HOBBES :
LEVIATHAN – Traduction de Philippe Folliot avec notes.
Chapitre 41 – Chapitre 43 - Sommaire
des chapitres traduits avec notes - Index Philotra
Chapitre 42 : Du pouvoir ecclésiastique;
Pour comprendre ce qu'est le POUVOIR
ECCLESIASTIQUE, et qui le détient, il faut distinguer deux parties dans le
temps [écoulé] depuis l'ascension de notre Sauveur : l'une avant la conversion
des rois et des hommes dotés du pouvoir civil souverain, l'autre après leur
conversion. En effet, il se passa beaucoup de temps avant qu'un roi ou un
souverain civil n'embrassât la religion chrétienne et n'autorisât publiquement
son enseignement.
Jusque-là, il est manifeste que le pouvoir ecclésiastique [1] était détenu par les apôtres, et après eux par ceux qu'il
avaient ordonnés [2] pour prêcher l'évangile et convertir les hommes au
Christianisme, et pour diriger dans la voie du salut ceux qui étaient
convertis. Après eux, le pouvoir fut transmis à nouveau par ces hommes ordonnés
à d'autres, et cela se faisait par l'imposition des mains sur ceux qui étaient
ordonnés, ce qui signifiait que le Saint-Esprit, ou esprit de Dieu, était donné
à ceux qu'ils ordonnaient ministres de Dieu pour qu'ils oeuvrent au progrès du
royaume. De sorte que l'imposition des mains n'était rien d'autre que le sceau
de leur mandat pour prêcher le Christ et enseigner sa doctrine, et le don du
Saint-Esprit par cette cérémonie d'imposition des mains était une imitation de
ce que Moïse avait fait, car Moïse utilisa la même cérémonie [3] pour son ministre Josué, comme nous le lisons en Deutéronome, XXXIV, 9 : Et Josué, fils de Nun, était rempli de
l'esprit de sagesse car Moïse avait posé ses mains sur lui [4]. Notre sauveur, donc, entre sa résurrection et son
ascension, donna son esprit aux apôtres : d'abord en soufflant sur eux et disant : recevez le Saint-Esprit (Jean,
XX, 22), et après son ascension en envoyant sur eux un vent violent et des langues de feu fourchues [5] (Actes II, 2-3),
et non par l'imposition des mains, comme Dieu, qui ne posa jamais ses mains sur
Moïse. Ensuite, ses apôtres transmirent le même esprit par imposition des
mains, comme Moïse le fit à Josué. De sorte qu'on voit clairement en quelles
mains demeura continuellement le pouvoir ecclésiatique en ces premiers temps où
n'existait aucune République chrétienne, à savoir entre les mains de ceux qui
l'avaient reçu des apôtres, par impositions successives des mains.
Ici, le rôle de la personne de Dieu
est tenu pour la troisième fois [6]. En effet, de même que Moïse et les grands prêtres furent
les représentants de Dieu dans l'Ancien Testament, et notre Sauveur lui-même,
en tant qu'homme, durant son séjour sur terre, de même le Saint-Esprit,
c'est-à-dire les apôtres et leurs successeurs dans la fonction de prédication
et d'enseignement, qui avaient reçu le Saint-Esprit, l'ont représenté depuis
lors [7]. Mais une personne (comme je l'ai déjà montré au chapitre
XVI [8]) est celui qui est représenté, aussi souvent qu'il est
représenté, et Dieu, qui a été représenté (c'est-à-dire personnifié) trois
fois, peut donc être dit, assez proprement, être trois personnes, quoique ni le
mot personne, ni le mot trinité ne lui soient attribués dans la
Bible. Saint Jean dit bien, dans sa
première épître (V, 7) : ils sont trois
qui portent témoignage [9] dans le ciel, le
Père, la Parole, et le Saint-Esprit, et ces trois sont un [10]. Or cela s'accorde
bien avec trois personnes, au sens propre du mot personne : quelqu'un qui est
représenté par un autre. En effet, ainsi, Dieu le Père, en tant qu'il est
représenté par Moïse, est une personne; et en tant que représenté par son Fils,
une autre personne, et en tant que représenté par les apôtres et par les
docteurs qui enseignent par une autorité qui leur vient d'eux, il est une
troisième personne. Pourtant, ici, chaque personne est la personne d'un seul et
même Dieu. Mais on peut ici demander de quoi les trois portaient témoignage.
C'est la raison pour laquelle saint Jean
nous dit au verset 11 qu'ils portent témoignage que Dieu nous a donné la vie éternelle en son fils [11]. En outre, si l'on demande où ce témoignage apparaît, la
réponse est aisée, car il a attesté cela par les miracles qu'il a accomplis,
d'abord par Moïse, puis par son Fils lui-même, et enfin par ses apôtres qui avaient
reçu le Saint-Esprit, chacun d'eux représentant la personne de Dieu en son
temps; et tous, ils prophétisèrent ou prêchèrent Jésus-Christ. Pour ce qui est
des apôtres, c'est le propre de l'apostolat (chez les douze premiers et grands
apôtres) de porter témoignage de la résurrection du Christ, comme cela apparaît
expressément en Actes, I, 21-22,
quand saint Pierre dit, alors qu'un nouvel apôtre devait être choisi à la place
de Judas Iscariote : De ces hommes qui
nous ont accompagnés tout le temps où le Seigneur Jésus est venu parmi nous et
est parti, du baptême de Jean jusqu'au jour-même il nous a été enlevé, l'un
doit être ordonné pour être témoin avec nous de sa résurrection [12]. Ces paroles interprètent l'expression porter témoignage [13] mentionnée par saint Jean [14]. Le même passage mentionne une autre Trinité de témoins
sur terre, car il dit au verset 8 [15] : il y en a trois
qui portent témoignage sur terre, l'esprit, et l'eau, et le sang, et ces trois
s'accordent en un seul [16]. Il s'agit des grâces de l'esprit de Dieu et des deux
sacrements, le baptême et la Cène du Seigneur, qui s'accordent en un seul
témoignage pour assurer de la vie éternelle la conscience des croyants. De ce
témoignage [17], il dit, au verset 10 : Celui qui croit au Fils de l'homme a le témoignage en lui-même [18]. Dans cette Trinité terrestre, l'unité n'est pas unité de
la chose, car l'esprit, l'eau et le sang ne sont pas la même substance,
quoiqu'ils donnent le même témoignage, mais dans la trinité céleste, les
personnes sont les personnes d'un seul et même Dieu, quoique représenté à trois
moments différents et dans trois circonstances différentes. Pour conclure, la
doctrine de la Trinité, pour autant qu'elle puisse être tirée directement de
l'Ecriture, est en substance celle-ci : Dieu, qui est toujours un et le même,
était la personne représentée par Moïse, la personne représentée par son Fils
incarné, et la personne représentée par les apôtres. En tant que Dieu est
représenté par les apôtres, le Saint-Esprit par lequel ils parlaient est Dieu; en
tant que représenté par son Fils, qui était Dieu et homme, le Fils est ce Dieu;
en tant que représenté par Moïse et les grands prêtres, le Père, c'est-à-dire
le père de notre Seigneur Jésus-Christ, est ce Dieu. De là, on peut tirer la
raison pour laquelle ces dénominations Père,
Fils, et Saint-Esprit ne sont jamais utilisées dans l'Ancien Testament au
sens de Divinité : en effet, ce sont des personnes, c'est-à-dire qu'elles
tiennent leur nom du fait de représenter, ce qui ne pouvait pas être avant que
divers hommes n'aient représenté la personne de Dieu en gouvernant ou en
dirigeant sous lui [19].
Ainsi, nous voyons comment le
pouvoir ecclésiastique fut laissé aux apôtres par notre Sauveur, et comment,
afin qu'ils pussent exercer au moins ce pouvoir, ils furent dotés du
Saint-Esprit, qui est donc parfois appelé Paracletus
dans le Nouveau Testament [20], mot qui signifie quelqu'un
qui assiste, qui est appelé à l'aide [21], quoique qu'on le traduise communément par consolateur [22]. Considérons maintenant le pouvoir lui-même, ce qu'il fut
et sur qui il s'exerça.
Le cardinal Bellarmin, dans la
troisième de ses controverses générales, a traité d'un grand nombre de
questions concernant le pouvoir ecclésiastique du pape de Rome, et il commence
en se demandant si ce pouvoir doit être monarchique, aristocratique ou
démocratique, lesquelles sortes de pouvoir sont toutes souveraines et
coercitives. Si maintenant il apparaît que notre Sauveur n'a laissé aux
ecclésiastiques aucun pouvoir coercitif, mais seulement le pouvoir de proclamer
le royaume de Dieu, et de persuader les hommes de s'y soumettre, et, par des
préceptes et des bons conseils, leur apprendre ce que doivent faire ceux qui se
sont soumis pour être reçus dans le royaume de Dieu quand il viendra, et que
les apôtres, et les autres ministres de l'Evangile sont nos maîtres d'écoles [23], et non nos chefs [24], et que leurs préceptes ne sont pas des lois, mais des
conseils salutaires, alors tout ce débat serait vain.
J'ai déjà montré au chapitre précédent
que le royaume du Christ n'est pas de ce monde, et que par conséquent ses
ministres ne peuvent pas, à moins d'être rois, exiger l'obéissance en son nom.
En effet, si le roi suprême n'a pas son pouvoir royal [25] dans ce monde, par quelle autorité l'obéissance à ses
officiers peut-elle être exigée? Comme mon père m'a envoyé, dit ainsi notre
Sauveur, je vous envoie [26]. Mais notre Sauveur fut envoyé pour convaincre les juifs
de revenir au royaume de son Père, et pour inviter les Gentils à le recevoir,
et non pour régner en majesté, pas même comme lieutenant de son père, avant le
jugement dernier.
Le temps entre l'ascension et la
résurrection générale est appelé, non un règne, mais une régénération,
c'est-à-dire une préparation des hommes à la seconde et glorieuse venue du
Christ au jour du jugement, comme il apparaît par les paroles de notre Sauveur,
en Matthieu, XIX, 28 : Vous qui m'avez suivi dans la régénération,
quand le Fils de l'homme siégera sur le trône de sa gloire, sous siégerez aussi
sur douze trônes [27]; et par les paroles de saint Paul, en Ephésiens, VI, 15 : Ayant vos
pieds chaussés de la préparation de l'Evangile de paix [28].
Ce temps est comparé par notre
Sauveur à une pêche [29], c'est-à-dire au fait de gagner les hommes à l'obéissance,
non par la coercition et la punition, mais par la persuasion. Et c'est pourquoi
il ne dit pas à ses apôtres qu'il en fera autant de Nemrods [30], de chasseurs
d'hommes, mais qu'il en fera des pêcheurs
d'hommes [31]. Ce temps est aussi comparé au levain [32], aux semailles [33], et à la croissance d'une graine de moutarde [34], ce qui exclut toute contrainte, et par conséquent, ce
temps ne pourra pas être celui d'un règne effectif [35]. La tâche des ministres du Christ est l'évangélisation,
c'est-à-dire la proclamation du Christ et la préparation de sa seconde venue,
comme l'évangélisation de Jean-Baptiste était une préparation à sa première
venue.
De plus, la fonction des ministres
du Christ dans ce monde est de faire que les hommes croient et aient foi dans
le Christ; mais la foi n'a pas de relation, ni de dépendance à l'égard de la
contrainte ou du commandement, elle repose seulement sur la certitude, ou sur
la probabilité d'arguments tirés de la raison [36], ou de quelque chose auquel les hommes croient déjà. Par
conséquent, les ministres du Christ dans ce monde n'ont à ce titre aucun
pouvoir de punir un homme parce qu'il ne croit pas ou contredit ce qu'ils
disent. Ils n'ont, dis-je, au titre de ministres du Christ, aucun pouvoir de
punir une telle action. Mais s'ils détiennent le pouvoir civil souverain, par
institution politique, alors ils peuvent en vérité légalement punir tout ce qui
contredit leurs lois, et saint Paul dit de lui-même et des autres prédicateurs
de l'époque de l'Evangile, en paroles claires : Vous n'avons aucun empire sur votre foi, mais nous collaborons
[seulement] à votre joie [37] [38].
Une autre preuve que les ministres du Christ, dans ce monde
actuel, n'ont aucun droit de commander, peut être tirée de l'autorité légitime [39] que le Christ avait laissée à tous les princes, aussi bien
aux princes chrétiens qu'aux infidèles. Saint Paul dit, en Colossiens, III, 20 : Enfants,
obéissez à vos parents en toute chose, car cela est très agréable au Seigneur, et
au verset 22 : Et serviteurs, obéissez en
toute chose à vos maîtres selon la chair, non parce que le service est
surveillé [40], pour plaire aux
hommes, mais dans la simplicité du coeur, dans la crainte du Seigneur [41]. Cela est dit à ceux dont les maîtres sont des infidèles,
et pourtant, on ordonne aux serviteurs d'obéir aux maîtres en toute chose. De même, concernant l'obéissance aux princes,
saint Paul, en Romains, XIII, 1-6, exhorte les hommes à s'assujettir aux pouvoirs suprêmes, et il dit que tout pouvoir est ordonné par Dieu [42], et que nous devons
leur être assujettis, non par crainte d'encourir leur courroux, mais par acquit
de conscience [43]. Et saint Pierre
dit, en 1. Pierre, 13-15 : Soumettez-vous à toute ordonnance humaine, à
cause du Seigneur, qu'il s'agisse d'un roi, parce qu'il est suprême, ou des
gouverneurs, en tant qu'ils sont envoyés par ce roi pour le châtiment de ceux
qui font le mal et pour la récompense de ceux qui font le bien; car c'est la
volonté de Dieu [44]. Et encore, saint Paul dit, en Tite, III, 1 : Rappelle-leur d'être
assujettis aux principautés et aux pouvoirs, et d'obéir aux magistrats [45]. Ces princes et ces pouvoirs dont parle ici saint Pierre
et saint Paul sont tous infidèles. Nous devons donc d'autant plus obéir aux
Chrétiens que Dieu a ordonnés pour avoir le pouvoir souverain sur nous. Comment
alors pourrions-nous être obligés d'obéir à un ministre du Christ s'il nous
ordonnait de faire quelque chose de contraire au commandement du roi ou d'un
représentant souverain de la République dont nous sommes membres [46] et dont nous attendons d'être protégés? Il est donc
manifeste que le Christ n'a laissé en ce monde à ses ministres aucune autorité
de commander aux autres hommes, à moins qu'ils soient aussi dotés d'une
autorité civile [47].
Mais, peut-on objecter, si un roi,
un sénat, ou une autre personne souveraine nous interdit de croire au Christ? A
cela, je réponds qu'une telle interdiction n'est d'aucun effet parce que la
croyance et l'incroyance ne suivent jamais les commandements humains. La foi
est un don de Dieu qu'on ne peut jamais donner en promettant une récompense, ou
supprimer en menaçant de tortures. Et si l'on va plus loin et qu'on demande :
et si notre prince légitime nous ordonne de dire avec la langue que nous ne
croyons pas, devons-nous obéir à son ordre? Professer par la langue n'est
qu'une chose extérieure, ce n'est rien de plus qu'un geste par lequel nous
signifions notre obéissance, et en cela, un Chrétien qui possède la foi du
Christ fermement dans son coeur a la même liberté que celle que le prophète
Elisée accorda à Naaman le Syrien. Naaman était converti dans son coeur au Dieu
d'Israël, car il dit, en 2. Rois, V,
17 : Ton serviteur n'offrira plus à
l'avenir d'holocauste ni de sacrifices à d'autres dieux que le Seigneur. Pour
cela, que le Seigneur pardonne à son serviteur, car quand mon maître va dans la
maison de Remmon pour y rendre le culte, et qu'il s'appuie sur ma main, je me
prosterne dans la maison de Remmon; quand je me prosterne dans la maison de
Remmon, que le Seigneur pardonne à ton serviteur pour cet acte [48]. Le prophète accepta et lui dit d'aller en paix. Ici, Naaman croyait dans son coeur, mais en se
prosternant devant l'idole Remmon, il reniait le vrai Dieu dans les faits
autant qu'il l'aurait fait avec ses lèvres. Mais alors, que répondrons-nous à
notre Sauveur qui dit : Quiconque me
renie devant les hommes, je le renierai devant mon Père qui est dans le ciel
[49]. Nous pouvons dire ceci : si quiconque, en tant que sujet,
comme l'était Naaman, est contraint d'obéir à son souverain, et obéit, non
selon son état d'esprit privé [50], mais conformément aux lois de son pays, cette action
n'est pas son action, mais celle du souverain, et dans ce cas, il ne renie pas
le Christ devant les hommes, mais devant son gouverneur et les lois de son
pays. Si quelqu'un accuse cette doctrine d'être incompatible avec le
Christianisme vrai et sincère, je lui demande ceci : au cas où il y aurait un
sujet, en quelque République chrétienne, qui soit intérieurement, dans son
coeur [51], de la religion mahométane, si son souverain lui ordonne
d'être présent au service divin de l'Eglise chrétienne, et cela sous peine de
mort, jugera-t-on ce Mahométan obligé en conscience [52] de souffrir la mort pour cette raison, plutôt que d'obéir
à ce qu'ordonne le prince légitime? Si l'on dit qu'il devrait plutôt subir la
mort, alors on autorise tous les particuliers à désobéir aux princes pour
conserver leur religion, vraie ou fausse. Si l'on dit qu'il doit obéir, alors
il s'autorise ce qu'il refuse aux autres, contrairement aux paroles de notre
Sauveur : Tout ce que vous voudriez que
les hommes vous fassent, faites-le leur [53]; et contrairement à la loi de nature (qui est la loi
indubitable et éternelle de Dieu) : Ne
fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît [54].
Mais alors, que dirons-nous de tous
ces martyrs dont l'histoire de l'Eglise nous dit qu'ils ont sans nécessité
renoncé à leur vie? Pour répondre à cette question, nous devons faire une
distinction entre les personnes qui ont été mises à mort pour ce motif :
certains ont reçu la vocation de prêcher et de professer ouvertement [55] le royaume du Christ; d'autres n'avaient pas une telle
vocation, et d'eux, il n'a rien été exigé d'autre que leur foi personnelle.
Ceux de la première sorte, s'ils ont été mis à mort pour avoir porté témoignage
que Jésus-Christ était ressuscité d'entre les morts, furent de vrais martyrs,
car un martyr (si l'on veut donner la
véritable définition du mot) est un témoin de la résurrection de Jésus le
Messie, et l'on ne peut être tel qu'en ayant vécu avec lui sur terre, et en
l'ayant vu ressuscité. En effet, un témoin doit avoir vu ce qu'il atteste, ou
autrement, son témoignage n'est pas valable [56]. Que personne, sinon ce type de témoin, ne puisse être
proprement appelé martyr du Christ, se tire manifestement des paroles de saint
Pierre, en Actes, I, 21-22 : De ces hommes qui nous ont accompagnés tout
le temps que le Seigneur Jésus vint parmi nous et s'en alla, du baptême de Jean
jusqu'au jour où il nous fut enlevé, l'un doit être ordonné pour être avec nous
un martyr (c'est-à-dire un témoin) de
sa résurrection [57]. Nous pouvons remarquer ici que celui qui doit être un
témoin de la vérité de la résurrection du Christ, c'est-à-dire de la vérité de
l'article fondamental de la religion chrétienne qui affirme que Jésus était le
Christ, doit être un disciple qui a vécu avec lui, et qui l'a vu avant et après
sa résurrection; et par conséquent, il faut qu'il soit l'un des premiers
disciples [58], alors que ceux qui ne l'étaient pas ne pouvaient rien
témoigner d'autre que le fait que leurs prédécesseurs avaient dit qu'il était
ressuscité, et ils n'étaient donc que les témoins du témoignage d'autres
hommes, que des seconds martyrs [59], ou martyrs des témoins du Christ.
Celui qui, pour soutenir toute
doctrine qu'il a lui-même tirée de l'histoire de la vie de notre Sauveur, et
des Actes ou Epîtres des apôtres, ou qu'il croit sur l'autorité d'un
particulier, s'oppose aux lois et à l'autorité de l'Etat civil, est très loin
d'être un martyr du Christ, ou un martyr de ses martyrs. Un unique article fait
qu'en mourant, on mérite un nom si honorable, et cet article est que Jésus est le Christ, c'est-à-dire celui
qui nous a donné la rédemption [60], et qui renviendra pour nous donner le salut, une vie
éternelle dans le royaume glorieux.
Mourir pour chaque dogme qui sert l'ambition ou le profit du clergé
n'est pas exigé. Ce n'est pas non plus la mort du témoin, mais le témoignage
lui-même, qui fait le martyr, car le mot ne signifie rien d'autre que l'homme
qui porte témoignage, qu'il soit mis à mort ou non pour son témoignage.
De plus, celui qui n'est pas envoyé
pour prêcher cet article fondamental, mais prend sur lui de le faire, de sa
propre autorité privée, même s'il est un témoin, et en conséquence un martyr
(soit martyr primaire du Christ, soit martyr secondaire de ses apôtres), n'est
cependant pas obligé de souffrir la mort pour ce motif, parce que, n'y étant
pas appelé, cette mort n'est pas exigée, et il ne doit pas se plaindre s'il
n'obtient pas la récompense qu'il espérait de ceux qui ne l'ont jamais lancé
dans cette tâche. Nul, donc, ne peut être un martyr, ni du premier, ni du
second degré, s'il n'a le mandat de prêcher le christ venu dans la chair [61], c'est-à-dire personne, sinon ceux qui sont envoyés pour
convertir les infidèles. En effet, nul n'est témoin pour celui qui croit déjà
et qui n'a donc pas besoin de témoin, mais on est témoin pour celui qui nie une
chose, qui en doute, ou qui n'en a pas entendu parler. Le christ a envoyé ses
apôtres et ses soixante-dix disciples avec l'autorité de prêcher, il n'a pas
envoyé tous ceux qui croyaient, et il les envoya vers les incroyants : Je vous envoie, dit-il, comme des brebis au milieu des loups [62], non comme des brebis vers d'autres brebis.
Enfin, leur mandat tel qu'il est
consigné expressément dans l'Evangile, ne contient aucun point leur donnant une
autorité sur ceux devant lesquels ils prêchent [63].
Nous lisons d'abord, en Matthieu, X, que les douze apôtres
furent envoyés aux brebis perdus de la
maison d'Israël [64], et qu'ils avaient ordre de prêcher que le royaume de Dieu était tout proche [65]. Or, prêcher, à l'origine, c'est l'acte qu'un crieur, un
hérault, ou un autre officier a coutume de faire publiquement pour la
proclamation d'un roi. Mais un crieur n'a pas le droit de donner des ordres à
quelqu'un. Et les soixante-dix disciples (Luc,
X, 2) sont envoyés comme ouvriers, non
comme maîtres de la moisson [66], et ils ont l'ordre (verset 9) de dire : Le royaume de Dieu est venu près de vous
[67], et par royaume, il faut entendre, non le royaume de la
grâce, mais le royaume de gloire, car ils ont l'ordre de l'annoncer [68] comme une menace [69] (verset 11) aux cités qui ne les recevraient pas, leur
disant que ce jour-là sera plus supportable pour Sodome que pour elles. Et notre Sauveur, en Matthieu, XX, 28, dit à ses disciples, qui recherchaient la
première place, que leur fonction était de servir, tout comme le Fils de
l'homme était venu, non pour être servi, mais pour servir [70]. Les prédicateurs, par conséquent, n'ont pas un pouvoir
magistral, mais un pouvoir ministériel [71] : Ne soyez pas
appelés maîtres [72], dit notre Sauveur en Matthieu,
XXIII, 10, car un seul est votre maître,
le Christ.
Un autre point de leur mandat [73] est d'enseigner
toutes les nations, comme il est dit en Matthieu,
XXVIII, 19, ou en saint Marc, XVI, 15
: Allez dans le monde entier, et prêchez
l'évangile à toute créature [74]. Par conséquent, enseigner est la même chose que prêcher,
car ceux qui proclament la venue d'un roi doivent en même temps faire connaître
en vertu de quel droit il vient, s'ils ont l'intention que les hommes se
soumettent à lui, comme saint Paul le fit envers les Juifs de Thessalonique,
quand pendant trois jours de Sabbat, il
raisonna avec eux à partir de l'Ecriture, leur découvrant [75] et leur alléguant que
le Christ devait nécessairement souffrir, et ressusciter d'entre les morts, et
que ce Jésus était le Christ [76]. Mais enseigner à partir de l'Ancien Testament que Jésus
était le Christ, c'est-à-dire le roi, et ressuscité d'entre les morts, ce n'est
pas dire que les hommes, croyant alors à cela, sont tenus d'obéir à ceux qui le
leur ont dit contrairement aux lois et aux commandements de leurs souverains,
c'est dire qu'ils attendront sagement la venue prochaine du Christ dans la
patience et dans la foi, en obéissant à leurs magistrats actuels [77].
Un autre point de leur mandat est de
baptiser [78], au nom du Père, et
du Fils, et du Saint-Esprit [79]. Qu'est-ce que le baptême? C'est une immersion dans l'eau.
Mais qu'est-ce qu'immerger dans l'eau un homme au nom de quelque chose? Le sens
des paroles du baptême est celui-ci : celui qui est baptisé est immergé, lavé,
comme signe qu'il devient un nouvel homme et un sujet fidèle de ce Dieu dont la
personne fut représentée dans l'antiquité par Moïse et les grands prêtres,
quand Dieu régnait sur les Juifs, et par Jésus-Christ, son Fils, Dieu et homme,
qui nous a donné la Rédemption [80], et qui, dans sa nature humaine, représentera la personne
de son Père dans son royaume éternel après la résurrection; fidèle [aussi] dans
le fait de reconnaître que la doctrine des apôtres qui, assistés par l'esprit
du Père et du Fils, furent laissés comme guides pour nous mener dans ce
royaume, est la seule voie assurée d'y [accéder]. C'est là notre promesse dans
le baptême; et les souverains terrestres n'étant pas déposés de leur autorité
jusqu'au jour du jugement (ce qui est expressément affirmé par saint Paul,
quand il dit, en 1. Corinthiens, XV,
22-24 : De même qu'en Adam tous meurent, de même dans le Christ tous seront
rendus vivants. Mais chaque homme à son propre rang, le Christ étant les
prémices [81], ensuite ceux qui
sont au Christ, à sa venue, puis vient la fin, quand il remettra le royaume à
Dieu, le Père, quand il aura aboli toute règle, et toute autorité, et tout
pouvoir [82]), il est manifeste que, par le baptême, nous ne
constituons pas sur nous une autre autorité par laquelle nos actions
extérieures doivent être gouvernées en cette vie, mais nous promettons
[simplement] de prendre la doctrine des apôtres pour nous diriger dans le
chemin de la vie éternelle.
Le pouvoir de rémission et de rétention des péchés [83], appelé aussi le pouvoir de délier et de lier [84], et parfois les clefs
du royaume du ciel [85], découle de l'autorité de baptiser ou de refuser de
baptiser, car le baptême est le sacrement d'allégeance de ceux qui doivent être
reçus dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire dans la vie éternelle, c'est-à-dire
ceux qui [connaîtront] la rémission des péchés. En effet, la vie éternelle fut
perdue en commettant le péché, elle sera recouvrée par la rémission des péchés
des hommes. La fin du baptême est la rémission des péchés; c'est pourquoi saint
Pierre, quand ceux qui avaient été convertis par son sermon du jour de la
Pentecôte [86] lui demandèrent ce qu'ils devaient faire, leur conseilla
de se repentir et de se faire baptiser au
nom de Jésus pour la rémission des péchés [87]. Par conséquent, étant donné que baptiser est proclamer
que les hommes sont reçus dans le royaume de Dieu, et que refuser de baptiser
est proclamer leur exclusion, il s'ensuit que le pouvoir de proclamer qu'ils
étaient rejetés ou retenus en ce royaume était donné aux mêmes apôtres, à leurs
substituts et à leurs successeurs. Et donc, après avoir soufflé sur eux, notre
Sauveur dit, en Jean, XX, 22 : Recevez le Saint-Esprit, et il ajoute au
verset suivant : A quiconque vous
remettez les péchés, ils sont remis, à quiconque vous les retenez, ils sont
retenus [88]. Par ces paroles n'est pas concédé une autorité de
pardonner ou de retenir les péchés purement et absolument [89], comme Dieu les pardonne ou les retient, lui qui connaît
le coeur de l'homme et sait si sa pénitence et sa conversion sont véritables,
mais une autorité de pardonner ou de retenir les péchés conditionnellement [90], à celui qui se repent; et ce pardon, cette absolution, au
cas où celui qui est absous fait semblant de se repentir, est de ce fait, sans
autre action ou sentence de celui qui absout, rendue nulle, et n'a absolument
aucun effet sur son salut, mais au contraire aggrave son péché. Les apôtres et
leurs successeurs ne doivent suivre que les marques extérieures de repentir, et
quand ces marques se manifestent, ils n'ont aucune autorité pour refuser
l'absolution, et si elles ne se manifestent pas, aucune autorité pour absoudre.
La même chose s'observe aussi pour le baptême, car, pour un Juif ou un Gentil
converti, les apôtres n'avaient pas le pouvoir de refuser le baptême, ni de
l'accorder à un non-pénitent. Mais étant donné que nul homme n'est capable de
distinguer la vérité du repentir d'un autre homme, sinon dans les limites des
marques extérieures tirées de ses paroles et de ses actions, paroles et actions
qui sont sujettes à l'hypocrisie [91], une autre question surgira : qui est constitué juge de
ces marques? Et cette question est résolue par notre Sauveur lui-même : Si ton frère, dit-il, t'offense, va et parle-lui de sa faute seul à seul. S'il t'écoute, tu
as gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, alors prends avec toi encore
[92] une ou deux personnes,
et s'il ne veut pas t'écouter, dis-le à l'Eglise, et s'il ne veut pas écouter
l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain [93] [94]. Par là, il est manifeste que le jugement concernant la
réalité du repentir n'appartient pas à un seul homme, mais appartient à
l'Eglise, c'est-à-dire à une assemblée de fidèles, ou à ceux qui ont autorité
pour être leur représentant. Mais outre le jugement, il est aussi nécessaire
que la sentence soit prononcée, et cette fonction appartient toujours à l'apôtre,
ou à quelque pasteur de l'Eglise, en tant que porte-parole [95]. Notre Sauveur parle de cela au verset 18 : Tout ce que vous lierez sur la terre sera
lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur terre sera délié dans le
ciel [96]. Et la pratique de saint Paul était conforme à cela, quand
il dit, en 1. Corinthiens, V, 3-5 : Car moi, en vérité, absent de corps, mais
présent en esprit, j'ai déjà déterminé [97], comme si j'étais
présent, à l'égard de celui qui a ainsi fait cette action; au nom de notre Seigneur
Jésus-Christ quand vous êtes assemblés, et avec mon esprit, avec le pouvoir de
notre Seigneur Jésus-Christ, de livrer cet homme à Satan [98], c'est-à-dire de le rejeter de l'Eglise, comme un homme
dont les péchés ne sont pas pardonnés. Ici, Paul prononce la sentence, mais
l'assemblée a d'abord eu à entendre la cause (car saint Paul était absent), et
elle l'a donc condamné. Mais dans le même chapitre, aux versets 11 et 12, le
jugement, pour un tel cas, est plus expressément attribué à l'assemblée : Mais maintenant je vous ai écrit que, si un
homme qui est appelé un frère est un fornicateur, etc., il ne faut pas le
fréquenter, et ne pas manger avec un tel homme. En effet, qu'ai-je à faire de
juger ceux qui sont au dehors? Ne jugez-vous pas ceux qui sont au dedans? [99] Donc, la sentence par laquelle un homme était rejeté de
l'Eglise était prononcée par l'apôtre, le pasteur, mais le jugement concernant
le bien-fondé de la cause [100] appartenait à l'Eglise, c'est-à-dire, comme c'était avant
la conversion des rois, et avant qu'il y eût des hommes détenant l'autorité
souveraine dans la République, à l'assemblée des Chrétiens habitant dans la
même cité, comme à Corinthe il appartenait à l'assemblée des Chrétiens de
Corinthe.
