PHILOTRAHOBBES : LEVIATHAN – Traduction de Philippe Folliot avec notes.

Chapitre 7Chapitre 9 - Sommaire des chapitres traduits avec notes - Index Philotra

 

Chapitre 8 : Des vertus communément appelées intellectuelles et de leurs défauts contraires.

 

Généralement, la VERTU, pour toutes sortes de sujets, est quelque chose qui est estimé pour son éminence, et elle consiste en une comparaison; car si toutes les choses étaient au même niveau chez tous les hommes, rien n'aurait de prix. Et par vertus INTELLECTUELLES, on entend toujours des capacités de l'esprit que les hommes louent, qu'ils estiment, et qu'ils désireraient posséder, et on les désigne couramment par l'expression qualités de l'esprit [1], quoique le même mot, esprit, soit utilisé aussi pour distinguer une seule capacité particulière [2] des autres capacités.

 

Ces vertus sont de deux sortes, naturelles et acquises [3]. Par naturelles, je n'en­tends pas ce qu'un homme possède depuis sa naissance, car il n'y a rien d'autre que la sensation, où les hommes diffèrent si peu l'un de l'autre, et des bêtes brutes, qu'on ne la compte pas parmi les vertus, mais j'entends cet esprit qu'on acquiert seulement par l'usage, et l'expérience, sans méthode, sans culture, sans instruction [4]. Cet ESPRIT NATUREL consiste essentiellement en deux choses : la célérité de l'acte d'imaginer (c'est-à-dire que les pensées se succèdent les unes aux autres rapidement) et la cons­tance de la conduite vers quelque fin dont nous avons fait le choix [5]. Au contraire, une ima­gination lente constitue le défaut, l'imperfection de l'esprit qui est commu­nément nommée LOURDEUR, stupidité [6], et [on désigne] parfois [ce défaut] par d'autres dénomi­nations qui signifient lenteur de mouvement, ou difficulté à être mis en mouvement.

 

Cette différence de vivacité [7] est causée par des différences des passions des hom­mes, qui aiment ou n'aiment pas, certains une chose, d'autres une autre, et c'est pour­quoi certaines pensées des hommes suivent [tantôt] un chemin, [tantôt] un autre, et ils considèrent différemment les pensées qui leur traversent l'imagination. Et dans cette succession des pensées des hommes, il n'y a rien à noter dans les choses aux­quelles ils pensent, sinon en quoi elles sont semblables l'une à l'autre, ou dissem­blables, ou à quoi elles servent, ou de quelle façon elles servent tel dessein. Ceux qui notent ces similitudes qui sont plus rarement remarquées par les autres sont dits avoir des qualités d'esprit [8], ce qui veut dire, dans ce cas, [avoir] une bonne imagination [9]. Mais ceux qui notent les différences et les dissemblances, ce qu'on appelle distinguer, discerner et juger entre les choses, sont dits, dans les cas où cette distinction n'est pas facile [à faire], avoir un bon jugement, et dans le domaine des relations sociales [10] et des affaires, où les moments, les lieux et les personnes doivent être discernés, cette vertu est nommée DISCERNEMENT [11]. La première [de ces capacités], sans l'aide du jugement, n'est pas estimée être une vertu, mais la seconde, qui est le jugement et le discernement, est estimée pour elle-même [12], sans l'aide de l'imagination [13]. Outre le discernement des moments, des lieux et des personnes, nécessaire à une bonne imagi­nation, il faut aussi souvent diriger ses pensées vers leur fin, c'est-à-dire qu'il faut penser à l'usage qui peut en être fait. Si cela est fait, celui qui a cette vertu sera large­ment pourvu [14] de similitudes qui plairont, non seulement en tant qu'elles illustrent son discours, et qu'elles l'ornent de métaphores nouvelles et heureuses [15], mais aussi par la rareté de leur invention. Mais sans constance, sans diriger [ses pensées] vers quelque fin, une grande imagination est une sorte de folie [16], comme celle des per­sonnes qui, entreprenant un discours, sont détournées [17] de leur dessein par tout ce qui leur vient à l'esprit vers des digressions et des parenthèses si nombreuses et si longues qu'ils finissent par se perdre tout à fait. Je ne connais pas de dénomination particulière pour cette folie, mais sa cause est quelquefois un manque d'expérience, ce qui fait qu'une chose paraît nouvelle et rare à un homme, ce qui n'est pas le cas pour les autres, quelquefois la petitesse [d'esprit] [18], ce qui fait que ce que les autres estiment être une bagatelle lui semble important. Tout ce qui est nouveau ou grand, et donc tout ce qu'on estime pouvoir être dit, détourne par degrés du chemin qu'on avait projeté [de suivre] dans son discours.

