HOBBES : LEVIATHAN – Traduction
de Philippe Folliot avec notes.
Chapitre
36 – Chapitre 38 – Sommaire
des chapitres traduits avec notes - Index Philotra
Chapitre 37 : Des miracles et de leur fonction [1]
Par miracles, on entend les oeuvres admirables de Dieu, et c'est pourquoi ces miracles sont aussi appelés des merveilles [2]. Et parce qu'ils sont, pour la plupart, faits pour signifier le commandement de Dieu en des occasions où, sans eux, les hommes sont susceptibles d'éprouver des doutes (suivant leur raisonnement naturel personnel [3]) sur ce qu'il a commandé ou n'a pas commandé, ils sont, dans l'Ecriture, couramment appelés des signes [4], au sens où les Latins les appellent ostenta et portenta [5], parce qu'ils montrent et signifient par avance ce que le Tout-Puissant va faire arriver.
Pour comprendre donc ce qu'est un miracle, nous devons d'abord comprendre quelles sont les oeuvres dont les hommes s'émerveillent et qu'ils appellent admirables. Et il n'y a que deux choses qui font que les hommes s'émerveillent d'un événement : la première est qu'il soit étrange [6], c'est-à-dire qu'il soit tel qu'un événement semblable n'ait jamais été produit, ou très rarement. La deuxième est que, quand l'événement est produit, nous ne puissions imaginer qu'il a été fait par des moyens naturels, mais seulement par la main immédiate de Dieu [7]. Mais quand nous voyons quelque cause naturelle possible de l'événement, aussi rarement que soit produit un événement semblable, ou si un événement semblable s'est déjà souvent produit, quand bien même il serait impossible d'imaginer un moyen naturel pour le produire, nous ne nous émerveillons plus, et nous ne considérons plus l'événement comme un miracle.
Donc, si un cheval ou une vache parlait, ce serait un miracle, parce que, à la fois, la chose est étrange, et la cause difficile à imaginer. Ce serait la même chose si l'on voyait une étrange déviation de la nature [8] dans la production de quelque nouvelle forme de créature vivante [9]. Mais quand un homme, ou un autre animal, engendre un être qui lui est semblable, même si nous ne savons pas non plus comment cela se fait, ce n'est pourtant pas un miracle parce que c'est habituel. De la même manière, si un homme est métamorphosé en une pierre, ou en une colonne [10], c'est un miracle, parce que le fait est étrange; mais si un morceau de bois est ainsi changé, ce n'est pas un miracle, parce que nous voyons souvent la chose, et cependant, nous ne savons pas davantage par quelle opération de Dieu le premier fait arrive que nous ne le savons pour le deuxième.
Le premier arc-en-ciel qui fut vu dans le monde était un miracle, parce que c'était le premier, que c'était par conséquent quelque chose d'étrange, et qu'il servait de signe venant de Dieu, placé dans le ciel pour assurer à son peuple qu'il n'y aurait plus de destruction universelle du monde par l'eau [11]. Mais aujourd'hui, ce type de phénomène étant fréquent, ce n'est plus un miracle, que ce soit pour ceux qui connaissent ses causes naturelles ou pour ceux qui ne les connaissent pas. De même, il existe de nombreux ouvrages rares produits par l'art humain, mais quand nous savons qu'ils sont produits, sachant aussi par là par quels moyens ils ont été produits, nous ne les comptons pas pour des miracles, parce qu'ils n'ont pas été façonnés par la main immédiate de Dieu, mais par la médiation de l'industrie humaine [12].
De plus, étant donné que l'admiration et l'émerveillement résultent de la connaissance et de l'expérience dont les hommes sont dotés, certains plus, d'autres moins, il s'ensuit que la même chose peut être un miracle pour l'un et non pour l'autre. De là, les hommes les plus ignorants et les plus superstitieux considèrent comme de grandes merveilles des opérations [13] que d'autres, sachant qu'elles procèdent de la nature (qui n'est pas l'oeuvre immédiate de Dieu, mais son oeuvre ordinaire), n'admirent absolument pas; comme quand les éclipses de soleil et de lune ont été prises par le vulgaire pour des opérations surnaturelles, alors que cependant, il y avait d'autres hommes qui auraient pu, à partir des causes naturelles de ces opérations, prédire l'heure même à laquelle elles devaient avoir lieu; ou, quand un homme, grâce à des complices et des renseignements secrets, ayant acquis la connaissance des actions privées d'un ignorant crédule, lui dit par ce moyen ce qu'il a fait dans le passé, et que cela semble miraculeux à l'ignorant. Mais parmi les hommes sages et prudents, de tels miracles ne peuvent être aisément faits.
