PHILOTRAHOBBES : LEVIATHAN – Traduction de Philippe Folliot avec notes.

Chapitre 5Chapitre 7 - Sommaire des chapitres traduits avec notes - Index Philotra

 

Chapitre 6 : Des commencements intérieurs des mouvements volontaires, couramment appelés passions ; et des paroles par lesquelles ils sont exprimés.

 

Les animaux ont deux sortes de mouvements qui leur sont particuliers [1]: l'un, appelé mouvement vital [2], commence à la génération, et continue sans interruption pen­dant toute leur vie. Tels sont la circulation sanguine, le pouls, la respiration, la digestion, la nutrition, l'excrétion, etc., lesquels mouvements ne nécessitent pas l'aide de l'imagination. L'autre mouvement est le mouvement animal, aussi appelé mouve­ment volontaire [3], comme marcher, parler, bouger l'un de nos membres, d'une façon telle que le mouvement a d'abord été imaginé [4] dans notre esprit [5]. Que la sensation soit un mouvement dans les organes et les parties intérieures du corps de l'homme, causé par l'action des choses [6] que nous voyons, entendons, etc., et que ce phantasme [7] ne soit qu'un reste [8] du même mouvement, demeurant après la sensation, tout cela a déjà été dit dans les premier et deuxième chapitres. Et parce que marcher, parler, et les mouvements volontaires du même type dépendent toujours d'une pensée antérieure du vers où, du par où, ou du quoi [9], il est évident que l'imagination est le premier com­men­cement interne de tout mouvement volontaire. Et quoique les hommes qui n'ont pas étudié [10] ne conçoivent pas du tout de mouvement là où la chose mue est invisible, ou là où l'espace dans lequel elle est mue, à cause de sa petitesse, est imperceptible [11], pourtant cela n'empêche pas que de tels mouvements existent. Car, qu'un espace soit aussi petit que possible, ce qui est mu dans un espace plus grand, dont ce petit espace est une partie, doit d'abord être mu dans cette partie. Ces petits commencements de mouvements à l'intérieur du corps de l'homme [12], avant qu'ils n'apparaissent dans le fait de marcher, parler, frapper, et d'autres actions visibles, sont couramment nommés EFFORTS [13].

 

Cet effort, quand il est dirigé vers quelque chose qui le cause, est appelé APPÉTIT ou DÉSIR, la première dénomination étant la dénomination générale [14], et l'autre déno­mination étant souvent restreinte à signifier le désir de nourriture, à savoir la faim et la soif. Et quand l'effort provient de [l'intention de] se garder de quelque chose [15], on le nomme AVERSION [16]. Ces mots appétit et aversion nous viennent des Latins, et les deux signifient les mouvements, l'un qui consiste à se rapprocher de quelque chose, l'autre à fuir quelque chose [17]. C'est aussi ce que signifient les mots grecs ormè et aphormè [18]. Car la nature elle-même, vraiment, imprime souvent ces vérités [19] en l'homme [20] sur lesquelles il achoppe [21] quand, après coup, il cherche quel­­que chose au-delà de la Nature [22]. Car les Scolastiques [23] ne trouvent, dans le sim­ple appétit de marcher, aucun mouvement actuel [24], mais comme ils doivent [bien] recon­naître qu'il y a quelque mouvement, ils le nomment mouvement méta­pho­rique [25], ce qui n'est rien d'autre que des paroles absurdes, car, même si des mots peuvent être dits méta­phoriques, il n'en est pas ainsi des corps et des mouvements.

 

Ce que les hommes désirent, on dit qu'ils l'AIMENT, et qu'ils HAISSENT [26] les choses pour lesquelles ils ont de l'aversion. Si bien que désirer et aimer sont la même chose, sauf que [27] par désir, nous signifions l'absence de l'objet, et par amour, plus cou­ram­ment la présence du même objet. De même, par aversion, nous signifions l'absence, et par haine, la présence de l'objet.

 

Parmi les appétits et les aversions, certains naissent avec les hommes [28], comme l'appétit de la nourriture, l'appétit d'excrétion et d'exonération [29] (que l'on peut aussi et plus proprement [30] appeler des aversions de quelque chose qu'ils sentent dans leur corps [31]) et quelques autres appétits peu nombreux. Les autres, qui sont des appétits de choses particulières, procèdent de l'expérience et de l'essai [32] de leurs effets sur eux-mêmes ou sur les autres. En effet, en ce qui concerne les choses que nous ne connaissons pas du tout, ou que nous croyons ne pas exister, nous ne devons avoir d'autre désir que celui de goûter ou d'essayer. Mais nous avons de l'aversion pour les choses, non seulement qui, nous le savons, nous ont nui [33], mais aussi pour celles dont nous ne savons pas si elles nous nuiront ou pas.

 

Ces choses que nous n'aimons ni ne haïssons, on dit qu'elles sont méprisées, le MEPRIS [34] n'étant rien d'autre qu'une immobilité, qu'un refus [35] du coeur qui consiste à résister à l'action de certains choses, et qui vient de ce que le coeur est déjà mu autrement, par des objets plus puissants, ou qui vient d'un défaut d'expérience de ces choses.

 

Et parce que la constitution du corps de l'homme est en continuelle mutation [36], il est impossible que toutes les mêmes choses causent toujours en lui les mêmes appétits et les mêmes aversions. Encore moins les hommes peuvent-ils s'accorder sur le désir d'un seul et même objet.