 

Dans un bon poème, qu'il soit épique ou dramatique, mais aussi dans les sonnets, les épigrammes, etc., le jugement et l'imagination sont tous les deux nécessaires, car l'imagination doit prédominer, parce que ces poèmes plaisent par leur caractère débridé [19], mais ils ne doivent pas déplaire par manque de discernement.

 

Dans un bon écrit historique, le jugement doit être prédominant parce que la qualité repose sur un choix de méthode, sur la vérité, et sur le choix des actions qu'il est le plus utile de connaître. L'imagination n'a pas sa place, sinon pour orner le style.

 

Dans les éloges et dans les invectives, l'imagination prédomine, parce qu'on ne vise pas la vérité, mais l'honneur ou le déshonneur, ce qui se fait par des comparai­sons nobles ou basses. Le jugement ne fait que suggérer quelles circonstances rendent une action digne d'éloge ou coupable.

 

Dans les exhortations et les plaidoyers, selon que c'est la vérité ou le travestis­sement [20] [de la vérité] qui sert le mieux le but poursuivi, c'est soit le jugement, soit l'imagination qui est nécessaire.

 

Dans les démonstrations, pour les conseils et dans toute recherche rigoureuse de la vérité, tantôt le jugement fait tout, tantôt l'entendement a besoin de commencer [21] par quelque similitude appropriée, et alors on use autant de l'imagination. Mais les métaphores, dans ce cas, sont totalement exclues, car, vu qu'elles professent ouverte­ment la tromperie, les admettre dans un conseil ou un raisonnement serait une folie manifeste?

 

Et en n'importe quel discours, si le défaut de discernement est apparent, quelque débridée [22] que soit l'imagination, le discours entier sera considéré comme le signe d'un manque d'esprit, et il n'en sera jamais ainsi quand le discernement est manifeste, quelque ordinaire que soit jamais l'imagination.

 

Les pensées secrètes d'un homme parcourent toutes les choses saintes, sacrées, correctes, obscènes, graves et légères sans honte, sans blâme, ce que le discours ver­bal ne peut pas faire au-delà de l'approbation du jugement sur le moment, le lieu et les personnes. Un anatomiste ou un médecin peut porter un jugement oralement ou par écrit sur des choses incorrectes, car il ne le fait pas pour le plaisir, mais pour l'utilité, mais un homme qui décrirait par écrit [23] ses phantasmes débridés et voluptueux [24] sur le même sujet serait comme celui qui se serait jeté dans la fange [25] et qui viendrait se présenter devant la bonne compagnie. Et c'est le défaut de discernement qui fait la différence. En outre, dans les prétendus [moments de] relâchement de l'esprit [26], et avec ses intimes, on peut jouer sur les sons et les significations équivoques des mots, et cela souvent avec des saillies d'une fantaisie extraordinaire, mais, dans un sermon, ou en public, ou devant des personnes inconnues ou à qui nous devons le respect, il n'est pas de jeu de mots [27] qui ne passera pour folie. Et la différence est seulement dans le défaut de discernement. De sorte que là où l'esprit fait défaut, ce n'est pas l'ima­gination qui fait défaut, mais le discernement. Le jugement sans l'imagination est de l'esprit, mais l'imagination sans le jugement n'en est pas.

 

Quand les pensées d'un homme qui a un dessein en cours parcourent toute une multitude de choses, et qu'il observe comment elles contribuent à ce dessein, ou quel dessein elles peuvent favoriser, si ces observations ne sont pas faciles, ou courantes, cet esprit est nommé PRUDENCE, et dépend de la quantité de souvenirs de choses semblables et de leurs conséquences dont il a eu jusqu'ici l'expérience [28]. En quoi, il n'y a pas autant de différences entre les hommes qu'entre leurs imaginations et leurs jugements, parce que l'expérience d'hommes égaux en âge n'est pas aussi inégale en quantité, mais se construit [29] à partir d'occasions différentes, chacun ayant ses desseins personnels. Bien gouverner une famille, bien gouverner un royaume, ce ne sont pas des degrés différents de prudence, mais des tâches différentes, pas plus que peindre un objet en miniature et le peindre aussi grand ou plus grand qu'en réalité ne sont des degrés différents de l'art. Un simple agriculteur est plus prudent dans les affaires de sa propre maison qu'un Conseiller Privé ne l'est pour les affaires d'un autre.