Cette partie du pouvoir des clefs [101], par laquelle les hommes étaient chassés du royaume de
Dieu, est appelée excommunication, et
excommunier, à l'origine aposunagôgon poiein [102], c'est jeter hors de
la synagogue, c'est-à-dire hors du lieu du service divin : un mot tiré de
la coutume qu'avaient les Juifs de jeter hors de leurs synagogues ceux dont ils
jugeaient les moeurs et la doctrine contagieuses, tout comme les lépreux, par
la loi de Moïse, étaient séparés de l'assemblée d'Israël tant qu'ils n'étaient
pas déclarés purifiés par le prêtre.
Le rôle, l'effet de
l'excommunication, tant qu'elle ne fut pas encore renforcée par le pouvoir
civil, se limitait à ceci : ceux qui n'étaient pas excommuniés devaient éviter
la compagnie de ceux qui l'étaient. Il n'était pas suffisant qu'ils passent
pour des païens [103], ces derniers n'ayant jamais été chrétiens, car, avec les
païens, ils pouvaient manger et boire, ce qu'ils ne pouvaient pas faire avec
des personnes excommuniées, comme il apparaît dans les paroles de saint Paul,
en 1. Corinthiens, V, 9, quand il
leur dit qu'il leur a formellement interdit de fréquenter les fornicateurs [104], mais, comme cela ne pouvait être sans sortir du monde, il
restreint pour les fidèles l'interdiction aux fornicateurs et autres personnes
atteintes de vices [105] qui seraient leurs frères. Avec un tel homme, dit-il, ils ne doivent pas avoir de compagnie, pas même pour manger. Et ce n'est rien
de plus que ce que dit notre Sauveur en Matthieu,
XVIII, 17 : qu'il soit pour toi comme un
païen et comme un publicain. En effet, les publicains [106] (le mot signifie les fermiers [107] et les percepteurs du revenu de la République) étaient si
haïs et détestés par les Juifs qui devaient payer l'impôt, que, parmi eux, publicain et pécheur voulaient dire la même chose; à tel point que, quand notre
Sauveur accepta l'invitation du publicain Zachée
[108], bien que ce fût pour le convertir, cela lui fut pourtant
reproché comme un crime [109]. Et donc, quand notre Sauveur, à païen, ajoutait publicain
[110], il leur interdisait de manger avec un homme excommunié.
Pour ce qui est de les tenir hors de
leurs synagogues, ou des lieux de réunion, ils n'en avaient pas le pouvoir,
c'était le propriétaire de l'endroit, qu'il fût chrétien ou païen, qui avait ce
pouvoir. Et comme tous les lieux sont de droit sous l'empire de la République,
l'excommunié, comme le non-baptisé, pouvait entrer en ces lieux par mandat du
magistrat civil [111], tout comme Paul, avant sa conversion, entrait dans les
synagogues de Damas [112] pour appréhender les chrétiens, femmes et hommes, et les
envoyer enchaînés à Jérusalem, par mandat du grand prêtre.
Par là, on voit que pour des
chrétiens qui devenaient apostats dans un lieu où le pouvoir civil persécutait
l'Eglise, ou ne l'aidait pas, l'excommunication ne produisait aucun effet,
aucun dommage dans ce monde, aucune terreur : aucune terreur parce qu'ils
étaient incroyants, aucun dommage parce qu'ils revenaient par là dans les
faveurs du monde; et dans le monde à venir, leur condition ne serait pas pire
que la condition de ceux qui n'avaient jamais cru. Le dommage retombait plutôt
sur l'Eglise, car l'excommunication incitait ceux qu'elle chassait à exercer
plus librement leur malice [113].
L'excommunication n'avait donc
d'effet que sur ceux qui croyaient que Jésus-Christ devenait revenir dans la
gloire pour régner sur les vivants et les morts et pour les juger, et qu'il
refuserait donc l'entrée dans son royaume à ceux dont les péchés seraient
retenus, c'est-à-dire à ceux qui seraient excommuniés par l'Eglise. C'est de là
que saint Paul appelle excommunication le fait de livrer une personne
excommuniée à Satan [114], car, après le jugement dernier, en dehors du royaume du
Christ, tous les autres royaumes sont compris dans le royaume de Satan. C'est
ce qui tenait les fidèles en crainte, aussi longtemps qu'ils demeuraient
excommuniés, c'est-à-dire dans un état où leurs péchés n'étaient pas pardonnés.
Ce qui nous fait comprendre que l'excommunication, à une époque où la religion
chrétienne n'avait pas une autorité provenant du pouvoir civil, n'était
utilisée que pour corriger les moeurs [115], et non les opinions erronées. En effet, c'est un
châtiment auquel personne n'était sensible, sinon ceux qui croyaient au retour
de notre Sauveur pour juger le monde, et qui l'attendaient; et ceux qui
croyaient cela n'avaient besoin d'aucune autre opinion pour être sauvés : seule
suffisait une vie droite.
On peut être excommunié pour
injustice [116] : si ton frère
t'offense, parle-lui en privé, puis avec témoins, enfin, dis-le à l'Eglise, et
si alors il n'obéit [toujours] pas,
qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain (Matthieu, XVIII) [117]. Et on peut être excommunié à cause d'une vie scandaleuse,
comme il est dit en 1. Corinthiens,
V, 11 : Si quelqu'un qui est appelé frère est un fornicateur, ou un homme avide,
ou un idolâtre, ou un ivrogne, ou un extorqueur [118], avec un tel
homme, vous ne devez pas manger [119]. Mais excommunier quelqu'un parce qu'il défend le principe
[120] que Jésus est le
Christ, pour une différence d'opinion sur certains points qui ne détruisent
pas ce principe, on ne voit rien qui l'autorise dans l'Ecriture, et on n'en
trouve aucun exemple chez les apôtres. En vérité, il existe un texte de saint
Paul, en Tite, III, 10, qui semble
contraire à ce que je dis : Un homme qui
est un hérétique, après une première et une deuxième remontrances, rejette-le
[121]; car un hérétique
est celui qui, étant membre de l'Eglise, enseigne cependant quelque opinion
privée [122] que l'Eglise a interdite, et un tel homme, saint Paul
avertit Tite qu'il doit être rejeté
après une première et une deuxième remontrances. Mais ici, rejeter un homme, ce n'est pas l'excommunier, mais c'est cesser
de lui faire des remontrances, le laisser seul, ne plus disputer avec lui,
comme quelqu'un qui ne peut être convaincu que par lui-même. Le même apôtre
dit, en 2. Thimothée, II, 23 : Evite les questions sottes et ignorantes
[123]. Dans ce passage, le mot évite, et le mot rejette
dans le passage précédent correspondent au mot grec original paraitou [124], mais on peut mettre de côté [125] des questions sottes sans être excommunié. Même chose en Tite, III, 9, pour évite les questions sottes, où l'original periistaso (mets-les de côté
[126]) est équivalent au mot rejette
du premier passage. Il n'existe pas d'autre passage qu'on puisse avec
vraisemblance utiliser pour justifier de rejeter hors de l'Eglise des hommes
fidèles, qui croient au principe, [les rejeter] seulement à cause d'une
construction singulière de leur cru, qui procède peut-être d'une conscience
bonne et pieuse [127]. Mais, au contraire, tous les passages de ce type qui
commandent d'éviter de pareilles disputes ont été écrites comme une leçon pour
les pasteurs tel que Thimothée et Tite, pour qu'ils ne fassent pas de nouveaux
articles de foi en décidant de chaque petite controverse, articles de foi qui obligent
les hommes à charger leur conscience d'un fardeau inutile ou qui les incitent à
rompre leur union à l'Eglise, laquelle leçon est bien observée par les apôtres
eux-mêmes. Saint Pierre et saint Paul, quoique la controverse qui les opposa
fût importante [128], comme nous pouvons le lire en Galates, I, 11, ne s'exclurent pas l'un l'autre de l'Eglise.
Néanmoins, au temps des apôtres, il y eut d'autres pasteurs qui ne
l'observèrent pas, comme Diotréphès (3. Jean,
9 sqq. [129]) qui rejeta hors de l'Eglise ceux que saint Jean lui-même
jugeait aptes à l'admission, et cela à cause de l'orgueil qu'il tirait de se
prééminence. Ainsi, dès le début, la vanité et l'ambition avaient réussi à s'introduire dans l'Eglise du Christ.
Pour que quelqu'un soit passible
d'excommunication, beaucoup de conditions sont requises, comme d'abord, qu'il
soit membre de quelque communauté, c'est-à-dire de quelque assemblée légitime [130], c'est-à-dire de quelque Eglise chrétienne ayant le
pouvoir de juger de la cause pour laquelle il doit être excommunié, car là où
il n'existe aucune communauté, il ne peut y avoir d'excommunication, et là où
n'existe aucun pouvoir de juger, il ne peut y avoir un quelconque pouvoir de
rendre une sentence.
Il suit de là qu'une Eglise ne peut
pas être excommuniée par une autre Eglise : en effet, soit elles ont un égal
pouvoir de s'excommunier l'une l'autre, auquel cas l'excommunication n'est pas
une mesure disciplinaire [131], ni un acte d'autorité, mais un schisme et une dissolution
de la charité [132]; soit l'une est si subordonnée à l'autre qu'elles n'ont
ensemble qu'une seule voix, et alors elles ne forment qu'une seule Eglise, et
la partie excommuniée n'est plus une Eglise, mais un nombre de personnes
individuelles sans unité [133].
Et comme la sentence
d'excommunication comporte l'avis de ne pas demeurer en compagnie ni de manger
avec celui qui est excommunié, si un prince souverain ou une assemblée
souveraine sont excommuniés, la sentence ne peut avoir aucun effet. En effet,
par la loi de nature, tous les sujets sont tenus d'être en compagnie et en
présence de leur propre souverain quand il l'exige, et ils ne peuvent
légitimement soit le chasser de quelque lieu de son propre empire, profane ou
sacré, soit sortir de son empire sans sa permission [134]. Encore moins peuvent-ils refuser de manger avec lui s'il
leur fait cet honneur. Et quant aux autres princes et Etats, comme ils ne sont
pas des parties d'une seule et même congrégation, ils n'ont pas besoin de
quelque autre sentence pour être empêchés de fréquenter l'Etat excommunié, car
l'institution-même, en tant qu'elle unit de nombreux hommes en une seule
communauté, sépare ainsi chaque communauté de l'autre, et de cette façon,
l'excommunication n'est pas nécessaire pour tenir les rois éloignés l'un de
l'autre, et elle n'a pas d'autre effet que celui qui est inhérent à la nature
de la politique elle-même, si ce n'est qu'elle incite les princes à se faire la
guerre.
L'excommunication d'un sujet
chrétien qui obéit aux lois de son propre souverain, chrétien ou païen, n'est
d'aucun effet non plus, car s'il croit que Jésus
est le Christ, il a l'esprit de Dieu [135] (1.Jean.IV, 1), et Dieu demeure en lui, et lui en Dieu [136] (1. Jean, IV,
15). Mais celui qui a l'esprit de Dieu, celui qui demeure en Dieu, celui en qui
Dieu demeure, ne saurait recevoir un mal de l'excommunication des hommes. Donc,
celui qui croit que Jésus est le Christ est affranchi de tous les dangers qui
menacent les personnes excommuniées. Celui qui ne le croit pas n'est pas
chrétien. Par conséquent, un vrai chrétien, sincère, n'est pas passible
d'excommunication [137]. Celui qui se fait passer [138] pour chrétien non plus, tant que son hypocrisie n'apparaît
pas dans ses moeurs, tant que sa conduite n'est pas contraire à la loi du
souverain, loi qui est la règle des moeurs, et à laquelle le Christ et les
apôtres nous ont ordonné d'être assujettis. En effet, l'Eglise ne peut juger
des moeurs que par les actions extérieures, lesquelles actions ne peuvent
jamais être illégitimes que si elles sont contraires à la loi de la République.
Si le père, la mère, ou le maître
d'un homme est excommunié, il n'est cependant pas interdit à ses enfants de
demeurer en sa compagnie ou de manger avec lui, car ce serait obliger la
plupart d'entre eux de ne pas manger, faute de moyens d'acquérir de la
nourriture, et ce serait leur donner l'autorisation de désobéir à leurs parents
et à leurs maîtres, contrairement aux préceptes des apôtres
En somme, le pouvoir d'excommunier
ne saurait être étendu au-delà de la fin pour laquelle les apôtres et les
pasteurs tiennent leur mandat de notre Sauveur, qui est non pas de gouverner
par le commandement et la coercition mais en enseignant et en dirigeant les
hommes dans la voie du salut dans le monde à venir [139]. Et de même qu'un maître en quelque science peut
abandonner son élève quand celui-ci néglige obstinément la pratique de ses
règles, mais ne saurait l'accuser d'injustice puisque l'élève n'a jamais été
tenu de lui obéir [140], de même celui qui enseigne la doctrine chrétienne peut
abandonner ses disciples qui continuent obstinément à vivre de façon non
chrétienne, mais il ne saurait dire qu'ils lui font du mal, parce qu'ils ne
sont pas obligés de lui obéir. En
effet, à un maître qui se plaindrait de cette façon, on pourrait appliquer la
réponse que Dieu fit à Samuel dans le même cas : Ce n'est pas toi qu'ils ont rejeté, c'est moi [141]. L'excommunication est donc sans effet, et on ne doit pas
la craindre, quand il manque l'assistance du pouvoir civil, comme c'est le cas
quand un Etat chrétien ou un prince chrétien est excommunié par une autorité
étrangère. L'expression fulmen
excommunicationis (c'est-à-dire : les
foudres de l'excommunication) [142] vient de ce qu'un évêque de Rome, qui l'utilisa le
premier, s'imagina être le roi des rois, comme les païens faisaient de Jupiter
le roi des dieux et lui attribuaient, dans leurs poèmes et leurs images, un
foudre [143] pour subjuguer et punir les géants qui oseraient nier son
pouvoir. Cela se fondait sur deux erreurs : l'une, que le royaume du Christ est
de ce monde, contrairement aux propres paroles de notre Sauveur (Mon royaume n'est pas de ce monde [144]), l'autre, qu'il était le vicaire du Christ, non seulement
sur ses propres sujets, mais sur tous les Chrétiens du monde, ce dont on ne
trouve aucun fondement dans l'Ecriture, et le contraire sera prouvé au lieu qui
convient.
Quand saint Paul arriva à Thessalonique,
où il y avait une synagogue des Juifs, comme
à son habitude, il alla vers eux, et pendant trois jours de Sabbat, il raisonna
avec eux à partir de l'Ecriture, leur découvrant [145] et leur alléguant
que le Christ devait nécessairement souffrir, et ressusciter d'entre les morts,
et que ce Jésus était le Christ [146] (Actes, XVII,
2-3). Les Ecritures dont il est fait ici mention sont celles des Juifs,
c'est-à-dire l'Ancien Testament. Les hommes à qui il devait prouver que Jésus
était le Christ et qu'il devait ressusciter d'entre les morts, étaient aussi
des Juifs qui croyaient déjà que ces Ecritures étaient la parole de Dieu. A la
suite de cela, comme il est dit dans le verset 4 [147], certains d'entre eux crurent, et, comme il est dit dans
le verset 5 [148], d'autres ne crurent pas. Pour quelle raison, alors qu'ils
croyaient tous l'Ecriture, ne crurent-ils pas tous de la même façon, certains
approuvant, d'autres désapprouvant l'interprétation de saint Paul qui la
citait, chacun interprétant l'Ecriture pour lui-même? Celle-ci : saint Paul
venait vers eux sans mandat légal, et à la manière de quelqu'un qui ne veut pas
commander, mais persuader, ce qu'il devait nécessairement faire, soit par des
miracles, comme Moïse le fit en Egypte pour les Israélites, pour qu'ils pussent
voir son autorité dans les oeuvres de Dieu, soit en raisonnant à partir de
l'Ecriture déjà acceptée, pour qu'ils pussent voir la vérité de sa doctrine
dans la parole de Dieu. Mais quiconque persuade en raisonnant à partir de
principes écrits rend celui à qui il parle juge, aussi bien du sens de ces
principes que de la force des inférences faites à partir de ces principes. Si
ces Juifs de Thessalonique n'étaient pas juges de ce que saint Paul alléguait à
partir de l'Ecriture, qui d'autre l'était? Si c'était saint Paul, quel besoin
avait-il d'en citer des passages pour prouver sa doctrine? Il aurait été
suffisant de dire : Je trouve cela dans l'Ecriture, c'est-à-dire dans vos lois
dont je suis l'interprète, en tant qu'envoyé par le Christ. Par conséquent,
l'interprète de l'Ecriture, à l'interprétation duquel les Juifs de
Thessalonique étaient tenus de se tenir ne pouvait être personne : chacun
pouvait croire ou ne pas croire, selon que les allégations lui semblaient
s'accorder ou ne pas s'accorder avec le sens des passages allégués. Et
généralement dans tous les cas, celui qui prétend détenir une preuve fait juge
de cette preuve celui à qui s'adresse son discours. Et pour le cas des Juifs en
particulier, ils étaient tenus par des paroles expresses (Deutéronome, XVII [149]) de n'accepter la décision de toutes les questions ardues
que des prêtres et des juges d'Israël de l'époque. Mais cela doit s'entendre
des Juifs qui n'étaient pas encore convertis.
Pour la conversion des Gentils, il
était inutile d'alléguer les Ecritures, auxquelles ils ne croyaient pas. Les
apôtres, donc, travaillaient à réfuter leur idolâtrie par la raison [150], et cela fait, à les persuader d'avoir foi dans le Christ
par leur témoignage de sa vie et de sa résurrection. De sorte qu'il n'y avait
pas non plus de controverse quant à l'autorité qui devait interpréter
l'Ecriture, étant donné que nul n'est obligé, tant qu'il est infidèle, de
suivre l'interprétation de quelqu'un, sauf l'interprétation des lois de son
pays par son souverain.
Considérons maintenant la conversion
elle-même, et voyons ce qu'il y avait en elle qui put être la cause d'une telle
obligation. Les hommes n'étaient convertis à rien d'autre qu'à croire ce que
les apôtres prêchaient, et les apôtres ne prêchaient qu'une chose, que Jésus
était le Christ, c'est-à-dire le roi qui devait les sauver et régner sur eux
éternellement dans le monde à venir, et que par conséquent, il n'était pas
mort, mais ressuscité d'entre les morts, et monté dans le ciel, et qu'il
reviendrait un jour pour juger le monde (qui devait aussi ressusciter pour être
jugé), et pour récompenser chaque homme selon ses oeuvres. Aucun d'eux ne
prêchait que lui-même, ou un autre apôtre était cet interprète de l'Ecriture
auprès duquel ceux qui devenaient chrétiens devaient prendre l'interprétation
comme loi. En effet, interpréter les lois est une partie de l'administration du
royaume actuel, que les apôtres ne possédaient pas. Alors, ils priaient, et
depuis, tous les autres aussi : Que ton
Royaume arrive [151]; et ils exhortaient les convertis à obéir à leurs princes
païens d'alors [152]. Le Nouveau Testament n'était pas encore publié en un seul
corps. Chaque évangéliste était interprète de son propre Evangile, et chaque
apôtre de sa propre Epître, et de l'Ancien Testament, notre Sauveur lui-même
dit aux Juifs, en Jean, V, 39 : Sondez
les Ecritures, car en elles, vous pensez avoir la vie éternelle, et ce sont
elles qui témoignent de moi [153]. S'il n'avait pas eu l'intention qu'ils les
interprétassent, il ne leur aurait pas ordonné d'y prendre la preuve qu'il
était le Christ. Soit il les aurait interprétées lui-même, soit il les aurait
renvoyés à l'interprétation des prêtres.
Quand surgissait une difficulté, les
apôtres et les anciens de l'Eglise s'assemblaient, et déterminaient ce qui
serait prêché et enseigné, et comment ils interpréteraient les Ecritures au
peuple, mais ils n'enlevaient pas au peuple la liberté de les lire et de les
interpréter par eux-mêmes. Les apôtres envoyèrent plusieurs lettres aux
Eglises, et d'autres écrits, pour leur instruction, ce qui aurait été fait en
vain si les Eglises n'avaient pas eu la permission d'interpréter les Ecritures,
c'est-à-dire d'en considérer le sens. C'était à l'époque des apôtres, et ce dut
être ainsi jusqu'à ce qu'il y eût des pasteurs qui pussent autoriser un
interprète, à l'interprétation duquel on se tiendrait généralement. Mais cela
était impossible tant que les rois n'étaient pas pasteurs, ou les pasteurs
rois.
Un écrit peut être dit canonique [154] en deux sens : en effet, canon signifie règle [155], et une règle est un précepte par lequel un homme est
guidé et dirigé en une action, quelle qu'elle soit. Ces préceptes, même donnés
par un maître [156] à ses disciples, ou par un conseiller à son ami, sans
pouvoir de contraindre celui qui les observe, sont néanmoins des canons, parce
que ce sont des règles. Mais quand ils sont donnés par quelqu'un à qui celui qui
les observe est tenu d'obéir, alors ces canons ne sont pas seulement des
règles, mais ce sont des lois. La question est donc ici celle du pouvoir de
faire les Ecritures, qui sont les règles de la foi chrétienne, des lois.
Cette partie de l'Ecriture qui
devint la première loi fut les Dix Commandements, écrits sur deux tables de
pierre, donnés par Dieu lui-même à Moïse, et portés à la connaissance du peuple
par Moïse. Avant cette époque, il n'y avait aucune loi écrite de dieu qui,
n'ayant pas encore choisi un peuple pour être son royaume particulier, n'avait
pas donné de lois aux hommes, sinon la loi de nature, c'est-à-dire les
préceptes de la raison naturelle, écrits dans le coeur de tout homme [157]. La première de ces deux tables contient la loi de souveraineté
: 1° Que les Israélites n'obéissent pas aux dieux des autres nations, et qu'ils
ne les honorent pas, ce qu'on trouve dans ces paroles : Non habebis Deos alienos coram me [158], c'est-à-dire : Tu
n'auras pas pour dieux les dieux que les autres nations adorent, mais seulement
moi [159], paroles qui leur interdisaient d'obéir et de rendre
honneur comme à leur roi et gouverneur à un autre Dieu que celui qui leur avait
parlé par Moïse, et ensuite par le grand prêtre. 2° Qu'ils ne fabriquent aucune image pour le représenter [160], c'est-à-dire qu'ils ne devaient se choisir, ni dans le
ciel ni sur terre, aucune représentation de leur propre fantaisie [161], mais obéir à Moïse et à Aaron qu'il avait désignés pour
cette fonction. 3° Qu'ils ne prennent pas
le nom de Dieu en vain [162], c'est-à-dire qu'ils ne parlent pas à la légère de leur
roi, qu'ils ne disputent pas son droit, ni les mandats de Moïse et Aaron, ses
lieutenants [163]. 4° Que chaque
septième jour, ils s'abstiennent de leur travail ordinaire [164], et qu'ils emploient ce temps à lui rendre un honneur
public. La seconde table contient les devoirs des hommes les uns envers les
autres, comme honorer ses parents, ne pas
tuer, ne pas commettre d'adultère, ne pas voler, ne pas corrompre le jugement
par un faux témoignage, et finalement ne
pas projeter, même dans son coeur, de se causer du tort l'un envers l'autre
[165]. La question est maintenant : qui donna à ces tables écrites la force obligatoire des lois?
Sans aucun doute, elles furent faites lois par Dieu lui-même. Mais comme une
loi n'oblige pas, que ce n'est une loi pour quelqu'un que s'il a reconnu
qu'elle était l'acte du souverain, comment le peuple d'Israël, à qui il était
interdit d'approcher de la montagne pour entendre ce que Dieu disait à Moïse,
pouvait-il être obligé d'obéir à toutes ces lois que Moïse leur exposait? Il
est vrai que certaines d'entre elles étaient des lois de nature, comme toutes
celles de la seconde table, et elles pouvaient donc être reconnues comme lois
de Dieu, pas seulement par les Israélites, mais par tous les peuples, mais pour
celles qui étaient particulières aux Israélites, comme celles de la première
loi, la question demeurerait s'ils ne s'étaient pas obligés, juste après
qu'elles furent exposées, à obéir à Moïse en ces termes : Parle-nous, et nous t'écouterons, mais que Dieu ne nous parle pas, de
peur que nous ne mourrions [166] (Exode, XX, 19).
C'est donc alors seulement Moïse, et après lui le grand prêtre, à qui, par
Moïse, Dieu déclara qu'il administrerait son royaume particulier, qui avait sur
terre le pouvoir de faire de ce court écrit du Décalogue la loi de la
République d'Israël. Mais Moïse, et Aaron, et les grands prêtres qui leur
succédèrent furent les souverains civils. Par conséquent, jusque-là, l'acte qui
rendait un écrit canonique, qui faisait de l'Ecriture une loi, appartenait au
souverain civil [167].
La loi judiciaire [168], c'est-à-dire les lois que Dieu a prescrites aux
magistrats d'Israël comme règle de leur administration de la justice, et des
sentences ou jugements qu'ils prononceraient dans les procès [169] d'homme à homme, et la loi lévitique [170], c'est-à-dire la règle que Dieu a prescrite pour les rites
et les cérémonies des prêtres et des lévites, sont toutes transmises aux
Israélites par le seul Moïse, et donc, elles deviennent aussi lois en vertu de
la même promesse d'obéissance à Moïse. Si ces lois furent alors écrites, ou non
écrites mais récitées oralement [171] au peuple par Moïse, après ses quarante jours passés avec
Dieu sur la montagne, ce n'est pas dit dans le texte; mais elles étaient toutes
des lois positives, et équivalaient à un texte sacré [172], et elles furent rendues canoniques par le souverain civil
Moïse.
Après que les Israélites furent
venus dans les plaines de Moab, en face de Jéricho, et qu'ils furent prêts à
entrer dans la terre promise, Moïse ajouta aux premières lois diverses autres
lois, qui sont pour cela appelées Deutéronome, c'est-à-dire la seconde loi [173], et elles sont, comme il est écrit en Deutéronome, XXIX, 1, les
paroles de la convention [174] que le Seigneur
commanda à Moïse de faire avec les enfants d'Israël, en plus de la convention
qu'il avait faite avec eux sur l'Horeb [175] [176]. En effet, ayant expliqué ces premières lois, au début du
livre du Deutéronome, il en ajoute
d'autres, qui commencent au chapitre XII et continuent jusqu'à la fin du
chapitre XXVI du même livre. Il leur fut ordonné, à leur passage du Jourdain,
d'écrire ces lois sur des pierres enduites de chaux (Deutéronome, XVII, 1) [177]. Cette loi fut aussi écrite par Moïse lui-même dans un
livre qu'il remit entre les mains des prêtres
et des anciens d'Israël (Deutéronome
XXXI, 9), et Moïse ordonna (verset 26) de
la mettre à côté de l'Arche, car dans l'Arche elle-même, il n'y avait rien
d'autre que les dix commandements.
C'est de cette loi que Moïse ordonna aux rois d'Israël de conserver une copie (Deutéronome, XVII, 18), et c'est cette
loi qui, ayant été perdue longtemps, fut retrouvée dans le temple à l'époque de
Josias, et qui fut reçue comme loi de Dieu par son autorité. Mais les deux, Moïse
quand il l'écrivit, et Josias quand il la retrouva, détenaient la souveraineté
civile. Jusqu'à ce moment, donc, le pouvoir de rendre l'Ecriture canonique
appartenait au souverain civil.
En dehors de ce livre de la loi, il
n'existait pas d'autre livre, de l'époque de Moïse jusqu'à la captivité, reçu
par les Juifs comme loi de Dieu, car les prophètes, sinon un petit nombre,
vécurent à l'époque-même de la captivité, et les autres peu de temps avant; et
ils étaient loin de voir leurs prophéties généralement reçues comme lois qu'ils
étaient persécutés, en partie par les faux prophètes, en partie par les rois
qui étaient séduits par ces prophètes. Et le livre lui-même, que Josias
authentifia comme loi de Dieu, et avec lui toute l'histoire des oeuvres de Dieu,
fut perdu pendant la captivité et le sac de la cité de Jérusalem, comme on le
voit par 2. Esdras, XIV, 21 : Ta loi est brûlée, et donc, personne ne sait
les choses qui sont faites par toi, ou les oeuvres qui commenceront [178]. Et avant la captivité, entre le moment où la loi fut
perdue (ce qui n'est pas mentionné dans l'Ecriture, mais on peut avec
vraisemblance penser que ce fut au temps de Roboam, où Sésaq, roi d'Egypte,
pilla [179] le temple [180]) et le moment où Josias la retrouva, il n'exista aucune
parole écrite de Dieu, mais il y eut des règles à la discrétion des rois, ou
des directives de ceux que chacun d'eux jugeait prophète [181].
Nous pouvons inférer de là que les
Ecritures de l'Ancien Testament que nous avons à ce jour ne furent pas
canoniques, ni ne furent une loi pour les Juifs jusqu'au renouvellement de leur
convention avec Dieu au retour de la captivité, et la restauration de leur
République sous Esdras. Mais à partir
de ce moment, elles furent considérées comme la loi des Juifs, et traduites
comme telles par soixante-dix anciens de Judée, et mises dans la bibliothèque
de Ptolémée à Alexandrie, et reconnues [182] comme la parole de Dieu. Or, étant donné qu'Esdras était
le grand prêtre, et que le grand prêtre était leur souverain civil, il est
manifeste que les Ecritures ne furent jamais faites lois, sinon par le pouvoir
civil souverain.
Par les écrits des Pères qui
vécurent avant que la religion chrétienne ne soit reçue et autorisée par
l'empereur Constantin, nous pouvons voir que les livres que nous avons
maintenant du Nouveau Testament étaient tenus par les Chrétiens de l'époque
(mis à part quelques-uns, et par rapport à une minorité [183] qu'on appelait des hérétiques, les autres étaient appelés
l'Eglise Catholique) pour les préceptes du Saint-Esprit [184], et par conséquent tenus pour le canon, la règle de foi [185] : tels étaient le respect et l'opinion qu'ils avaient à
l'égard de leurs maîtres car, en général, le respect que les disciples portent
à leurs premiers maîtres, quelle que soit la doctrine reçue, n'est pas mince.
Il n'y a donc aucun doute que, quand saint Paul écrivait aux Eglises qu'il
avait converties, ou quand un autre apôtre ou disciple du Christ écrivait à
ceux qui avaient embrassé la foi dans le Christ, ces derniers recevaient ces
écrits comme la vraie doctrine chrétienne. Mais à cette époque, alors que ce
n'étaient pas le pouvoir et l'autorité du maître, mais la foi de celui qui
écoutait, qui faisaient qu'il la recevait, ce n'étaient pas les apôtres qui
rendaient leurs propres écrits canoniques, mais chaque converti les considérait
comme tels pour lui-même.