 

Mais, quel que soit l'objet de l'appétit de l'homme ou de son désir, c'est, pour sa part, ce qu'il nomme bon, et l'objet de sa haine et de son aversion, il le nomme mauvais [37]. L'objet de son mépris, il le nomme sans valeur et insignifiant [38]. Mais l'utilisation de ces mots de bon, mauvais, et méprisable se fait selon la personne qui la pratique [39]. Il n'existe rien qui soit ainsi, simplement et absolument, ni aucune règle commune du bon et du mauvais qu'on puisse tirer [40] de la nature des objets eux-mêmes, car cette règle [41] vient de l'individualité de l'homme, là où il n'y a pas de République [42], ou, dans une République, d'une personne qui le représente, ou d'un arbitre, d'un juge [43] que les hommes en désaccord établissent par consentement [44], et dont la sentence constitue la règle du bon et du mauvais.

 

La langue latine [45] a deux mots dont la signification se rapproche de celle de bon et mauvais, mais [le sens] n'est pas exactement le même : pulchrum et turpe [46], le pre­mier signifiant ce qui, par certains signes apparents, promet d'être bon, et le deuxième signifiant ce qui promet d'être mauvais. Mais, dans notre langue, nous n'avons pas de dénominations générales pour exprimer cela. Mais, pour pulchrum, nous disons, pour certaines choses, fair, pour d'autres, beautiful ou handsome, ou gallant, ou honorable, ou comely, ou amiable, et pour turpe, foul, deformed, ugly, base, nauseous [47], et ainsi de suite, en fonction de l'objet. Tous ces mots, placés convenablement, ne signifient rien d'autre que l'air [48], l'aspect [49], ce qui promet du bon ou du mauvais. Si bien qu'il y a trois genres de biens : ce qui s'annonce bon, c'est-à-dire pulchrum, ce qui est bon dans les faits, en tant que fin désirée, ce qui est appelé jucundum [50], agréable, et le bon en tant que moyen, ce qui est appelé utile, avantageux; et il y a autant de genres de mauvais : ce qui promet d'être mauvais est appelé turpe [51], le mauvais dans les faits et dans la fin est molestum [52], déplaisant, gênant, et mauvais en tant que moyen : inutile, désavantageux, nuisible.

 

Dans la sensation qui se trouve réellement en nous, comme je l'ai dit plus haut, il n'y a que le mouvement, causé par l'action des objets extérieurs mais qui apparaît à la vue comme lumière et couleur, à l'oreille, comme son, aux narines comme odeur, etc., quand l'action du même objet se poursuit des yeux, des oreilles et des autres organes jusqu'au coeur, l'effet réel n'étant rien d'autre que le mouvement, ou effort [53], qui consiste en un appétit vers l'objet qui meut, ou en une aversion pour fuir cet objet Mais l'apparition, la sensation de ce mouvement est ce que nous nommons soit  VOLUPTÉ [54], soit CHAGRIN [55].

 

Ce mouvement, qui est nommé appétit, et, pour l'apparition, volupté et plaisir, sem­­ble être un appui, une aide du mouvement vital [56], et donc, les choses, en tant qu'elles causent la volupté ne sont pas improprement nommées jucunda [57] (un juvando [58]), du fait qu'elles aident et fortifient. Le contraire, molesta [59], désagréables, du fait qu'elles empêchent et dérangent le mouvement vital.

 

Le plaisir, donc, ou volupté, est l'apparition, la sensation de ce qui est bon [60], et la molestation [61], le déplaisir, de l'apparition, de la sensation de ce qui est mauvais. Par conséquent, tout appétit, tout désir, tout amour est accompagné de plus ou moins de volupté, et toute haine, toute aversion, de plus ou moins de déplaisir et du sentiment d'être blessé [62].

 

Parmi les plaisirs, les voluptés, certains naissent de la sensation d'un objet présent, et on peut les nommer plaisirs de la sensation [63] (le mot sensuel, comme il est utilisé seulement par ceux qui condamnent ces plaisirs, n'a pas lieu d'être utilisé tant qu'il n'existe pas de lois). De cette sorte sont tous les plaisirs provoqués par les opérations qui chargent et déchargent le corps [64], de même que tout ce qui est plaisant à voir, entendre, sentir, goûter, ou toucher. D'autres naissent de l'attente [65] qui procède de la prévision de la fin ou des conséquences des choses, que ces choses plaisent ou qu'elles déplaisent dans la sensation, et ce sont, pour celui qui tire ces conséquences, des plaisirs de l'esprit, et on les nomme généralement JOIE. De la même manière, certains déplaisirs sont dans la sensation et sont nommés PEINE [66]. D'autres corres­pondent à l'attente des conséquences et sont nommés  CHAGRIN [67].

 

Les passions simples nommées appétit, désir, amour, aversion, haine, joie et chagrin ont reçu des dénominations différentes pour des raisons [68] diverses. Première­ment, quand l'une succède à l'autre, elles sont nommées différemment en fonction de la probabilité [69] qu'ont les hommes d'atteindre ce qu'ils désirent. Deuxièmement, en fonction de l'objet aimé ou haï. Troisièmement, quand on envisage plusieurs de ces passions ensemble. Quatrièmement, en fonction du changement ou de la succession elles-mêmes.

 

En effet, l'appétit lié à l'idée d'atteindre [l'objet]est nommé ESPOIR [70]

 

Le même, sans une telle opinion, est le DÉSESPOIR.