 

A la prudence, si vous ajoutez l'utilisation de moyens injustes ou malhonnêtes, tels que ceux que les hommes sont habituellement incités [à utiliser] par crainte ou par besoin, vous avez cette sagesse perverse [30] qu'on appelle la RUSE [31], signe de peti­tes­se d'esprit. Car la magnanimité [32] est le mépris des aides injustes et malhon­nêtes. Et ce que les Latins nomment versutia (en Anglais, shirting [33]) est le fait de se débar­rasser d'un danger présent ou d'une gêne présente en s'engageant dans une gêne et un danger plus grands, comme quand un homme vole l'un pour payer l'autre, ce qui n'est qu'une ruse de courte vue, nommée versutia, de versura, qui signifie emprunter à usure pour payer l'intérêt immédiat [34].

 

Quant à l'esprit acquis (je veux dire par la méthode et l'instruction), ce n'est rien d'autre que la raison, et cet esprit est fondé sur l'usage droit de la parole [35], et il produit les sciences. Mais j'ai déjà parlé de la raison et de la science dans les chapitres cinq et six.

 

 Les causes de cette différence d'esprit [36] se trouvent dans les passions, et la diffé­rence des passions procède en partie de la différence de constitution des corps, en partie des différences d'éducation. Car si la différence procédait du tempérament [37] du cerveau et des organes de la sensation, soit extérieurs soit intérieurs, il n'y aurait pas moins de différence chez les hommes dans la vue, l'ouïe, et les autres sensations que dans leurs imaginations et leurs discernements [38]. Cette différence procède donc des passions, qui sont différentes non seulement par la différence des complexions humai­nes, mais aussi par la différence des coutumes et de l'éducation.

 

Les passions qui, de toutes, causent le plus de différences d'esprit sont essentiel­lement les désirs plus ou moins importants de pouvoir, de richesses, de savoir et d'hon­neur, ces passions pouvant être toutes ramenées à la première, le désir de pouvoir [39]. Car les richesses, le savoir et l'honneur ne sont que plusieurs sortes de pou­voir.

 

Par conséquent, un homme qui n'a de passion pour aucune de ces choses, mais qui est, comme on le dit, indifférent, quand bien même serait-il bon au point d'être inca­pable de causer du tort à quelqu'un [40], il n'est cependant pas possible qu'il ait, soit une forte imagination, soit beaucoup de jugement. Car les pensées sont aux désirs comme des éclaireurs et des espions qui reconnaissent le terrain et trouvent le chemin des choses désirées, toute la constance et la rapidité du mouvement de l'esprit venant de là. Car ne pas avoir de désir, c'est être mort. De même, n'avoir que des passions faibles, c'est de la lourdeur d'esprit [41]. Et avoir des passions indifféremment pour toute chose, c'est de la FRIVOLITÉ [42] et de la distraction [43], et avoir des passions plus fortes et plus impétueuses que ce que l'on voit ordinairement chez les autres [44], c'est ce que les hommes appellent FOLIE [45].

 

De celle-ci, il y a presque autant de genres que de passions elles-mêmes.. Quel­que­fois, la passion anormale et extravagante procède de la constitution malsaine des organes du corps, ou de quelque chose de nocif qui a agi sur lui, et quelquefois, une maladie ou une indisposition des organes est causée par l'impétuosité ou par la persistance d'une passion [46]. Mais dans les deux cas, le folie est d'une seule et même nature.

 

La passion dont la violence et la persistance causent la folie est, soit une vaine gloire considérable, qu'on nomme orgueil et vanité [47], soit un grand abattement de l'esprit.

 

L'orgueil rend l'homme sujet à la colère, dont l'excès est la folie appelée RAGE ou FUREUR [48]. De cette façon, il arrive qu'un excessif désir de vengeance, quand il devient habituel, lèse les organes, et devienne rage; qu'un amour excessif, par la jalousie, devienne aussi rage; et que l'excessive opinion qu'un homme a de lui-même en ce qui concerne l'inspiration divine, la sagesse, l'instruction, le physique, ainsi de suite, de­vien­ne distraction et frivolité. La même opinion excessive, jointe à l'envie, et l'opi­nion véhémente de la vérité de quelque chose, quand elle est contredite par autrui, deviennent rage.