Mais ici, la question n'est pas de
savoir ce que chaque Chrétien considérait comme loi ou canon pour lui-même,
qu'il pouvait [d'ailleurs] rejeter par le même droit qu'il l'avait reçu, elle
est de savoir ce qui leur était rendu canonique de telle façon qu'ils ne
pouvaient sans injustice faire quelque chose qui y fût contraire. Que le
Nouveau Testament fût canonique en ce sens, c'est-à-dire fût une loi en des
lieux où la loi de la République ne l'avait pas rendu tel, cela est contraire à
la nature d'une loi, car une loi, comme je l'ai déjà montré, est le
commandement de l'homme ou de l'assemblée à qui nous avons donné l'autorité
souveraine pour faire des règles pour la direction de nos actions comme il le
jugera bon [186], et pour nous punir quand nous faisons quelque chose de
contraire à la loi. Quand donc quelqu'un nous propose d'autres règles que
celles que le législateur souverain [187] a prescrites, elles ne sont que des conseils, des
recommandations [188] que celui qui est conseillé, que ces conseils soient bons
ou mauvais, peut sans injustice refuser d'observer; et si ces conseils sont
contraires aux lois déjà établies, il ne saurait les suivre sans injustice,
aussi bonnes soient-elles selon son idée [189]. Je dis qu'il ne saurait dans ce cas observer ces conseils
dans ses actions, et pas non plus dans ses entretiens avec les autres hommes,
quoiqu'il puisse sans être condamné [190] croire ses maîtres privés et souhaiter avoir la liberté de
mettre en pratique leurs recommandations, et souhaiter que ces recommandations
soient publiquement tenues pour lois [191], car la foi intérieure est par sa propre nature invisible,
et par conséquent elle est soustraite à toute juridiction humaine, alors que
les paroles et les actions qui viennent de cette foi sont, en tant que ruptures
de l'obéissance civile, une injustice à la fois devant Dieu et devant les
hommes. Attendu que notre Sauveur a nié que son royaume soit de ce monde,
attendu qu'il a dit qu'il ne venait pas pour juger le monde, mais pour le
sauver, il ne nous a pas assujettis à d'autres lois que celles de la
République, c'est-à-dire qu'il a assujetti les Juifs à la loi de Moïse (dont il
dit en Matthieu, V, qu'il n'est pas
venu pour la détruire, mais pour l'accomplir [192]), et les autres nations aux lois de leurs souverains
respectifs, et tous les hommes aux lois de nature. L'observation de ces lois,
lui-même et ses apôtres l'ont recommandée dans leur enseignement comme une
condition nécessaire pour être admis par lui, au dernier jour, dans son royaume
éternel, où nous connaîtrons une protection et une vie éternelles. Donc, étant
donné que notre Sauveur et ses apôtres ne nous ont pas laissé de nouvelles lois
pour nous obliger en ce monde, mais une nouvelle doctrine pour nous préparer au
monde à venir, les livres de l'Ancien Testament, qui contiennent cette
doctrine, jusqu'à que ceux à qui Dieu
donna le pouvoir d'être les législateurs terrestres nous ordonnent de leur
obéir, ne furent pas des canons obligatoires [193], c'est-à-dire des lois, mais seulement des recommandations
bonnes et salutaires pour diriger les pécheurs dans le chemin du salut,
recommandations que chacun pouvait suivre ou refuser sans injustice, à ses
risques et périls.
D'ailleurs, le mandat donné par le
Christ à ses apôtres et disciples consistait à proclamer son royaume, non
présent mais à venir, d'enseigner toutes les nations, de baptiser ceux qui
croiraient, d'entrer dans les maisons de ceux qui les recevraient, et là où ils
ne seraient pas reçus, de secouer la poussière de leur pieds contre ceux qui ne
les recevraient pas [194], mais non d'en appeler au feu du ciel pour les détruire,
ni de les contraindre à l'obéissance par l'épée. Dans tout cela, il n'est pas
question de pouvoir, mais de persuasion. Il les envoyait au dehors comme des
brebis vers les loups [195], non comme des rois vers leurs sujets. Ils n'avaient aucun
mandat pour faire des lois, mais leur mandait stipulait d'obéir et d'enseigner
l'obéissance aux lois instituées [196], et, par conséquent, ils ne pouvaient pas faire de leurs
écrits des canons obligatoires sans l'aide du pouvoir civil souverain. Et donc,
les écrits du Nouveau Testament sont lois seulement là où le pouvoir civil
légal les a rendus tels. Et là aussi, le roi, le souverain, en fait une loi pour
lui-même, par laquelle il s'assujettit, non au docteur ou à l'apôtre qui l'a
converti, mais à Dieu lui-même, et à son Fils Jésus-Christ, aussi immédiatement
que le firent les apôtres eux-mêmes.
Ce qui peut sembler donner au
Nouveau Testament force de lois, au regard de ceux qui avaient embrassé la
doctrine chrétienne, à l'époque et aux endroits où ils furent persécutés, ce
sont les décrets que les Chrétiens faisaient entre eux dans leurs synodes [197]. En effet, en Actes,
XV, 28, nous lisons le genre de façon avec lequel s'exprime le concile des
apôtres, des anciens, et de toute l'Eglise :
Il a semblé bon au Saint-Esprit,
et à nous, de ne vous imposer aucun autre fardeau que ce qui est nécessaire
[198], etc.; ce qui signifie un pouvoir d'imposer un fardeau à ceux
qui ont accepté leur doctrine. Or, imposer
un fardeau à autrui semble être la même chose qu'obliger, et les actes de
ce conseil étaient donc des lois pour les Chrétiens d'alors. Cependant, ils
n'étaient pas davantage lois que ces autres préceptes : repentez-vous, soyez baptisés, gardez les commandements, croyez en
l'Evangile, venez à moi, vends tout ce que tu as, donne-le au pauvre, et
suis-moi, qui ne sont pas des commandements, mais des invitations, des
appels au Christianisme, comme ceux d'Esaïe,
LV, 1 : Ohé! Que tout homme qui a soif
vienne aux eaux, venez, achetez du vin et du lait sans payer [199]. En effet, le pouvoir des apôtres n'était rien d'autre que
le pouvoir de notre Sauveur, pour inviter les hommes à embrasser le royaume de
Dieu, qu'ils reconnaissaient eux-mêmes comme un royaume non présent, mais à
venir, et ceux qui n'ont pas de royaume ne peuvent pas faire de lois.
Deuxièmement, si les actes de leur concile étaient des lois, ils ne pouvaient
pas leur désobéir sans pécher. Mais nous ne lisons nulle part que ceux qui
n'acceptaient pas la doctrine du Christ le faisaient en péchant, mais qu'ils
mouraient dans leurs péchés, c'est-à-dire que les péchés contre les lois
auxquelles ils devaient obéir ne leur étaient pas pardonnés. Et ces lois
étaient des lois de nature, et les lois civiles de l'Etat, auxquelles tout
Chrétien s'était soumis par pacte [200]. Et donc, par fardeau (que les apôtres pouvaient imposer à
ceux qu'ils avaient convertis), il ne faut pas entendre des lois, mais des
conditions proposées à ceux qui recherchaient le salut, qu'ils pouvaient
accepter ou refuser à leurs risques et périls, sans faire un nouveau péché,
quoiqu'avec le risque d'être condamnés et exclus du royaume de Dieu pour leurs
péchés passés. C'est pourquoi, des infidèles, saint Jean ne dit pas que la
colère de Dieu viendra sur eux, mais
que la colère de Dieu demeure sur eux
[201], et non qu'ils seront condamnés, mais qu'ils sont déjà condamnés [202]. On ne peut pas non plus concevoir que le bénéfice de la
foi soit la rémission des péchés,
sans concevoir en même temps que la punition de l'infidélité soit leur rétention.
Mais, demandera-t-on, dans quel but
les apôtres et les autres pasteurs de l'Eglise, après cette époque, se
seraient-ils réunis pour s'accorder sur la doctrine à enseigner, tant pour la
foi que pour les moeurs, si personne n'était obligé d'observer leurs décrets? A
cela, on peut répondre que les apôtres et les anciens du concile étaient
obligés, par le fait même qu'ils en faisaient partie, d'enseigner la doctrine
qui y était déterminée, et de décréter qu'elle fût enseignée, dans la mesure où
aucune loi préexistante à laquelle ils étaient obligés d'obéir n'était pas
contraire, mais que tous les autres Chrétiens n'étaient pas obligés d'observer
ce qu'ils enseignaient. En effet, même s'ils pouvaient délibérer sur ce que
chacun d'entre eux devait enseigner, ils ne pouvaient cependant pas délibérer
sur ce que les autres feraient, à moins que leur assemblée n'eût un pouvoir
législatif, que personne ne pouvait avoir, sinon les souverains civils. Car
quoique Dieu soit le souverain du monde entier, nous ne sommes pas tenus de
considérer comme sa loi tout ce qui est proposé par chaque homme en son nom, ou
tenus à quelque chose de contraire à la loi civile, à laquelle Dieu nous a expressément
commandés d'obéir.
Etant donné que les actes du concile
des apôtres n'étaient pas alors des lois, mais n'étaient que des conseils, sont
encore moins lois les actes de quelque autre docteur ou concile tenu depuis sans
l'autorité du souverain civil. Et par conséquent, les livres du Nouveau
Testament, quoiqu'ils soient les plus parfaites règles de la doctrine
chrétienne, ne pouvait être faits lois par une autre autorité que celles des
rois ou des assemblées souveraines.
Le premier concile qui rendit les
Ecritures canoniques n'est pas connu, car le recueil des canons des apôtres,
attribué à Clément, le premier évêque de Rome après saint Pierre, est sujet à
discussion. En effet, quoique les livres canoniques y soient recensés, ces
paroles, cependant : Sint vobis omnibus
Clericis & Laicis Libri venerandi, etc.[203], contiennent une distinction entre le clergé et les laïcs
qui n'était pas en usage à une époque si proche de celle où vécut saint Pierre.
Le premier concile ayant établi les Ecritures canoniques (qui nous soit connu)
est celui de Laodicée qui, dans son 59° canon
[204], interdit la lecture des livres non canoniques dans les
Eglises, ce qui n'est pas un commandement adressé à tout Chrétien, mais
seulement à ceux qui avaient l'autorité de lire quelque chose publiquement dans
l'Eglise, c'est-à-dire aux seuls ecclésiastiques.
Parmi ceux qui avaient des fonctions
ecclésiastiques à l'époque des apôtres, certains avaient des fonctions
magistrales, d'autres des fonctions ministérielles [205]. Magistrales étaient les fonctions de prédication de
l'Evangile du royaume de Dieu auprès des infidèles, d'administration des
sacrements et de service divin, et d'enseignement des règles de foi et des
moeurs à ceux qui étaient convertis. Ministérielle était la fonction de diacre,
c'est-à-dire de ceux qui étaient nommés pour l'administration des nécessités
séculières de l'Eglise, à une époque où ils vivaient d'un fonds commun en
argent [206] venant des contributions volontaires des fidèles.
Parmi ceux qui avaient la fonction
magistrale, les premiers et principaux furent les apôtres, qui n'étaient que
douze au début, et qui furent choisis et institués par notre Sauveur lui-même,
et leur fonction était non seulement de prêcher, d'enseigner, de baptiser, mais
aussi d'être martyrs (témoins de la résurrection de notre Sauveur). Ce
témoignage était la marque spécifique et essentielle par laquelle l'apostolat
se distinguait des autres magistratures ecclésiastiques, car il était
nécessaire pour un apôtre, soit d'avoir vu notre Sauveur après sa résurrection,
soit d'avoir vécu avec lui avant, et d'avoir vu ses oeuvres, et les autres
preuves de sa divinité, et ainsi, l'apôtre pouvait être considéré comme un
témoin satisfaisant. C'est pourquoi, à l'élection d'un nouvel apôtre à la place
de Judas Iscariot, saint Pierre dit, en Actes,
I, 21-22 : De ces hommes qui nous ont
accompagnés tout le temps où le Seigneur Jésus est venu parmi nous et est
parti, du baptême de Jean jusqu'au jour-même il nous a été enlevé, l'un doit
être ordonné pour être témoin avec nous de sa résurrection [207], où, par le mot doit, est impliquée une propriété
nécessaire d'un apôtre : avoir accompagné les premiers et principaux apôtres à
l'époque où notre Sauveur s'est manifesté dans la chair.
Le premier des apôtres qui ne furent
pas institués par le Christ à l'époque où il était sur terre fut Matthias, choisi de cette manière : il y
avait environ cent vingt Chrétiens qui étaient assemblés à Jérusalem (Actes, I, 15). Ils nommèrent deux
hommes, Joseph le Juste et Matthias (verset 23) et firent tirer au
sort, et le sort tomba sur Matthias, et
il fut compté au nombre des apôtres [208] (verset 26). De sorte que nous voyons que l'ordination de
cet apôtre était un acte de l'assemblée [209], et non de saint Pierre, et que les onze apôtres étaient
au même niveau que les autres membres de l'assemblée.
Après lui, aucun autre apôtre ne fut
ordonné, hormis Paul et Barnabé, ce qui fut fait, lisons nous en Actes, XIII, 1-3, de cette manière : Il
y avait dans l'Eglise d'Antioche certains prophètes et docteurs, comme Barnabé,
Siméon qu'on appelait Niger, Lucius de Cyrène, et Manahem, qui avait été élevé
avec Hérode le tétrarque, et Saul [210]. Comme ils servaient
le Seigneur et jeûnaient, le Saint-Esprit dit : Mettez-moi à part [211] Barnabé et Saul
pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés. Et quand ils eurent jeûné et prié,
et qu'ils leur eurent imposé les mains, ils les renvoyèrent [212].
Ainsi, il est manifeste que,
quoiqu'il furent appelés par le Saint-Esprit, leur vocation leur fut déclarée
et leur mission autorisée par l'Eglise particulière d'Antioche. Que leur
vocation soit l'apostolat, cela apparaît par le fait qu'ils sont tous les deux
appelés apôtres en Actes, XIV, 14, et
que ce soit en vertu de cet acte de l'Eglise d'Antioche qu'ils furent apôtres,
saint Paul le déclare clairement en Romains,
I, 1, en utilisant le mot que le Saint-Esprit a utilisé pour l'appeler. En
effet, il se nomme lui-même un apôtre mis
à part pour l'Evangile de Dieu [213], faisant allusion aux paroles du Saint-Esprit : mettez-moi à part Barnabé et Saul, etc.
Mais étant donné que la tâche d'un apôtre était d'être un témoin de la
résurrection du Christ, on peut ici demander comment saint Paul, qui n'avait
pas vécu avec notre Sauveur avant sa Passion, pouvait savoir qu'il était
ressuscité. A cela, il est facile de répondre que notre Sauveur lui-même lui
apparut sur le chemin de Damas, du haut du ciel, après son ascension, et le choisit comme un vaisseau [214] pour porter son nom
devant les Gentils, les rois, et les enfants d'Israël [215], et que, par conséquent, ayant vu le Seigneur après sa
Passion, il était un témoin de sa résurrection compétent. Quant à Barnabé, il
était un disciple avant la Passion. Il est donc évident que Paul et Barnabé
étaient des apôtres, pourtant choisis et autorisés, non par les premiers
apôtres seuls, mais par l'Eglise d'Antioche, comme Matthias fut choisi et
autorisé par l'Eglise de Jérusalem.
Le mot évêque [216], qui s'est formé dans notre langue à partir du mot grec episcopus [217], signifie le surveillant, le surintendant d'une affaire,
et particulièrement un pasteur, un berger. De là, il a été utilisé comme
métaphore, non seulement parmi les Juifs qui étaient à l'origine des bergers,
mais aussi parmi les païens, pour désigner la fonction d'un roi, ou de quelque
autre dirigeant ou guide du peuple, qu'il dirige par des règles ou par doctrine
[218]. Ainsi, les apôtres furent les premiers évêques chrétiens,
institués par le Christ lui-même : c'est en ce sens que l'apostolat de Judas
est appelé (Actes, I, 20) son épiscopat. Par la suite, quand on
institua des anciens dans les Eglises chrétiennes, avec pour charge de guider
le troupeau du Christ par leur doctrine et leurs recommandations, ces anciens
furent aussi appelés évêques. Timothée était un ancien (lequel mot, ancien,
dans le Nouveau Testament, est le nom aussi bien d'une fonction que d'un âge),
et il était pourtant évêque. Et les évêques se contentaient alors du titre
d'anciens. Mieux! Saint Jean lui-même, l'apôtre bien-aimé de notre Seigneur,
commence sa seconde épître par ces mots : l'ancien à la dame élue. Il est donc
évident qu'évêque, pasteur, ancien, docteur, c'est-à-dire enseignant, n'étaient
qu'autant de noms différents pour désigner la même fonction au temps des
apôtres. En effet, il n'y avait pas de gouvernement par coercition, mais
seulement par la doctrine et la persuasion. Le royaume de Dieu était encore à
venir, dans un nouveau monde; de sorte qu'il ne pouvait y avoir d'autorité pour
contraindre en aucune Eglise tant que la République n'avait pas embrassé la foi
chrétienne, et par conséquent, pas de diversité d'autorité, quoiqu'il y eût diversité d'emplois.
En dehors de ces fonctions
magistrales dans l'Eglise, à savoir apôtres, évêques, anciens, pasteurs et
docteurs, dont la vocation était de proclamer le Christ aux Juifs et aux
infidèles, et de diriger et d'enseigner ceux qui croyaient, nous n'en trouvons
pas d'autres. En effet, par les noms évangélistes
et prophètes, on ne désigne pas des
fonctions, mais différents dons par lesquels divers hommes ont été utiles à
l'Eglise : les évangélistes, en rédigeant la vie et les actes de notre Sauveur,
comme saint Matthieu et saint Jean, apôtres, et saint Marc et saint Luc, disciples, et n'importe qui d'autre écrivant sur ce sujet,
comme saint Thomas et saint Barnabé, quoique l'Eglise n'ait pas
accepté [219] les livres qui ont circulé sous leurs noms; les prophètes,
par le don d'interprétation de l'Ancien Testament, et quelquefois en déclarant
leurs révélations particulières à l'Eglise. En effet, ni ces dons, ni les dons
de langues, ni le don de chasser les démons ou de guérir d'autres maladies, ni
rien d'autre, ne constituaient une fonction dans l'Eglise, sauf la vocation et
l'élection à la charge d'enseigner, comme il se doit.
De même que les apôtres Matthias, Paul et Barnabé ne furent pas
faits apôtres par notre Sauveur lui-même, mais furent élus par l'Eglise,
c'est-à-dire par l'assemblée des Chrétiens, à savoir Matthias par l'Eglise de
Jérusalem, et Paul et Barnabé par l'Eglise d'Antioche, de même les prêtres [220] et les pasteurs,
dans d'autres cités, étaient élus par les Eglises de ces cités. Comme preuve,
d'abord, considérons comment saint Paul procéda à l'ordination des prêtres dans
les cités où il avait converti les hommes à la foi chrétienne, immédiatement
après que Barnabé et lui eurent reçu leur apostolat. Nous lisons en Actes, XIV, 23 : Ils ordonnaient [221] des anciens dans
chaque Eglise [222], ce qui, à première vue, peut être pris comme la preuve
qu'ils les choisissaient eux-mêmes et leur donnaient eux-mêmes leur autorité.
Mais si nous considérons le texte original, il sera manifeste qu'ils étaient
autorisés et choisis par l'assemblée des Chrétiens de chaque cité : kheirotonèsantes autois presbuterous [223] kat ekklèsian [224], ce qui signifie : quand
ils les eurent ordonnés anciens en levant les mains [225] dans chaque
assemblée [226]. Or, il est bien connu que dans toutes ces cités, c'était
par la majorité des suffrages qu'on choisissait les magistrats et les
officiers, et comme la façon ordinaire de distinguer les votes pour des votes
contre était de lever les mains, ordonner un officier dans l'une de ces cités
n'était rien de plus qu'assembler le peuple pour qu'il procède à l'élection à
la majorité, que ce fût par la majorité des mains levées, ou par la majorité
des voix, ou la majorité des boules, des fèves, des petits cailloux, que chacun
jetait dans une urne ou étaient notés pour ou contre, les différentes cités
ayant différentes coutumes sur ce point. C'était donc l'assemblée qui élisait
ses propres anciens. Les apôtres étaient seulement présidents de l'assemblée,
pour la convoquer pour de telles élections, pour déclarer qui était élu, et
pour donner aux élus leur bénédiction, ce qui est appelé de nos jours
consécration. Et c'est pour cette raison que ceux qui étaient présidents de
l'assemblée, comme quand les apôtres étaient absents, étaient appelés proestôtes [227], et en latin antistites
[228], ces mots désignant la personne principale de l'assemblée,
dont la fonction était de compter les voix, et de déclarer ainsi qui avait été
choisi, et quand il y avait égalité des voix, de trancher la question en
ajoutant sa propre voix, ce qui est la fonction du président d'un conseil. Et
comme dans toutes les Eglises, les prêtres étaient ordonnés de la même manière,
quand nous trouvons le mot instituer [229] (comme en Tite,
I, 5 : ina katastèsès kata polin
presbuterous : pour cette raison, je
t'ai laissé en Crète afin que tu institues des anciens dans chaque cité [230], nous devons comprendre la même chose, à savoir que celui
qui devait convoquer les fidèles ordonnait les prêtres à la majorité des
suffrages. Il aurait été étrange que dans une ville où les hommes n'avaient
peut-être jamais vu un magistrat choisi autrement que par une assemblée, ceux
de cette ville qui étaient devenus chrétiens eussent pensé à un autre moyen
d'élire leurs docteurs et guides, c'est-à-dire leurs prêtres (appelés aussi
évêques) que par la majorité des suffrages, ce qui est indiqué par saint Paul [231] (en Actes, XIV,
23) dans le mot kheirotonèsantes [232]. Et le choix des évêques, avant que les empereurs ne
trouvent nécessaire d'y mettre de l'ordre pour conserver la paix entre les
Chrétiens, ne se fit jamais autrement que par les assemblées de Chrétiens dans
les différentes villes.
Cela est aussi confirmé dans la
pratique (qui s'est continuée jusqu'à nos jours) par l'élection des évêques de
Rome. En effet, si l'évêque d'un endroit avait eu le droit de choisir son
successeur à la fonction pastorale, dans une cité, au moment où il partait
l'exercer ailleurs, à plus forte raison aurait-il eu le droit de désigner son
successeur à l'endroit où il résidait en dernier et mourait. Or, nous ne
trouvons jamais qu'un évêque de Rome ait désigné son successeur, car ils furent
longtemps choisis par le peuple, comme on peut le voir par la sédition qui
s'éleva à propos de l'élection entre Damase
et Ursin, et Ammien Marcellin dit
qu'elle fut si violente que le préfet Juventius,
incapable de conserver entre eux la paix, fut forcé de sortir de la cité, et
qu'on trouva dans l'église-même plus d'une centaine d'hommes morts à cette
occasion [233]. Et quoiqu'ensuite, les évêques de Rome fussent choisis,
d'abord par tout le clergé de Rome, puis par les cardinaux, cependant, aucun ne
fut jamais nommé à la succession par le prédécesseur. Si donc ils ne
prétendaient à aucun droit de nommer leur propre successeur, je pense pouvoir
raisonnablement conclure qu'ils n'avaient aucun droit de nommer les successeurs
des autres évêques sans avoir reçu quelque nouveau pouvoir, que personne ne
pouvait prendre à l'Eglise pour le lui octroyer, sinon ceux qui avaient une
autorité légitime, non seulement d'enseigner l'Eglise, mais aussi de la
commander, ce que nul ne pouvait faire hormis le souverain civil.
Le mot ministre, diakonos [234] à l'origine, désigne quelqu'un qui fait volontairement la
tâche d'un autre homme, et qui diffère d'un serviteur seulement en ceci que les
serviteurs sont obligés en vertu de leur état de faire ce qui est ordonné,
alors que les ministres sont seulement obligés en vertu de leur mission [235], et ils ne sont tenus de faire rien de plus que ce que
leur mission exige; de sorte que ceux qui enseignent la parole de Dieu et ceux
qui administrent les affaires séculières de l'Eglise sont tous des ministres,
mais les ministres de personnes différentes. En effet, les pasteurs de
l'Eglise, appelés en Actes, VI, 4, les ministres de la parole [236], sont des ministres du Christ dont c'est la parole, mais
le ministère d'un diacre, qui est
appelé au verset 2 du même chapitre le service
des tables [237], est un service pour l'Eglise ou l'assemblée. De sorte que
ni un seul homme, ni l'Eglise entière, ne pouvait jamais dire de leur pasteur
qu'il était un ministre; mais un diacre, si la mission dont il se chargeait
était de servir à table, ou de distribuer des moyens de subsistance aux
Chrétiens, quand ils vivaient dans chaque ville sur un fonds commun, ou sur des
collectes, comme dans les premiers temps [du Christianisme], ou de prendre soin
de la maison de prière, ou des ressources, ou de quelque autre affaire
terrestre de l'Eglise, l'ensemble de l'assemblée pouvait proprement l'appeler
son ministre.
En effet, leur emploi comme diacres
était de servir l'assemblée, même si, à l'occassion, ils ne manquaient pas de
prêcher l'Evangile et de soutenir la doctrine du Christ, chacun selon ses dons,
comme le fit saint Etienne; et de prêcher et de baptiser, comme le fit
Philippe; car ce Philippe, qui prêcha l'Evangile à Samarie (Actes, VIII, 5) et qui baptisa l'eunuque
(verset 38) était Philippe le diacre, non Philippe l'apôtre. Car il est
manifeste (verset 1) que quand Philippe précha à Samarie, les apôtres étaient à
Jérusalem, et (verset 14) quand ils
entendirent que Samarie avait accepté la parole de Dieu, ils envoyèrent Pierre
et Jean [238]. C'est par leur imposition des mains que ceux qui étaient
baptisés (verset 15) reçurent le Saint-Esprit (qu'ils n'avaient pas reçu
auparavant par le baptême de Philippe). Il était en effet nécessaire, pour leur
conférer le Saint-Esprit, que leur baptême soit administré ou confirmé par un
ministre de la parole, non par un ministre de l'Eglise. Et donc, pour confirmer
le baptême de ceux que Philippe le diacre avait baptisés, les apôtres
envoyèrent deux d'entre eux de Jérusalem à Samarie, Pierre et Jean, qui
conférèrent à ceux qui n'avaient été que baptisés ces grâces qui étaient les
signes du Saint-Esprit [239] qui, à cette époque, accompagnaient tous les vrais
croyants. Ce qu'elles étaient peut être compris par ce ce que dit saint Marc en XVI, 17 [240] : Ces signes suivent
ceux qui croient en mon nom : ils chasseront les démons, ils parleront de
nouvelles langues, ils prendront des serpents, et s'ils boivent quelque chose
de mortel, cela ne leur fera aucun mal, ils imposeront les mains aux malades,
et ces derniers guériront [241]. Philippe ne pouvait pas leur faire don de cela, mais les
apôtres le pouvaient, et comme il apparaît dans ce passage, ils le firent
effectivement pour tous ceux qui croyaient vraiment, et ils furent baptisés par
un ministre du Christ lui-même. Ce pouvoir, à notre époque, les ministres du
Christ ne peuvent pas le conférer, ou alors il y a très peu de croyants, ou le
Christ a très peu de ministres [242].
Que les premiers diacres furent
choisis, non par les apôtres, mais par l'assemblée des disciples, c'est-à-dire
de Chrétiens de toutes sortes, c'est qu'on voit clairement en Actes, VI, où nous lisons que les douze, après que le nombre de disciples
se fut mutiplié, les convoquèrent, et leur ayant dit qu'il n'était pas bon pour
les apôtres de délaisser la parole de Dieu et de servir à table, leur dirent
(verset 3) : Frères, cherchez parmi vous
sept hommes de bonne réputation, pleins du Saint-Esprit et de sagesse, que nous
désignerons pour cette tâche [243]. Il est manifeste ici que, même si ce furent les apôtres
qui déclarèrent leur élection, c'est cependant l'assemblée qui fit le choix, ce
qui est aussi dit plus expressément au verset 5, où il est écrit : ce discours plut à toute la multitude, et
ils en choisirent sept [244], etc.
Sous l'Ancien Testament, la tribu de
Lévi avait seule la compétence de la prêtrise et des autres fonctions
inférieures de l'Eglise. La terre était partagée entre les autres tribus (sauf
la tribu de Lévi) qui étaient encore douze par la subdivision de la tribu de
Joseph en Ephraïm et Manassé. A la tribu de Lévi étaient assignées certaines
cités pour leur habitation, avec les banlieues pour leur bétail, car comme
part, ils devaient avoir le dixième des fruits de la terre de leurs frères, et
les prêtres, pour leur subsistance, avaient le dixième de ce dixième, et aussi
une partie des oblations et des sacrifices. En effet, Dieu avait dit à Aaron (Nombres, XVIII, 20) : Tu n'auras pas d'héritage dans leur terre,
ni aucune part parmi eux. Je suis ta part et ton héritage parmi les enfants
d'Israël [245]. En effet, Dieu étant alors roi, et ayant institué la
tribu de Lévi pour que ses membres fussent ses ministres publics, il leur
accordait pour leur subsistance le revenu public, c'est-à-dire la part qu'il
s'était réservée pour lui-même, les dîmes et les offrandes, et c'est ce qu'il
faut entendre quand Dieu dit : Je suis ton hérirage. Et c'est pourquoi on peut
sans impropriété attribuer aux Lévites le nom de clergé, qui vient de klèros
[246], mot qui signifie lot ou héritage. Non qu'ils fussent plus
qu'un autre héritiers du royaume de Dieu, mais l'héritage de Dieu était leur
subsistance. Donc, étant donné qu'à cette époque Dieu lui-même était leur roi,
que Moïse et Aaaron et les prêtres qui leur ont succédé ses lieutenants, il est
manifeste que le droit aux dîmes et aux offrandes était institué par le pouvoir
civil [247].
Après avoir rejeté Dieu en demandant
un roi, les Israélites jouirent encore du même revenu, mais ce droit venait de
ce que les rois ne leur avait jamais enlevé ce revenu, car le revenu public
était à la disposition de celui qui était la personne publique, c'est-à-dire,
avant la captivité, le roi. A nouveau, après le retour de captivité, ils
payèrent leurs dîmes comme avant au prêtre. Jusqu'alors, donc, les moyens de
subsistance de l'Eglise étaient déterminés par le souverain civil.
Pour ce qui est de la subsistance de
notre Sauveur et de ses apôtres, nous lisons seulement qu'ils avaient une
bourse (que portait Judas Iscariot [248]), et que ceux des apôtres qui étaient pêcheurs exerçaient
parfois leur métier, et que, quand notre Sauveur envoya les douze apôtres
prêcher, il leur interdit de porter de
l'or, de l'argent et du cuivre dans leur bourse, car le travailleur mérite son
salaire [249]. Il est probable que leur subsistance ordinaire convenait
à leur fonction, car cette fonction était de donner gratuitement parce qu'ils avaient reçu gratuitement [250] (verset 8), et leur subsistance était le don gratuit de ceux qui croyaient en la
bonne nouvelle qu'ils colportaient de la venue du Messie leur Sauveur. A quoi
nous pouvons ajouter les dons de gratitude de ceux que notre Sauveur avait
guéris de leurs maladies, parmi lesquels sont mentionnés, en Luc, VIII, 2-3 certaines femmes qui avaient été guéries d'esprits malins et
d'infirmités, Marie-Madeleine, de qui sortirent sept démons, Jeanne, la femme
de Chouza, l'intendant d'Hérode, et Suzanne, et beaucoup d'autres qui
l'assistaient [251] de leurs biens [252].
Après l'ascension de notre Sauveur,
les Chrétiens de chaque cité vécurent en commun [253] sur l'argent obtenu par la vente de leurs terres et de
leurs possessions, qu'ils déposaient au pied des apôtres, de bonne volonté, non
par devoir. En effet, saint Pierre dit à Ananie, en Actes, V, 4 : tant que tu gardais
la terre [254], n'était-elle pas
à toi? Et après sa vente, l'argent n'était-il pas en ton pouvoir? [255] Cela montre qu'il n'avait pas besoin de mentir pour
conserver sa terre ou son argent puisqu'il n'était absolument pas tenu
d'apporter sa contribution, sinon selon son bon plaisir. Et comme au temps des
apôtres, et ensuite, jusqu'après Constantin le Grand, nous voyons que la
subsistance des évêques et des pasteurs de l'Eglise chrétienne n'était assurée
que par la contribution volontaire de ceux qui avaient embrassé leur doctrine.
Il n'était pas encore fait mention de dîmes. Mais au temps de Constantin et de
ses fils, l'affection des Chrétiens pour leurs pasteurs, comme le dit Ammien
Marcellin en décrivant la lutte de Damase
et d'Ursin pour l'épiscopat, était
telle que cette charge était digne de leur rivalité, car les évêques de cette
époque, grâce à la libéralité de leur troupeau, et spécialement des matrones,
vivaient superbement, étaient transportés en voiture, somptueux dans leur chère
et dans leurs habits.