 

L'aversion, liée à l'idée d'une nuisance venant de l'objet, est la CRAINTE.

 

La même, liée à l'espoir d'empêcher cette nuisance en s'opposant à elle, est le COURAGE.

 

Le courage soudain est la COLÈRE.

 

L'espoir constant est la CONFIANCE EN SOI.

 

Le désespoir constant, la DÉFIANCE DE SOI.

 

La colère pour un grand dommage subi par autrui, quand nous pensons que ce dernier a été fait à tort [71], est l'INDIGNATION.

 

Le désir du bien pour autrui [est] la BIENVEILLANCE, la BONNE VOLONTÉ, la CHARITÉ. Si cette passion vise l'homme en général, on parle de BON NATUREL [72].

 

Le désir des richesses [est] la CONVOITISE [73] : une dénomination toujours utili­sée pour blâmer, parce que les hommes, se les disputant, ne sont pas contents de voir un autre les obtenir. Néanmoins, le désir en lui-même doit être ou blâmé ou permis, selon les moyens par lesquels ces richesses sont recherchées.

 

Le désir des emplois et des préséances est l'AMBITION : une dénomination utili­sée aussi de façon péjorative [74], pour la raison ci-dessus mentionnée.

 

Le désir des choses qui ne contribuent que peu aux fins que nous poursuivons, ou la crainte des choses qui ne les empêchent que pour une faible part, est la PETITESSE [d'esprit] [75].

 

Le mépris des aides et des obstacles minimes est la MAGNANIMITÉ.

 

La magnanimité, s'il y a danger de mort ou de blessures, est la VAILLANCE, la FORCE D’ÂME.

 

La magnanimité dans l'utilisation des richesses et la LIBÉRALITÉ.

 

La petitesse [d'esprit], pour la même chose, est la SORDIDITÉ [76], l'AVARICE ou l'ESPRIT D’ÉCONOMIE, selon qu'elle est ou non appréciée.

 

L'amour des personnes, en vue de relations sociales, est l'AMABILITÉ.

 

L'amour des personnes, pour le seul plaisir des sens, est la CONCUPISCENCE [77] NATURELLE.

 

L'amour, auquel on a pris goût en repassant dans son esprit [78], c'est-à-dire en imaginant, le plaisir passé, est la LUXURE.

 

L'amour d'une personne en particulier, lié au désir d'être soi-même aimé en particulier, est la PASSION DE L’AMOUR [79]. Le même, lié à la crainte que l'amour ne soit pas réci­proque, est la JALOUSIE.

 

Le désir de faire regretter à quelqu'un l'une de ses actions en lui causant un tort est le DESIR DE VENGEANCE.

 

Le désir de connaître le pourquoi et le comment est la CURIOSITÉ, qu'on ne trouve en aucune créature vivante, sinon en l'homme; si bien que l'homme se disting­ue, non seulement par sa raison, mais aussi par cette passion singulière, des autres animaux qui sont tenus éloignés de la connaissance des causes par la prédominance de l'appétit de nourriture et des autres plaisirs des sens. Cette curiosité est une con­cupiscence de l'esprit [80] qui, parce que la volupté se poursuit de façon durable et sans fatigue dans l'acquisition du savoir, l'emporte sur la brève impétuosité de tout plaisir charnel [81].

 

La crainte d'une puissance invisible feinte par l'esprit, ou imaginée à partir de contes [82] publiquement autorisés, est la RELIGION, et quand cette religion n'est pas auto­risée, on la nomme SUPERSTITION. Quand la puissance imaginée est véritable­ment telle que nous l'imaginons, on la nomme vraie religion.

 

La crainte sans qu'on puisse saisir le pourquoi et le quoi [83] est la TERREUR PANIQUE, ainsi nommée en raison des fables qui font de Pan son auteur, alors qu'en vérité il y a toujours en l'homme qui éprouve le premier cette crainte quelque saisie de la cause, tandis que les autres s'enfuient à cause du précédent, chacun supposant que son compagnon sait pourquoi. C'est pourquoi cette passion n'arrive à personne, sinon dans une foule, ou quand il y a une multitude de personnes.

 

La joie qui provient de la saisie d'une nouveauté, est l'ADMIRATION [84], [passion] propre à l'homme car elle excite l'appétit de connaître la cause.

 

La joie qui naît de l'imagination de son propre pouvoir, de ses propres capacités, est cette exultation de l'esprit [85] qui est nommée SE GLORIFIER. Cette passion, si elle est fondée sur l'expérience de ses propres actions antérieures, est la même chose que la confiance [86], mais si elle est fondée sur la flatterie d'autrui, ou simplement supposée [87] par l'individu, pour le plaisir de ses conséquences, elle est nommée vaine gloire, ce qui est une juste dénomination, car une confiance bien fondée engendre l'action [88], alors que la supposition de la puissance [89] ne le fait pas, et est en consé­quence justement nommée vaine.

 

Le chagrin, qui provient de l'idée d'un manque de puissance, est nommé ABATTEMENT [90].

 

La vaine gloire, qui consiste à feindre ou à supposer des capacités en nous-mê­mes, alors que nous savons que nous ne les possédons pas, touche surtout les jeunes gens, et elle est entretenue par les histoires et les romans [qui mettent en scène] des personnages chevaleresques [91], [mais] elle se corrige souvent par l'âge et le travail.