 

L'abattement rend l'homme sujet aux craintes sans causes [49], qui est une folie qu'on appelle communément MÉLANCOLIE, qui se manifeste aussi de différentes ma­nières : comme fréquenter [50] les endroits solitaires et les tombeaux, avoir une conduite su­pers­titieuse, et craindre, l'un telle chose particulière, l'autre telle autre cho­se. En som­me, toutes les passions qui produisent un comportement étrange et inhabituel sont désignées par le terme général de folie. Mais pour les différentes sor­tes de folies, celui qui voudrait s'en donner la peine, pourrait en recenser [51] une légion. Et si l'excès est la folie, il n'y a aucun doute que les passions elles-mêmes, quand elles tendent au mal, en sont des degrés.

 

Par exemple, chez ceux qui sont en proie à l'idée qu'ils sont inspirés, l'effet de la folie ne se révèle pas toujours, quand il s'agit d'un seul individu, par quelque acte très extravagant résultant d'une telle passion, mais, quand ils sont nombreux à agir de concert, la rage de la multitude entière est assez manifeste. Car existe-t-il une preuve plus grande de folie  que de conspuer nos amis, les frapper et leur jeter des pierres. Pourtant, c'est là quelque chose de moindre que ce que fera une telle multitude. Car elle conspuera, se battra, et tuera [52] ceux par qui, toute sa vie durant, elle a été protégée et mise à l'abri des dommages. Et si c'est là folie de la part de la multitude, c'est la même chose pour tout homme particulier. Car, comme au milieu de la mer, quoiqu'un homme ne perçoive pas le son de cette partie de l'eau qui se trouve près de lui, il n'en est pas moins assuré que cette partie contribue autant au rugissement de la mer qu'une autre partie égale, de même, quoique nous ne percevions pas une agitation importante chez un ou deux hommes, nous pouvons bien pourtant être assurés que ces passions singulières sont des parties du rugissement séditieux d'une nation agitée [53]. Et s'il n'y avait rien d'autre qui trahisse leur folie, le fait même de s'arroger une telle inspiration constitue une preuve suffisante. Si un homme, à Bedlam [54], vous recevait avec des paroles sensées, et  que vous désiriez, en prenant congé, savoir qui il est, pour lui ren­dre la politesse une autre fois, et qu'il vous dise qu'il est Dieu le Père, je pense que vous n'auriez besoin d'attendre aucune action extravagante pour être certain qu'il est fou.

 

Cette idée d'inspiration, communément appelée esprit privé [55], trouve souvent son commencement dans la trouvaille heureuse d'une erreur généralement soutenue par autrui, et, ne sachant pas, ne se rappelant pas par quelle conduite de la raison ils en sont venus à une vérité si singulière - du moins, le croient-ils, alors que de nom­breu­ses fois, ils sont tombés sur une contrevérité - ils s'admirent alors eux-mêmes comme bénéficiant d'une grâce spéciale de Dieu Tout-puissant, qui leur a révélé cette vérité, par son Esprit, de façon surnaturelle [56].

 

D'ailleurs, que la folie ne soit rien d'autre que la manifestation excessive d'une passion [57] peut ressortir des effets du vin, qui sont les mêmes que ceux de l'agence­ment pathologique des organes. Car la diversité des comportements des hommes qui ont trop bu est la même que celle des fous. Certains sont furieux, d'autres affectueux, d'autres rient, tout cela de façon extravagante, mais en accord avec les différentes passions dominantes : car le vin n'a pas d'autre effet que de supprimer la dissimula­tion [chez les hommes], et de leur ôter la vue de la difformité de leurs passions. Je crois en effet que les hommes les plus sobres [58], quand ils se promènent seuls, l'esprit insouciant et libre [59], n'apprécieraient pas que la vanité et l'extravagance de leurs pensées soient publiquement vues, ce qui revient à avouer que les passions non guidées sont pour l'essentiel de la pure folie [60].

 

Les opinions du monde, aussi bien dans l'antiquité qu'à des époques plus récentes, sur la cause de la folie, sont au nombre de deux. Certains les font dériver des pas­sions, d'autres de démons ou d'esprits, bons ou mauvais, qui, pensaient-ils, pouvaient entrer en un homme, en prendre possession, et donner à ses organes un mouvement aussi étrange et désordonné que celui des fous. C'est pourquoi les premiers ont appelé ces hommes des fous, tandis que les deuxièmes les ont appelés tantôt démo­niaques (c'est-à-dire possédés par des esprits), tantôt énergumènes (c'est-à-dire agités ou mus par des esprits) [61], et aujourd'hui en Italie, on les nomme non seulement pazzi, fous, mais aussi spiritati, hommes possédés.