Mais ici, peut-être quelqu'un
demandera-t-il si les pasteurs étaient alors tenus de vivre sur des contributions volontaires, comme sur des
aumônes. Saint Paul dit en 1. Corinthiens, IX, 7 : Car qui va à la guerre à ses propres frais? Qui fait paître un troupeau
et ne boit pas du lait du troupeau [256]? ou encore : Ne
savez-vous pas que ceux qui sont serviteurs des choses saintes vivent des
choses du temple, et que ceux qui servent à l'autel ont part à l'autel [257]? [258] c'est-à-dire ont une part, pour leur subsistance, sur ce
qui est offert à l'autel. Et il conclut alors : De même, le Seigneur a décidé que ceux qui prêchaient l'Evangile
vivraient de l'Evangile [259]. De ces passages, on peut en effet inférer que les
pasteurs de l'Eglise devaient être entretenus par leurs troupeaux, mais non que
les pasteurs devaient déterminer la quantité ou la nature de ce qui leur était
alloué en propre, et d'être, si l'on peut dire, leurs propres écuyers
tranchants [260]. Ce qui leur est alloué doit nécessairement être déterminé
soit par la gratitude et la libéralité de chaque particulier du troupeau, soit
par l'assemblée entière. Par l'assemblée entière, ce n'était pas possible parce
que leurs actes n'étaient pas alors des lois, et donc, avant que des empereurs
et des souverains civils ne fissent des lois pour instituer cela, l'entretien
des pasteurs n'était assuré que par la charité [261]. Ceux qui servaient à l'autel vivaient sur ce qui était
offert. Les pasteurs pouvaient aussi prendre ce qui leur était offert par leur
troupeau, mais ils ne pouvaient exiger ce qui ne leur était pas offert. En
quelle cour auraient-ils pu intenter un procès à ce sujet alors qu'il n'y avait
aucun tribunal [262]? En admettant qu'il y eût des arbitres parmi eux, qui
aurait fait exécuter les jugements de ces arbitres alors qu'il n'avaient aucun
pouvoir d'armer ceux qui devaient s'en charger? Il demeure donc qu'aucune
subsistance déterminée ne pouvait être assignée aux pasteurs de l'Eglise, sinon
par l'assemblée entière, mais seulement à partir du moment où leurs décrets
auraient force de lois, et pas
seulement de canons, lesquelles lois
ne pouvaient être faites que par les empereurs, les rois et les autres
souverains civils. Le droit des dîmes, qui figure dans la loi de Moïse, ne
pouvait pas être appliqué aux ministres de l'Evangile d'alors parce que Moïse
et les grands prêtres étaient sous Dieu des souverains civils du peuple, dont
le royaume était présent parmi les Juifs, alors que le royaume de Dieu par le
Christ est encore à venir.
Nous avons montré jusqu'ici ce
qu'étaient les pasteurs de l'Eglise, quels étaient les articles de leur mandat,
comme le fait qu'ils devaient prêcher, enseigner, baptiser, être présidents des
différentes assemblées, nous avons expliqué ce qu'était la censure
ecclésiastique, c'est-à-dire l'excommunication, c'est-à-dire, aux endroits où
le Christianisme était interdit par les lois civiles, le fait de se mettre
soi-même hors de la compagnie des excommuniés, et dans les endroits où le
Christianisme était ordonné par la loi civile, le fait d'exclure l'excommunié
de l'assemblée des Chrétiens. Nous avons vu qui élisait les pasteurs de
l'Eglise, c'était l'assemblée, qui les consacrait et les bénissait, c'était le
pasteur, quel était le revenu qui lui était dû, et nous avons vu qu'il n'était
constitué que de ses propres possessions, de son propre travail, et de la
contribution volontaire des Chrétiens dévots et reconnaissants. Nous avons
maintenant à considérer quelle est la fonction dans l'Eglise de ces personnes
qui, étant souverains civils, ont embrassé aussi la foi chrétienne.
Et d'abord, nous devons nous
souvenir que le droit de juger quelles doctrines sont propices à la paix et
doivent être enseignées aux sujets, dans toutes les Républiques, est
inséparablement attaché (comme je l'ai déjà prouvé au chapitre XVIII) au
pouvoir civil souverain, qu'il soit en un seul homme ou une assemblée d'hommes.
En effet, il est évident, [même] à celui qui a les plus petites capacités, que
les actions des hommes viennent des opinions qu'il ont du bien et du mal qui
retombera sur eux par ces actions, et par conséquent que les hommes, une fois
que l'idée que leur obéissance au pouvoir souverain leur sera plus nuisible que
leur obéissance s'est emparée d'eux, désobéiront aux lois, renverseront ainsi
la République [263], et introduiront la confusion et la guerre civile que tout
gouvernement civil est institué pour éviter. Et donc, dans toutes les
Républiques des païens, les souverains ont eu le nom de pasteurs du peuple
parce qu'aucun sujet ne pouvait légalement enseigner le peuple sans leur
permission et leur autorité.
Ce droit des rois païens, on ne peut
pas penser qu'il leur soit ôté parce qu'ils se sont convertis à la foi du
Christ, qui n'a jamais ordonné que les rois, parce qu'ils croyaient en lui,
fussent déposés, c'est-à-dire assujettis uniquement à lui, ou, ce qui est tout
un, qu'ils fussent privés du pouvoir nécessaire à la conservation de la paix
parmi leurs sujets et à leur défense contre les ennemis étrangers. Les rois
chrétiens sont donc toujours les pasteurs suprêmes de leur peuple, et ont le
pouvoir d'ordonner les pasteurs de leur choix, pour enseigner l'Eglise,
c'est-à-dire pour enseigner le peuple confié à leur charge.
De plus, si le droit de choisir ces
pasteurs appartenait, comme avant la conversion des rois, à l'Eglise (car il en
allait ainsi du temps des apôtres eux-mêmes, comme je l'ai déjà montré dans ce
chapitre), même dans ce cas, le droit appartiendrait au souverain civil
chrétien, car, en tant qu'il est un Chrétien, il leur permet d'enseigner, et en
tant qu'il est le souverain (qui est autant dire l'Eglise par représentation [264]), ceux qu'il élit pour enseigner sont élus par l'Eglise.
Et quand une assemblée de Chrétiens choisit son pasteur dans une République
chrétienne, c'est le souverain qui l'élit parce que cette élection se fait en
vertu de son autorité, de la même manière que quand une ville choisit son maire
[265], c'est l'acte de celui qui détient le pouvoir souverain,
car tout acte fait est l'acte de celui sans le consentement duquel l'acte est
invalide. Par conséquent, quelque exemple qui puisse être tiré de l'histoire
sur l'élection des pasteurs par le peuple ou par le clergé, ce ne sont pas des
arguments contre le droit du souverain civil, parce que ceux qui les élisaient
le faisaient en vertu de son autorité [266].
Etant donné que dans toute
République chrétienne, le souverain civil est le pasteur suprême, à la charge
duquel est confié tout le troupeau de ses sujets, et que par conséquent, c'est
en vertu de son autorité que les autres pasteurs sont faits pasteurs et ont le
pouvoir d'enseigner et de remplir tous les autres fonctions pastorales, il
s'ensuit aussi que c'est du souverain civil que tous les autres pasteurs tirent
leur droit d'enseigner, de prêcher, et d'exercer toutes les autres fonctions en
rapport avec cette fonction, et qu'ils ne sont que ses ministres, de la même
manière que les magistrats des villes, les juges des cours de justice, et les
chefs d'armées ne sont que des ministres de celui qui est le magistrat de la
République entière [267], juge de toutes les causes, chef de toute l'armée, et ce
magistrat est toujours le souverain civil. Et la raison de cela, ce n'est pas
que ceux qui enseignent sont ses sujets, mais que sont qui doivent être
enseignés le sont. En effet, en supposant qu'un roi chrétien confie [268] l'autorité d'ordonner les pasteurs dans ses empires à un
autre roi (comme divers rois chrétiens accordent ce pouvoir au pape [269]), il n'institue pas pour cela un pasteur au-dessus de lui,
ni un pasteur souverain au-dessus de son peuple, car ce serait se priver du
pouvoir civil qui, dépendant de l'opinion que les hommes ont de leur devoir
envers lui, et de la crainte de châtiments dans l'autre monde, dépendrait aussi
de l'habileté et de la loyauté des docteurs [270], qui ne sont pas moins assujettis que les autres sortes
d'hommes, non seulement à l'ambition, mais aussi à l'ignorance. De sorte que là
où un étranger a l'autorité de nommer ceux qui enseignent, elle lui est donnée
par le souverain des empires où il enseigne.
Les docteurs chrétiens sont nos maîtres d'école pour le Christianisme,
mais les rois sont les pères de famille [271], qui peuvent accepter des maîtres d'écoles pour leurs
sujets sur la recommandation d'un étranger, mais non sur son ordre, surtout si
le profit important et manifeste du mauvais enseignement des sujets doit
retomber sur celui qui les recommande. Et les souverains ne sauraient être
obligés de les garder plus longtemps que ne le requiert le bien public, dont
ils continuent à être chargés de prendre soin aussi longtemps qu'ils conservent
les autres droits essentiels de la souveraineté.
Donc, si l'on demande à un pasteur,
dans l'exécution de sa fonction, comme le demandèrent les principaux prêtres et
anciens du peuple à notre Sauveur (Matthieu,
XXI, 23) : En vertu de quelle autorité
fais-tu ces choses, et qui t'a donné cette autorité? [272] il ne peut faire d'autre réponse juste que celle-ci : il
le fait en vertu de l'autorité de la République qui lui a été donnée par le roi
ou par l'assemblée qui la représente. Tous les pasteurs, excepté le pasteur
suprême, remplissent leur charge selon le droit [273], c'est-à-dire en vertu du souverain civil, c'est-à-dire jure civili [274] , mais le roi et tout autre souverain remplissent leur
fonction de pasteur suprême en vertu d'une autorité immédiate venant de Dieu [275], c'est-à-dire selon le
droit de Dieu, ou jure divino. Et
donc, seuls les rois peuvent mettre sur leurs titres une marque de soumission à
Dieu seul, Dei gratiâ rex [276], etc. Les évêques devraient dire, au début de leur mandat
: Evêque de tel diocèse par la grâce de
la Majesté du roi, ou, en tant que ministres civils : Au nom de sa majesté. En effet, en disant divinâ providentiâ [277], ce qui est la même chose que Dei gratiâ, ils nient, quoique d'une façon déguisée [278], avoir reçu leur autorité de l'Etat civil, enlevant
sournoisement le collier de leur sujétion civile, contrairement à l'unité et à
la défense de la République [279].
Mais si tout souverain chrétien est le pasteur suprême de ses propres sujets, il semble qu'il ait aussi l'autorité, non seulement de prêcher, ce que peut-être personne ne niera, mais aussi de baptiser, et d'administrer le sacrement de la Cène du Seigneur [280], et de consacrer, pour le service de Dieu, aussi bien les temples que les pasteurs, ce que la plupart des hommes nient, en partie parce que les souverains n'ont pas coutume de le faire, en partie parce que l'administration des sacrements et la consécration des personnes et des lieux destinés aux usages sacrés requièrent l'imposition des mains d'hommes qui, par la même imposition, ont été depuis l'époque des apôtres successivement ordonnés au même ministère. Donc, pour preuve que les rois chrétiens ont le pouvoir de baptiser et de consacrer, je dois répondre à ces deux questions : 1° Pourquoi les souverains n'ont-ils pas coutume de le faire? 2° Comment, sans la cérémonie ordinaire d'imposition des mains, les souverains ont-ils été rendus capables de le faire s'ils le veulent?
Il est hors de doute qu'un roi qui serait versé dans les sciences [281] pourrait donner des cours dans ce domaine par le même droit de sa fonction que celui par lequel il a autorisé d'autres hommes à donner ces cours dans les universités. Cependant, comme le soin de la somme des affaires de la République lui prend tout son temps, il ne lui serait pas commode de se mettre lui-même à cette tâche particulière. Un roi peut aussi, s'il en a envie, siéger en jugement [282], pour entendre et juger toutes sortes de causes, de la même façon qu'il donne à d'autres autorité pour le faire en son nom. Mais la charge de commander et de gouverner, qui repose sur lui, le contraint d'être continuellement à la barre et de confier les fonctions ministérielles à d'autres sous lui [283]. De la même manière, notre Sauveur, qui avait à l'évidence le pouvoir de baptiser, ne baptisait lui-même personne [284], mais envoyait ses disciples pour le faire. De même, saint Paul, parce qu'il était dans la nécessité de prêcher dans divers endroits éloignés, baptisait peu : parmi tous les Corinthiens, il baptisa seulement Crispus, Caius et Stéphane [285], et la raison est que sa principale charge était de prêcher [286]. Par là, il est manifeste que la plus importante charge, tel le gouvernement de l'Eglise, dispense de charges moins importantes. La raison pour laquelle les rois chrétiens n'avaient pas coutume de baptiser est donc évidente, et c'est la même raison pour laquelle, de nos jours, peu sont baptisés par des évêques, encore moins par le pape.
Pour savoir si l'imposition des mains est nécessaire pour autoriser un roi à baptiser et à consacrer, nous devons considérer ceci.
L'imposition des mains était la plus ancienne cérémonie publique chez les Juifs, par laquelle était désignée de façon certaine la personne ou la chose pour laquelle étaient faits une prière, une bénédiction, un sacrifice, une consécration, une condamnation, ou un autre discours. Ainsi, Jacob, en bénissant les enfants de Joseph (Genèse, XLVIII, 14) posa sa main droite sur Ephraïm, le cadet, et sa main gauche sur Manassé, l'aîné [287], et cela, il le fit à dessein (pourtant, ils lui étaient présentés de telle façon par Joseph qu'il fût forcé pour le faire d'étendre ses bras en les croisant [288]), pour désigner celui à qui il voulait donner la plus grande bénédiction [289]. De même, dans le sacrifice d'holocauste, on ordonne à Aaron, en Exode, XXIX, 10, de poser ses mains sur la tête du taureau [290], et, au verset 15, de poser ses mains sur la tête du bélier [291]. La même chose est répétée en Lévitique, I, 4 [292] et en VIII, 14 [293]. Egalement, Moïse, quand il ordonna Josué comme Capitaine des Israélites, c'est-à-dire quand il le consacra au service de Dieu, posa ses mains sur lui et lui donna sa charge [294] (Nombres, XXVII, 23), désignant de façon certaine à qui ils devaient obéir à la guerre. Et lors de la consécration des Lévites (Nombres, VIII, 10), Dieu ordonna que les enfants d'Israël missent leur mains sur les Lévites [295]. Et lors de la condamnation de celui qui avait blasphémé le Seigneur, Dieu ordonna que tous ceux qui l'avaient entendu posassent leurs mains sur sa tête, et que toute l'assemblée le lapidât [296] (Lévitique, XXIV, 14). Pourquoi sont-ce seulement ceux qui l'ont entendu qui posent leurs mains sur lui, plutôt qu'un prêtre, ou un Lévite, ou un autre ministre judiciaire, sinon que personne d'autre n'était capable de désigner (et d'en faire la démonstration) aux yeux de l'assemblée qui avait blasphémé et devait mourir? [297] Désigner, aux yeux des autres, un homme, ou autre chose, par la main, est moins sujet à erreur que quand c'est fait à l'oreille en disant le nom.
Cette cérémonie était tant observée qu'en bénissant l'assemblée entière en une seule fois (ce qui ne pouvait être fait par une imposition des mains), Aaron, cependant, leva les mains vers le peuple pour le bénir [298] (Lévitique, IX, 22). Et nous lisons aussi qu'existait la même cérémonie de consécration des temples chez les païens, que le prêtre posait ses mains sur un pilier du temple, tout le temps qu'il prononçait les paroles de la consécration; tant il est naturel, dans le domaine du service public de Dieu, de désigner une chose individuelle par la main, pour donner une certitude aux yeux, plutôt que par des paroles, pour informer l'oreille.
Cette cérémonie n'était donc pas nouvelle à l'époque de notre Sauveur, car Jaïre, dont la fille était malade supplia notre Sauveur, non de la guérir, mais de poser ses mains sur elle, pour qu'elle pût guérir [299] (Marc, V, 23). Et ils lui amenaient des petits enfants, pour qu'il posât ses mains sur eux et priât [300] (Matthieu, XIX, 13).
Conformément à cet ancien rite, les apôtres, les prêtres, et le collège des prêtres [301] lui-même imposaient leurs mains sur ceux qu'ils ordonnaient pasteurs, et priaient en même temps pour qu'ils pussent recevoir le Saint-Esprit, et cela pas seulement une fois, mais parfois plus souvent, quand une nouvelle occasion se présentait; mais le but était toujours le même, à savoir la désignation religieuse exacte d'une personne ordonnée, soit à la charge pastorale en général, soit pour une mission spéciale. Ainsi, en Actes, VI, 6, les apôtres prièrent et posèrent les mains [302] sur les sept diacres, ce qui fut fait, non pour leur donner le Saint-Esprit (car ils étaient remplis du Saint-Esprit avant d'être choisis, comme il apparaît immédiatement avant, au verset 3), mais pour les désigner à cette fonction. Et après que Philippe le diacre eut converti certaines personnes en Samarie, Pierre et Jean (Actes, VIII, 17) descendirent et posèrent leurs mains sur eux, et ils reçurent le Saint-Esprit [303]. Et ce n'étaient pas seulement les apôtres qui avaient ce pouvoir, un prêtre l'avait aussi, car saint Paul avertit Timothée en ces termes (1. Timothée, V, 22) : n'impose les mains précipitamment à personne [304], c'est-à-dire ne désigne personne à la légère pour la fonction de pasteur. Le collège presbytéral entier imposa les mains à Timothée, comme nous le lisons en 1.Timothée, IV, 14, mais il faut entendre que quelqu'un de désigné par le collège le fit, probablement leur proestôs [305], leur porte-parole [306], qui était peut-être saint Paul lui-même. En effet, dans sa seconde Epître à Timothée, au verset 6, il lui dit : Réveille [307] le don de Dieu qui est en toi par l'imposition de mes mains [308] (où l'on peut noter, en passant, que par Saint-Esprit, il ne faut pas entendre la troisième personne de la Trinité, mais les dons nécessaires à la fonction pastorale). Nous lisons aussi que saint Paul eut deux fois l'imposition des mains, une fois par Ananie, à Damas, au moment de son baptême (Actes, IX, 17-18) [309], et une autre fois à Antioche [310] (Actes, XIII, 3), la première fois qu'il fut envoyé prêcher. En ce temps-là, la fonction de cette cérémonie, en ce qui concerne l'ordination de pasteurs, était de désigner la personne à qui ils donnaient un tel pouvoir. Mais s'il y avait eu un Chrétien possédant déjà le pouvoir d'enseigner, son baptême (c'est-à-dire en faire un Chrétien) ne lui aurait pas donné un nouveau pouvoir, il lui aurait seulement fait prêcher la vraie doctrine, c'est-à-dire qu'il aurait [dès lors] utilisé son pouvoir correctement [311]; et donc, l'imposition des mains n'aurait pas été nécessaire, le baptême lui-même aurait suffi. Mais tout souverain, avant le Christianisme, avait le pouvoir d'enseigner et d'ordonner ceux qui enseignaient, et donc le Christianisme ne leur a donné aucun nouveau droit, il les a seulement dirigés dans la voie de l'enseignement véritable. Par conséquent, ils n'avaient pas besoin d'imposition des mains (en plus du baptême) pour être autorisés à exercer une partie quelconque de la fonction pastorale, à savoir baptiser et consacrer. Et, dans l'Ancien Testament, même si le prêtre seul avait le droit de consacrer durant le temps où la souveraineté fut détenue par le grand prêtre, cependant, il n'en fut plus ainsi quand la souveraineté fut entre les mains du roi, car nous lisons en 1. Rois, VIII, que Salomon bénit le peuple, consacra le temple, et prononça la prière publique qui est de nos jours le modèle pour la consécration de toutes les églises et chapelles chrétiennes. Par là, on voit qu'il n'avait pas seulement le droit de gouvernement ecclésiastique, mais qu'il avait aussi celui d'exercer les fonctions ecclésiastiques [312].
Par cette réunion [313] du droit public et du droit ecclésiastique dans les mains des souverains chrétiens, il est évident qu'ils ont sur leurs sujets toutes les sortes de pouvoir qui peuvent être données à l'homme pour le gouvernement des actions humaines extérieures, aussi bien en politique qu'en religion, et qu'ils peuvent faire, pour gouverner leurs propres sujets, les lois qu'ils jugeront eux-mêmes les plus adaptées [314], à la fois en tant qu'ils sont la République et qu'ils sont l'Eglise, car l'Etat et l'Eglise sont composés des mêmes hommes.
S'ils le veulent, ils peuvent donc, comme le font de nos jours de nombreux rois chrétiens, confier [315] le gouvernement de leurs sujets, pour ce qui concerne la religion, au pape; mais alors le pape, sur ce point, leur est subordonné et il exerce cette charge dans l'empire d'un autre souverain jure civili, selon le droit du souverain civil, et non jure divino, selon le droit divin; et il peut donc être démis de cette fonction [316] quand le souverain le jugera nécessaire pour le bien de ses sujets. Ils peuvent aussi, s'ils le veulent, confier le soin de la religion à un seul pasteur suprême, ou à une assemblée de pasteurs, et leur donner sur l'Eglise, ou l'un sur l'autre, le pouvoir qu'ils jugeront le plus opportun [317], et leur donner les titres d'honneur qu'ils voudront, évêques, archevêques, prêtres, presbytres, et ils peuvent faire des lois pour leur subsistance, soit par des dîmes, soit autrement, comme ils l'entendent, s'ils le font à partir d'une conscience sincère [318], que Dieu seul juge. C'est le souverain civil qui doit nommer les juges et les interprètes des écritures canoniques car c'est lui qui en fait des lois. Il est aussi celui qui donne force aux excommunications, excommunications qu'il faudrait dédaigner, sinon pour que ces lois et punitions mortifient les libertins obstinés et les poussent à revenir au sein de l'Eglise [319]. En somme, il a le pouvoir suprême dans toutes les causes, aussi bien ecclésiastiques que civiles, dans la mesure où elles concernent les actions et les paroles, car elles seules sont connues et susceptibles d'être l'objet d'une condamnation. Pour ce qui ne peut être l'objet d'une accusation, il n'existe absolument aucun juge, hormis Dieu, qui connaît le coeur [320]. Et ces droits appartiennent à tous les souverains, qu'il s'agisse de monarques ou d'assemblées, car ceux qui sont les représentants d'un peuple chrétien sont les représentants de l'Eglise : une Eglise et la République d'un peuple chrétien sont une [seule et] même chose [321].
Quoique ce que j'ai dit ici, et ailleurs dans ce livre, semble assez clair pour revendiquer [322] le pouvoir ecclésiastique suprême des souverains chrétiens, cependant, comme la prétention du pape à exercer ce pouvoir universellement a été soutenue principalement, et je pense aussi fortement que possible, par le cardinal Bellarmin dans sa controverse De Summo Pontifice, j'ai jugé nécessaire, aussi brièvement que possible, d'examiner les fondements et la force de son discours.
Des cinq livres qu'il a écrits sur ce sujet, le premier contient trois questions : l'une est : quel est dans l'absolu le meilleur gouvernement, la monarchie, l'aristocratie ou la démocratie? Il ne se décide pour aucun, mais pour un gouvernement mixte, qui mêle les trois [323]. Une autre question est celle-ci : Lequel, de ces trois gouvernements, est le meilleur gouvernement de l'Eglise? et il conclut pour le gouvernement mixte, mais qui participerait davantage de la monarchie. La troisième question est : Dans une monarchie mixte, saint Pierre avait-il la place de monarque? Pour ce qui est de sa première conclusion, j'ai déjà suffisamment prouvé (chapitre XVIII) que tous les gouvernements auxquels les hommes sont tenus d'obéir sont simples et absolus [324]. Dans une monarchie, il n'y a qu'un seul homme suprême, et tous les autres qui ont dans l'Etat quelque genre de pouvoir l'ont par son mandat [325] (aussi longtemps qu'il le désire) et l'exécutent en son nom. Dans une aristocratie et dans une démocratie, il n'y a qu'une assemblée suprême, avec le même pouvoir que celui qui appartient en monarchie au monarque, et ce n'est pas une souveraineté mixte, mais une souveraineté absolue. Et de ces trois sortes, laquelle est la meilleure? Une telle question ne pas être débattue quand l'une de ces sortes est déjà établie, le gouvernement présent doit toujours être préféré, soutenu, et considéré comme le meilleur, parce qu'il est contraire aussi bien à la loi de nature qu'à la loi divine positive de faire quelque chose qui tende à le renverser. En outre, la question de savoir quel genre de gouvernement est le meilleur n'a aucun rapport avec le pouvoir d'un pasteur (à moins qu'il ne possède la souveraineté civile), parce que sa vocation n'est pas de gouverner les hommes par des commandements, mais de les enseigner et de les convaincre par des arguments, et de les laisser considérer s'ils embrasseront ou rejetteront la doctrine enseignée. En effet, la monarchie, l'aristocratie et la démocratie délimitent trois sortes de souverains, et non trois sortes de pasteurs, ou, si l'on peut dire, trois sortes de chefs de famille, et non trois sortes de maîtres d'école pour leurs enfants.
La seconde conclusion, qui concerne la meilleure forme de gouvernement de l'Eglise, n'a donc rien à voir avec la question du pouvoir du pape en dehors de son propre empire, car dans toutes les autres Républiques, son pouvoir (s'il en a un) est seulement celui d'un maître d'école, et non celui d'un chef de famille.
Pour la troisième conclusion, qui est que saint Pierre était monarque de l'Eglise, il apporte comme principale preuve ce passage de saint Matthieu, en XVI, 18-18 : Tu es Pierre, et sur ce roc [326], je bâtirai mon Eglise, etc. Et je te donnerai les clefs du ciel. Tout ce que tu lieras sur terre serait lié au ciel, et tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans le ciel [327]. Ce passage, tout bien considéré, ne prouve rien de plus que la fondation de l'Eglise du Christ sur cet unique article : à savoir celui que saint Pierre professe au nom des apôtres [328], qui donna l'occasion à notre Sauveur de prononcer les paroles citées ici. Pour comprendre clairement cela, nous devons considérer que notre Sauveur, par lui-même, par Jean-Baptiste, et par les apôtres, ne prêcha que cet article de foi, qu'il était le Christ, tous les autres articles ne requérant la foi qu'en tant que fondés sur cet article. Jean commença le premier, prêchant seulement ceci : Le royaume de Dieu est proche [329] (Matthieu, III, 2). Puis notre Sauveur lui-même prêcha la même chose (Matthieu, IV, 17 [330], et quand il donna à ses douze apôtres leur mandat (Matthieu, X, 7 [331]), aucune mention n'est faite de prêcher un autre article que cet article. C'était l'article fondamental, le fondement de la foi de l'Eglise. Ensuite, les apôtres étant revenus à lui, il leur demanda à tous, et pas seulement à Pierre, ce que les hommes disaient qu'il était (Matthieu, XVI, 13 [332]), et ils répondirent que certains disaient qu'il était Jean le Baptiste, d'autres qu'il était Elie, et d'autres [encore] qui disaient qu'il était Jérémie ou l'un des prophètes [333]. Puis, au verset 15, il leur demanda de nouveau à tous : Qui dites-vous que je suis [334]? Saint Pierre répondit pour tous : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant [335], et je dis que c'est le fondement de la foi de l'Eglise entière, car à cette occasion, notre Sauveur dit : Sur cette pierre [336], je bâtirai mon Eglise [337], et il est ici manifeste que par pierre fondatrice [338], il faut entendre l'article fondamental de la foi de l'Eglise. Mais alors, objecteront certains, pourquoi notre Sauveur interpose-t-il ces mots Tu es Pierre? Si le texte original avait été rigoureusement traduit, on aurait vu facilement la raison. Nous devons en effet considérer que l'apôtre Simon était surnommé Pierre [339] (ce qui est le sens du mot syriaque cephas, et du mot grec petrus [340]). Donc, notre Sauveur, après la confession de cet article fondamental, faisant allusion à son nom, dit ceci (comme si c'était en anglais) : Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, ce qui a le même sens que : Cet article - que je suis le Christ - est le fondement de toute la foi que j'exige de ceux qui doivent être membres de mon Eglise. Cette allusion au nom n'est pas non plus une chose inhabituelle dans la conversation courante, mais ç'aurait été un propos étrange et obscur si notre Sauveur, ayant l'intention de construire son Eglise sur la personne de saint Pierre, avait dit : Tu es une pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, quand il était tout indiqué, sans ambiguïté, de dire : Je construirai mon Eglise sur toi. Et cependant, il y aurait toujours eu la même allusion à son nom [341].
Et quant aux paroles suivantes : je te donnerai les clefs du ciel [342], etc., ce n'est rien de plus [343] que ce que notre Sauveur donna aussi aux autres de ses disciples : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel [344] (Matthieu, XVIII, 18). Mais quelle que soit la façon dont on interprète ce verset, il n'y a aucun doute que le pouvoir ici accordé appartient à tous les pasteurs suprêmes, comme le sont tous les souverains civils chrétiens dans leurs propres empires. A tel point que si saint Pierre, ou notre Sauveur lui-même, avait converti l'un d'entre eux à le croire [345] et à reconnaître son royaume, cependant, comme son royaume n'est pas de ce monde, il aurait laissé le soin suprême de convertir ses sujets à personne d'autre qu'à lui; ou autrement, il l'aurait nécessairement privé de la souveraineté à laquelle est inséparablement attaché le droit d'enseigner [346]. Ce que j'ai dit est suffisant pour réfuter le premier livre dans lequel Bellarmin voulait prouver que saint Pierre avait été le monarque universel de l'Eglise, c'est-à-dire de tous les Chrétiens du monde.
Le second livre comporte deux conclusions. L'une, c'est que saint Pierre était évêque de Rome et y mourut; l'autre que les papes de Rome sont ses successeurs, deux thèses qui ont [déjà] été discutées par d'autres. Mais en les supposant vraies, cependant, si par évêque de Rome, on entend soit le monarque de l'Eglise, soit son suprême pasteur, ce n'était pas Silvestre [347], mais Constantin [348] (qui fut le premier empereur chrétien) qui était cet évêque; et comme Constantin, tous les empereurs chrétiens étaient aussi de droit évêques suprêmes de l'empire romain. Je dis de l'empire romain, non de toute la Chrétienté, car d'autres souverains chrétiens avaient le même droit dans leurs territoires respectifs, droit à une fonction attachée de façon essentielle à leur souveraineté [349]. C'est là ce qui sert de réponse au second livre.
Dans le troisième livre, il traite de la question de savoir si la pape est l'antichrist [350]. Pour ma part, je ne vois aucun argument prouvant qu'il l'est, au sens utilisé par l'Ecriture. Je ne tirerai pas non plus d'argument de la qualité d'antichrist pour contester l'autorité qu'il exerce, ou a exercé jusqu'à aujourd'hui, dans les empires de quelque autre prince ou Etat.