De plus, il appartient à la nature d'un miracle d'être produit pour donner du crédit aux messagers, ministres et prophètes de Dieu, et qu'ainsi, les hommes sachent qu'ils sont appelés, envoyés, et employés par Dieu, et qu'ils soient de cette façon d'autant mieux inclinés à leur obéir. Et donc, bien que la création du monde, puis la destruction de toutes les créatures vivantes dans un déluge universel, furent des oeuvres admirables [14], pourtant, comme elles ne furent pas faites pour donner du crédit à un prophète ou à un autre ministre de Dieu, il n'est pas d'usage de les appeler des miracles. En effet, quelque admirable que soit une oeuvre, l'admiration ne repose pas sur le fait qu'elle puisse être produite, parce que les hommes, naturellement, croient que le Tout-Puissant peut tout faire, mais sur le fait qu'elle soit produite par Dieu à la prière d'un homme, la parole d'un homme. Mais les oeuvres que Dieu réalisa en Egyte par la main de Moïse furent proprement des miracles, parce qu'ils étaient réalisés avec l'intention de faire que le peuple d'Israël crût [15] que Moïse venait à lui, non avec le dessein de servir son propre intérêt, mais en tant qu'envoyé de Dieu. C'est pourquoi, après que Dieu lui eut ordonné de délivrer les Israélites de leur servage d'Egypte, et que Moïse dit en Exode, IV, 1sqq. : Ils ne me croiront pas, mais diront que le Seigneur ne m'est pas apparu [16], Dieu lui donna le pouvoir de transformer le bâton qu'il avait à la main en un serpent, et de le retransformer en bâton; et, en mettant sa main dans son sein, de la rendre lépreuse, puis, la [mettant et la] retirant de nouveau, de la rendre saine [17], pour que les enfants d'Israël crussent (comme le dit le verset 5) que le Dieu de leurs pères lui était apparu. Et, au cas où ce ne serait pas suffisant, il lui donna le pouvoir de changer les eaux en sang [18]. Et quand il eut fait ces miracles devant le peuple, il est dit (verset 31 [19]) qu'ils le crurent. Cependant, par crainte de Pharaon, ils n'osèrent pourtant pas lui obéir. C'est la raison pour laquelle les autres oeuvres [20] qui furent faites pour affliger [21] Pharaon et les Egyptiens tendaient toutes à faire que les Israélites crussent en Moïse, et elles étaient à proprement parler des miracles. De la même manière, si nous considérons tous les miracles faits par la main de Moïse, et par les autres prophètes jusqu'à la captivité, et ceux de notre Sauveur et ensuite de ses apôtres, nous trouverons que leur but était toujours de susciter ou de confirmer la croyance que ces prophètes ne venaient pas de leur propre mouvement, mais étaient envoyés par Dieu. Et même, nous pouvons observer dans l'Ecriture que le but des miracles n'était pas de susciter universellement la croyance chez tous les hommes, élus et réprouvés, mais de la susciter seulement chez les élus, c'est-à-dire ceux qui, comme Dieu l'avait déterminé, devaient devenir ses sujets. En effet, ces fléaux miraculeux d'Egypte n'avaient pas pour but la conversion de Pharaon, car Dieu avait dit à Moïse, avant qu'ils n'aient lieu, qu'il endurcirait le coeur de Pharaon pour que ce dernier ne laissât pas le peuple s'en aller [22]; et quand, enfin, il le laissa partir, ce ne sont pas les miracles qui le persuadèrent, mais les fléaux qui l'y forcèrent [23]. De même, de notre Sauveur, il est écrit en Matthieu, XIII, 58 qu'il ne fit pas beaucoup de miracles dans son propre pays, à cause de l'incroyance des gens, et, en Marc, VI, 5 au lieu de il n'en fit pas beaucoup, on lit il ne put en faire aucun [24]. Ce n'est pas parce que le pouvoir lui faisait défaut, ce qu'on ne saurait dire sans blasphémer contre Dieu, ni que le but des miracles n'était pas de convertir au Christ les incrédules (car le but de tous les miracles de Moïse, des prophètes, de notre Sauveur et de ses apôtres était d'ajouter des hommes à l'Eglise), c'était parce que le but de leurs miracles était d'ajouter à l'Eglise, non tous les hommes, mais [seuls] ceux qui devaient être sauvés, c'est-à-dire ceux que Dieu avait élus. Donc, étant donné que notre Sauveur était envoyé par son père, il ne pouvait pas user de son pouvoir pour convertir ceux que son père avait rejetés. Ceux qui, interprétant ce passage de saint Marc, disent que l'expression il ne put pas est mise pour il ne voulut pas, le font sans [donner d'] exemple dans la langue grecque (où ne voulut pas est parfois mis pour ne put pas, pour les choses inanimées qui n'ont aucune volonté, mais où ne put pas n'est jamais mis pour ne voulut pas), et ainsi, ils placent une pierre d'achoppement devant les Chrétiens faibles, comme si le Christ ne pouvait faire de miracles que parmi les croyants [25].