 

Il y eut jadis un grand rassemblement de personnes à Abdère, une cité grecque, pour la représentations de la tragédie d'Andromède, et c'était un jour où il faisait extrêmement chaud. La conséquence fut qu'un grand nombre de spectateurs, pris de fièvre, se trouva, à cause de l'action conjuguée de la chaleur et de la tragédie, ne plus pouvoir rien faire sinon déclamer des vers ïambiques qui comportaient les noms de Persée et d'Andromède, ce qui, avec la fièvre, se guérit à l'arrivée de l'hiver. On pensa que cette folie venait de la passion que la tragédie avait imprimée en eux. De la même façon, dans une autre cité grecque, il y eut un accès de folie qui s'empara des seules jeunes filles et qui fit qu'un bon nombre d'entre elles se pendit. La plupart pensèrent en ce temps-là que c'était une action du diable. Mais quelqu'un qui soupçonnait que ce mépris de la vie pouvait procéder en elles de quelque passion de l'esprit [62], et qui supposait qu'elles ne méprisaient pas de la même façon leur honneur, donna conseil aux magistrats de déshabiller celles qui s'étaient pendues, et de les laisser pendre dehors toutes nues. L'histoire dit que cette folie fut ainsi guérie.  Mais, d'un autre côté les mêmes Grecs attribuaient souvent la folie à l'opération des Euménides, ou Furies, et parfois à celle de Cérès, de Phébus, et d'autres dieux. Ils attribuaient tant [de cho­ses] aux fantômes [63] qu'ils croyaient que c'étaient des corps vivants aériens [64] et qu'ils les nommaient des esprits [65]. En cela, les Romains soutenaient les mêmes opinions que les Grecs. Les Juifs aussi, car ils appelaient les fous des prophètes ou, selon qu'ils pen­saient que les esprits étaient bons ou mauvais, des démoniaques; et certains appelaient les fous en même temps prophètes et démoniaques, tandis que d'autres appelaient le même homme démoniaque et fou. Mais pour les Gentils [66], il n'y a rien d'étonnant, puisque les maux et la santé, les vices et les vertus, et de nombreux accidents naturels étaient nommés démons et vénérés en tant que tels; de telle sorte que, par démon, il fallait entendre tantôt une fièvre tantôt un diable. Mais, en ce qui con­cerne les Juifs, une telle opinion est quelque chose d'étrange, car, ni Moïse, ni Abraham n'a prétendu prophétiser en étant possédé par un esprit, mais par la voix de Dieu, ou par une vision ou un rêve. De même, il n'y a rien dans sa loi, morale ou rituelle, qui enseignât qu'il y eût un tel enthousiasme [67] ou une telle possession. Quand Dieu est dit (Nombres, XI,25) avoir pris un peu de l'esprit qui était en Moïse et en avoir fait don aux soixante-dix anciens, l'esprit de Dieu, pris au sens de substance de Dieu, n'est pas divisé. Les Ecritures, par l'expression l'Esprit de Dieu en l'homme, veulent dire l'esprit d'un homme porté à la piété. Et quand il est dit Ceux que j'ai remplis de l'esprit de sagesse, pour faire des vêtements à Aaron [68] (Exode, XXVIII,3), il ne faut pas entendre un esprit mis en eux, qui sait faire des vêtements, mais la sages­se de leurs propres esprits dans ce genre de travail. Dans le même sens, l'esprit de l'homme, quand il fait des actions impures [69], est ordinairement appelé un esprit impur, et il en est ainsi d'autres esprits, quoique pas toujours, pourtant aussi souvent que la vertu ou le vice, désigné ainsi, est exceptionnel et atteint un niveau élevé [70]. Les autres prophètes de l'Ancien Testament n'ont pas eu une prétention à l'enthousiasme, n'ont pas prétendu que Dieu parlait en eux, mais que Dieu leur parlait par la voix, par la vision ou le rêve; et le fardeau du Seigneur [71] n'était pas possession, mais com­mandement. Comment, alors, les Juifs purent-ils tomber dans cette idée de posses­sion? Je ne puis imaginer aucune autre raison que celle qui est commune à tous les hommes, à savoir le manque de curiosité pour chercher les causes naturelles, et leur tendance à placer la félicité dans l'acquisition des plaisirs grossiers des sens, et des choses qui y conduisent le plus immédiatement [72]. Car ceux qui voient une capacité ou un défaut étrange et inhabituel dans l'esprit d'un homme, à moins qu'ils ne voient en même temps de quelle cause il peut probablement procéder, ne peuvent guère penser qu'il est naturel, et s'il n'est pas naturel, ils pensent nécessairement qu'il est surnaturel, et qu'est-ce alors, sinon que Dieu ou le Diable est en lui? C'est ainsi qu'il arriva, quand notre Sauveur était entouré par la multitude, que ses proches pensèrent qu'il était fou et sortirent pour s'en saisir, mais les Scribes dirent qu'il avait Belzébuth en lui, et que c'était par lui qu'il exorcisait [73] les démons, comme si le plus fou avait frap­pé de crainte [74] les moins fous (Marc, III, 21); et certains dirent (Jean, X, 20): Il a le diable en lui, et il est fou [75] (Jean, X, 20), tandis que d'autres, le tenant pour un prophète, dirent : Ce ne sont pas les paroles de quelqu'un qui est possédé [76]. Ainsi, dans l'Ancien Testament, celui qui vint oindre [77] Jéhu était un Prophète, mais quelqu'un de sa compagnie [78] demanda à Jéhu : Que venait faire ce fou ? [79] [80] (2. Rois, IX, 11) Si bien qu'en somme, il est manifeste que quiconque se conduisait d'une façon insolite [81] était considéré par les Juifs comme étant possédé soit par un bon, soit par un mauvais esprit; à l'excep­tion des Sadducéens qui s'égarèrent si loin de l'autre côté qu'ils ne croyaient pas du tout qu'il y eût des esprits, ce qui n'est pas loin de rejoindre l'athéisme, et par là, incitèrent davantage les autres à appeler de tels hommes démo­niaques [82] plutôt que fous.

