajouter le mot "right". Or, il ne l'a pas fait ("or first seizure"). On notera la traduction de Sorbière : "préoccupation" (De Cive). Dans les Elements of Law, Hobbes ajoute : "which for the most part also is merely chance" ("ce qui est aussi la plupart du temps un simple hasard" - Trad.P.Folliot). (NdT)

 

[86]             "the first possessor". (NdT)

 

[87]             "safe conduct". Pourquoi F. Tricaud évite-t-il la traduction courante? On pourra rappeler que "allouer" est l'un des sens (assez rarement utilisé) de "to allow".(NdT)

 

[88]             "intercession". Il semble difficile de traduire par "intercession" (R. Anthony), ou alors il faut comprendre que le médiateur intercède pour la paix, et non, évidemment, pour l'une des parties de façon partiale. La traduction "médiation" est plus claire. (NdT)

 

[89]             "the former whereof is called a question of fact, the latter a question of right". (NdT)

 

[90]             G. Mairet a tort d'introduire l'idée de pot-de-vin qui réduit singulièrement la portée du propos hobbesien.

 

[91]             Vu ce qu'est la nature humaine, elle est inévitable, mais de façon hypothétique : si on choisit ce juge-là. (NdT)

 

[92]             Le De Cive précise : "they affirm contradictories". (NdT)

 

[93]             "they have been contracted into one easy sum". (NdT)

 

[94]             Dans les Elements of Law, Hobbes s'exprime ainsi : "That a man imagine himself in the place of the party with whom he hath to do, and reciprocally him in his; which is no more but a changing (as it were) of the scales. For every man's passion weigheth heavy in his own scale, but not in the scale of his neighbour. And this rule is very well known and expressed by this old dictate, Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris." ("Qu'un homme s'imagine être à la place de la partie à qui il a affaire, et réciproquement cette partie à la sienne, ce qui n'est rien d'autre, pour ainsi dire, que de changer les plateaux d'une balance. Car chaque passion d'un homme pèse lourd dans un plateau mais ne pèse rien dans celui de son voisin, et cette règle est très connue et est exprimée par le vieil adage : Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris." - Trad. P. Folliot)

 

[95]             Le verbe utiliser par Hobbes ("to bind") a avant tout le sens de "lier". (NdT)

 

[96]             Cette distinction du for interne et du for externe est classique et prend tout son sens dans une perspective morale et religieuse. De nombreux débats théologiques ont tourné autour de cette distinction. F. Tricaud fait allusion à la scolastique, mais on pourrait avant tout renvoyer à la pensée paulinienne (voir en particulier l'Epître aux Romains). (NdT)

 

[97]             "The laws of nature oblige in foro interno; that is to say, they bind to a desire they should take place: but in foro externo; that is, to the putting them in act, not always". Dans le De cive, Hobbes déclare : "the Law of Nature (...) every where oblige in the internall Court, or that of Conscience" ("La loi de nature oblige toujours devant le tribunal intérieur, ou celui de la conscience." - Trad. P. Folliot). On notera que la distinction "in foro interno-in foro externo" se trouve dans les Elements of Law. (NdT)

 

[98]             Le verbe utilisé par Hobbes est toujours "to bind". (NdT)

 

[99]             La traduction de "purpose" par F. Tricaud (par "propos"), sans être fausse (car le propos est ce qu'on se propose, le dessein, l'intention), est évidemment maladroite et obscurcit inutilement le passage. (NdT)

 

[100]            On notera que "lawful" peut aussi bien signifier légitime (accord avec la loi de nature) que légal (accord avec la loi civile). (NdT)

 

[101]            On pourra trouver des accents cicéroniens (De Republica) à ce passage. (NdT)

 

[102]            Tous les traducteurs du Léviathan choisissent de traduire "to observe" par "observer", mais Sorbière, dans le De Cive, traduit ce verbe par "connaître".