 

La soudaine gloire [92] est la passion qui produit ces grimaces qu'on nomme le RIRE. Elle est causée soit par quelque action soudaine dont on est content, soit par la saisie en l'autre de quelque difformité [93], en comparaison de laquelle on s'applaudit soudainement soi-même. Elle touche surtout ceux qui sont conscients qu'ils possèdent le moins de capacités, et qui sont obligés, pour se conserver leur propre estime, de remarquer les imperfections des autres hommes. Et donc, rire beaucoup des défauts des autres est un signe de petitesse [d'esprit] [94]. Car l'une des tâches des grandes âmes [95] est d'aider les autres et de les libérer du mépris, et de se comparer seulement aux plus capables [96].

 

Au contraire, l'abattement soudain est la passion qui cause les PLEURS, et elle est causée par des accidents qui ôtent quelque ardent espoir ou quelque soutien de la puissance. Ceux qui y sont les plus sujets sont ceux qui comptent surtout sur des aides extérieures, et tels sont les femmes et les enfants. De là vient que certains pleurent à cause de la perte d'un ami, d'autres à cause de leur dureté [97], d'autres à cause de l'arrêt soudain de leurs pensées de vengeance, provoqué par une réconciliation. Mais, dans tous ces cas, le rire et les pleurs sont des mouvements soudains, qui sont tous deux supprimés par l'accoutumance, car personne ne rit des vieilles plaisanteries, ou ne pleure à cause d'un ancien malheur.

 

Le chagrin provoqué par quelque défaut de capacité est la HONTE [98], ou la passion qui se révèle quand nous ROUGISSONS, et elle consiste en l'appréhension de quelque chose de déshonorant. Chez les jeunes gens, c'est le signe qu'on désire avoir une bonne réputation, ce qui est louable. Chez les hommes âgés, c'est le signe du même désir, mais qui n'est pas louable, parce qu'il vient trop tard.

 

Le mépris de la bonne réputation est nommé IMPUDENCE.

 

Le chagrin pour le malheur d'un autre est la PITIE, et elle vient de ce que nous imaginons qu'il peut nous arriver la même chose, et c'est pourquoi cette passion est aussi nommée COMPASSION, et, dans une expression moderne, un SENTIMENT-POUR-SES-SEMBLABLES [99]. C'est pourquoi le meilleur homme a le moins de pitié pour un malheur qui résulte d'une grande méchanceté, et, pour le même malheur, ceux qui ont le moins de pitié sont ceux qui se croient à l'abri [100] [d'un tel événement].

 

Le mépris, le peu de sensibilité pour le malheur d'autrui, est ce qu'on nomme CRUAUTÉ, et cette passion vient de ce qu'on se croit à l'abri du sort [101]. Car, qu'on puisse prendre plaisir aux grands maux des autres hommes, sans autre but personnel, je ne conçois que ce soit possible.

 

Le chagrin causé par le succès d'un concurrent, pour ce qui est de la santé, de l'honneur, ou d'autres biens, joint à un effort de développer nos capacités personnelles afin de l'égaler ou de la surpasser, est nommé ÉMULATION; mais joint à l'effort de supplanter ou d'entraver un concurrent, ce chagrin est nommé ENVIE.

 

Quand, dans l'esprit de l'homme, des appétits et des aversions, des espoirs et des craintes concernant une seule et même chose se présentent alternativement, et que différentes conséquences bonnes ou mauvaises de l'accomplissement ou de l'omission de la chose proposée entrent successivement dans nos pensées, si bien que parfois nous avons pour elle un appétit, parfois une aversion, la somme totale des désirs, aversions, espoirs et craintes, poursuivis jusqu'à ce que la chose soit ou accomplie ou jugée impossible, est ce que nous appelons DÉLIBÉRATION [102].

 

Par conséquent, il n'y a pas de délibération sur les choses passées, parce que, manifestement, il est impossible de les modifier, ni sur les choses que nous savons être impossibles, ou que nous jugeons telles, parce qu'on sait, ou qu'on croit, qu'une pareille délibération est vaine [103]. Mais nous pouvons délibérer sur les choses impos­sibles que nous croyons possibles, ne sachant pas que c'est en vain. Et c'est appelé délibération parce que c'est le fait de mettre fin à la liberté [104] que nous avions de faire la chose, ou de l'omettre, selon notre propre appétit, ou notre propre aversion.

 

Cette succession alternée d'appétits, d'aversions, d'espoirs et de craintes n'existe pas moins chez les autres créatures vivantes que chez l'homme, et donc, les bêtes délibèrent aussi.

 

Toute délibération est alors dite prendre fin quand ce dont on délibère est accom­pli ou jugé impossible, parce que, jusqu'à ce moment, nous conservons la liberté d'accomplir ou d'omettre la chose, selon notre appétit ou notre aversion.

 

Dans la délibération, le dernier appétit, ou la dernière aversion, qui, de façon prochaine [105], donne son adhésion à l'action, est ce que  nous nommons la VOLONTÉ, l'acte de vouloir, pas la faculté [106]. Et les bêtes qui disposent de la délibération doivent nécessairement disposer aussi de la volonté. La définition de la volonté, donnée com­munément par les Scolastiques, que c'est un appétit rationnel [107], n'est pas bonne, car si c'était le cas, il ne pourrait exister d'acte volontaire contre la raison. Car un acte volontaire est ce qui procède de la volonté, et rien d'autre. Mais si, au lieu de dire un appétit rationnel, nous disions que c'est un appétit qui résulte d'une délibération antérieure, alors la définition serait la même que celle que j'ai ici donnée. La volonté, donc, est le dernier appétit dans la délibération. Et quoique nous disions dans la con­versation courante que nous avons déjà eu la volonté de faire une chose dont pourtant nous nous sommes abstenus, cependant, ce n'est proprement rien d'autre que la dernière inclination, le dernier appétit. Car si les appétits qui interviennent [108] ren­dent une action volontaire, alors, pour la même raison, tous les aversions qui interviennent rendraient la même action volontaire, et ainsi une seule et même action serait en même temps volontaire et involontaire [109].