Il est évident que les prophètes de l'Ancien Testament prédisaient, et que les Juifs attendaient, attendaient un Messie [351], c'est-à-dire un Christ, qui rétablirait parmi eux le royaume de Dieu qui avait été rejeté par eux à l'époque de Samuel quand ils exigèrent un roi à la manière des autres nations. Cette attente les exposait à l'imposture de tous ceux qui avaient à la fois l'ambition de tenter d'obtenir ce royaume, et l'art de tromper le peuple par de faux miracles [352], par une vie hypocrite, ou par une doctrine et des discours enjôleurs. C'est pourquoi notre Sauveur et ses apôtres mirent en garde les hommes contre les faux prophètes et les faux Christs. Les faux Christs sont ceux qui prétendent être le Christ, mais ne le sont pas, et ils sont proprement appelés antichrists, exactement comme quand arrive un schisme dans l'Eglise par l'élection de deux papes, l'un appelant l'autre l'antipape, ou le faux pape [353]. L'antichrist, au sens propre, a deux marques essentielles : la première, c'est qu'il nie que Jésus soit le Christ, la deuxième, qu'il professe être lui-même le Christ. La première marque est indiquée par saint Jean dans sa première épître, IV, 3 : Tout esprit qui ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair n'est pas de Dieu [354]; et c'est l'esprit de l'antichrist [355]. L'autre marque est indiquée dans ces paroles de notre Sauveur, en Matthieu, XXIV, 5 : Beaucoup viendront en mon nom, disant je suis le Christ [356]; et aussi : Si quelqu'un vous dit : voyez, le Christ est ici, le Christ est là, ne le croyez pas [357]. L'antichrist doit donc être un faux Christ, c'est-à-dire l'un de ceux qui se prétendront le Christ. Et de ces deux marques, nier que Jésus soit le Christ, et affirmer être soi-même le Christ, il s'ensuit qu'il doit aussi être un adversaire de Jésus le vrai Christ, ce qui est une autre signification habituelle du mot antichrist. Mais parmi ces nombreux antichrists, il en est un particulier, o Antikhristos [358], l'Antichrist, ou Antichrist défini [359] comme une personne déterminée, non un antichrist de façon indéterminée. Or, étant donné que le pape de Rome ne prétend pas être lui-même le Christ et qu'il ne nie pas que Jésus soit le Christ, je ne vois pas comment il peut être appelé Antichrist, mot qui signifie, non celui qui prétend faussement être le lieutenant ou le vicaire général du Christ, mais celui qui prétend être le Christ. Il existe aussi une marque de l'époque de cet Antichrist particulier : ce sera (Matthieu, XXIV, 15) quand ce destructeur abominable [360], dont parle Daniel [361] se tiendra dans le lieu saint, et qu'il y aura une tribulation [362] telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement du monde, et qu'il n'y en aura pas d'autre, à un point tel que si elle devait durer longtemps, aucune chair ne pourrait être sauvée; mais par égard pour les élus, ces jours seront abrégés (rendus moins nombreux). Mais cette tribulation n'est pas encore venue, car elle doit être immédiatement suivie par un obscurcissement du soleil et de la lune, une chute des étoiles, un ébranlement des cieux, et le retour glorieux dans notre Sauveur dans les nuages [363]. Et donc, l'Antichrist n'est pas encore venu, alors de que nombreux papes sont venus et s'en sont allés. Il est vrai que le pape, en prétendant donner des lois [364] à tous les rois chrétiens et à toutes les nations chrétiennes, usurpe en ce monde un royaume auquel le Christ n'avait pas prétendu; mais il ne le fait pas en tant que Christ, mais pour le Christ, ce qui n'a rien à voir avec l'Antichrist.
Dans le quatrième livre, pour prouver que le pape est le juge suprême dans toutes les questions de foi et de moeurs (ce qui revient à être le monarque absolu de toutes les Chrétiens du monde) il apporte trois propositions : la première, que ses jugements sont infaillibles; la seconde qu'il peut faire de véritables lois, et punir ceux qui ne les observent pas; et la troisième, que notre Sauveur a conféré toute juridiction ecclésiastique au pape de Rome.
Pour l'infaillibilité de ses jugements, il allègue les Ecritures. D'abord ce passage de Luc , en XXII, 31 : Simon, Simon, Satan vous a demandés pour vous passer au crible comme du blé, mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne fasse pas défaut; et quand tu seras converti, fortifie tes frères [365]. Cela veut dire, selon l'exposé de Bellarmin, que le Christ donna ici à Simon Pierre deux privilèges : l'un, que la foi ne lui fasse pas défaut, à lui et à ses successeurs, l'autre que ni lui, ni ses successeurs ne définissent jamais un point concernant la foi ou les moeurs de façon erronée, ou contrairement à la définition d'un pape antérieur, ce qui est une interprétation étrange et qui fait très violence au texte. Mais celui qui lit avec attention ce chapitre trouvera que n'existe aucun passage dans toute l'Ecriture qui n'aille pas davantage contre l'autorité du pape. Les prêtres et les scribes, cherchant à tuer notre Sauveur lors de la Pâque, et Judas, possédé par la résolution de le trahir, et le jour d'immoler la Pâque étant venu [366], notre Sauveur célébra la Pâque avec ses apôtres, ce qu'il ne ferait plus, dit-il, jusqu'à ce que le royaume de Dieu vienne, et il leur dit en même temps que l'un d'eux devait le trahir. Là-dessus, il lui demandèrent qui le trahirait, et en même temps (voyant que la prochaine Pâque que leur maître célébrerait serait quand il sera roi) ils entamèrent une dispute pour savoir qui serait alors le plus grand. C'est pourquoi notre Sauveur leur dit que les rois des nations avaient l'empire sur leurs sujets, et qu'ils étaient appelés d'un nom qui, en hébreu signifie bienfaisant [367] : mais je ne peux pas être tel pour vous, vous devez vous efforcer de vous servir les uns les autres; je vous destine [368] un royaume, mais c'est celui que mon Père m'a destiné, un royaume que je dois maintenant payer de mon sang, et que je ne posséderai qu'à mon retour. Alors, vous mangerez et boirez à ma table, et siégerez sur des trônes, jugeant les douze tribus d'Israël [369]. Et alors, s'adressant à saint Pierre, il dit : Simon, Simon, Satan cherche, en te suggérant une domination présente, à affaiblir ta foi future [370]; mais j'ai prié pour toi, pour que ta foi ne te manque pas. Toi donc (notez ceci), étant converti, et comprenant que mon royaume est d'un autre monde, confirme [371] la même foi en tes frères. Et saint Pierre répondit (comme quelqu'un qui n'attend plus aucune autorité en ce monde) : Seigneur, je suis prêt à partir avec toi, non seulement en prison, mais [aussi] à la mort [372]. Il est ainsi manifeste que saint Pierre, non seulement n'avait aucune juridiction qui lui avait été donnée dans ce monde, mais il avait [de plus] la charge d'enseigner à tous les autres apôtres qu'ils n'en auraient pas non plus. Et pour ce qui est de l'infaillibilité de la sentence de saint Pierre définissant un point de foi, à partir de ce texte, on ne peut attribuer à cette sentence rien de plus que ceci : qu'il devait continuer à croire que le Christ reviendrait et posséderait le royaume au jour du jugement; ce qui ne fut pas donné par ce texte à tous ses successeurs, car nous voyons qu'il revendiquent ce royaume dans le monde présent [373].
Le second passage est pris en Matthieu, XVI : Tu es Pierre, et sur ce roc, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfert ne prévaudront [374] pas contre elle [375]. Ce passage, comme je l'ai déjà montré dans ce chapitre, ne prouve rien de plus que ceci : les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre la confession de Pierre, qui fut l'occasion de ce propos, à savoir que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu.
Le troisième texte est pris en Jean, XXI, 16-17 : Fais paître mes brebis [376], ce qui n'est rien de plus qu'un mandat d'enseigner. Si nous accordons que le reste des apôtres est compris sous le nom de brebis, alors c'est le pouvoir suprême d'enseigner; mais c'était seulement pour le temps où n'existaient pas encore de souverains chrétiens possédant cette suprématie. Mais j'ai déjà prouvé que les souverains chrétiens sont dans leurs propres empires les pasteurs suprêmes [377], institués à cette fonction en vertu de leur baptême, quoique sans imposition des mains. En effet, une telle imposition étant la cérémonie qui désigne la personne, elle est inutile quand le souverain est déjà désigné au pouvoir d'enseigner la doctrine de son choix en vertu du fait qu'il est institué pour avoir un pouvoir absolu sur ses sujets. Car, comme je l'ai prouvé précédemment, les souverains, en général, sont les enseignants suprêmes en vertu de leur fonction, et ils s'obligent donc [378], par leur baptême, à enseigner la doctrine du Christ; et s'ils supportent que d'autres enseignent leur peuple, ils le font au péril de leur âme, car c'est aux chefs de famille que Dieu demandera compte de l'instruction de ses enfants et serviteurs. C'est d'Abraham lui-même, non d'un salarié, que Dieu dit, en Genèse, XVIII, 19 : Je sais qu'il commandera à ses enfants et à sa maison après lui de garder la voie du Seigneur, et de faire justice et jugement [379].
Le quatrième passage est pris dans Exode, XXVIII, 30 : Tu mettras dans le pectoral de jugement l'Urim et le Thummin [380], mots qui, dit-il, sont traduits dans la Septante par les mots delôsin et alètheian [381], c'est-à-dire évidence et vérité; et il conclut de là que Dieu a donné au grand prêtre l'évidence et la vérité, ce qui est presque l'infaillibilité. Mais que ce soient l'évidence et la vérité elles-mêmes qui furent données, ou qu'il ne s'agisse que d'un avertissement au prêtre de s'efforcer de s'informer clairement et de rendre les jugements droitement, il n'en demeure pas moins que ce don était fait au grand prêtre, il était fait au souverain civil (car tel était le grand prêtre dans le République d'Israël, juste au-dessous de Dieu), et c'est là un argument pour l'évidence et la vérité, c'est-à-dire pour la suprématie ecclésiastique des souverains civils sur leurs propres sujets, contre le prétendu pouvoir du pape [382]. Ce sont là tous les textes qu'il apporte pour [démontrer] l'infaillibilité du pape en matière de foi.
En faveur de l'infaillibilité de son jugement en matière de moeurs, il apporte un seul texte, en Jean, XVI, 13 : Quand l'esprit de vérité sera venu, il vous conduira vers toute vérité [383]. Dans ce texte, dit-il, par l'expression toute vérité, il faut entendre au moins toute vérité nécessaire au salut. Mais avec cette restriction, il n'attribue pas plus d'infaillibilité au pape qu'à un homme quelconque qui professe le Christianisme et qui ne doit pas être damné. Quels sont ces points, je le dirai à partir de l'Ecriture dans le chapitre suivant. Pour l'instant, je ne dis rien de plus que ceci : même si l'on accorde qu'il n'est absolument pas possible que le pape enseigne une erreur, cependant cela ne lui donne pas le droit à une quelconque juridiction dans l'empire d'un autre prince, à moins qu'on dise aussi qu'on est obligé en conscience de donner dans tous les cas le travail au meilleur ouvrier, alors même qu'on a antérieurement promis ce travail à un autre.
En plus de ce texte, il argumente à partir de la raison [384] ainsi : si le pape pouvait errer dans les choses nécessaires [385], alors le Christ n'aurait pas pourvu de façon suffisante au salut de l'Eglise, puisqu'il lui a commandé de suivre les directives du pape. Mais cette raison n'est pas valable, à moins qu'il ne montre quand et où le Christ a commandé cela, ou a tenu compte en quelque façon de la question du pape. Mieux! Même en accordant que ce qui fut donné à saint Pierre fut donné au pape, étant donné cependant qu'il n'y a dans l'Ecriture aucun ordre de lui obéir, nul homme ne peut être juste en lui obéissant quand ses commandements sont contraires à ceux de son souverain légitime.
Enfin, il n'a été déclaré ni par l'Eglise, ni par le pape lui-même, que le pape est le souverain civil de tous les Chrétiens du monde, et les Chrétiens ne sont donc pas tenus de reconnaître sa juridiction en matière de moeurs. Car la souveraineté civile et la judicature suprême dans les controverses sur les moeurs sont la même chose, et ceux qui font les lois civiles ne sont pas seulement ceux qui proclament la justice et l'injustice des actions, ils sont aussi ceux qui créent [386] cette justice et cette injustice des actions, car il n'y a rien dans les moeurs des hommes qui les rende justes ou injustes [387], sinon leur conformité à la loi du souverain. Par conséquent, quand le pape prétend à la suprématie dans les controverses sur les moeurs, il enseigne aux hommes à désobéir au souverain, ce qui est une doctrine erronée, contraire aux nombreux préceptes que notre Sauveur et ses apôtres nous ont transmis dans l'Ecriture.
Pour prouver que le pape a le pouvoir de faire des lois, il allègue de nombreux passages. Le premier se trouve en Deutéronome, XVII, 12 : L'homme qui agira présomptueusement [388] et n'écoutera pas le prêtre, qui se tient là pour servir devant le Seigneur ton Dieu, ou le juge, cet homme-là mourra, et tu ôteras le mal d'Israël [389]. Pour répondre à cela, nous devons nous rappeler que le grand prêtre, juste immédiatement sous Dieu [390], était le souverain civil, et que tous les juges étaient institués par lui. Les paroles alléguées doivent donc être entendues ainsi : L'homme qui aura la présomption de désobéir au souverain civil du moment, ou à l'un de ses officiers, dans l'exécution de leurs fonctions, cet homme mourra, etc., ce qui est clairement en faveur de la souveraineté civile et contre le pouvoir universel du pape.
Deuxièmement, il allègue ce passage, en Matthieu, XVI : Tout ce que vous lierez, etc., et il interprète ce lien comme celui qui est attribué aux scribes et aux pharisiens, en Matthieu, XXIII, 4 : Ils lient des lourds fardeaux, pénibles à porter, et ils les déposent sur les épaules des hommes [391]. Par lier, dit-il, il faut entendre faire des lois, et il conclut de là que le pape peut faire des lois. Mais cela aussi est à l'avantage du pouvoir législatif des souverains civils, car les scribes et les pharisiens siégeaient dans la chaire de Moïse, mais Moïse, juste sous Dieu, était le souverain du peuple d'Israël, et donc, notre Sauveur leur ordonne de faire tout ce qu'ils diraient, mais pas tout ce qu'ils feraient, c'est-à-dire qu'il leur ordonne d'obéir à leurs lois, non de suivre leur exemple.
Le troisième passage se trouve en Jean, XXI, 16 : Fais paître mes brebis, ce qui n'est pas le pouvoir de faire des lois, mais l'ordre d'enseigner. Faire des lois appartient au seigneur de la famille qui, à sa propre discrétion [392], choisit son aumônier comme on choisit aussi un maître d'école pour enseigner ses enfants.
Le quatrième passage, en Jean, XX, 21, va contre son intention. Les paroles sont : Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi [393]. Mais notre Sauveur fut envoyé pour rédimer par sa mort ceux qui croiraient et, par sa prédication et celle de ses apôtres, pour les préparer à leur entrée dans son royaume, qui, dit-il lui-même, n'est pas de ce monde; et il nous a enseigné à prier pour sa venue future, quoiqu'il ait refusé de dire à ses apôtres quand il reviendrait (Actes, I, 6-7). Dans ce royaume, quand il viendra, les douze apôtres siégeront sur douze trônes (et chaque trône sera peut-être aussi élevé que celui de saint Pierre) pour juger les douze tribus d'Israël. Etant donné, donc, que Dieu le Père n'envoya pas notre Sauveur pour faire des lois dans ce monde présent, nous pouvons conclure du texte que notre Sauveur n'a pas envoyé non plus saint Pierre pour faire des lois ici, mais pour persuader les hommes d'attendre sa seconde venue avec une foi inébranlable [394] et, en attendant, s'ils sont sujets, d'obéir à leurs princes; et s'ils sont princes, à la fois de croire eux-mêmes à cette venue, et de faire de leur mieux pour inciter les sujets à croire, ce qui est la fonction d'un évêque. Par conséquent, ce passage tend très fortement à joindre la suprématie ecclésiastique à la souveraineté civile, contrairement à la raison pour laquelle le cardinal Bellarmin l'allègue.
Le cinquième passage est en Actes, XV, 28 [395] : Il a paru bon, au Saint-Esprit, et à nous-mêmes, de ne pas vous imposer un fardeau plus lourd que les choses nécessaires : que vous vous absteniez des viandes offertes aux idoles, du sang, des animaux étranglés [396], et de la fornication [397]. Ici, il entend par imposition de fardeaux le pouvoir législatif. Mais qui, lisant ce texte, peut dire que cette formule des apôtres ne peut pas être aussi proprement utilisée pour donner des conseils que pour faire des lois? La formule d'une loi est Nous ordonnons, mais Nous pensons bon est la formule habituelle de ceux qui ne font que donner leur avis; et ceux qui donnent un avis imposent un fardeau, quoiqu'il soit conditionnel [398], c'est-à-dire si ceux à qui ils donnent cet avis veulent atteindre leur but. Tel est le fardeau de s'abstenir de choses étranglées, et de sang, qui n'est pas absolu, mais [valable] seulement au cas où ils ne veulent pas errer. J'ai déjà montré (chapitre XXV) qu'une loi se distingue d'un conseil en ceci que la raison d'une loi vient du dessein et de l'avantage de celui qui la prescrit, alors que la raison d'un conseil vient du dessein et de l'avantage de celui à qui le conseil est donné. Mais ici, les apôtres ne visent que l'avantage des Gentils convertis, à savoir leur salut, non leur propre avantage, car, ayant fait tous leurs efforts, ils seront récompensés, qu'ils soient obéis ou non. Par conséquent, les actes de ce concile n'étaient pas des lois, mais des conseils.
Le sixième passage est en Romains, XIII : Que toute âme soit assujettie aux pouvoirs supérieurs, car il n'est de pouvoir que de Dieu [399]. Cela s'entend, dit-il, non seulement des princes séculiers, mais aussi des princes ecclésiastiques. A quoi je réponds, premièrement, qu'il n'existe pas de princes ecclésiastiques qui ne soient pas aussi souverains civils, et que leurs principautés n'excèdent pas les limites de leur souveraineté civile. Au-delà de ces limites, même s'ils peuvent être considérés comme docteurs, il ne sauraient être reconnus comme princes. En effet, si l'apôtre avait voulu dire que nous devrions nous assujettir à la fois à nos propres princes et au pape, il nous aurait enseigné une doctrine que le Christ lui-même nous a dite impossible, à savoir servir deux maîtres [400]. Et même si l'apôtre dit dans un autre passage : j'écris ces choses étant absent, pour ne pas, étant présent, être plus tranchant [401], selon le pouvoir que le Seigneur m'a donné [402], cela ne signifie pas qu'il revendique un pouvoir, soit de mettre à mort, d'emprisonner, de bannir, de fouetter, soit de frapper d'une amende l'un d'entre eux, car ce sont des châtiments, mais seulement le pouvoir d'excommunier qui, en dehors du pouvoir civil, n'est que le fait de renoncer à leur compagnie, et de n'avoir pas plus affaire avec eux qu'avec un païen ou un publicain [403], ce qui, en de nombreuses cas, peut être une peine plus lourde pour celui qui excommunie que pour celui qui est excommunié.
Le septième passage est en 1. Corinthiens, IV, 21 : Viendrai-je vers vous avec une verge, ou dans l'amour [404] et l'esprit de douceur?[405] Mais ici, de nouveau, ce n'est pas le pouvoir qu'a un magistrat de punir ceux qui enfreignent la loi [406] (c'est ce que veut dire la verge), mais seulement le pouvoir d'excommunication, qui n'est pas, par sa nature, un châtiment, mais est seulement le fait d'annoncer le châtiment que le Christ infligera, quand il sera en possession de son royaume au jour du jugement. Et alors, ce ne sera pas à proprement parler un châtiment, comme pour un sujet qui a enfreint la loi, mais une vengeance, comme on se venge d'un ennemi ou d'un révolté qui nie le droit de notre Sauveur au royaume. Cela ne prouve donc pas qu'un évêque qui ne possède pas le pouvoir civil possède le pouvoir législatif.
Le huitième passage se trouve en Timothée, III, 2 : Un évêque ne doit être le mari que d'une seule femme, vigilant, sobre, etc. [407], et il dit que ce verset est une loi. Je pensais que personne ne pouvait faire une loi dans l'Eglise, sinon le monarque de l'Eglise, saint Pierre. Mais supposons que ce précepte ait été fait par l'autorité de saint Pierre; je ne vois cependant aucune raison de l'appeler une loi plutôt qu'une recommandation, étant donné que Timothée n'était pas un sujet, mais un disciple de saint Paul; le troupeau à la charge de Timothée n'était pas formé pas ses sujets dans le royaume, mais par ses élèves dans l'école du Christ. Si tous les préceptes qu'il donne à Timothée sont des lois, pourquoi ce verset n'est-il pas aussi une loi : Ne bois plus d'eau, mais use d'un peu de vin pour ta santé [408]? Et pourquoi les préceptes des bons médecins ne sont-ils pas autant de lois? Ce n'est pas la forme impérative du discours mais une sujétion absolue à une personne qui fait de ses préceptes des lois.
De la même manière, le neuvième passage, en 1. Timothée, V, 19 : Contre un ancien, ne recevez pas d'accusation, sinon devant deux ou trois témoins [409], est un sage précepte, mais pas une loi.
Le dixième passage se trouve en Luc, X, 16 : Celui qui vous écoute m'écoute; et celui qui vous dédaigne [410] me dédaigne [411]. Il n'y a aucun doute que celui qui dédaigne le conseil de ceux qui sont envoyés par le Christ dédaigne le conseil du Christ lui-même. Mais aujourd'hui, qui sont ceux qui sont envoyés par le Christ, sinon ceux qui ont été ordonnés pasteurs par une autorité légitime? Et qui sont légitimement ordonnés, sinon ceux qui sont ordonnés par le pasteur souverain? Et qui est ordonné par le pasteur souverain, dans une République chrétienne, sinon celui qui est ordonné par l'autorité du souverain de cette République? De ce passage, il s'ensuit donc que celui qui écoute son souverain, étant chrétien, écoute le Christ, et que celui qui dédaigne la doctrine à laquelle son roi chrétien donne autorité dédaigne la doctrine du Christ, ce qui n'est pas ce que Bellarmin envisage de prouver ici, mais le contraire. Mais tout cela n'a rien à voir avec une loi. Mieux encore : un roi chrétien, pasteur et docteur de ses sujets, ne fait pas pour cela de ses doctrines des lois. Il ne peut pas obliger les hommes à croire, même si comme souverain civil il peut faire des lois conformes à sa doctrine, ce qui peut obliger les hommes à certaines actions, et parfois des actions qu'autrement ils ne feraient pas, et qu'il ne devrait pas ordonner. Et pourtant, quand elles sont ordonnées, ce sont des lois; et les actions extérieures faites en obéissant à ces lois, sans approbation intérieure [412], sont les actions du souverain, et non des sujets qui, dans ce cas, ne sont que des instruments, absolument privés de motion personnelle, parce que Dieu a ordonné d'obéir à ces lois.
Le onzième texte de citations regroupe tous les passages où l'apôtre, pour un conseil, utilise quelque mot par lequel les hommes ont coutume de signifier un commandement, ou appelle obéissance le fait de suivre son conseil. Les passages allégués, donc, sont sortis de 1. Corinthiens, XI, 2 : Je vous loue [413] d'avoir conservé mes préceptes comme je vous les ai transmis [414]. Le passage, en grec, dit : je vous loue d'avoir conservé ces choses que je vous ai transmises comme je vous les ai transmises [415] ce qui est loin de signifier que ce furent des lois, ou quelque chose d'autre que des bons conseils. Et ce passage de 1.Thessaloniciens : Vous savez quels commandements nous vous avons donnés [416]. L'expression grecque employée est paraggelias edôkamen [417], équivalent à paredôkamen [418], que nous vous avons transmis, comme dans le passage allégué juste avant [419], ce qui ne prouve pas que les traditions des apôtres fussent rien de plus que des conseils, même s'il est dit dans le verset 8 : Celui qui les dédaigne ne dédaigne pas l'homme, mais Dieu [420], car notre Sauveur lui-même ne vint pas pour juger, c'est-à-dire pour être le roi en ce monde, mais pour se sacrifier pour les pécheurs, et pour laisser les docteurs dans son Eglise, pour les guider vers le Christ, non pour les entraîner de force vers lui [421] qui n'a jamais accepté les actions forcées (ce que la loi produit), mais [qui voulait] la conversion intérieure du coeur [422], conversion qui n'est pas l'oeuvre des lois, mais des conseils et de la doctrine.
Il y a aussi ce passage de 2.Thessaloniciens, II, 14 : Si un homme n'obéit pas à notre parole qui se trouve dans cette épître, notez qui est cet homme, et ne le fréquentez plus, pourqu'il ait honte [423]. En partant du mot obéit, il voudrait inférer que cette épître était une loi pour les Thessaloniciens. Les épîtres des empereurs étaient vraiment des lois. Si donc l'épître de saint Paul était aussi une loi, ils devaient obéir à deux maîtres. Mais le mot obéit, comme il est dans le grec avec le mot upakouei [424], signifie écouter, ou mettre en pratique, non seulement ce qui est commandé par celui qui a le droit de punir, mais aussi ce qui est transmis à titre de conseil pour notre bien. Et c'est pourquoi saint Paul n'ordonne pas de tuer celui qui désobéit, ni de le battre, ni de l'emprisonner, ni de le condamner à une amende, ce que les législateurs peuvent tous faire, mais d'éviter sa compagnie, pour qu'il ait honte. Il est par là évident que ce n'est pas l'empire d'un apôtre (sur eux), mais la crainte de perdre leur réputation parmi les fidèles, qui maintenait les Chrétiens dans la peur [425].
Le dernier passage se trouve en Hébreux, XIII, 17 : Obéissez à vos chefs, et soumettez-vous à eux, car ils veillent sur vos âmes, comme ceux qui doivent rendre compte [426] [427]. Et ici aussi, obéissance signifie le fait de suivre leurs conseils, car la raison de notre obéissance n'est pas à tirer de la volonté et des ordres de nos pasteurs, mais de notre propre avantage, puisque c'est sur nos âmes qu'ils veillent, non à l'exaltation de leur pouvoir et de leur autorité personnels. Si cela voulait dire que tout ce qu'ils enseignent est loi, alors non seulement le pape, mais aussi tout pasteur dans sa paroisse, aurait un pouvoir législatif. De plus, ceux qui sont tenus d'obéir à leurs pasteurs n'ont pas le pouvoir de faire l'examen de leurs commandements. Que dirons-nous à saint Jean, qui nous ordonne dans sa première épître (IV, 1) de ne pas croire tout esprit, mais d'éprouver les esprits pour voir s'ils sont de Dieu, parce que de nombreux faux prophètes sont sortis dans le monde [428]? Il est donc manifeste que nous pouvons discuter la doctrine de nos pasteurs, mais personne ne peut discuter une loi. Les commandements des souverains civils sont considérés par tous [429] comme des lois. Si quelqu'un d'autre que le souverain lui-même peut faire une loi, c'en est fini de toute République, et par conséquent de toute paix et de toute justice [430], ce qui est contraire à toutes les lois, tant divines qu'humaines. On ne peut rien tirer de ces passages, ou d'autres passages de l'Ecriture, pour prouver que les décrets du pape, lorsqu'il ne possède pas aussi la souveraineté civile, sont des lois.
Le dernier point qu'il voudrait prouver est que notre Sauveur le Christ n'a confié [431] la juridiction ecclésiastique à personne d'autre qu'au pape, et cela sans intermédiaire [432]. Ici, il ne traite pas de la question de la suprématie entre le pape et les rois chrétiens, mais entre le pape et les autres évêques. Et d'abord, il dit qu'il est accordé que la juridiction des évêques est, du moins d'un point de vue général, de jure divino, c'est-à-dire de droit divin. Pour cela, il allègue saint Paul, en Ephésiens, IV, 11, quand il dit que le Christ, après son ascension dans le ciel, a donné des dons aux hommes, certains d'être apôtres, d'autres prophètes, d'autres évangélistes, d'autres encore pasteurs, et d'autres encore docteurs [433], et de là, il infère qu'ils tiennent réellement leur juridiction de droit divin, mais il ne veut pas accorder qu'ils le tiennent immédiatement de Dieu. Selon lui, ils le tiennent par la médiation du pape. Mais si quelqu'un peut être dit détenir sa juridiction de jure divino, et cependant pas immédiatement, quelle juridiction légitime, même simplement civile, y a-t-il dans une République chrétienne, qui ne soit aussi de jure divino? En effet, les rois chrétiens tiennent immédiatement leur pouvoir civil de Dieu, et les magistrats exercent sous eux leurs différentes charges en vertu de leur mandat, et donc, ce qu'ils font n'est pas moins de jure divino mediato [434] que ce que font les évêques en vertu de l'ordination du pape. Tout pouvoir légitime est de Dieu, immédiatement pour le chef suprême, et médiatement pour ceux qui détiennent une autorité sous lui; si bien qu'il doit, soit accorder que tout agent de police, dans l'Etat, tient sa fonction de droit divin, soit ne pas soutenir qu'un évêque la tient de la même manière, hormis le pape lui-même.
Mais toute cette discussion, si le Christ a laissé la juridiction au seul pape, ou à d'autres évêques aussi, si on la considère hors des endroits où le pape détient la souveraineté civile, est une dispute de lana caprina [435], car aucun d'eux, où ils ne sont pas souverains, n'a la moindre juridiction. En effet, la juridiction est le pouvoir d'entendre les causes entre un homme et un homme, et d'en déterminer l'issue, et ce pouvoir ne peut appartenir à personne d'autre qu'à celui qui détient le pouvoir de prescrire les règles du bien et du mal [436], c'est-à-dire le pouvoir de faire des lois et, avec l'épée de justice, de contraindre les hommes à obéir à ses décisions [437], qu'elles soient énoncées par lui-même ou par les juges qu'il a ordonnés pour cela, ce que nul homme ne peut légitimement faire, sinon le souverain civil.
Donc, quand il allègue, à partir du chapitre VI de Luc, que notre Sauveur a assemblé ses disciples et en a choisis douze qu'il nomma apôtres, il prouve qu'il les a élus (tous sauf Matthias, Paul et Barnabé) et qu'il leur a donné le pouvoir et l'ordre de prêcher, mais non de juger des causes entre un homme et un homme, car c'est un pouvoir auquel il refusa de prétendre lui-même, disant : Qui m'a fait juge ou arbitre parmi vous? [438] et à un autre endroit : Mon royaume n'est pas de ce monde [439]. Mais celui qui ne détient pas le pouvoir d'entendre des causes entre un homme et un homme et d'en déterminer l'issue ne peut absolument pas être dit détenir une quelconque juridiction. Et cela n'empêche pourtant pas que notre Sauveur leur a donné le pouvoir de prêcher et de baptiser dans toutes les parties du monde, en supposant que leur souverain légitime ne le leur interdise pas, car, à nos propres souverains, le Christ lui-même et ses apôtres nous ont, dans divers passages, expressément ordonné d'être obéissants en toutes choses.
Les arguments par lesquels il voudrait prouver que les évêques reçoivent leur juridiction du pape (étant donné que le pape, dans les empires des autres princes, n'a lui-même aucune juridiction) sont tous vains. Cependant, parce qu'ils prouvent, au contraire, que tous les évêques reçoivent leur juridiction, quand ils en ont une, de leurs souverains civils, je n'omettrai pas de les exposer.
Le premier est tiré de Nombres, XI, quand Moïse, n'étant pas capable de supporter seul le fardeau entier de l'administration des affaires du peuple d'Israël, Dieu lui ordonna de choisir soixante-dix anciens, et qu'il prit une partie de l'esprit de Moïse pour la déposer sur ces soixante-dix anciens. Il faut entendre, non que Dieu affaiblit l'esprit de Moïse, car cela ne l'aurait absolument pas soulagé, mais qu'ils tenaient tous leur autorité de Moïse. En cela, il interprète le passage exactement et sincèrement. Mais étant donné que Moïse avait l'entière souveraineté dans la République des Juifs, il est manifeste qu'il est signifié par là qu'ils tenaient leur autorité du souverain civil; et donc, ce passage prouve que les évêques, dans toutes les Républiques chrétiennes, tiennent leur autorité du souverain civil, et du pape seulement dans ses propres territoires, et non dans les territoires des autres Etats.
Le second argument est tiré de la nature de la monarchie, où toute autorité se trouve en un seul homme, et en d'autres en tant que leur autorité provient de ce monarque. Mais le gouvernement de l'Eglise, dit-il, est monarchique. [Or], cet argument va dans le sens des monarques chrétiens, car ils sont réellement monarques de leur propre peuple, c'est-à-dire de leur propre Eglise (car l'Eglise est la même chose qu'un peuple chrétien), alors que le pouvoir du pape, fût-il saint Pierre, ni n'est monarchique, ni n'a quelque chose d'archique ou de cratique, mais a seulement quelque chose de didactique, car Dieu n'admet qu'une obéissance volontaire, et non une obéissance forcée.