 

[103]            "fulfilleth". To fulfil : accomplir, remplir, exaucer, s'acquitter, obéir. Le mot indique clairement qu'il s'agit de compléter, de mener à son terme quelque chose (à cet égard, le verbe remplir, impossible à utliser ici - R. Anthony le fait néanmoins de façon incorrecte-, serait le plus fidèle). La traduction de G. Mairet ("suivre") est trop faible. F. Tricaud traduit "s'en acquitte entièrement". Dans le De Cive, Sorbière traduit par "accomplir". (NdT)

 

[104]            "good and evil". Dans le De Cive, Hobbes écrit : "All Writers doe agree that the Naturall Law is the same with the Morall" ("Tous les auteurs s'accordent [pour dire] que la loi naturelle est la même [loi] que la loi morale." - Traduc. P. Folliot). On peut traduire "good and evil" par "bien et mal" (ce que fait L. Roux dans sa traduction des Elements of Law), si l'on garde en mémoire que Hobbes, comme Spinoza, tire ces "valeurs" d'un calcul rationnel. (NdT)

 

[105]            "that signify". F. Tricaud : "qui expriment". (NdT)

 

[106]            Bien que le terme soit largement consacré en philosophie, G. Mairet traduit "appetites" par "envies". (NdT)

 

[107]            On notera que F. Tricaud et G. Mairet négligent de traduire ce mot, voulant peut-être (ce qui est une erreur méthodologique assez courante) éviter une répétition. Le texte anglais est : "Good and evil are names that signify our appetites and aversions, which in different tempers, customs, and doctrines of men are different". Sorbière, en traduisant le De Cive, et en choisissant le mot "divers", accepte de faire la répétition. R. Anthony utilise une fois "différent", une fois "divers".(NdT)

 

[108]            "what is conformable or disagreeable to reason". "to agree" : s'accorder, être d'accord. Est "disagreeable", littéralement, ce qui ne peut s'accorder avec la raison, agresser, insulter, etc., est "disagreeable" en tant que ces actes sont en contradiction avec le calcul rationnel qui nous fait comprendre qu'ils ne vont pas dans le sens de la paix et de la conservation de la vie. On comprend ainsi que la loi de naturelle est applicable à la vie quotidienne, la simple insulte encourageant un "processus" qui peut mener au conflit et finalement à la guerre. On voit là l'effort fondamental, qu'on retrouvera aussi au XVIIIème, du matérialisme pour instaurer de façon cohérente une morale. (NdT)

 

[109]            "mercy".  Dans le De Cive, la liste des qualités est "Modesty, Equity, Trust, Humanity, Mercy". (NdT)

 

[110]            "that is to say, moral virtues; and their contrary vices, evil". Le De Cive dit : "are good Manners, or habits, (that is) Vertues" ("sont de bonnes moeurs, des bonnes habitudes, c'est-à-dire des vertus"). Les Elements of Law parlent aussi des habitudes. (NdT)

 

[111]            G. Mairet se trompe en ce qu'ils croit que "they" se rapportent aux auteurs, ce qui est impossible, vu la construction de la phrase : "But the writers of moral philosophy, though they acknowledge the same virtues and vices; yet, not seeing wherein consisted their goodness, nor that they come to be praised as the means of peaceable, sociable, and comfortable living". (NdT)

 

[112]            "place". (NdT)

 

[113]            Allusion, en particulier, à la fameuse mesotes (médiété) d'Aristote (Voir Ethique à Nicomaque), et, en général, à la sôphrosunè (modération, tempérance) grecque. F. Tricaud traduit "place them in a mediocrity of passions" par "les font consister dans la modération des passions". G. Mairet traduit par "les classent parmi les passions moyennes". Sorbière et L. Roux traduisent par "médiocrité". Cette dernière traduction est la plus fidèle. (NdT)

 

[114]            "conduceth". (NdT)

 

[115]            "the word". La traduction littérale de G. Mairet ("le mot") est malheureuse. R. Anthony : "l'expression". F. Tricaud : "la parole". (NdT)

 

[116]    Dans le De Cive, Hobbes précise : "yet as they are delivered by God in holy Scriptures, (as we shall see in the Chapter following) they are most properly called by the name of Lawes: for the sacred Scripture is the speech of God commanding over all things by greatest Right."(I,III,23) (NdT)