A partir de ce que jai exposé ici sur la nature et la fonction d'un miracle, nous pouvons le définir ainsi : un MIRACLE est une oeuvre de Dieu (en plus de son opération par le cours de la nature, ordonné lors de la création), faite pour rendre manifeste à ses élus la mission d'un ministre extraordinaire en vue de leur salut [26].
Et de cette définition, on peut inférer : premièrement, que dans tout miracle, l'oeuvre accomplie n'est pas l'effet de quelque vertu [présente] dans le prophète, parce qu'elle est l'effet de la main immédiate de Dieu, c'est-à-dire que Dieu l'a accomplie sans pour cela utiliser le prophète comme une cause subordonnée.
Deuxièmement, que ni diable ni ange, ni autre esprit créé ne peut faire un miracle, car il doit se faire soit en vertu de quelque connaissance naturelle, soit par incantation, c'est-à-dire en vertu de mots. En effet, si les enchanteurs le font par leur propre pouvoir indépendant, il y a un certain pouvoir qui ne procède pas de Dieu, ce que tous les hommes nient; et s'ils le font par un pouvoir qui leur est donné, alors ce n'est pas une oeuvre qui vient de la main immédiate de Dieu, mais une oeuvre naturelle, qui n'est donc pas, par conséquent, un miracle.
Il existe certains textes de l'Ecriture qui semblent attribuer le pouvoir d'accomplir des merveilles, égales à certains des miracles accomplis par Dieu lui-même, à certaines techniques magiques et à des incantations [27]. Quand, par exemple, nous lisons qu'après que le bâton que Moïse avait jeté par terre eut été transformé en serpent, les magiciens d'Egypte firent la même chose par leurs enchantements [28] [29], et qu'après que Moïse eut transformé les eaux des ruisseaux, des fleuves, des bassins et des fontaines en sang, les magiciens d'Egypte firent la même chose par leurs enchantements [30], et qu'après que Moïse eut fait venir des grenouilles sur le pays par le pouvoir de Dieu, les magiciens firent aussi la même chose par leurs enchantements, et firent monter des grenouilles sur le pays d'Egypte [31], n'aura-t-on pas tendance à attribuer les miracles aux enchantements, c'est-à-dire à l'efficacité du son des mots, et à penser que cette efficacité est fort bien prouvée par ce passage et par d'autres passages du même type? Cependant, aucun passage de l'Ecriture ne nous dit ce qu'est un enchantement. Si donc un enchantement n'est pas, comme beaucoup le pensent, l'opération d'effets étranges par des incantations et des paroles [32], mais une imposture, une illusion produite par des moyens ordinaires, et si éloignée d'être surnaturelle que les imposteurs n'ont pas tant besoin, pour l'accomplir, d'étudier les causes naturelles que d'étudier l'ignorance, la stupidité et la superstition ordinaires du genre humain, ces textes qui semblent accréditer la thèse du pouvoir de la magie, de la sorcellerie et des enchantements, doivent nécessairement avoir un autre sens que celui dont ils semblent revêtus à première vue.
En effet, il est assez évident que les mots n'ont un effet que sur ceux qui les comprennent, et qu'ils n'ont alors pas d'autre effet que de signifier les intentions ou les passions de ceux qui parlent, et, de cette façon, de produire l'espoir, la crainte, ou d'autres passions ou conceptions [33] chez l'auditeur. Donc, quand un bâton semble un serpent, ou les eaux du sang, ou quand quelque autre miracle semble être fait par enchantement, si ce n'est pas pour l'édification du peuple de Dieu, ni le bâton, ni l'eau, ni aucune autre chose n'est enchanté, c'est-à-dire mis en branle par des mots, si ce n'est le spectateur. De sorte que tout le miracle consiste en ceci que l'enchanteur a trompé un homme, ce qui n'est pas un miracle, mais quelque chose de très facile à faire.