Le troisième argument est tiré de ce que le siège de saint Pierre est appelé par saint Cyprien la tête [440], la source, la racine, le soleil, d'où provient l'autorité des évêques. Mais en vertu de la loi de nature, qui est un meilleur principe du juste et de l'injuste que la parole de quelque docteur qui n'est qu'un homme, le souverain civil est, dans chaque République, la tête, la source, la racine, et le soleil, d'où provient toute juridiction. Et la juridiction des évêques provient donc du souverain civil.
Le quatrième argument est tiré de l'inégalité de leurs juridictions, car si Dieu, dit-il, avait sans médiation donné à chaque évêque une juridiction, il la leur aurait donnée également, comme il leur donne l'égalité de l'ordre. Or, nous voyons que certains ne sont évêques que d'une seule ville, d'autres d'une centaine de villes, et d'autres encore de plusieurs provinces entières, lesquelles différences ne furent pas déterminées par le commandement de Dieu. Par conséquent, leur juridiction ne vient pas de Dieu, mais de l'homme, et l'un a une plus grande juridiction, l'autre une plus petite, comme il plaît au prince de l'Eglise. Cet argument, si Bellarmin avait d'abord prouvé que le pape avait une juridiction universelle sur tous les Chrétiens, aurait servi son propos, mais étant donné que cela n'a pas été prouvé, et qu'il est notoirement su que la grande juridiction du pape lui fut donnée par ceux qui la possédaient, c'est-à-dire par les empereurs de Rome (car le patriarche de Constantinople, à partir du même titre, à savoir celui d'évêque de la capitale de l'empire, où siège l'empereur, revendiquait d'être son égal), il s'ensuit que tous les autres évêques tiennent leur juridiction des souverains de l'endroit où il l'exercent, et, pour cette raison, ils ne tiennent pas leur autorité de juro divino, tout comme le pape ne tient pas non plus la sienne de jure divino, sauf quand il est aussi le souverain civil.
Son cinquième argument est celui-ci : Si les évêques tenaient directement leur juridiction de Dieu, le pape ne pourrait pas la leur prendre, car il ne peut rien faire de contraire à l'ordination de Dieu; et ce raisonnement est bon et bien prouvé. Mais, dit-il, le pape peut le faire et l'a fait. Cela aussi, je l'accorde, s'il le fait dans son propre empire ou dans l'empire de quelque autre prince qui lui a donné ce pouvoir, mais il ne peut pas le faire universellement, en vertu du droit papal, car ce pouvoir appartient à chaque souverain chrétien, dans les limites de son propre empire, et ce pouvoir est inséparable de la souveraineté. Avant que le peuple d'Israël ait, par le commandement de Dieu à Samuel, institué au-dessus de lui un roi à la manière des autres nations, le grand prêtre détenait le gouvernement civil, et personne d'autre que lui ne pouvait instituer ou déposer un prêtre subalterne. Mais ce pouvoir appartint ensuite à un roi, comme on peut le prouver par le même argument de Bellarmin, car si le prêtre, qu'il soit le grand prêtre ou un autre, tient sa juridiction directement de Dieu, alors le roi ne peut pas la lui enlever, puisqu'il ne peut rien faire de contraire à l'ordonnance de Dieu. Mais il est certain que le roi Salomon déposa Abiathar le grand prêtre de sa fonction (1. Rois, II, 26), et qu'il mit Sadoc (verset 35) à sa place. Par conséquent, les rois peuvent de la même manière ordonner et déposer des évêques, comme ils le jugent bon pour le bon gouvernement de leurs sujets.
Son sixième argument est celui-ci : si les évêques ont leur juridiction de jure divino, c'est-à-dire immédiatement de Dieu, ceux qui soutiennent cette thèse doivent fournir quelque parole de Dieu pour la prouver; mais ils ne peuvent en fournir aucune. L'argument est bon : je n'ai donc rien à dire contre, mais c'est un argument qui n'est pas moins bon pour prouver que le pape lui-même n'a aucune juridiction dans l'empire des autres princes.
Enfin, il apporte comme argument le témoignage de deux papes, Innocent et Léon, et je ne doute pas qu'il aurait pu, avec autant de raison, alléguer les témoignages de presque tous les papes depuis saint Pierre. En effet, considérant l'amour du pouvoir naturellement implanté en l'humanité, quiconque serait fait pape serait tenté de soutenir la même opinion. Néanmoins, ils ne feraient en cela, comme Innocent et Léon, que porter témoignage [441] d'eux-mêmes, et leur témoignage ne serait donc pas valable.
Dans le cinquième livre, il a quatre conclusions. La première est que le pape n'est pas le seigneur du monde entier; la deuxième, que le pape n'est pas le seigneur de tout le monde chrétien; la troisième, que le pape en dehors de son propre territoire, ne possède DIRECTEMENT aucune juridiction temporelle. On accorde aisément ces trois conclusions. La quatrième est que le pape possède, dans les empires des autres princes, le pouvoir temporel suprême INDIRECTEMENT, ce que je nie, à moins qu'il entende par indirectement le fait qu'il l'ait obtenu par des moyens indirects, ce qui est alors est aussi accordé. Mais je comprends que quand il dit qu'il la possède indirectement, il entend que cette juridiction temporelle lui appartient de droit, mais que ce droit n'est qu'une conséquence de son autorité pastorale qu'il ne pourrait pas exercer sans avoir l'autre droit en même temps; et donc, au pouvoir pastoral, qu'il appelle spirituel, est nécessairement annexé le pouvoir civil suprême, et ainsi il aurait le droit de changer les royaumes, les donnant à l'un, les enlevant à un autre, quand il jugera que cela conduit au salut des âmes.
Avant d'en venir à considérer les arguments par lesquels il voudrait prouver cette doctrine, il ne serait pas hors de propos d'en exposer les conséquences, afin que les princes et les Etats qui possèdent la souveraineté civile dans leurs Républiques respectives réfléchissent pour savoir s'il est avantageux pour eux, et si cela conduit au bien de leurs sujets (dont ils doivent rendre compte au jour du jugement), de l'admettre.
Quand il est dit que le pape ne possède pas, dans les territoires des autres Etats, le pouvoir civil suprême directement, nous devons comprendre qu'il n'y prétend pas, comme les autres souverains civils le font, en vertu de la soumission originelle à ce pouvoir par ceux qui doivent être gouvernés [442]. En effet, il est évident (et cela a déjà été suffisamment démontré dans ce traité) que le droit de tous les souverains est originellement dérivé du consentement de chacun de ceux qui doivent être gouvernés, que ceux qui choisissent le souverain le fassent pour la défense commune contre un ennemi, comme quand ils s'accordent entre eux pour désigner un homme ou une assemblée pour les protéger, ou qu'ils le fassent pour sauver leur vie, en se soumettant à un ennemi conquérant [443]. Par conséquent, le pape, quand il renonce à détenir directement le pouvoir suprême sur les autres Etats [444], ne nie rien de plus que le fait que son droit lui vienne par cette voie, il ne cesse pas pour autant d'y prétendre par une autre voie, c'est-à-dire sans le consentement de ceux qui doivent être gouvernés, par un droit qui lui est donné par Dieu en étant élevé à la papauté, voie qu'il appelle indirecte. Mais par quelque voie qu'il y prétende, le pouvoir est le même, et il peut, si on lui accorde que c'est son droit, déposer les princes et les Etats, aussi souvent que c'est nécessaire au salut des âmes, c'est-à-dire aussi souvent qu'il le veut, car il revendique aussi le pouvoir exclusif de juger si c'est [nécessaire] ou non au salut des âmes. Et c'est la doctrine non seulement de Bellarmin ici, et celle que de nombreux autres docteurs enseignent dans leurs sermons et dans leurs livres, mais aussi celle que certains conciles ont décrétée, et que les papes, quand l'occasion les a servis, ont mis exactement en pratique. En effet, le quatrième concile de Latran [445], tenu sous le pape Innocent III, a choisi ce canon (au troisième chapitre : De haereticis) : Si un roi, sur l'avertissement du pape, ne purge pas son royaume des hérétiques, et si, excommunié pour cela, il ne répare pas sa faute dans l'année qui suit, ses sujets sont affranchis de leur obéissance [446]. Et on a vu ce canon mis en pratique en différentes occasions, comme la déposition de Chilpéric, roi de France, le transfert de l'empire romain à Charlemagne, l'abus d'autorité contre Jean, roi d'Angleterre, le transfert du royaume de Navarre, et dans les dernières années, la ligue contre Henri III de France, et il y a eu d'autres cas nombreux. Je pense qu'il existe peu de princes qui ne considèrent pas cela comme injuste et gênant, mais je souhaiterais qu'ils se décident tous à être rois ou sujets. Les hommes ne peuvent servir deux maîtres. Les princes doivent donc les soulager, soit en tenant entièrement les rênes du gouvernement dans leurs mains, soit en les remettant entièrement dans les mains du pape, pour que ces hommes qui veulent obéir puissent être protégés dans leur obéissance, car cette distinction entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel n'est que verbale. Qu'on partage le pouvoir avec un autre pouvoir indirect, ou avec un pouvoir direct, le pouvoir est [toujours] réellement divisé et aussi dangereusement dans tous les cas. Mais venons-en à ses arguments.
Le premier est celui-ci : le pouvoir civil est assujetti au pouvoir spirituel. Donc, celui qui possède le pouvoir spirituel suprême a le droit de commander les princes temporels et de disposer de leurs [biens] temporels en vue du spirituel. Pour la distinction entre temporel et spirituel, considérons en quel sens il peut être dit de façon intelligible que le pouvoir temporel ou civil est assujetti au pouvoir spirituel. Il n'y a que deux façons de donner un sens à ces paroles. En effet, quand nous disons qu'un pouvoir est assujetti à un autre pouvoir, cela veut dire soit que celui qui possède l'un est assujetti à celui qui possède l'autre, soit que l'un des pouvoirs est à l'autre comme le moyen à la fin [447]. Car nous ne pouvons pas comprendre qu'un pouvoir ait pouvoir sur un autre pouvoir, ou qu'un pouvoir puisse avoir un droit ou un commandement sur un autre pouvoir. En effet, la sujétion, le commandement, le droit et le pouvoir sont des accidents [448] des personnes, non des pouvoirs. Un pouvoir peut être subordonné à un autre pouvoir, comme l'art du sellier à l'art du cavalier. Et s'il est accordé alors que le gouvernement civil est un moyen destiné à nous donner la félicité spirituelle, il ne s'ensuit pas cependant que si un roi possède le pouvoir civil et que le pape possède le pouvoir spirituel, le roi soit par là tenu d'obéir au pape, pas plus que tout sellier n'est tenu d'obéir à tout cavalier. Donc, de même que de la subordination d'un art ne peut être inférée la sujétion de celui qui l'exerce, de même, de la subordination d'un gouvernement ne peut pas être inférée la sujétion de celui qui gouverne. Quand donc il dit que le pouvoir civil est assujetti au pouvoir spirituel, il veut dire que le souverain civil est assujetti au souverain spirituel. Et l'argument est celui-ci : le souverain civil est assujetti au souverain spirituel, et le prince spirituel peut donc commander les princes temporels (où la conclusion est la même que l'antécédent qu'il aurait dû prouver). Mais, pour le prouver, il allègue d'abord cette raison : les rois et les papes, le clergé et les laïcs, ne font qu'une seule République, c'est-à-dire qu'une seule Eglise, et dans tous les corps, les membres dépendent les uns des autres, mais les affaires spirituelles ne dépendent pas des affaires temporelles. Donc, les affaires temporelles dépendent des affaires spirituelles, et leur sont donc assujetties. Dans cette argumentation, il y a deux erreurs grossières : l'une est que tous les chrétiens, rois, papes, clergé, et tous les autres chrétiens ne forment qu'une seule République, car il est évident que la France est une seule République, l'Espagne une autre, Venise une troisième, etc. Et ces Républiques sont composées de Chrétiens, et ce sont donc aussi différents corps de Chrétiens, c'est-à-dire différentes Eglises, et leurs souverains respectifs les représentent et ils sont ainsi capables de commander et d'obéir, de faire ou de pâtir, comme un homme naturel. Aucune Eglise générale ou universelle n'est ainsi tant qu'elle n'a pas de représentant, ce qu'elle n'a pas sur terre, car si elle avait cette capacité, il n'y a aucun doute que toute la Chrétienté ne serait qu'une seule République, dont le souverain serait le représentant, aussi bien dans les affaires spirituelles que dans les affaires temporelles. Et il manque au pape, pour qu'il se fasse ce représentant, trois choses que notre Sauveur ne lui a pas données : commander, juger et punir autrement qu'en excommuniant, c'est-à-dire en fuyant ceux qui ne veulent pas recevoir l'enseignement. Car même si le pape est le seul vicaire du Christ, il ne pourrait pas cependant exercer son gouvernement avant la seconde venue de notre Sauveur, et alors, ce n'est pas le pape, mais saint Pierre lui-même, avec les autres apôtres, qui doivent être les juges du monde.
L'autre erreur de son premier argument est qu'il dit que les membres de chaque République, comme ceux d'un corps naturel, dépendent les uns des autres. Il est vrai qu'il y a cohésion mutuelle, mais ils dépendent seulement du souverain, qui est l'âme de la République, et quand cette âme fait défaut, la République se dissout dans la guerre civile, aucun homme n'étant plus en cohésion avec un autre, par manque d'une dépendance commune à l'égard d'un souverain connu; exactement comme les membres d'un corps naturel se dissolvent dans la terre quand manque une âme pour maintenir la cohésion [449]. Par conséquent, rien dans cette ressemblance ne permet d'inférer une dépendance des laïcs par rapport au clergé, ou une dépendance des officiers temporels par rapport aux officiers spirituels, on ne peut qu'inférer la dépendance des deux par rapport au souverain civil, qui doit certes diriger ses commandements civils vers le salut des âmes, mais qui n'est pas pour autant assujetti à quelqu'un d'autre qu'à Dieu lui-même. Ainsi, vous voyez la fausseté dont on a nourri le premier argument, pour tromper ceux qui ne distinguent pas entre la subordination des actions dans le chemin qui mène à une fin et la sujétion des personnes les unes aux autres dans l'administration des moyens. Car pour chaque fin, les moyens sont déterminés par nature, ou de façon surnaturelle par Dieu lui-même, mais, dans chaque nation le pouvoir de faire utiliser aux hommes les moyens est laissé au souverain civil par la loi de nature qui interdit aux hommes de violer la foi donnée.
Son second argument est celui-ci : toute République, comme elle est supposée parfaite et se suffisant à elle-même, peut commander une autre République qui ne lui est pas assujettie, et la forcer à changer l'administration du gouvernement, et même déposer le prince, et en mettre un autre à sa place, si elle ne peut pas se défendre autrement contre les injustices qu'il s'apprête à lui faire subir; à plus forte raison une République spirituelle peut commander à une République temporelle de changer l'administration de son gouvernement, et peut déposer les princes, et en instituer d'autres, quand elle ne peut pas défendre autrement le bien spirituel.
Qu'une République, pour se défendre contre les injustices, puisse légitimement faire tout ce qu'il a dit ici, c'est très vrai et cela a été déjà suffisamment démontré précédemment. Et s'il était aussi vrai qu'il y ait aujourd'hui dans le monde une République spirituelle distincte d'une République civile, le prince pourrait alors, s'il est victime d'injustices, ou parce qu'il n'a pas la garantie que des injustices ne lui seront pas causées dans l'avenir, obtenir réparation et se mettre en sécurité par la guerre, c'est-à-dire, en somme, déposer, tuer, subjuguer, ou faire n'importe quel acte d'hostilité. Mais par la même raison, il ne sera pas moins légitime, pour un souverain civil, à partir des mêmes injustices subies ou craintes, de faire la guerre à un souverain spirituel, ce qui, je crois, est plus que ce que le cardinal Bellarmin aurait inféré de sa propre proposition.
Mais de République spirituelle, il n'en existe aucune dans le monde, car c'est la même chose que le royaume du Christ qui, a-t-il lui-même dit, n'est pas de ce monde [450], mais existera dans le prochain monde, lors de la résurrection, quand ceux qui ont vécu justement, et ont cru qu'il était le Christ, renaîtront comme corps spirituels, alors qu'ils sont morts corps naturels,[451] et c'est alors que notre Sauveur jugera le monde, subjuguera [452] ses adversaires, et établira une République spirituelle. En attendant, étant donné qu'il n'existe pas d'hommes sur terre dont les corps soient spirituels, il ne peut y avoir de République spirituelle parmi les hommes qui sont encore dans la chair, à moins que nous n'appelions République des prédicateurs qui ont mandat d'enseigner les hommes et de les préparer à être reçus dans le royaume du Christ lors de la résurrection. J'ai déjà prouvé qu'il n'en existait aucune.
Le troisième argument est celui-ci : il n'est pas légitime que des Chrétiens tolèrent un roi infidèle ou hérétique, au cas où il s'efforcerait de les tirer vers l'hérésie ou l'infidélité. Mais c'est au pape qu'il appartient de décider si un roi tire ou non ses sujets vers l'hérésie. Par conséquent, le pape a le droit de déterminer si le prince doit être déposé ou non.
A cela, je réponds que ces assertions sont toutes les deux fausses. En effet, des Chrétiens, ou des hommes de n'importe quelle religion, s'ils ne tolèrent pas leur roi, quelque loi qu'il fasse, même si elle concerne la religion, violent leur parole [453], contrairement à la loi divine, tant naturelle que positive. Il n'existe aucun juge de l'hérésie parmi les sujets, seul leur propre souverain civil est ce juge [454]. Car l'hérésie n'est rien d'autre qu'une opinion privée, soutenue obstinément, contrairement à l'opinion que la personne publique (c'est-à-dire le représentant de la République) a commandé d'enseigner. Par là, il est manifeste qu'une opinion désignée officiellement pour être enseignée ne peut pas être une hérésie, et le prince souverain qui l'autorise ne peut pas non plus un hérétique, car les hérétiques ne sont que des particuliers qui défendent avec entêtement une doctrine prohibée par leur souverain légitime.
Mais pour prouver que les Chrétiens ne doivent pas tolérer des rois infidèles ou hérétiques, il allègue un passage du Deutéronome, XVII, où Dieu interdit aux Juifs, quand ils placeront un roi au-dessus d'eux, de choisir un étranger [455]; et de là, il infère qu'il est illégitime pour un Chrétien de choisir un roi non chrétien. Et il est vrai que celui qui est chrétien, c'est-à-dire qui s'est déjà obligé à recevoir notre Sauveur comme son roi quand il viendra, tentera trop Dieu en choisissant pour roi en ce monde quelqu'un dont il sait qu'il s'efforcera, aussi bien par la peur que par la persuasion, de lui faire violer sa foi. Mais, dit-il, le danger est le même de choisir comme roi quelqu'un qui ne soit pas chrétien, ou de ne pas le déposer quand il est choisi. A cela, je dis que la question n'est pas celle du danger de ne pas le déposer, mais celle de la justice de cet acte. Le choisir peut en certains cas être injuste, mais le déposer, quand il est choisi, n'est en aucun cas juste, car il s'agit toujours d'une violation de la parole [456], donc quelque chose de contraire à la loi de nature qui est la loi éternelle de Dieu. Nous ne lisons pas qu'une telle doctrine fût considérée comme chrétienne au temps des apôtres, ni au temps des empereurs romains, avant que les papes n'eussent la souveraineté civile de Rome. Mais à cela, il répond que les Chrétiens de l'antiquité ne déposèrent pas Néron, Dioclétien, Julien ou Valens (un arien [457]) uniquement parce que les forces temporelles leur faisaient défaut. C'est peut-être le cas. Mais notre Sauveur, qui pouvait appeler douze légions d'anges immortels et invulnérables, manquait-il de forces pour déposer César, ou au moins Pilate qui, injustement, sans lui trouver de faute, le livra aux Juifs pour qu'il fût crucifié? Et si les forces temporelles faisaient défaut aux apôtres pour déposer Néron, leur était-il donc nécessaire, dans leurs épîtres, d'enseigner aux nouveaux convertis, comme ils le firent, d'obéir aux pouvoirs constitués au-dessus d'eux (ce qui était le cas de Néron), et de leur enseigner qu'ils devaient leur obéir, non par crainte de leur colère, mais par motif de conscience? [458] Dirons-nous que, par manque de force, ils n'obéissaient pas seulement, mais enseignaient aussi ce qu'ils ne pensaient pas? Ce n'est donc pas faute de force, mais par motif de conscience que les Chrétiens doivent tolérer leurs princes païens, ou des princes (car je ne saurais appeler hérétique quelqu'un dont la doctrine est la doctrine officielle) qui autorisent l'enseignement d'une erreur. Pour le pouvoir temporel du pape, il allègue en plus que saint Paul (1. Corinthiens, VI) désigna des juges sous des princes païens de l'époque, tels qu'ils n'étaient pas ordonnés par ces princes, ce qui n'est pas vrai, car saint Paul ne fait que leur conseiller de choisir certains de leurs frères comme arbitres pour régler leurs différends [459], plutôt que d'avoir recours à la justice l'un avec l'autre devant les juges païens [460], ce qui est un précepte sain, et plein de charité, susceptible d'être mis en pratique aussi dans les meilleures Républiques chrétiennes. Et pour le danger qui peut naître pour la religion de ce que les sujets tolèrent un prince païen ou qui se trompe, c'est un point sur lequel un sujet n'est pas un juge compétent. Ou s'il est compétent, les sujets temporels du pape peuvent aussi juger sa doctrine. En effet, tout prince chrétien, comme je l'ai déjà prouvé, n'est pas moins le pasteur suprême de ses propres sujets que le pape des siens.
Le quatrième argument est tiré du baptême des rois par lequel, pour être faits chrétiens, ils soumettent leurs sceptres au Christ, et promettent de garder et de défendre la foi chrétienne. C'est vrai, car les rois chrétiens ne sont rien de plus que des sujets du Christ, mais ils peuvent, malgré cela [461], être les égaux du pape; ils sont en effet les pasteurs suprêmes de leurs propres sujets, et le pape n'est rien de plus qu'un roi et pasteur, même si c'est à Rome.
Le cinquième argument est tiré de ces paroles de notre Sauveur : fais paître mes brebis [462], paroles par lesquelles fut donné tout pouvoir nécessaire à un pasteur, comme le pouvoir de chasser les loups, comme le sont les hérétiques, le pouvoir d'enfermer les béliers, s'ils sont fous ou donnent des coups de cornes aux autres moutons, comme le sont les mauvais rois, même chrétiens; et le pouvoir de donner au troupeau la nourriture qui convient. De cela, il infère que saint Pierre a reçu ces trois pouvoirs du Christ. A cela, je réponds que le dernier de ces pouvoirs n'est rien de plus que le pouvoir, ou plutôt le commandement, d'enseigner. Pour le premier, qui est de chasser les loups, c'est-à-dire les hérétiques, il cite ce passage, en Matthieu, VII, 15 : Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous en habits de brebis mais qui sont intérieurement des loups rapaces [463]. Mais les hérétiques ne sont pas de faux prophètes, ils ne sont pas prophètes du tout; et, en admettant que par loups il faille entendre les hérétiques, l'ordre ne leur fut pas donné de les tuer, ou si ces hérétiques étaient des rois, de les déposer, mais [simplement] de s'en méfier, de les fuir et de les éviter. De plus, ce ne fut pas à saint Pierre, ou à l'un des apôtres, mais à la multitude des Juifs qui le suivirent dans la montagne (pour la plupart des hommes qui n'étaient pas encore convertis) qu'il donna ce conseil de se méfier des faux prophètes. Par conséquent, ce conseil, s'il confère un pouvoir de chasser les rois, ne fut pas donné seulement à des particuliers, mais [aussi] à des hommes qui n'étaient absolument pas chrétiens. Et pour ce qui est de séparer et d'enfermer les béliers furieux [464], expression par laquelle il entend les rois chrétiens qui refusent de se soumettre au pasteur romain, notre Sauveur refusa de prétendre lui-même [à ce pouvoir] dans ce monde, mais il conseilla de laisser le [bon] grain et l'ivraie croître ensemble jusqu'au jour du jugement. Encore moins le donna-t-il à saint Pierre, et encore moins saint Pierre le donna-t-il aux papes. Il a été ordonné à Saint Pierre et à tous les autres pasteurs de considérer les Chrétiens qui désobéissent à l'Eglise, c'est-à-dire qui désobéissent au souverain chrétien, comme des païens et des publicains. Etant donné que les hommes ne prétendent pour le pape à aucune autorité sur les princes païens, ils ne doivent pas y prétendre sur ceux qui sont considérés comme païens.
Mais du seul pouvoir d'enseigner, il infère aussi un pouvoir coercitif du pape sur les rois. Le pasteur, dit-il, doit donner à son troupeau la nourriture qui convient. Par conséquent, le pape peut et doit contraindre les rois à faire leur devoir. Il s'ensuit que le pape, en tant que pasteur des hommes chrétiens, est le roi des rois; ce que tous les rois chrétiens doivent en vérité reconnaître, ou sinon assumer eux-mêmes la charge pastorale suprême, chacun dans son propre empire.
Son sixième et dernier argument est tiré d'exemples. A quoi je réponds, d'abord, que des exemples ne prouvent rien; deuxièmement, que les exemples qu'il allègue n'ont même pas une vraisemblance de droit [465]. Le meurtre d'Athalie par Joad (2. Rois, 11) soit fut commis par l'autorité du roi Joas, soit fut un horrible crime de la part du grand prêtre qui, après l'élection du roi Saül, n'était jamais qu'un simple sujet. L'excommunication de l'empereur Théodose par saint Ambroise fut (s'il l'excommunia vraiment) un crime capital. Pour ce qui est des papes Grégoire Ier, Grégoire II, Zacharie et Léon III, leurs jugements sont nuls en tant qu'ils ont été rendus en leur propre cause; et les actes qu'ils firent conformément à cette doctrine sont les plus grands crimes (surtout ceux de Zacharie) qui puissent appartenir à la nature humaine. Et voilà pour ce qui est du pouvoir ecclésiastique. J'aurais été plus bref, m'abstenant d'examiner ces arguments de Bellarmin, si ces arguments avaient été les siens en tant que particulier et non les siens en tant que champion de la papauté contre tous les princes et Etats chrétiens.
Traduction Philippe Folliot
Version
téléchargée en août 2003.