 

Par là, il est manifeste que, non seulement les actions qui ont leur commencement dans la convoitise, l'ambition et la concupiscence, ou dans les autres appétits pour la chose visée, mais aussi celles qui ont leur commencement dans l'aversion, ou la crainte des conséquences qui suivent l'omission, sont des actions volontaires.

 

Les façons de parler [110], par lesquelles les passions sont exprimées sont en partie les mêmes et en partie autres que celles par lesquelles nous exprimons nos pensées. Et premièrement, généralement, toutes les passions peuvent être exprimées à l'indicatif, comme j'aime, je crains, je me réjouis, je délibère, je veux, j'ordonne; mais certaines d'entre elles ont par elles-mêmes des expressions particulières qui, cependant, ne sont pas des affirmations, à moins qu'elles ne servent à faire d'autres inférences que celle de la passion dont elles procèdent. La délibération est exprimée au subjonctif, qui est un [mode] de discours [111] propre à signifier les suppositions, avec leurs conséquences, comme, A condition [112] que ce soit fait, alors telle chose s'ensuivra, et ce mode de discours ne diffère pas du langage du raisonnement, sauf que ce raisonnement se fait avec des termes généraux, tandis que la délibération, pour la plus grand part, porte sur des choses particulières. Le langage du désir ou de l'aversion est impératif, comme Fais cela, abstiens-toi de cela, et, quand quelqu'un est obligé de le faire, ou de s'en abstenir, c'est un ordre; sinon une prière ou encore un conseil. Le langage de la vaine gloire, de l'indignation, de la pitié, de l'esprit de vengeance est optatif, mais pour le désir de connaître, il y a une forme particulière d'expression nommée interrogative, comme Qu'est-ce? Quand arrivera-t-il que? Comment se fait-il? Pourquoi ainsi? D'autre langage des passions, je n'en trouve aucun, car maudire, jurer, insulter, et ainsi de suite, ne signifient pas en tant que parole, mais en tant qu'actions d'une lan­gue habituée à cela.

 

Ces façons de parler, ai-je dit, sont des expressions ou des significations volon­taires de nos passions, mais elles n'en sont pas des signes certains [113] parce qu'elles peuvent être utilisées arbitrairement, que ceux qui en usent aient ou n'aient pas de telles passions. Les meilleurs signes des passions [chez un homme] sont dans l'expression [du visage], dans les mouvements du corps, dans les actions, dans les fins et les buts que nous savons par un autre moyen lui appartenir [114].

 

Et parce que, dans la délibération, les appétits et les aversions sont renforcés [115] par la prévision des conséquences bonnes ou mauvaises, et des suites de l'action dont nous délibérons, le bon ou le mauvais effet de celle-ci dépend de la prévision d'une longue chaîne de conséquences, dont très rarement on est capable de voir la fin. Et, aussi loin que l'homme voie, si le bien est plus important dans ces conséquences que le mal, la chaîne entière est ce que les écrivains appellent bien apparent ou soi-disant bien [116], et, au contraire, quand le mal excède le bien, l'ensemble est un mal apparent ou un soi-disant mal. Si bien que celui qui, par expérience, ou par raison, a la vision la plus large et la plus sûre des conséquences [117], délibère mieux pour lui-même, et il est capable, quand le il veut, de donner les meilleurs conseils aux autres.

 

Le continuel succès dans l'obtention de ces choses qu'on désire régulièrement [118], c'est-à-dire la réussite [119] continuelle, c'est qu'on appelle la FÉLICITÉ. Je veux dire la félicité de cette vie, car il n'existe pas une chose telle que la tranquillité perpétuelle de l'esprit, pendant que nous vivons ici-bas, parce que la vie n'est elle-même qu'un mou­vement, et ne peut jamais être sans désir, sans crainte, pas plus que sans sensation. Quel genre de félicité Dieu a-t-il destiné à ceux qui l'honorent dévotement, on ne le saura pas avant d'en jouir, ces jouissances étant pour l'instant aussi incompréhensibles que l'expression des scolastiques : vision béatifique.

 

La façon de parler par laquelle on pense que quelque est bon est l'ÉLOGE [120]. Celle par laquelle on signifie la puissance et la grandeur de quelque chose le FAIT DE MAGNIFIER [121] cette chose. Et celle par laquelle on signifie l'opinion qu'on a de la féli­­cité d'un homme est nommée par les Grecs makarismos [122], pour lequel nous n'avons aucune dénomination dans notre langue. Ce que nous avons dit des PASSIONS est bien suffisant, vu notre présent dessein.

 

 

 

 

Traduction Philippe Folliot
 

 

Version téléchargée en août 2003.