Car tels sont généralement l'ignorance et le penchant à l'erreur [34] de tous les hommes, mais surtout de ceux qui n'ont pas beaucoup de connaissances des causes naturelles, et de la nature humaine et des intérêts humains, qu'on peut facilement les abuser par d'innombrables ruses. Quelle réputation de pouvoir miraculeux aurait acquis un homme, avant qu'on ne sache qu'existe une science du cours des astres, qui aurait dit au peuple : à telle heure, à tel jour, le soleil s'obscurcira? Un prestidigitateur, par le maniement de ses gobelets et d'autres babioles, si cette pratique n'était pas de nos jours ordinaire, serait considéré comme faisant ses merveilles par le pouvoir du diable, au moins. Un homme qui s'est exercé à parler en avalant de l'air (les hommes qui faisaient cela étaient appelés dans l'antiquité ventriloqui), et qui s'y prend ainsi que la faiblesse de sa voix semble venir, non de la faible impulsion des organes de la parole, mais de l'éloignement, est capable de faire croire à beaucoup que c'est une voix venue du ciel, quoi qu'il lui plaise de leur dire. Pour quelqu'un de rusé, qui s'est renseigné sur les secrets et les confessions familières qu'un homme fait ordinairement à autrui de ses actions et aventures passées, les lui répéter n'est pas chose difficile, et pourtant, par de tels moyens, beaucoup gagnent une réputation de magicien [35]. Mais ce serait un travail trop long de recenser ces différentes sortes d'hommes que les Grecs appelaient thaumaturgi [36], c'est-à-dire faiseurs de choses merveilleuses, et qui, pourtant, faisaient tout cela par leur simple habileté personnelle. Mais si nous considérons les impostures faites par collusion, il n'est rien qui ne puisse être cru, quand bien même il serait impossible de le faire. En effet, deux hommes de connivence, l'un pour paraître boiteux, l'autre pour le guérir par un charme, tromperont beaucoup de monde. Mais s'ils sont nombreux à être de connivence, l'un pour paraître boiteux, l'autre pour le guérir ainsi, et tous les autres pour porter témoignage, ils en tromperont beaucoup plus.
A ce penchant du genre humain à donner créance avec trop de précipitation [37] à de prétendus miracles, il n'existe pas, je pense, de meilleure précaution que celle que Dieu a prescrite, d'abord par Moïse (comme je l'ai dit au chapitre précédent), au début du treizième chapitre et à la fin du dix-huitième du Deutéronome : ne pas prendre pour prophète celui qui enseigne une autre religion que celle que le lieutenant de Dieu [38], qui était à cette époque Moïse, a établie; ni celui, même s'il enseigne la même religion, qui prédit des choses que nous ne voyons pas arriver. Par conséquent, Moïse à son époque, Aaron et ses successeurs à leur époque, et le gouverneur souverain du peuple de Dieu, placé juste au-dessous de Dieu lui-même, c'est-à-dire le chef de l'Eglise à toutes les époques, chacun doit être consulté sur la doctrine qu'il a établie, avant que nous ne donnions crédit à un prétendu miracle ou prophète. Quand cela est fait, la chose qu'ils prétendent être un miracle, il faut à la fois la voir se faire, et user de tous les moyens possibles pour examiner si elle s'est réellement faite; non seulement cela, mais si cette chose n'est pas telle qu'un homme puisse faire la même par son pouvoir naturel, ou si, au contraire, elle exige la main immédiate de Dieu. Et pour cela aussi, nous devons avoir recours au lieutenant de Dieu, à qui nous avons soumis nos jugements privés pour tous les cas douteux [39]. Par exemple, si un homme prétend qu'après que des paroles déterminées ont été dites sur un morceau du pain [40], Dieu, tout de suite, fait que ce n'est plus du pain, mais un dieu, ou un homme, ou les deux, et si cependant il paraît encore semblable au pain qu'il était avant, il n'existe aucune raison pour qu'un homme croit que cela s'est réellement fait, ni pour qu'il craigne celui [qui prétend l'avoir fait], tant qu'il n'a pas consulté Dieu par son vicaire ou lieutenant [pour savoir] si la chose a été faite ou non. Si ce vicaire répond négativement, suivons allons ce