[1] "power ecclesiasticall". (NdT)
[2] "ordained". (NdT)
[3] "ceremony". F. Tricaud traduit par "rite". (NdT)
[4] "And Joshua the son of Nun was full of the spirit of wisdom; for Moses had laid his hands upon him." Conforme à la King James version. (NdT)
[5] "des langues divisées, comme de feu", disent la Vulgate ("dispertitae linguae tamquam ignis") et la version grecque de Stephanus ("diamerixomenai glôssai ôsei puros"). Hobbes ("mighty wind, and cloven tongues of fire") ne suit pas la King James version qui donne : "cloven tongues like as of fire"("langues fourchues comme de feu"). (NdT)
[6] Littéralement : nous avons la personne de Dieu portée ("we have the person of God born"). (NdT)
[7] "have represented him ever since". (NdT)
[8] Et non XIII, comme l'indique G. Mairet. (NdT)
[9] "bear Witness". La King James version dit "bear record", la version Douay/Rheims "give testimony". (NdT)
[10] "There be three that bear witness in heaven, the Father, the Word, and the Holy Spirit; and these three are one." Père, parole et esprit saint : la version grecque de Stepanus donne en effet "o pater o logos kai agion pneuma", mais la Vulgate donne "l'esprit, l'eau et le sang" ("Spiritus et aqua et sanguis") (NdT)
[11] "God hath given us eternal life in His Son". La King James version donne : "God hath given to us eternal life, and this life is in his Son." La Vulgate ("in Filio") et la version grecque de Stephanus ("en tô uiô") disent bien "en son fils" (ou dans). (NdT)
[12] "Of these men which have companied with us all the time that the Lord Jesus went in and out amongst us, beginning at the baptism of John, unto that same day that he was taken up from us, must one be ordained to be a witness with us of his resurrection" Conforme à la King James version. (NdT)
[13] "the bearing of witness". (NdT)
[14] L'expression est aussi utilisée plusieurs fois par Paul. (NdT)
[15] De I.Jean, V. (NdT)
[16] "there are three that bear witness in earth; the Spirit, and the water, and the blood; and these three agree in one". Conforme à la King James version. (NdT)
[17] "testimony". (NdT)
[18] "He that believeth on the Son of Man hath the witness in himself." Conforme à la King James version. (NdT)
[19] "in ruling or in directing under Him". (NdT)
[20] A ma connaissance, le mot latin "paracletus" ne se trouve dans la Vulgate qu'en Jean, XIV, 16,26; V, 26, et XVI, 7 (idem pour "paraklètos" dans la version grecque de Stephanus). On trouve dans plusieurs parties de l'Evangile le mot "paraklèsis", qui correspond dans la Vulgate à "consolatio" et exhortatio". Le Paraclet est le Saint-Esprit. Le mot a le sens de celui qu'on appelle au secours, à l'aide, exactement qu'on appelle près de soi. (NdT)
[21] "which signifieth an assister, or one called to for help". (NdT)
[22] "comforter". C'est le mot présent dans la King James version (que l'on retrouve dans la Darby anglaise), alors que la version Douay/Rheims choisit "Paraclete". Darby et Segond traduisent par "consolateur", Crampon par "intercesseur". la T.O.B par "paraclet". (NdT)
[23] "our schoolmasters". (NdT)
[24] "ours commanders". (NdT)
[25] "regal power". (NdT)
[26] Jean, XX, 21 : "As my Father sent me, (...) I send you." La citation n'est pas soulignée par Hobbes. (NdT)
[27] "You that have followed me in the regeneration, when the Son of man shall sit in the throne of his glory, you shall also sit upon twelve thrones." Conforme à la King James version. Hobbes ne cite pas la fin du verset : "judging the twelve tribes of Israel." (NdT)
[28] "Having your feet shod with the preparation of the gospel of peace." Conforme à la King James version. Vulgate : "et calciati pedes in praeparatione evangelii pacis." (NdT)
[29] "fishing". (NdT)
[30] Genèse, X, 8-12; 1.Chroniques, , 10. (NdT)
[31] Matthieu, IV, 19; Marc, I, 17. (NdT)
[32] Selon moi, Hobbes se trompe. C'est le royaume des cieux qui est comparé à du levain, en Matthieu, XIII, 33 et Luc, XIII, 20. Dans le Nouveau Testament, le mot levain est pris plusieurs fois en mauvais part, pour désigner l'influence des Pharisiens et des Sadducéens (par exemple en Matthieu, XVI, 6,11,12 ou Marc, VIII, 15), et en 1.Corinthiens et Galates, il est question de se débarraser du vieux levain, et la sincérité et la vérité sont comparées à un pain sans levain. (NdT)
[33] Par exemple Matthieu, XIII; Marc, IV, Luc, VIII. (NdT)
[34] Sénevé ou sinape (Vulgate : "grano sinapis"). Par exemple Matthieu, XIII; Marc, IV, Luc, VIII (NdT)
[35] "and consequently there can in that time be no actual reigning." (NdT)
[36] "but only upon certainty, or probability of arguments drawn from reason". (NdT)
[37] 2. Corinthiens, I, 24. (Note de Hobbes)
[38] "Nous sommes les aides (aduitores)", dit la Vulgate. La Version grecque de Stephanus dit "synergoï" : ceux qui font le même travail, qui collaborent, ou qui prêtent leur concours, qui aident. (NdT)
[39] "the lawful authority". (NdT)
[40] La vulgate dit simplement : "non ad oculum servientes". (NdT)
[41] "And servants, obey in all things your masters according to the flesh, not with eye-service, as men-pleasers, but in singleness of heart, as fearing the Lord." Conforme à la King James version. (NdT)
[42] C'est le très célèbre "omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit non est enim potestas nisi a Deo quae autem sunt a Deo ordinatae sunt". (Vulgate, Romains, XIII, 1). La king James version donne : "Let every soul be subject unto the higher powers. For there is no power but of God : the powers that be are ordained of God." (NdT)
[43] "à cause de la conscience", dit la Vulgate ("et propter conscientiam"). (NdT)
[44] "submit yourselves to every ordinance of man, for the Lord's sake, whether it be to the king, as supreme, or unto governors, as to them that be sent by him for the punishment of evildoers, and for the praise of them that do well; for so is the will of God." Conforme à la King James version. (NdT)
[45] "Put men in mind to be subject to principalities, and powers, and to obey magistrates". Conforme à la King James version. La fin du verset est : "to be ready to every good work." (NdT)
[46] Cette question, fondamentale à l'époque, avait été envisagée par Bellarmin. Elle est, à certains égards, toujours actuelle, certains Chrétiens utilisant encore aujourd'hui Bellarmin pour fonder un droit de résistance à la contraception, à l'avortement et à l'euthanasie. (NdT)
[47] "It is therefore manifest that Christ hath not left to his ministers in this word, unless they be also endued with civil authority, any authority to command other men". (NdT)
[48] "thy servant will henceforth offer neither burnt offering nor sacrifice unto other gods, but unto the LORD. In this thing the LORD pardon thy servant, that when my master goeth into the house of Rimmon to worship there, and he leaneth on my hand, and I bow myself in the house of Rimmon: when I bow down myself in the house of Rimmon, the LORD pardon thy servant in this thing." Conforme à la King James version. (NdT)
[49] "But whosoever shall deny me before men, him will I also deny before my Father which is in heaven." Conforme à la King James version. (NdT)
[50] "not in order to his own mind". (NdT)
[51] "inwardly in hisheart". (NdT)
[52] "obliged in conscience". (NdT)
[53] Luc, VI, 31 : "Whatsoever you would that men should do unto you, that do ye unto them." La King James version donne : "And as ye would that men should do to you, do ye also to them likewise." (NdT)
[54] "Do not to another that which thou wouldest not he should do unto thee." Phrase absente des textes bibliques sous cette forme. (NdT)
[55] "openly". (NdT)
[56] "good". (NdT)
[57] "Wherefore of these men which have companied with us all the time that the Lord Jesus went in and out amongst us, beginning from the baptism of John unto that same day he was taken up from us, must one be ordained to be a martyr" (...) "with us of his resurrection." Conforme à la king James version. (NdT)
[58] " must be one of his original Disciples". (NdT)
[59] " must be one of his original Disciples". F. Tricaud traduit "martyrs en second". (NdT)
[60] "he that hath redeemed us". (NdT)
[61] "that have not a warrant to preach Christ come in the flesh." (NdT)
[62] Matthieu, X, 16; Luc, X, III. (NdT)
[63] "over the congregation". (NdT)
[64] Matthieu, X, 6; XV, 24. (NdT)
[65] Matthieu, III, 2; IV, 17;X, 7; Luc, I, 15; X, 9, 11. "car le royaume du ciel s'est approché", dit la Vulgate ("adpropinquavit enim regnum caelorum"). (NdT)
[66] "Labourers, not as lords of the harvest". (NdT)
[67] Luc, X, 9,11 :"The kingdom of God is come nigh unto you." Conforme à la King James version. (NdT)
[68] L'usage du verbe "denounce" (on pouvait attendre "to announce") peut ici étonner, mais son usage est correct en tant que l'annonce, ici, se fait contre ceux qui tenteraient de résister à la parole. Le sens de "denounce" est ici : "annoncer contre", autrement dit, annoncer sous la forme d'une menace. (NdT)
[69] "as a threatening". (NdT)
[70] "their office was to minister, even as the Son of Man came, not to be ministered unto, but to minister.". Matthieu, XX, 28 (et Marc, X, 45). La traduction de G. Mairet ("non pour être administré, mais pour administrer") indique une méconnaissance de la vulgate et de son sens : "sicut Filius hominis non venit ministrari sed ministrare et dare animam suam redemptionem pro multis". A défaut, l'étymologie du verbe "to minister" était suffisante pour rendre fidèlement le texte de Hobbes. (NdT)
[71] "ministerial power" : un pouvoir de serviteur, de ministre, non de maître, de chef. (NdT)
[72] "magistri" dans la Vulgate. La Stephanus utilise le mot "kathègètès", conducteur, guide, celui qui montre le chemin, maître. (NdT)
[73] "their commission". (NdT)
[74] "Go into all the world, and preach the gospel to every creature." Conforme à la King James version. (NdT)
[75] La Vulgate utilise en Actes, XVII, 3, le verbe "adaperio" qui a autant le sens de découvrir (ce qui est caché, clos) que d'ouvrir (voir par ex. Nahum, III, 13). Le verbe grec "dianoigô", utilisé par Stephanus, présente le même sens propre et le même sens figuré. F. Tricaud traduit "les leur ouvrant". (NdT)
[76] Actes, XVII, 3, à quelques mots près : "three Sabbath days he reasoned with them out of the Scriptures, opening and alleging that Christ must needs have suffered, and risen again from the dead, and that this Jesus is Christ." La King James version donne plus fidèlement : "and three sabbath days reasoned with them out of the scriptures, opening and alleging, that Christ must needs have suffered, and risen again from the dead; and that this Jesus, whom I preach unto you, is Christ." (NdT)
[77] "But to teach out of the Old Testament that Jesus was Christ, that is to say, king, and risen from the dead, is not to say that men are bound, after they believe it, to obey those that tell them so, against the laws and commands of their sovereigns; but that they shall do wisely to expect the coming of Christ hereafter, in patience and faith, with obedience to their present magistrates." (NdT)
[78] "baptize". (NdT)
[79] Dans le texte biblique, cette expression n'apparaît qu'une seule fois, en Matthieu, XXVIII, 19. (NdT)
[80] "that hath redeemed us". (NdT)
[81] "first fruits". "primitiae" dans la Vulgate. La traduction "prémisses" de F. Tricaud étonne. (NdT)
[82] "As in Adam all die, so in Christ all shall be made alive. But every man in his own order, Christ the first fruits, afterward they that are Christ's at his coming; then cometh the end, when he shall have delivered up the kingdom to God, even the Father, when he shall have put down all rule, and all authority and power." Conforme à la King James version. (NdT)
[83] "The power of remission and retention of sins". G. Mairet ("le pouvoir de remettre les péchés, et leur rémission") ne tient absolument pas compte de la rétention, clairement exprimée par Jean, en XX, 23 : "quorum remiseritis peccata remittuntur eis quorum retinueritis detenta sunt" (Vulgate), et clairement formulée par le cathéchisme romain (Concile de Trente). La traduction de G. Mairet est d'autant plus étonnante que Hobbes va citer plus loin Jean, en utilisant clairement le verbe "to retain". Le sens est simple : celui qui croit voit ses péchés remis, et il est libéré (n'est plus lié, comme le dit plus loin Hobbes). Celui qui demeure dans l'incroyance reste lié au péché, ce péché lui est retenu. Autant "remissio" est très présent dans la Vulgate, autant "retineo" est rare. A ma connaissance, il n'apparaît que dans le passage cité de Jean. La Stephanus utilise "aphièmi" (qui, dans tous les sens, porte l'idée d'éloignement) et "krateô", ce dernier verbe signifiant tenir fortement, être le maître de, retenir. (NdT)
[84] Matthieu, XVI, 19 et XVIII, 18. (NdT)
[85] L'expression est utilisée par Matthieu en XVI, 19 ("claves regni caelorum" dans la Vulgate). (NdT)
[86] Actes, chapitre II. (NdT)
[87] Actes, II, 38. (NdT)
[88] "Whosesoever sins ye remit, they are remitted unto them; and whosesoever sins ye retain, they are retained." Conforme à la King James version. (NdT)
[89] "simply and absolutely". (NdT)
[90] "conditionally". (NdT)
[91] "further than by external marks taken from his words and actions, which are subject to hypocrisy". (NdT)
[92] La vulgate dit : "adhuc unum vel duos". (NdT)
[93] Matthieu, XVIII, 15-17 (Note de Hobbes)
[94] "If thy brother (...) shall trespass against thee, go and tell him his fault between thee and him alone; if he shall hear thee, thou hast gained thy brother. But if he will not hear thee, then take with thee one or two more. And if he shall neglect to hear them, tell it unto the Church; but if he neglect to hear the Church, let him be unto thee as an heathen man and a publican." Conforme à la King James version, mais Hobbes n'a pas cité "that in the mouth of two or three witnesses every word may be established". (NdT)
[95] "prolocutor". (NdT)
[96] "Whatsoever ye shall bind on earth shall be bound in heaven; and whatsoever ye shall loose on earth shall be loosed in heaven". Conforme à la King James version. Lié, délié : "ligata" et "soluta" dans la Vulgate, "dedemena" et "lelumena" dans la Stephanus. (NdT)
[97] La Vulgate utilise le verbe "judicare", juger, dire le droit. (NdT)
[98] "For I verily, as absent in body, but present in spirit, have determined already, as though I were present, concerning him that hath so done this deed; in the name of our Lord Jesus Christ, when ye are gathered together, and my spirit, with the power of our Lord Jesus Christ, to deliver such a one to Satan." Conforme à la King James version, qui dit "unto Satan". NdT)
[99] "But now I have written unto you not to keep company, if any man that is called a brother be a fornicator," etc., "with such a one no not to eat. For what have I to do to judge them that are without? Do not ye judge them that are within?" Conforme à la King James version. Le "etc." correspond à "or covetous, or an idolater, or a railer, or a drunkard, or an extortioner". (NdT)
[100] "the merit of the cause". (NdT)
[101] "This part of the power of the keys". (NdT)
[102] En caractères grecs dans le texte. Littéralement faire hors de la synagogue, autrement exclure, agir en mettant dehors. On peut signaler l'emploi qu'en fait Jean en Jean, IX, 22, quand il est dit que les Juifs menacent ceux qui diraient que Jésus est le Messie d'être exclus de la synagogue. (NdT)
[103] "It was not enough to repute them as heathen". (NdT)
[104] "scripsi vobis in epistula ne commisceamini fornicariis" (Vulgate). (NdT)
[105] Ces vices sont nommés au verset 11. (NdT)
[106] "publicans". (NdT)
[107] Ceux qui perçoivent les impôts, comme on parla plus tard de fermiers généraux. (NdT)
[108] Luc, XIX. (NdT)
[109] Luc, XIX, 7. (NdT)
[110] Matthieu, IX, 10-11; XI, 19; XXI, 31-32; Marc, II, 15-16; Luc, V, 30; VII, 34; XV, 1. (NdT)
[111] "by commission from the civil magistrate". (NdT)
[112] Actes, IX, 2 (Note de Hobbes)
[113] "The damage redounded rather to the Church, by provocation of them they cast out to a freer execution of their malice." (NdT)
[114] 1. Corinthiens, V, 5. Le mot "excommunicatio" est absent de la Vulgate. On trouve plusieurs fois le mot "anathema" (idem dans la version grecque de Stephanus). (NdT)
[115] "was used only for a correction of manners". (NdT)
[116] "There lieth excommunication for injustice". (NdT)
[117] Adaptation des versets 15, 16 et 17 par Hobbes. La king James version donne : "Moreover if thy brother shall trespass against thee, go and tell him his fault between thee and him alone: if he shall hear thee, thou hast gained thy brother. But if he will not hear thee, then take with thee one or two more, that in the mouth of two or three witnesses every word may be established. And if he shall neglect to hear them, tell it unto the church: but if he neglect to hear the church, let him be unto thee as an heathen man and a publican." (NdT)
[118] La vulgate dit "rapax" (rapace, ravisseur, pilleur, voleur), la Stephanus "arpas" (même sens). Hobbes utilise ici le mot "extorioner", celui qui extorque. (NdT)
[119] "If any man that is called a brother be a fornicator, or covetous, or an idolater, or a drunkard, or an extortioner, with such a one ye are not to eat." La king James version ajoute "a railer" ("maledicus" dans la Vulgate : médisant). (NdT)
[120] "foundation". (NdT)
[121] "A man that is an heretic, after the first and second admonition, reject." Conforme à la King James version. (NdT)
[122] "some private opinion". (NdT)
[123] "Foolish and unlearned questions avoid". Conforme à la King James version. "stultas autem et sine disciplina quaestiones" dans la Vulgate : "questions sottes et ignorantes (exactement : sans instruction, non instruites, grossières)". Même sens dans la Stephanus grecque : "tas de môras kai apaideutous zètèseis" (NdT)
[124] En caractères grecs dans le texte de Hobbes. En 2. Thimotée, II, 23, on lit : "tas de môras kai apaideutos zètèseis paraitou eidôs oti gennôsin makras (souligné par nous)" : détourne-toi des questions sottes et ignorantes, sachant qu'elles engendrent des querelles. (NdT)
[125] "but foolish questions may be set by". (NdT)
[126] Exactement se détourner pour éviter. Stephanus : "moras de zeteseis kai genealogias kai ereis kai makhas nomikas periistaso eisin gar anôpheleis kai mataioi" : "Evite les questions sottes, et les généalogies, et les disputes et les querelles sur la loi, car elles sont inutiles et vaines." (Souligné par nous) (NdT)
[127] "There is no other place that can so much as colourably be drawn to countenance the casting out of the Church faithful men, such as believed the foundation, only for a singular superstructure of their own, proceeding perhaps from a good and pious conscience." (NdT)
[128] Effectivement, il y allait de l'essence même du Christinisme, le comportement de Pierre (Céphas = Petros) par rapport aux païens et aux Juifs risquant de favoriser un Evangile judaïsant contre lequel Paul s'efforçait de lutter : la question centrale est évidemment : justifié par la foi en J.C. (véritable Evangile qui accueille aussi les païens) ou justifié par les oeuvres de la loi (Evangile judaïsant pour le peuple élu). (NdT)
[129] "J'ai écrit quelque chose à l'assemblée; mais Diotrèphe, qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit pas; c'est pourquoi, si je viens, je me souviendrai des oeuvres qu'il fait en débitant de méchantes paroles contre nous; et, non content de cela, lui-même il ne reçoit pas les frères et il empêche ceux qui veulent les recevoir, et les chasse de l'assemblée."(Versets 9 et 10) (NdT)
[130] "of some lawful assembly". (NdT)
[131] "discipline". (NdT)
[132] "dissolution of charity". (NdT)
[133] "but a dissolute number of individual persons". (NdT)
[134] "his leave". (NdT)
[135] "Jesus is the Christ, he hath the Spirit of God". Citation plus qu'approximative. En effet, le verset 1 donne : "Beloved, believe not every spirit, but try the spirits whether they are of God: because many false prophets are gone out into the world." (ce qui est conforme à la Vulgate : "carissimi nolite omni spiritui credere sed probate spiritus si ex Deo sint quoniam multi pseudoprophetae exierunt in mundum".) Peut-être Hobbes pense-t-il au verset 2 : "Hereby know ye the Spirit of God: Every spirit that confesseth that Jesus Christ is come in the flesh is of God." (NdT)
[136] "and God dwelleth in him, and he in God". Le verset entier est "Whosoever shall confess that Jesus is the Son of God, God dwelleth in him, and he in God." (King James version) (NdT)
[137] "Therefore a true and unfeigned Christian is not liable to excommunication". (NdT)
[138] "nor he also that is a professed Christian". La traduction de F. Tricaud ("qui fait profession d'être chrétien") n'est pas assez fidèle. Meilleure est la traduction (une fois n'est pas coutume) de G. Mairet : "qui affecte d'être chrétien". (NdT)
[139] "which is not to rule by command and coercion, but by teaching and direction of men in the way of salvation in the world to come." (NdT)
[140] On peut s'étonner ici que Hobbes n'envisage pas l'idée d'un contrat tacite entre le maître et l'élève, mais il faut très certainement penser que notre auteur fait ici abstraction d'une autorité transcendante qui institutionnaliserait le rapport entre le maître et l'élève. (NdT)
[141] 1. Samuel, VIII. (Note de Hobbes)
[142] "The name of fulmen excommunicationis (that is, the thunderbolt of excommunication)". (NdT)
[143] "a thunderbolt", et non pas "la foudre", comme le traduit G. Mairet. (NdT)
[144] Jean, XVIII, 36. (NdT)
[145] La Vulgate utilise en Actes, XVII, 3, le verbe "adaperio" qui a autant le sens de découvrir (ce qui est caché, clos) que d'ouvrir (voir par ex. Nahum, III, 13). Le verbe grec "dianoigô", utilisé par Stephanus, présente le même sens propre et le même sens figuré. F. Tricaud traduit "les leur ouvrant". (NdT)
[146] "as his manner was, went in unto them, and three sabbath days reasoned with them out of the scriptures, opening and alleging, that Christ must needs have suffered, and risen again from the dead; and that this Jesus, whom I preach unto you, is Christ." Conforme à la King James version. (NdT)
[147] "And some of them believed, and consorted with Paul and Silas; and of the devout Greeks a great multitude, and of the chief women not a few." (King James version) (NdT)
[148] "But the Jews which believed not, moved with envy, took unto them certain lewd fellows of the baser sort, and gathered a company, and set all the city on an uproar, and assaulted the house of Jason, and sought to bring them out to the people." (King James version) (NdT)
[149] "Lorsqu'une affaire sera pour toi trop difficile à juger, entre sang et sang, entre cause et cause, et entre coup et coup, des cas de dispute dans tes portes, alors tu te lèveras, et tu monteras au lieu que l'Éternel, ton Dieu, aura choisi; et tu viendras vers les sacrificateurs, les Lévites, et vers le juge qu'il y aura en ces jours-là, et tu rechercheras, et ils te déclareront la sentence du jugement. Et tu agiras conformément à la sentence qu'ils t'auront déclarée, de ce lieu que l'Éternel aura choisi, et tu prendras garde à faire selon tout ce qu'ils t'auront enseigné. Tu agiras conformément à la loi qu'ils t'auront enseignée, et selon le droit qu'ils t'auront annoncé; tu ne t'écarteras, ni à droite ni à gauche, de la sentence qu'ils t'auront déclarée." (Deutéronome, XVII, 8-11, Darby) "If there arise a matter too hard for thee in judgment, between blood and blood, between plea and plea, and between stroke and stroke, being matters of controversy within thy gates: then shalt thou arise, and get thee up into the place which the LORD thy God shall choose; And thou shalt come unto the priests the Levites, and unto the judge that shall be in those days, and enquire; and they shall shew thee the sentence of judgment: And thou shalt do according to the sentence, which they of that place which the LORD shall choose shall shew thee; and thou shalt observe to do according to all that they inform thee: According to the sentence of the law which they shall teach thee, and according to the judgment which they shall tell thee, thou shalt do: thou shalt not decline from the sentence which they shall shew thee, to the right hand, nor to the left." (King James version) (NdT)
[150] "The Apostles therefore laboured by reason to confute their idolatry". (NdT)
[151] Matthieu, VI, 10; Luc, XI, 2. (NdT)
[152] "to obey their then ethnic princes". (NdT)
[153] "Search the Scriptures; for in them ye think to have eternal life, and they are they that testify of me." Conforme à la King James version. (NdT)
[154] "canonical". (NdT)
[155] "canon signifieth a rule". (NdT)
[156] "teacher". (NdT)
[157] "but the law of nature, that is to say, the precepts of natural reason, written in every man's own heart". (NdT)
[158] Exode, XX, 3 (Vulgate) En Deutéronome, V, 7, on a : "non habebis deos alienos in conspectu meo". (NdT)
[159] "Thou shalt not have for gods, the gods that other nations worship, but only me". Pour le verset cité en latin, la King James version donne : "Thou shalt have no other gods before me." (idem en Deutéronome, V, 7) (NdT)
[160] "should not make any image to represent Him". La King James version, en Exode, XX, 4, donne : "Thou shalt not make unto thee any graven image, or any likeness of any thing that is in heaven above, or that is in the earth beneath, or that is in the water under the earth." Et en Deutéronome, V, 8 : "Thou shalt not make thee any graven image, or any likeness of any thing that is in heaven above, or that is in the earth beneath, or that is in the waters beneath the earth". (NdT)
[161] "their own fancing". (NdT)
[162] "they should not take the name of God in vain". La King James version donne, en Exode, XX, 7 : "Thou shalt not take the name of the LORD thy God in vain". Même chose en Deutéronome, V, 11. (NdT)
[163] "they should not speak rashly of their King, nor dispute his right, nor the commissions of Moses and Aaron, His lieutenants." (NdT)
[164] "they should every seventh day abstain from their ordinary labour". En Exode, XX, 9-10, la King James version donne : "Remember the sabbath day, to keep it holy. Six days shalt thou labour, and do all thy work: But the seventh day is the sabbath of the LORD thy God: in it thou shalt not do any work, thou, nor thy son, nor thy daughter, thy manservant, nor thy maidservant, nor thy cattle, nor thy stranger that is within thy gates". Presque semblable en Deutéronome. (NdT)
[165] "Not so much as to design in their heart the doing of any injury one to another". (NdT)
[166] "Speak thou to us, and we will hear thee; but let not God speak to us, lest we die". Conforme à la King James version. (NdT)
[167] "Therefore hitherto the canonizing, or making of the Scripture law, belonged to the civil sovereign." (NdT)
[168] "The judicial law". (NdT)
[169] "in pleas". (NdT)
[170] "Levitical law". (NdT)
[171] "dictated". (NdT)
[172] "but they were all positive laws, and equivalent to Holy Scripture". (NdT)
[173] En grec, "deuteros" : second, deuxième. "nomos" : loi. (NdT)
[174] de l'alliance. (NdT)
[175] Le mont Horeb = le mont Sinaï. (NdT)
[176] "the words of a covenant which the Lord commanded Moses to make with the children of Israel, besides the covenant which he made with them in Horeb". La king James version précise, après "Israël" : "in the land of Moab". (NdT)
[177] "calx" dans la Vulgate, "konia" dans la Septante. Deurénome XVII, 2 (et non 1). (NdT)
[178] "Thy law is burnt; therefore no man knoweth the things that are done of Thee, or the works that shall begin". (Apocryphe) Conforme à la King James version. (NdT)
[179] "took the spoil" : prit les dépouilles, le butin. Comme la Septante, la Vulgate dit "les trésors" ("et tulit thesauros domus Domini et thesauros regios et universa diripuit scuta quoque aurea quae fecerat Salomon"). (NdT)
[180] 1. Rois, XIV, 26 (Note de Hobbes)
[181] "but ruled according to their own discretion, or by the direction of such as each of them esteemed prophets." (NdT)
[182] "approved". (NdT)
[183] "paucity" : rareté. (NdT)
[184] "for the dictates of the Holy Ghost". (NdT)
[185] "and consequently for the canon, or rule of faith". (NdT)
[186] " to make such rules for the direction of our actions as he shall think fit". (NdT)
[187] "the sovereign ruler" : littéralement, le régleur souverain. (NdT)
[188] "they are but counsel and advice". (NdT)
[189] "how good soever he conceiveth it to be".
[190] "without blame". (NdT)
[191] Que Hobbes soit bien compris : la mise en pratique n'est pas ici permise si elle est contraire aux lois. Il ne s'agit que d'un souhait lié à la croyance. (NdT)
[192] "which he saith he came not to destroy, but to fulfil". La King James version, au verset 17, donne : "Think not that I am come to destroy the law, or the prophets: I am not come to destroy, but to fulfil." La Vulgate utilise le verbe "adimplere", accomplir, remplir, et la Stephanus le verbe "plèroô", qui a le même sens, et aussi le sens de féconder. (NdT)
[193] "were not obligatory canons". (NdT)
[194] La king James version donne, en Matthieu, X, 14 : "And whosoever shall not receive you, nor hear your words, when ye depart out of that house or city, shake off the dust of your feet." Voir aussi Marc, VI, 11; Luc, IX, 5; X, 11; Actes, XIII, 51. (NdT)
[195] Voir Matthieu, X, 16, et Luc, X, 3. (NdT)
[196] "They had not in commission to make laws; but to obey and teach obedience to laws made". (NdT)
[197] "in their synods". (NdT)
[198] "It seemed good to the Holy Ghost, and to us, to lay upon you no greater burden than these necessary things". Conforme à la King James version. (NdT)
[199] "Ho, every man that thirsteth, come ye to the waters, come, and buy wine and milk without money." La Kink James version donne : "Ho, every one that thirsteth, come ye to the waters, and he that hath no money; come ye, buy, and eat; yea, come, buy wine and milk without money and without price." (NdT)
[200] "and the civil laws of the state, whereto every Christian man had by pact submitted himself". (NdT)
[201] Jean, III, 36. (Note de Hobbes)
[202] Jean, III, 18. (Note de Hobbes)
[203] "Que ces livres soient pour vous tous vénérables, clercs et laïcs".
[204] Ce concile (360) confirma le canon sacré des 66 livres de la Bible. (NdT)
[205] "Of ecclesiastical officers in the time of the Apostles, some were magisterial, some ministerial.". (NdT)
[206] "at such time as they lived upon a common stock of money". (NdT)
[207] "Of these men which have companied with us all the time that the Lord Jesus went in and out amongst us, beginning at the baptism of John, unto that same day that he was taken up from us, must one be ordained to be a witness with us of his resurrection" Conforme à la King James version. (NdT)
[208] "and the lot fell on Matthias, and he was numbered with the apostles". La King James version dit précisément : "And they gave forth their lots; and the lot fell upon Matthias; and he was numbered with the eleven apostles." (NdT)
[209] "congregation". (NdT)
[210] Deuxième confusion étrange de G. Mairet entre Saul (Paul) et Saül. Plus étonnante est la confusion chez F. Tricaud. (NdT)
[211] La vulgate utilise le verbe separare : séparer, mettre à part, distinguer. (NdT)
[212] "There were in the church that was at Antioch, certain prophets and teachers; as Barnabas, and Simeon that was called Niger, and Lucius of Cyrene, and Manaen; which had been brought up with Herod the Tetrarch, and Saul. As they ministered unto the Lord, and fasted, the Holy Ghost said, Separate me Barnabas and Saul for the work whereunto I have called them. And when they had fasted, and prayed, and laid their hands on them, they sent them away." Conforme à la King James version. (NdT)
[213] Si la King James version utilise en effet le même verbe ("to separate"), la vulgate n'utilise pas "separare" en Romains, I, 1, mais "segregrare" (mais le sens est le même). La Stephanus utilise dans les deux cas le verbe "aphorizô" : séparer, distinguer. (NdT)
[214] La vulgate dit "est pour moi un vaisseau de choix" ("vas electionis est mihi"). La polysémie du mot "vas" ne simplifie pas la traduction. Il peut s'agir aussi d'un instrument, d'un vase, d'un récipient. La Bible de Luther, la Segond, la Crampon, la TOB et la Bible de Jérusalem disent "instrument choisi". Darby traduit "vase d'élection". On retrouve les mêmes sens dans l'anglais "vessel". On notera que la Stephanus grecque dit aussi "instrument choisi" (skeuos ekloges"). (NdT)
[215] "and chose him for a vessel to bear his name before the Gentiles, and kings, and children of Israel". La Kinj James version donne, en Actes, IX, 15 : "for he is a chosen vessel unto me, to bear my name before the Gentiles, and kings, and the children of Israel." (NdT)
[216] "Bishop". (NdT)
[217] Il s'agit bien sûr du grec episcopos, non episcopus comme le note Hobbes. Le mot grec signifie celui qui observe, qui veille, le gardien (le verbe "episkopeô" signifie regarder, inspecter, veiller).(NdT)
[218] "whether he ruled by laws or doctrine". (NdT)
[219] Comme canoniques. (NdT)
[220] "presbyters". (NdT)
[221] La vulgate utilise le verbe "constituere" : instituer, établir. (NdT)
[222] "they ordained elders in every church". Conforme à la King James version. (NdT)
[223] Anciens, qui voient loin (presbytes). (NdT)
[224] En caractères grecs dans le texte. On notera que F. Tricaud et G. Mairet font tous deux des fautes en citant le passage. (NdT)
[225] Le verbe grec "kheirotoneô" signifie voter à main levée, élire, investir quelqu'un à main levée. (NdT)
[226] "when they had ordained them elders by the holding up of hands in every congregation". (NdT)
[227] En caractères grecs dans le texte. Le mot est utilisé dans la Stephanus grecque, en 1. Thimothée, V, 17. On peut traduire ici par présidents. (NdT)
[228] Le mot est absent de la Vulgate. Il a exactement le même sens que le mot grec précédent. (NdT)
[229] "constitute" : instituer, établir. (NdT)
[230] La traduction exacte du passage grec cité est : "pour que tu institues dans chaque cité des anciens." Le verset complet, dans la King James version, est : "For this cause left I thee in Crete, that thou shouldest set in order the things that are wanting, and ordain elders in every city, as I had appointed thee". (NdT)
[231] F. Tricaud a raison de faire remarquer que ce n'est pas Paul qui parle dans ce passage. (NdT)
[232] Déjà rencontré plus haut : c'est le vote à main levée. (NdT)
[233] Le pape Libère mort (366), une partie des Chrétiens désigna Ursin (Ursinus), qui fut consacré par l'évêque Paul de Tivoli. Un autre parti, plus important, pendant ce temps, élit l'Espagnol Damase qui fut consacré par l'évêque d'Ostie. Les deux groupes s'affrontèrent dans les rues. Le préfet ne se souciait guère de la question religieuse, il voulait simplement que le calme revînt à Rome, et il donna raison au parti le plus important. Restaient des irréductibles ursiniens que massacra la milice de Damase. Dans l'Eglise où ils s'étaient réfugiés, on trouva cent trente-sept corps. C'est Ammien Marcellin (Histoire) qui nous fait le récit de ces événements. (NdT)
[234] Le mot désigne celui qui sert, le serviteur, celui qui fait un service. Il peut avoir le sens de diacre. Le mot est très présent dans le Nouveau Testament grec, et il est généralement traduit par serviteur (par exemple : Matthieu, XX, 26; XXII, 13; XXIII, 11; Marc, IX, 35; X, 43, etc. Dans la Vulgate, on trouve systématiquement le mot "minister". (NdT)
[235] "undertaking". (NdT)
[236] "the ministers of the word". (NdT)
[237] "serving of tables". (NdT)
[238] "when they heard that Samaria had received the word of God, sent Peter and John to them". La King James version dit "unto them". (NdT)
[239] "those graces that were signs of the Holy Spirit". (NdT)
[240] Et 18. (NdT)
[241] "These signs follow them that believe in my name; they shall cast out devils; they shall speak with new tongues; they shall take up serpents; and if they drink any deadly thing, it shall not hurt them; they shall lay hands on the sick, and they shall recover". Dans la King James version, "in my name" est lié à la deuxième phrase, ce qui est le cas dans la plupart des versions anglaises, françaises et allemandes. (NdT)
[242] "which power either Christ's ministers in this age cannot confer, or else there are very few true believers, or Christ hath very few ministers". Le propos est-il ironique? (NdT)
[243] "Brethren look you out among you seven men of honest report, full of the Holy Ghost, and of wisdom, whom we may appoint over this business". Conforme à la King James version. (NdT)
[244] "the saying pleased the whole multitude, and they seven". Conforme à la King James version. (NdT)
[245] "Thou shalt have no inheritance in their land, neither shalt thou have any part amongst them; I am thy part and thine inheritance amongst the children of Israel". Conforme à la King James version. (NdT)
[246] En caractères grecs dans le texte. Le mot désigne l'objet dont on se sert pour tirer au sort (petits cailloux par exemple), et désigne aussi ce qui est obtenu par ce tirage, le lot, la part. Il prend le sens de bien hérité, de domaine, puis de part attribué à une Eglise, pour enfin désigner les membres de l'Eglise qui reçoivent cette part. (NdT)
[247] "it is manifest that the right of tithes and offerings was constituted by the civil power". (NdT)
[248] Jean, XII, 6. (NdT)
[249] Matthieu, X, 9-10 (note de Hobbes) "to carry gold, and silver, and brass in their purses, for that the workman is worthy of his hire". La King James version dit : "Provide neither gold, nor silver, nor brass in your purses, Nor scrip for your journey, neither two coats, neither shoes, nor yet staves: for the workman is worthy of his meat.". (NdT)
[250] "freely to give, because they had freely received". La king James version dit : "freely ye have received, freely give". (NdT)
[251] La vulgate utilise le verbe "ministare". (NdT)
[252] "certain women which had been healed of evil spirits and infirmities; Mary Magdalen, out of whom went seven devils; and Joanna the wife of Chuza, Herod's steward; and Susanna, and many others, which ministered unto him of their substance". Conforme à la King James version.