 

 

 



[1]              "peculiar". (NdT)

 

[2]              "One called vital". (NdT)

 

[3]              "voluntary motion". (NdT)

 

[4]              "fancied". On peut traduire par "phantasmé".  (NdT)

 

[5]              "in such manner as is first fancied in our minds". Erreur de traduction de G. Mairet : "comme s'il avait d'abord été imaginé dans notre esprit". Le "comme si" suppose ici que le propos de Hobbes n'a pas été compris. (NdT)

 

[6]              "factum ab Objectis" dans la version latine. (NdT)

 

[7]              "fancy". (NdT)

 

[8]              "relics" : un vestige, un reliquat (R. Anthony). (NdT)

 

[9]              "a precedent thought of whither, which way, and what". (NdT)

 

[10]            "unstudied men". R. Anthony traduit par "sans culture". (NdT)

 

[11]            "insensible". R. Anthony : "insensible". (NdT)

 

[12]            "These small beginnings of motion within the body of man". (NdT)

 

[13]            Au singulier dans le texte : "endeavour"(c'est le conatus latin). (NdT)

 

[14]            "the general name". (NdT)

 

[15]            L'Anglais peut dire plus simplement : "when the endeavour is from ward something". R. Anthony : "et quand la direction de l'effort va en s'éloignant de quelque chose". (NdT)

 

[16]            "aversion". (NdT)

 

[17]            R. Anthony : "l'un d'approche, l'autre de retraite". (NdT)

 

[18]            En caractères grecs dans le texte. "ormé" a ces différents sens : a) attaque, assaut. b) impulsion, désir, envie. c) élan ardeur, zèle. d) impulsion des sens ou instinct (en particulier chez les stoïciens). "aphormé" : a) origine, point de départ. b) occasion, prétexte. c) ressource, moyen. d) répugnance, aversion (en particulier chez les stoïciens).

 

[19]            Il sagit des mouvements imperceptibles dont il était question plus haut. R. Anthony : "nous pousse vers des vérités". (NdT)

 

[20]            Hobbes emploie le pluriel : les hommes. (NdT)

 

[21]            R. Anthony emploie le verbe trébucher. (NdT)

 

[22]            La suite explique le sens de cette phrase. L'ignorance du mouvement imperceptible pousse certains penseurs à une mauvaise "physique métaphysique" pleine d'absurdités. (NdT)

 

[23]            R. Anthony : "les Ecoles". (NdT)

 

[24]            Hobbes utilise le langage scolastique hérité d'Aristote. Ici "actuel" a le sens d'effectif (et même de visible), de non simplement potentiel. R. Anthony refuse nettement cette traduction, dans une note (14) : "aucun mouvement véritable". (NdT)

 

[25]            "metaphorical motion". Chez R. Anthony, c'est l'appétit qui est métaphorique.(NdT)

 

[26]            "hate". Précédemment "love". (NdT)

 

[27]            Traduction littérale de "save than". (NdT)

 

[28]            R. Anthony : "sont innés". (NdT)

 

[29]            "décharge": le fait d'ôter quelque chose du corps. (NdT)

 

[30]            "de façon plus appropriée". Hobbes ne fait aucunement allusion aux convenances. Il envisage seulement la rectitude des dénominations.

 

[31]            On me pardonnera cette traduction discutable qui, pourtant, est la traduction quasiment littérale du texte de Hobbes qui, lui, dans ce passage, ne vise aucun jeu de mots : "which may also and more properly be called aversions, from somewhat they feel in their bodies". La traduction de F. Tricaud est beaucoup plus convenable et sérieuse. (NdT)

 

[32]            R. Anthony : "de l'épreuve". (NdT)

 

[33]            "hurt" : nuire, faire mal, blesser, faire de la peine. (NdT)

 

[34]            Ou dédain : "contempt". (NdT)

 

[35]            "contumacy" : entêtement, obstination. En droit, refus de comparaître. R. Anthony : "abstention formelle du coeur". (NdT)

 

[36]            Au sens de changement. Le terme n'a évidemment rien à voir avec la génétique. (NdT)

 

[37]            "good" et "evil". Bon et mauvais, bien et mal (ces deux derniers termes étant choisis par R. Anthony). (NdT)

 

[38]            "vile and inconsiderable". R. Anthony : "vil et indigne d'être pris en considération". (NdT)

 

[39]            Phrase simple mais difficile à rendre clairement :"For these words of good, evil, and contemptible are ever used with relation to the person that useth them". La suite indique le sens. (NdT)

 

[40]            G. Lyon (La philosophie de Hobbes, Paris, Alcan, 1893, p.115) : "qui puisse être empruntée". (NdT)

 

[41]            R. Anthony : "une mesure". La version latine donne "regula". (NdT)

 

[42]            "Commonwealth". (NdT)

 

[43]            "an arbitrator or judge". (NdT)

 

[44]            "by consent". (NdT)

 

[45]            Note 30 de la traduction de R. Anthony : "A partir de "la langue latine ...", le texte latin dit : "Pulchrum et Turpe signifient à peu près, mais non d'une façon précise, la même chose que Bonum et Malum. Pulchrum signifie ce qui, par des signes apparents, promet le bien, et Turpe ce qui promet le mal. De l'un et de l'autre, il est diverses formes : Formosum, Honestum, Decorum, jucundum  sont des formes de pulchrum. Deforme, Inhorestum, Molestum sont des formes de Turpe.  Tous ces vocables ne signifient qu'une promesse ou de bien ou de mal. Il y a trois sortes de bien : l'une en tant que promesse, Pulchritudo; l'autre par rapport à la chose elle-même (in re), on l'appelle Bonitas; la troisième en tant que fin, et c'est jacunditas. En outre, le bien qui en tant que fin s'appelle jucundum, en tant que moyen s'appelle Utile. De même, le mal en tant que promesse s'appelle Turpe, en tant que fin s'appelle Molestum."