que dit Moïse, en Deutéronome, XVIII, 22 : Il l'a [41] dite présomptueusement, tu ne le craindras pas; et s'il répond positivement, on ne doit pas contredire le fait. De même, aussi, si nous ne voyons pas le miracle, mais en entendons simplement parler, nous devons consulter l'Eglise légale [42], c'est-à-dire son chef légal, pour savoir dans quelle mesure on doit donner crédit à ceux qui rapportent le miracle. Et c'est simplement le cas des hommes qui, de nos jours, vivent sous des souverains chrétiens, car, à notre époque, je ne connais pas un seul homme qui ait vu une oeuvre merveilleuse faite par le sortilège, la parole, ou la prière de quelqu'un, oeuvre qu'un homme même doté d'une raison médiocre croirait surnaturelle; et la question n'est plus [de savoir] si ce que nous voyons accomplir est un miracle, si le miracle que nous entendons, dont nous lisons le récit, est une oeuvre réelle, et non le [simple] acte d'une langue ou d'une plume; mais, en termes clairs, si le rapport est vrai ou est un mensonge. De cette question, nous ne devons pas, chacun, nous faire juge par notre propre raison privée, notre propre conscience privée [43], mais laisser juger la raison publique [44], qui est la raison du lieutenant suprême de Dieu. Et en vérité, nous avons déjà fait juge ce lieutenant si nous lui avons donné un pouvoir souverain pour faire tout ce qui est nécessaire à notre paix et notre défense. Un particulier a toujours la liberté, car la pensée est libre, de croire ou de ne pas croire en son coeur ces actes qui ont été annoncés comme des miracles, selon le bénéfice qu'il verra échoir, par la croyance des hommes, à ceux qui les allèguent et les soutiennent, et ainsi de conjecturer si ce sont des miracles ou des mensonges. Mais quand il s'agit de confesser cette foi, la raison privée doit se soumettre à la raison publique, c'est-à-dire au lieutenant de Dieu. Mais qui est ce lieutenant de Dieu et le chef de l'Eglise, c'est que nous verrons ensuite, en un lieu approprié.
[1] "Of miracles and their
use". (NdT)
[2] "wonders". Le mot apparaît évidemment de
nombreuses fois dans la King James Version. Il est utilisé là où la vulgate
utilise "ostenta", "portenta", "prodigia",
"signa", et l'adjectif "mirabilis", et là où la Septante
utilise assez systématiquement "terata" (parfois
"thaumata"). (NdT)
[3] "(following their private
natural reasoning)". (NdT)
[4] Usage fréquent du mot "signum" dans la
Vulgate ("sèmeion" dans la Septante). (NdT)
[5] Ces deux mots latins sont largement utilisés dans la
Vulgate, mais "portenta" est plus fréquent que "ostenta".
L'ostentum est ce qui sort de l'ordre habituel, le prodige, mais le verbe
"ostendo" indique que l'ostentum est ce qui est montré ou ce qui
montre quelque chose, ce qui signifie quelque chose, voire démontre quelque
chose. Le portentum est le signe miraculeux, le prodige, la merveille, la chose
qui annonce (voir le verbe "portendo" : présager, annoncer, prédire).
(NdT)
[6] "strange". (NdT)
[7] "but only by the immediate
hand of God". (NdT)
[8] "a strange deviation of
nature". (NdT)
[9] La latin "portentum", signalé par Hobbes
précédemment, a aussi le sens de monstre. (NdT)
[10] Possible allusion à la femme de Lot (Genèse, XIX, 24). (NdT)
[11] Genèse, IX,
13-17 : "Je mettrai mon arc dans la nuée, et il sera pour signe d'alliance
entre moi et la terre; et il arrivera que quand je ferai venir des nuages sur la
terre, alors l'arc apparaîtra dans la nuée, et je me souviendrai de mon
alliance qui est entre moi et vous et tout être vivant de toute chair; et les
eaux ne reviendront plus un déluge pour détruire toute chair. Et l'arc sera
dans la nuée, et je le verrai pour me souvenir de l'alliance perpétuelle entre
Dieu et tout être vivant de toute chair qui est sur la terre. Et Dieu dit à
Noé: C'est là le signe de l'alliance que j'établis entre moi et toute chair qui
est sur la terre." (NdT)
[12] "because not wrought by the
immediate hand of God, but by mediation of human industry". (NdT)
[13] "works". (NdT)
[14] "admirable works". (NdT)
[15] La formule "faire croire", choisie par G.