[253] Actes, IV, 34 (Note de Hobbes)
[254] Littéralement "tant que la terre restait", ce qui est fidèle à la Vulgate qui utilise le verbe "maneo" (la version grecque de Stephanus utilise le verbe "menô" qui a ici le même sens). (NdT)
[255] "whilst the land remained." saith St. Peter to Ananias, "was it not thine? And after it was sold, was it not in thy power?" La King James version donne : "Whiles it remained, was it not thine own? and after it was sold, was it not in thine own power?" (NdT)
[256] ""For who," saith St. Paul, "goeth to war at his own charges? or who feedeth a flock, and eateth not of the milk of the flock?" Le verset complet, dans la King James version, est : "Who goeth a warfare any time at his own charges? who planteth a vineyard, and eateth not of the fruit thereof? or who feedeth a flock, and eateth not of the milk of the flock?" (NdT)
[257] 1. Corinthiens, IX, 13 (Note de Hobbes)
[258] "Do ye not know that they which minister about holy things live of the things of the Temple; and they which wait at the altar partake with the altar". Conforme à la King James version. (NdT)
[259] Verset 14 : "Even so hath the Lord appointed that they which preach the gospel should live of the gospel". Conforme à la King James version. (NdT)
[260] "their own carvers" : leurs propres découpeurs. L'ecuyer tranchant était l'officier qui découpait les viandes. (NdT)
[261] "benevolence" : bienveillance, charité. (NdT)
[262] "In what court should they sue for it who had no tribunals?" (NdT)
[263] "will disobey the laws, and thereby overthrow the Commonwealth". (NdT)
[264] "which is as much as to say, the Church by representation". (NdT)
[265] "when a town choose their mayor". (NdT)
[266] "they are no arguments against the right of any civil sovereign, because they that elected them did it by his authority". (NdT)
[267] "of him that is the magistrate of the whole Commonwealth". (NdT)
[268] "commit". (NdT)
[269] Il ne s'agit évidemment pas ici d'un simple exemple! (NdT)
[270] "depend also on the skill and loyalty of doctors". (NdT)
[271] "Christian doctors are our schoolmasters to Christianity; but kings are fathers of families". (NdT)
[272] "By what authority doest thou these things, and who gave thee this authority". Conforme à la King James version. (NdT)
[273] "in the right". (NdT)
[274] Par droit civil. (NdT)
[275] "by immediate authority from God". (NdT)
[276] Roi par la grâce de Dieu. (NdT)
[277] Par la providence divine. (NdT)
[278] Je pense, contrairement à F. Tricaud (et G. Mairet) que "though disguised" se rapporte à "they deny" (voir la phrase complète dans la note suivante). En effet, on ne peut pas dire que l'expression "par la divine providence" soit un déguisement de "par la grâce divine". En revanche, ces deux expressions sont bien (parfois) de façon déguisée la reconnaissance d'une autorité distincte de l'autorité souveraine : celle du souverain pontife. C'est tout l'anglicanisme de notre auteur qui se manifeste ici. Le lecteur songe aussi évidemment à toute l'histoire des luttes entre souverains civils et papes. (NdT)
[279] "For in saying, Divina providentia, which is the same with Dei gratia, though disguised, they deny to have received their authority from the civil state, and slyly slip off the collar of their civil subjection, contrary to the unity and defence of the Commonwealth." (NdT)
[280] Eucharistie. (NdT)
[281] "skilful in the sciences". (NdT)
[282] "A king may also, if he please, sit in judgement". (NdT)
[283] "and to commit the ministerial offices to others under him". (NdT)
[284] Jean, IV, 2 (Note de Hobbes)
[285] 1. Corinthiens, I, 14-16 (Note de Hobbes)
[286] 1. Corinthiens, I, 17 (Note de Hobbes)
[287] "Laid his right hand on Ephraim the younger, and his left hand on Manasseh the firstborn". Le verset complet, dans la King James version, est : "And Israel stretched out his right hand, and laid it upon Ephraim's head, who was the younger, and his left hand upon Manasseh's head, guiding his hands wittingly; for Manasseh was the firstborn." (NdT)
[288] Normalement, la plus grande bénédiction doit aller à l'aîné, et c'est la raison pour laquelle Joseph présente Manassé à la main droite de Jacob. Or, ce dernier entend privilégier le cadet et c'est la raison pour laquelle il doit croiser les bras. "commutans manus", dit la Vulgate. La Septante utilise le verbe "enalassô", de même sens : échanger, intervertir. (NdT)
[289] "to design to whom he whom he intended the greater blessing". (NdT)
[290] "to lay his hands on the head of the bullock". Le verset complet, dans la King James version, est : "And thou shalt cause a bullock to be brought before the tabernacle of the congregation: and Aaron and his sons shall put their hands upon the head of the bullock." (NdT)
[291] "to lay his hand on the head of the ram". Le verset complet, dans la King James version, est : "Thou shalt also take one ram; and Aaron and his sons shall put their hands upon the head of the ram". (NdT)
[292] "And he shall put his hand upon the head of the burnt offering; and it shall be accepted for him to make atonement for him." (King James version) (NdT)
[293] "And he brought the bullock for the sin offering: and Aaron and his sons laid their hands upon the head of the bullock for the sin offering." (King James version) (NdT)
[294] "laid his hands upon him, and gave him his charge". Conforme à la King James version. (NdT)
[295] "the children of Israel should put their hands the Levites". La King James version dit : "and the children of Israel shall put their hands upon the Levites". (NdT)
[296] "all that heard him should lay their hands on his head, and that all the congregation should stone him". La King James version donne : "let all that heard him lay their hands upon his head, and let all the congregation stone him". (NdT)
[297] "but that none else were able to design and demonstrate to the eyes of the congregation who it was that had blasphemed and ought to die?" (NdT)
[298] "did lift up his hand towards the people when he blessed them". La King James version donne : "And Aaron lifted up his hand toward the people, and blessed them". (NdT)
[299] "to lay his hands upon her, that she might be healed". La king James version donne : "And besought him greatly, saying, My little daughter lieth at the point of death: I pray thee, come and lay thy hands on her, that she may be healed; and she shall live". (NdT)
[300] "they brought unto him little children, that he should put his hands on them, and pray". Quasiment conforme à la King James version. (NdT)
[301] "presbytery". Le mot n'apparaît qu'une seule fois dans la King James version, en 1. Timothée, IV, 14 ("Neglect not the gift that is in thee, which was given thee by prophecy, with the laying on of the hands of the presbytery"). Le mot utilisé dans la Stephanus grecque est "presbuterion", le conseil des anciens, qui est aussi utilisé en ce sens en Luc, XXII, 66 et Actes, XXII, 5. (NdT)
[302] "The Apostles prayed, and laid their hands". La King James version donne : "and when they had prayed, they laid their hands on them." (NdT)
[303] "and laid their hands on them, and they received the Holy Ghost". Conforme à la King James version. (NdT)
[304] "Lay hands suddenly on no man". Conforme à la King James version. (NdT)
[305] En caractères grecs. Le mot (absent du Nouveau Testament grec de Stephanus) signifie celui qui est devant, le président, le maître (voir le verbe "proistèmi" : mettre en avant, se placer devant, etc. Ce verbe est utilisé au sens de "présider" en 1. Timothée, V, 17). (NdT)
[306] "prolocutor". (NdT)
[307] La Stephanus grecque utilise le verbe "anazôpureô", rallumer, ranimer. Le vulgate utilise le verbe "resuscitare", réveiller, rallumer, ressusciter. (NdT)
[308] "Stir up the gift of God which is in thee, by the laying on of my hands". Le verset complet, dans la King James version, est : "Wherefore I put thee in remembrance that thou stir up the gift of God, which is in thee by the putting on of my hands." (NdT)
[309] "Et Ananias s'en alla, et entra dans la maison; et, lui imposant les mains, il dit: Saul, frère, le Seigneur, Jésus qui t'est apparu dans le chemin par où tu venais, m'a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli de l' Esprit Saint." (Traduction Darby) (NdT)
[310] "Et comme ils servaient le Seigneur et jeûnaient, l'Esprit Saint dit: Mettez-moi maintenant à part Barnabas et Saul, pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés. Alors, ayant jeûné et prié, et leur ayant imposé les mains, ils les laissèrent aller." (versets 2 et 3, Traduction Darby) (NdT)
[311] "aright". (NdT)
[312] "whereby it appears he had not only the right of ecclesiastical government, but also of exercising ecclesiastical functions." (NdT)
[313] "consolidation" : consolidation, réunification. (NdT)
[314] "and may make such laws as themselves shall judge fittest". (NdT)
[315] "commit". (NdT)
[316] "and may therefore be discharged of that office". (NdT)
[317] "convenient". (NdT)
[318] "as they please, so they do it out of a sincere conscience". (NdT)
[319] "It is he also that giveth strength to excommunications; which but for such laws and punishments as may humble obstinate libertines, and reduce them to union with the rest of the Church, would be contemned." Erreur de traduction de G. Mairet, qui confond "to contemn" et "to content". (NdT)
[320] "and of that which cannot be accused, there is no judge at all, but God, that knoweth the heart". (NdT)
[321] "for they that are the representants of a Christian people are representants of the Church: for a Church and a Commonwealth of Christian people are the same thing". (NdT)
[322] "for the asserting". (NdT)
[323] Hobbes dit simplement "for a government mixed of all three". (NdT)
[324] "all governments, which men are bound to obey, are simple and absolute". (NdT)
[325] "by his commission". (NdT)
[326] La bible anglaise ne peut conserver le jeu de mots araméen d'origine, que même la Vulgate ("et ego dico tibi quia tu es Petrus et super hanc petram aedificabo ecclesiam meam et portae inferi non praevalebunt adversum eam") et la Stephanus ("kagô de soi legô oti su ei petros kai epi tautè tè petra oikodomèsô mou tèn ekklèsian kai pulai adou ou katiskhusousin autès") ne rendent pas parfaitement (Souligné par nous) On notera que l'allemand ne permet pas non plus de conserver le jeu de mots. La bible de Luther donne : "Und ich sage dir auch: Du bist Petrus, und auf diesen Felsen will ich bauen meine Gemeinde, und die Pforten der Hölle sollen sie nicht überwältigen." On pourra aussi remarquer que Darby, dans sa traduction française, évite comme dans sa version anglaise, le jeu de mots : "Et moi aussi, je te dis que tu es Pierre; et sur ce roc je bâtirai mon assemblée". (NdT)
[327] "Thou art Peter, and upon this rock I will build my church," etc. "And I will give thee the keys of heaven; whatsoever thou shalt bind on earth shall be bound in heaven, and whatsoever thou shalt loose on earth shall be loosed in heaven". Conforme à la King James version. Plus loin, Hobbes va utiliser le mot "stone" (pierre) qui n'apparaît pas dans la King James version. (NdT)
[328] Autrement dit, que Jésus est le Christ, comme Hobbes le dit plus loin. (NdT)
[329] "The kingdom of God is at hand". La King James version donne : "the kingdom of heaven is at hand". (NdT)
[330] La King James version donne : "From that time Jesus began to preach, and to say, Repent: for the kingdom of heaven is at hand". (NdT)
[331] La King James version donne : "And as ye go, preach, saying, The kingdom of heaven is at hand". (NdT)
[332] King James version : "When Jesus came into the coasts of Caesarea Philippi, he asked his disciples, saying, Whom do men say that I the Son of man am?" (NdT)
[333] "some said he was John the Baptist, some Elias, and others Jeremias, or one of the Prophets" (verset 14). Conforme à la King James version. (NdT)
[334] "Whom say ye that I am?". Conforme à la King James version. (NdT)
[335] "Thou art Christ, the Son of the living God". Conforme à la King James version (verset 16). (NdT)
[336] Ici "stone". (NdT)
[337] "upon this stone I will build my Church". Nous avons déjà cité la King James version, qui n'utilise pas "stone" mais "rock". La version Douay/Rheims utilise aussi le mot "rock". (NdT)
[338] "foundation-stone". (NdT)
[339] "Stone". F. Tricaud a tort de traduire ici par "roc". (NdT)
[340] Il s'agit bien sûr de "petros", non de "petrus" latin). Existe aussi le mot grec "petra", rocher, roche. La Stephanus utilise d'ailleurs dans le verset concerné les deux mots, "petros" et "petra", ce qui atténue le jeu de mots araméen. (NdT)
[341] On comprend pour quelles raisons, dans le cadre d'une réfutation de Bellarmin, Hobbes ne veut pas fonder l'Eglise chrétienne sur un homme, mais il faut reconnaître que son argumentation, ici, est d'assez mauvaise foi. (NdT)
[342] "I will give thee the keys of heaven". La King James version donne, en Matthieu XVI, 19 : "And I will give unto thee the keys of the kingdom of heaven". (NdT)
[343] Sous-entendu : à Pierre. (NdT)
[344] "Whatsoever ye shall bind on earth shall be bound in heaven. And whatsoever ye shall loose on earth shall be loosed in heaven". Conforme à la King James version. (NdT)
[345] "To believe him". (NdT)
[346] "or else he must have deprived him of the sovereignty to which the right of teaching is inseparably annexed". (NdT)
[347] Ou Sylvestre, trente-troisième pape (314-335). (NdT)
[348] Il convoqua personnellement le synode d'Arles en 314. (NdT)
[349] " Christian sovereigns had the same right in their several territories, as to an office essentially adherent to their sovereignty". (NdT)
[350] "whether the Pope be Antichrist". (NdT)
[351] Le texte est ainsi fait : "and the Jews expected, a Messiah". Je répète le verbe attendre pour rendre compte de la virgule. (NdT)
[352] Exactement, miracles feints, contrefaits : "counterfeit miracles". (NdT)
[353] Voir par exemple ce qui a été dit précédemment de Damase et Ursin, élus papes en même temps. (NdT)
[354] Vulgate : "ex Deo non est". (NdT)
[355] "Every spirit that confesseth not that Jesus Christ is come in the flesh is not of God; and this is the spirit of Antichrist". Conforme à la King James version. (NdT)
[356] "Many shall come in my name, saying, I am Christ". Conforme à la King James version. (NdT)
[357] Matthieu, XXIV, 23 : "If any man shall say unto you, Lo, here is Christ, there is Christ, believe it not". Conforme à la King James version. (NdT)
[358] En grec dans le texte ("antichristus" dans la Vulgate). Le mot grec n'est utilisé que par Jean (1. Jean, II, 18,22; IV, 3; et 2. Jean, I, 7). Matthieu (XXIV, 24), Marc (XIII, 22) utilisent le mot "pseudochristos" (dans la Vulgate "pseudochristus"), faux Christ. On notera qu'il s'agit toujours d'un pluriel : de faux Christs. (NdT)
[359] "or Antichrist definitely". (NdT)
[360] "that abominable destroyer". La destruction abominable, dit la Vulgate : "cum ergo videritis abominationem desolationis quae dicta est a Danihelo propheta stantem in loco sancto qui legit intellegat". (NdT)
[361] Daniel, IX, 27 (Note de Hobbes)
[362] Vulgate : "tribulatio": tourment, accablement (le "tribulum" est une sorte de herse). Stephanus : "thlipsis" : pression, oppression. Le verbe grec "thlibô" signifie presser, serrer, comprimer, accabler, opprimer. Le mot grec "thlipsis" apparaît assez régulièrement dans la Septante, par exemple en Genèse, XLII, 21, en Exode, IV, 31, en 2.Rois, XIII, 4, en Job, XV, 24. Ce terme est généralement traduit dans l'Ancien Testament par détresse, affliction, oppression. Jérôme, dans la Vulgate, n'a pas rendu systématiquement "thlipsis" par "tribulatio". Il lui arrive d'utiliser les mots "angustiae" (état de gêne, difficulté) et "adflictio" (affliction, malheur). (NdT)
[363] Matthieu, XXIV, 29-30. La King James version donne : "Immediately after the tribulation of those days shall the sun be darkened, and the moon shall not give her light, and the stars shall fall from heaven, and the powers of the heavens shall be shaken. And then shall appear the sign of the Son of man in heaven: and then shall all the tribes of the earth mourn, and they shall see the Son of man coming in the clouds of heaven with power and great glory." (NdT)
[364] "in taking upon him to give laws". (NdT)
[365] "Simon, Simon, Satan hath desired you that he may sift you as wheat; but I have prayed for thee, that thy faith fail not; and when thou art converted, strengthen thy brethren." Conforme à la King James version. Le verbe "convertere" utilisé par la Vulgate ("et tu aliquando conversus confirma fratres tuos") a donné lieu à deux traductions : 1) retourner, revenir. 2) se convertir. La même ambiguïté se trouve dans le version grecque de Stephanus, avec le verbe "epistrephô". (NdT)
[366] "and the day of killing the Passover being come". G. Mairet se contente de traduire par : "le jour de la pâque étant arrivé." Il s'agit du sacrifice de l'agneau pascal. (NdT)
[367] Luc, XXII, 25. La vulgate dit "benefici" (bienfaisants), la Version grecque de Stephanus "euergetai" (idem). (NdT)
[368] Hobbes utilise le verbe "to ordain" alors que La King James version utilise "to appoint". (NdT)
[369] Hobbes utilise assez librement le chapitre 22 de Luc. (NdT)
[370] "your faith of the future". Erreur de traduction de G. Mairet ("ta foi en l'avenir"). En effet, Hobbes n'écrit pas : "your faith in the future". On notera qu'il ne s'agit pas d'une citation biblique mais d'une interprétation de Luc, XXII, 31 par Hobbes. (NdT)
[371] Ce verbe "to confirm" est absent de l'Evangile selon Luc dans la King James version. J'ai d'abord pensé qu'il pouvait s'agir d'une réminiscence d'Actes, XV, 32 : "And Judas and Silas, being prophets also themselves, exhorted the brethren with many words, and confirmed them.", mais il s'agit en fait d'une citation arrangée du verset 32 du chapitre 22 de Luc de la version Douay/Rheims de la Bible : "But I have prayed for thee, that thy faith fail not: and thou, being once converted, confirm thy brethren." (NdT)
[372] "Lord, I am ready to go with thee, not only to prison, but to death" (verset 33). La King James version donne : "I am ready to go with thee, both into prison, and to death". (NdT)
[373] "for we see they claim it in the world that now is". (NdT)
[374] La vulgate utilise le verbe "praevalere", la Stephanus le verbe "katiskhuô". Les deux ont le sens de prévaloir, l'emporter, valoir plus. (NdT)
[375] "Thou art Peter, and upon this rock I will build my Church, and the gates of hell shall not prevail against it" (verset 18). Conforme à la King James version. (NdT)
[376] "feed my sheep" (verset 16). Conforme à la King James version. (NdT)
[377] "But I have already proved that Christian sovereigns are in their own dominions the supreme pastors". (NdT)
[378] G. Mairet, comme à son habitude, ajoute inutilement "eux-mêmes". (NdT)
[379] "I know him that he will command his children, and his household after him, that they keep the way of the Lord, and do justice and judgement". "and they shall keep", dit la King James version. (NdT)
[380] Les Urim et les Thummim étaient des objets (peut-être des dés) qui se trouvaient dans le pectoral (que la Vulgate appelle le "rationale" - "in rationali iudicii " - , la Septante le "logeion" - "logeion krossous" -), morceau d'étoffe qui se portait sur la poitrine. Ces objets étaient utilisés pour connaître la volonté de Dieu pour la nation. Les passages bibliques qui y font référence sont 1) Pour les deux : Exode, XXVIII, 30; Lévitique, VIII, 8; Deutéronome, XXXIII, 8; Esdras, II, 63; Néhémie, VII, 66. 2) l'urim seul : Nombres, XXVII, 21; 1.Samuel, XXVIII, 6. (NdT)
[381] En caractères grecs. La Septante utilise bien ces deux termes grecs. La "dèlosis" est l'action de montrer, de faire comprendre. Le verbe "dèloô" signifie : rendre visible, montrer, manifester, faire savoir, faire connaître, et même prouver, montrer comme évident. L' "alètheia" est la vérité. (NdT)
[382] F. tricaud néglige "against the pretended power of the Pope". (NdT)
[383] "When the Spirit of truth is come, he will lead you into all truth". La King James version donne : "Howbeit when he, the Spirit of truth, is come, he will guide you into all truth". (NdT)
[384] "he argueth from reason". (NdT)
[385] Il faut entendre "nécessaires au salut". (NdT)
[386] Hobbes dit "but also makers of the justice and injustice of actions". (NdT)
[387] "that makes them righteous or unrighteous". (NdT)
[388] "qui autem superbierit", dit la Vulgate. (NdT)
[389] "The man that will do presumptuously, and will not hearken unto the priest, that standeth to minister there before the Lord thy God, or unto the judge, even that man shall die, and thou shalt put away the evil from Israel". Conforme à la King James version. (NdT)
[390] "next and immediately under God". (NdT)
[391] "They bind heavy burdens, and grievous to be borne, and lay them on men's shoulders". Conforme à la King James version. (NdT)
[392] "by his own discretion". (NdT)
[393] "As my Father sent me, so send I you". La King James version dit : "as my Father hath sent me, even so send I you." (NdT)
[394] "with a steadfast faith". (NdT)
[395] Et 29. (NdT)
[396] L'animal étranglé ou étouffé ne peut pas être parfaitement vidé de son sang. Genèse, IX, 4 : "vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, c'est-à-dire son sang" (Darby). Lévitique, III, 17 : "vous ne mangerez aucune graisse ni aucun sang" (Darby). Lévitique, VII, 26 : "Et vous ne mangerez aucun sang, dans aucune de vos habitations, soit d'oiseaux, soit de bétail" (Darby). Etc. (NdT)
[397] "It hath seemed good to the Holy Spirit, and to us, to lay upon you no greater burden than these necessary things, that ye abstain from meats offered to idols, and from blood, and from things strangled, and from fornication". Conforme à la King James version, qui utilise comme Hobbes une virgule après "from blood" (idem dans version Douay/Rheims de Martin). La Vulgate incite à supprimer la virgule : "et sanguine suffocato". En revanche la Stephanus grecque incite à la rétablir : "kai aimatos kai pniktou". (NdT)
[398] "conditional". Plus loin, "absolute". (NdT)
[399] "Let every soul be subject to the higher powers, for there is no power but of God". Conforme à la King James version. La fin du verset est :"the powers that be are ordained of God". Il s'agit d'un verset souvent cité dans l'histoire de la pensée, pour des raisons évidentes, et que Bellarmin ne pouvait évidemment pas négliger : "omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit non est enim potestas nisi a Deo quae autem sunt a Deo ordinatae sunt" (Vulgate). (NdT)
[400] Matthieu, VI, 24, et Luc, XVI, 13. (NdT)
[401] "ut non praesens durius agam", dit la Vulgate. La Stephanus grecque dit "apotomôs", d'une façon tranchante, durement. (NdT)
[402] "I write these things being absent, lest being present I should use sharpness, according to the power which the Lord hath given me" (2. Corinthiens, XIII, 10). Conforme à la King James version. (NdT)
[403] Allusion à Matthieu, XVIII, 17. (NdT)
[404] Il s'agit bien sûr de l'agapè dont parle la Stephanus grecque, rendu dans la Vulgate par le mot "caritas". (NdT)
[405] "Shall I come unto you with a rod, or in love, and the spirit of lenity?" La King James version dit "and in the spirit of meekness" (tout comme la Douay/Rheims) : et dans l'esprit de douceur. La Vulgate dit "in caritate et spiritu mansuetudinis".(NdT)
[406] "to punish offenders". J'ai expliqué dans une note d'un autre chapitre pourquoi je refusais de traduire "offender" par délinquant. (NdT)
[407] "A bishop must be the husband but of one wife, vigilant, sober". La King James version donne : "A bishop then must be blameless, the husband of one wife, vigilant, sober". (NdT)
[408] 1.Timothée, II, 23. (NdT)
[409] "Against an elder receive not an accusation, but before two or three witnesses". Conforme à la King James version. (NdT)
[410] La Vulgate utilise le verbe "spenere" : rejeter, dédaigner, mépriser. La Stephanus grecque utilise le verbe "atheteô" : mettre de côté, refuser son assentiment, violer (un serment, un traité). (NdT)
[411] "He that heareth you, heareth me; and he that despiseth you, despiseth me". Conforme à la King James version. (NdT)
[412] "without the inward approbation". (NdT)
[413] La Vulgate utilise le verbe "laudare", la Septante le verbe "epaineô". Les deux ont le sens de louer, d'approuver. Hobbes utilise ici le verbe "to commend", qui signifie louer, mais aussi recommander. La King James version est beaucoup plus claire (comme la version Douay/Rheims) en utilisant le verbe "to praise". (NdT)
[414] "I commend you for keeping my precepts as I delivered them to you".
[415] "epainô de umas adelphoi oti panta mou memèsthe kai kathôs paredôka umin tas paradoseis katekhete", ce que je traduis par "je vous loue, frères, de vous souvenir de moi en tout et de conserver les [choses] transmises comme je vous les ai transmises". Certaines traductions anglaises traduisent "paradoseis" ([choses] transmises) par "ordinances", ce qui indique l'influence de la Vulgate ("praecepta")("laudo autem vos fratres quod omnia mei memores estis et sicut tradidi vobis praecepta mea tenetis"). (NdT)
[416] "You know what commandments we gave you". Conforme à la King James version. (NdT)
[417] En caractères grecs dans le texte de Hobbes. Le mot grec "paraggelia" (règle, précepte, instruction) porte déjà en lui l'idée de transmission, le verbe "paraggelô" signifiant autant ordonner que transmettre un ordre, le faire savoir. "edôkamen" : du verbe "didômi", donner, livrer, transmettre, offrir. (NdT)
[418] En caractères grecs dans le texte de Hobbes. (NdT)
[419] C'est-à-dire 1. Corinthiens, XI, 2. (NdT)
[420] "he that despiseth them, despiseth not man, but God". Conforme à la King James version. (NdT)
[421] "to lead, not to drive men to Christ". Le verbe "to drive" suppose en anglais une action mécanique, une force qui agit sur quelque chose. On traduit certes ce verbe assez habituellement par conduire, mais justement, dans ce cas, le troupeau du Christ serait dans la situation d'une réalité qui ne peut que suivre la contrainte du conducteur, sans choix. (NdT)
[422] "but the inward conversion of the heart". (NdT)
[423] "If any man obey not our word by this epistle, note that man, and have no company with him, that he may be ashamed". Conforme à la King James version. (NdT)
[424] Ce verset utilise en effet le verbe "upakouô" : écouter en baissant la tête, répondre favorablement à une invitation ou à une demande de comparution, obéir (y compris aux lois). Sans vouloir donner tort à Hobbes, il faut reconnaître que le verbe du texte grec (qui est formé des mots "sous" et "écouter") tend largement à mettre celui qui reçoit la prescription en état d'infériorité, comme un sujet. (NdT)
[425] "stood in awe". On peut traduire par "tenir en respect". J'ai déjà expliqué dans un autre chapitre la raison pour laquelle j'avais préféré la traduction choisie. (NdT)
[426] "reddere rationem" dans la Vulgate. (NdT)
[427] "Obey your leaders, and submit yourselves to them, for they watch for your souls, as they that must give account". La King James version donne : "Obey them that have the rule over you, and submit yourselves: for they watch for your souls, as they that must give account". (NdT)
[428] "not to believe every spirit, but to try the spirits whether they are of God, because many false prophets are gone out into the world". Conforme à la King James version. (NdT)
[429] Hobbes dit : "de tous côtés". (NdT)
[430] "all Commonwealth, and consequently all peace and justice, must cease". (NdT)
[431] "has commited". (NdT)
[432] Précisément, Hobbes dit "immediatly". (NdT)
[433] "gave gifts to men, some Apostles, some prophets, and some evangelists, and some pastors, and some teachers". Conforme à la King James version, mais "gave gifts unto men" se trouve au verset 8, non au verset 11. (NdT)
[434] De droit divin médiat, de droit divin par un intermédiaire (ici les rois chrétiens). (NdT)
[435] De laine de chèvre, au sujet de laine de chèvre. Expression (assez commune) que l'on trouve dans Horace (Epîtres, I, 18, 15). Le passage complet est : "10 Alter in obsequium plus aequo pronus et imi derisor lecti sic nutum diuitis horret, sic iterat uoces et uerba cadentia tollit, ut puerum saeuo credas dictata magistro reddere uel partis mimum tractare secundas; 15 alter rixatur de lana saepe caprina, propugnat nugis armatus: 'Scilicet, ut non sit mihi prima fides et, uere quod placet, ut non acriter elatrem? Pretium aetas altera sordet.' Ambigitur quid enim? Castor sciat an Docilis plus, 20 Brundisium Minuci melius uia ducat an Appi." (NdT)
[436] "and can belong to none but him that hath the power to prescribe the rules of right and wrong". (NdT)
[437] "and with the sword of justice to compel men to obey his decisions". (NdT)
[438] "Who made me a judge, or a divider, amongst you" (Luc, XII, 14). La King James version dit "over you". (NdT)
[439] "My kingdom is not of this world" (Jean, XVIII, 36). Conforme à la King James version. (NdT)
[440] On rappellera que ce pauvre Cyprien perdit la sienne en 258 : il fut décapité. (NdT)
[441] "bear witness". (NdT)
[442] "from the original submission thereto of those that are to be governed". (NdT)
[443] On se souviendra de ce qui a été dit de la conquête dans une longue note du chapitre XX. Ici, il s'agit donc de quelqu'un qui assujettit, qui subjugue, non simplement d'un vainqueur. Malheureusement, G. Mairet traduit par "vainqueur". (NdT)
[444] F. Tricaud néglige "over other states". (NdT)
[445] Ce concile (1215) avait pour but principal de lutter contre l'hérésie cathare. On signalera que les représentants des différents souverains présents n'ont pas remis en question le canon qui suit. (NdT)
[446] "If a king, at the Pope's admonition, do not purge his kingdom of heretics, and being excommunicate for the same, make not satisfaction within a year, his subjects are absolved of their obedience
[447] "or that the one power is to the other as the means to the end". (NdT)
[448] "are accidents". (NdT)
[449] "for want of a soul to hold them together". (NdT)
[450] Luc, XVIII, 36. (NdT)
[451] 1. Corinthiens, XV, 44. La King James version donne : "It is sown a natural body; it is raised a spiritual body". (NdT)
[452] "conquer" : voir l'une des notes précédentes à ce sujet. (NdT)
[453] "do violate their faith". (NdT)
[454] La traduction de F. Tricaud (qui veut respecter la construction de la phrase) est maladroite, en tant qu'elle range le souverain parmi les sujets : "il n'existe pas d'autre juge des hérésies, parmi les sujets, que leur propre souverain civil" ("nor is there any judge of heresy amongst subjects but their own civil sovereign".) (NdT)
[455] La King James version, en XVII, 15, donne : "Thou shalt in any wise set him king over thee, whom the LORD thy God shall choose: one from among thy brethren shalt thou set king over thee: thou mayest not set a stranger over thee, which is not thy brother". (NdT)
[456] "violation of faith". (NdT)
[457] L'arianisme est une hérésie trinitariste déclarée telle au concile de Nicée. (NdT)
[458] Ephésiens, VI, 5-6; Colossiens, III, 22. (NdT)
[459] "to compound their differences". (NdT)
[460] La King James version donne en VI, 4 : "If then ye have judgments of things pertaining to this life, set them to judge who are least esteemed in the church." (NdT)
[461] Erreur de traduction de G. Mairet, qui traduit "for all that" par "justement". (NdT)
[462] Jean, XXI, 16. (NdT)
[463] "Beware of false prophets which come to you in sheep's clothing, but inwardly are ravening wolves". Conforme à la King James version. (NdT)
[464] "furious rams". L'expression est absente de la Bible. (NdT)
[465] "that the examples he allegeth make not so much as a probability of right". (NdT)