 

[46]            "pulchrum" : bien, beau, joli, parfait, merveilleux. "turpe" : laid, vilain difforme, déplaisant, dégoûtant, ignoble, honteux, indécent.

 

[47]            Vu les nuances parfois très fines, nous avons laissé les termes anglais. 1) Fair : beau, net, pur. 2) beautiful : beau (voire très beau), admirable, joli. 3) handsome : beau, bien fait, grâcieux, élégant. 4) gallant : beau, noble, élégant, chevaleresque. 5) honourable : honorable. 6) comely : avenant, charmant, gracieux. 7) amiable : aimable. 8) foul : infect, sale, abominable, méchant, déloyal, grossier. 9) deformed : difforme, contrefait. 10) ugly :  disgracieux, vilain. 11) base : bas, vil, ignoble. 12) nauseous : écoeurant, dégoûtant. (NdT)

 

[48]            La mine, l'allure ("mien"). R. Anthony : "l'apparence". (NdT)

 

[49]            L'expression ("countenance"). R. Anthony : "la physionomie". (NdT)

 

[50]            Plaisant, agréable, charmant. (NdT)

 

[51]            Voir la note de début de paragraphe. (NdT)

 

[52]            Pénible, désagréable, fâcheux. (NdT)

 

[53]            "endeavour". (NdT)

 

[54]            "delight" : aussi enchantement, ravissement. Le texte latin utilise la Latin "voluptas" que l'on peut traduire par plaisir ou volupté. Le début du paragraphe suivant nous oblige à choisir ici volupté.  (NdT)

 

[55]            Peine, affliction, embarras ("trouble of mind").  (NdT)

 

[56]            "vital motion". (NdT)

 

[57]            Plaisantes, agréables, charmantes. (NdT)

 

            [58]               Une aide. (NdT)

 

[59]            Pénibles, désagréables, fâcheuses. (NdT)

 

[60]            "du bon" ou "du bien". (NdT)

 

[61]            Ici ce qui est produit en l'homme par les choses molesta (voir les notes précédentes). (NdT)

 

[62]            Il est loin d'être facile de traduire ici "offence".

 

[63]            "pleasures of sense". (NdT)

 

[64]            "Of this kind are all onerations and exonerations of the body". R. Anthony : "les onérations et les exonérations". (NdT)

 

[65]            Il faut entendre ici qu'on s'attend à l'événement (to expect). (NdT)

 

[66]            "pain" : douleur (R. Anthony), souffrance. (NdT)

 

[67]            "grief". (NdT)

 

[68]            "considerations". (NdT)

 

[69]            R. Anthony : "vraisemblance". (NdT)

 

[70]            Il est ici impossible d'ajouter en note, pour ce qui suit, tous les mots employés par Hobbes. On se reportera au texte anglais. (NdT)

 

[71]            "by injury". R. Anthony : "injustement". (NdT)

 

[72]            "If to man generally, good nature". R. Anthony : "bonté". (NdT)

 

[73]            R. Anthony : "cupidité". (NdT)

 

[74]            "in the worse sense". (NdT)

 

[75]            "pusillanimity". Il est impossible ici, comme le fait R. Anthony, de traduire par "pusillanimité". Si l'on considère l'origine latine, il faut traduire, ce qui correspond très bien au propos de Hobbes, par "petitesse d'esprit". Cicéron (correspondance) emploie par exemple l'expression "pusillus animus", esprit étroit, âme mesquine. Le latin "pusillus" signifie "tout petit", voire "minuscule". (NdT)

 

[76]            Le terme "wretchedness" est, dans ce contexte, difficile à traduire. Il ne s'agit pas simplement d'avarice, de ladrerie : le mot renvoie à un état de misère extrême, de condition minable (il peut aussi signifier que l'individu est infortuné, malheureux). R. Anthony a senti la difficulté en traduisant par "misère, pauvreté". (NdT)

 

[77]            Il ne faut pas prendre ici le terme péjorativement. Il s'agit du désir sexuel naturel, que Hobbes distingue d'ailleurs (voir la suite) de la luxure qui, elle, suppose la médiation de phantasmes répétés. R. Anthony : "convoitise naturelle".  (NdT)

 

[78]            "from rumination". (NdT)

 

[79]            "the passion of love". (NdT)

 

[80]            Voir la libido sciendi de saint Jean. Voir ausi Pascal et les jansénistes. R. Anthony : "soif de l'esprit". (NdT)

 

[81]            J'ai pris quelques libertés avec le texte afin que le sens soit clair. (NdT)

 

[82]            "tales" : contes, histoires, récits. (NdT)

 

[83]            "without the apprehension of why, or what". (NdT)

 

[84]            "admiration". On serait tenté de traduire différemment, mais Descartes lui-même, dans Les passions de l'âme, définit ainsi l'admiration : "L’admiration est une subite surprise de l’âme, qui fait qu’elle se porte à considérer avec attention les objets qui lui semblent rares et extraordinaires. Ainsi elle est causée premièrement par l’impression qu’on a dans le cerveau, qui représente l’objet comme rare et par conséquent digne d’être fort considéré."  (Seconde partie, Article 70. Voir aussi article 53). (NdT)

 

[85]            R. Anthony : "triomphe de l'esprit". (NdT)

 