Mairet, est maladroite. (NdT)
[16] "They will not believe me, but
will say the Lord hath not appeared unto me". La formule complète de la
King James version est : "they will not believe me, nor hearken unto my
voice: for they will say, The LORD hath not appeared unto thee." (NdT)
[17] Exode,
IV, 6-7. (NdT)
[18] Exode,
IV, 8-9. (NdT)
[19] Et non 41, comme l'indique F. Tricaud, qui recopie
fidèlement l'erreur de Hobbes sans la signaler en note; encore moins 5, comme
le note G. Mairet, qui confond avec la référence précédente. La king James
version donne très clairement au verset 31 : "And the people
believed", ce qui est conforme à la vulgate ("et credidit
populus") et à la septante ("kai episteusen o laos"). (NdT)
[20] Les célèbres fléaux d'Egypte (Exode, VII, 14, sqq.)
[21] "to plague" : tourmenter, harceler - a plague
: un fléau. Seul le verbe "affliger" est fidèle au texte anglais, en
tant qu'il conserve la même racine. (NdT)
[22] Exode,
IV, 21. (NdT)
[23] Très exactement le dixième fléau, la mort des
premiers-nés égyptiens (Exode, XII,
29, sqq.). (NdT)
[24] La King James Version donne : "And he could there
do no mighty work (...)", ce qui est conforme à la vulgate pour ce qui est
du verbe pouvoir ("et non poterat (...)"). (NdT)
[25] "credulous". Nous nous trouvons face à un véritable
problème : s'agit-il des croyants ou des crédules. F. Tricaud avait traduit
"credulity", au chapitre XI, par "crédulité", ce qui ne
pouvait être évité, étant donné le contexte, ce qui justifierait qu'il traduise
ici par "crédules", alors qu'il choisit "croyants". Mais au
chapitre XXXVIII, citant l'Apocalypse,
XXI, 8, Hobbes utilise le mot "incredulous" là où la King James
version utilise le mot "unbelieving" (incroyant), pour rendre le
passage où la vulgate utilise "incredulis" et le texte grec (Stephanus)
"apistos", deux termes qui renvoient aux infidèles, aux incroyants.
Je pense qu'il faut donc choisir la traduction "croyants". Mais
s'agirait-il alors d'une véritable pierre d'achoppement pour le chrétien
faible? (NdT)
[26] "a miracle is a work of God
(besides His operation by the way of nature, ordained in the Creation) done for
the making manifest to His elect the mission of an extraordinary minister for
their salvation". (NdT)
[27] "to certain arts of magic and
incantation". F.
Tricaud traduit "arts" par "procédés". (NdT)
[28] Exode, VII, 11
(Note de Hobbes).
[29] La King James version utilise bien le mot
"enchantment", la Vulgate dit "per incantationes aegyptias et
arcana" (par des incantations égyptiennes et des mystères), la Septante utilise
le mot "pharmakeïa" ( utilisation de potion, de remède, et en général
d'un moyen magique, le "pharmakon" étant la potion, le remède, le
moyen magique). Darby traduit par "enchantements" (idem chez Segond).
(NdT)
[30] Exode, VII, 22
(Note de Hobbes).
[31] Exode, VIII, 7
(Note de Hobbes).
[32] "a working of strange effects
by spells and words". (NdT)
[33] "or other passions, or
conceptions". (NdT)
[34] "For such is the ignorance and
aptitude to error". (NdT)
[35] "conjurer". (NdT)
[36] Thaumaturges. En Grec, le thaumatourgos est celui qui
fait des tours d'adresse, littéralement qui fait des actions qui étonnent, qui
émerveillent. (NdT)
[37] "this aptitude of mankind to
give too hasty belief". (NdT)
[38] "God's lieutenant". (NdT)
[39] "to whom in all doubtful cases
we have submitted our private judgements". (NdT)
[40] Allusion à la question de l'Eucharistie. (NdT)
[41] Le pronom "it" (dont F.
Tricaud ne tient pas compte) renvoie à la parole de Dieu : "When a prophet
speaketh in the name of the LORD, if the thing follow not, nor come to pass,
that [is] the thing which the LORD hath not spoken, [but] the prophet hath
spoken it presumptuously: thou shalt not be afraid of him." (King James
version) (NdT)
[42] "the lawful Church". F. Tricaud traduit
"lawful" par "légitime". (NdT)
[43] "our own private reason or
conscience". (NdT)
[44] "but the public reason". (NdT)