[86]            "confidence" : confiance, assurance. (NdT)

 

[87]            "to suppose" : supposer, croire, imaginer. (NdT)

 

[88]            "begetteth attempt" : fait qu'on essaie, conduit à entreprendre, cette dernière traduction étant celle de R. Anthony. (NdT)

 

[89]            "the supposing of power". (NdT)

 

[90]            "dejection of mind" : découragement (R. Anthony), abattement de l'esprit. (NdT)

 

[91]            "gallant persons". R. Anthony : "héros". (NdT)

 

[92]            "sudden glory". Hobbes n'emploie pas le mot "glorification". R. Anthony : "glorification soudaine". (NdT)

 

[93]            "some deformed thing". R. Anthony : "défectuosité". (NdT)

 

[94]            Le choix de traduire "pusillanimity" (voir précédemment) par "petitesse d'esprit" est à cet endroit légitimé (surtout si l'on songe à la suite : les grandes âmes). (NdT)

 

[95]            Ou grands esprits (R. Anthony". "grandes âmes" ("great minds") est consacré par l'usage. (NdT)

 

[96]            "with the most able". (NdT)

 

[97]            "their unkindness". R. Anthony : "parce que leurs amis leur manquent d'amitié". (NdT)

 

[98]            "is shame". (NdT)

 

[99]            Expression intraduisible ("fellow-feeling"). "sympathie" est insuffisant. "Fellow" signifie "sem­blable", "compagnon", "camarade", et "feeeling", "sentiment" (voire passion). Un traducteur cou­ra­geux eût pu tenter "une compagnons-passion". R. Anthony reproduit simplement l'expression anglaise. (NdT)

 

[100]          Exactement "qui se croient les moins sujets à ..., les moins susceptibles de ..." ("least obnoxious to"). R. Anthony : "qui pensent être les moins sujets à un malheur semblable". (NdT)

 

[101]          Exactement "de la sécurité de notre propre sort" ("proceeding from security of their own fortune"). R. Anthony : "sécurité de notre propre fortune". (NdT)

 

[102]          "deliberation". (NdT)

 

[103]          "vain". (NdT)

 

[104]          Comparez "de-liber-ation" et "liber-ty". (NdT)

 

[105]          "immediately" : j'emploie ici le mot "prochain" comme Descartes le fait quand il parle par exemple des "causes prochaines" des passions de l'âme, c'est-à-dire au plus près, sans que quelque chose d'autre fasse une médiation. "immédiatement", "directement" sont des traductions tout à fait correctes. (NdT)

 

[106]          "the will; the act, not the faculty, of willing". Voir ce que nous avions dit de l'impossibilité d'une psychologie des facultés substantialisées chez Hobbes. (NdT)

 

[107]          "a rational appetite". (NdT)

 

[108]          "the intervenient appetites". (NdT)

 

[109]          L'idée de Hobbes, dans une perspective mécaniste, peut se comprendre. Si les causes de la volition pouvaient être multiples et "lointaines" dans la délibération, comme certaines inclinations nous ont fait tantôt désirer l'acte, tantôt le rejeter (ou en choisir un autre), et si elles pouvaient en quelque sorte s'additionner, les actes faits seraient en même temps voulus et non voulus. (NdT)

 

[110]          "The formis of speech". R. Anthony : "les formes de langage". (NdT)

 

[111]          "speech". (NdT)

 

[112]          La traduction devient évidemment problématique si l'on traduit "if" par "si". (NdT)

 

[113]          "certain signs". (NdT)

 

[114]          Lieu commun. Voir par exemple la 3ème partie du Discours de la méthode de Descartes. "which we otherwise know the man to have". G. Mairet n'a pas compris ce passage. Il traduit : "chez une personne dont on sait qu'elle est différente". (NdT)

 

[115]          "are raised". La traduction suppose ici un choix d'interprétation. Ou la prévision des conséquences fait naître (ou suscite) des appétits et des aversions (choix de R. Anthony, mais aussi de F. Tricaud), ou elle les renforce, les augmente. je choisis la deuxième interprétation, plus fidèle à Hobbes.

 

[116]          "apparent or seeming good". R. Anthony : "bien apparent ou semblant". (NdT)

 

[117]          "the greatest and surest prospect of consequences". R. Anthony traduit "prospect" par "prospection". (NdT)

 

[118]          La traduction littérale de "from time to time" (de temps en temps) modifierait le sens du passage.(NdT)

 

[119]          "continual prospering". (NdT)

 

[120]          "praise". R. Anthony : "louange". (NdT)

 

[121]          Il est difficile de produire ici un substantif français approprié. R. Anthony et F. Tricaud choisissent "exaltation". On eût pu être tenté par "glorification" ou par la création du mot "magnification". Le texte latin utilise le mot "magnificatio". (NdT)

 

[122]  En caractères grecs dans le texte. Mot intraduisible, comme le dit très exactement Hobbes. Le mot est utilisé par Platon au livre IX de La République (591d). Est "makarismos" (adjectif qualificatif) celui qu'on estime heureux, ou qui est digne d'être estimé heureux. Le mot renvoie de façon assez générale à l'idée que les hommes se font du bonheur. "makarious" signifie "heureux", "makaria" bon­heur", ces termes semblant s'être d'abord appliqués aux dieux (bienheureux) avant de s'appli­quer aux hommes. Hobbes a tort d'appliquer le mot à l'opinion (ou idée). C'est l'individu bienheureux qui est "makarismos". (NdT)