 

Mais alors, pourquoi notre Sauveur, pour les guérir, procéda-t-il comme s'ils étaient possédés, et non comme s'ils étaient fous? A cela, je ne peux donner aucune autre sorte de réponse, sinon celle qui est donnée par ceux qui allèguent [83] l'Ecriture de la même manière contre l'idée du mouvement de la terre. L'Ecriture était écrite pour montrer aux hommes le royaume de Dieu, et pour préparer leurs esprits à devenir Ses sujets obéissants, laissant le monde et sa philosophie aux débats des hommes pour l'exercice de leur raison naturelle [84].  Que ce soit le mouvement de la terre ou du soleil qui produise le jour et la nuit, ou que les actions extravagantes des hommes procèdent de la passion ou du Diable, si nous ne lui vouons pas un culte, c'est tout un, comme pour notre obéissance et notre sujétion au Dieu Tout-puissant [85], qui sont la chose pour laquelle l'Ecriture a été rédigée. Quant au fait que notre Sauveur parle à la maladie comme à une personne, c'est là le mode d'expression habituel [86] de tous ceux qui gué­rissent simplement par les mots, comme le Christ le fit, et comme les gué­risseurs [87] prétendent le faire, qu'ils parlent ou non à un démon. Car n'est-il pas dit que le Christ a réprimandé les vents? (Mathieu, VIII, 26) N'est-il pas dit aussi qu'il réprimanda une fièvre?(Luc, IV, 39) [88] Cependant, cela ne démontre pas que la fièvre soit un démon. Alors qu'il est dit que beaucoup de ces démons reconnaissaient le Christ, il n'est pas nécessaire d'interpréter autrement ces  passages [qu'en disant] que ces fous le reconnaissaient [89]. Et alors que notre Sauveur parle d'un esprit impur qui, étant sorti d'un homme, erra dans des endroits arides, cherchant le repos, ne le trouvant pas, et retournant dans le même homme avec sept autres esprits pires que lui [90] (Mathieu, XII, 43), c'est manifestement une parabole qui fait allusion à un homme qui, après un petit effort pour se débarrasser de sa concupiscence [91], est vaincu par sa force, et devient sept fois pire qu'il n'était. De telle sorte que je ne vois rien dans l'Ecriture qui oblige à croire que les démoniaques étaient autre chose que des fous.

 

Il y a cependant une autre faute dans le discours de certains hommes qui peut être comptée parmi les sortes de folie, à savoir cet abus des mots dont j'ai précédemment parlé dans le cinquième chapitre sous le nom d'absurdité. Cela se produit quand on parle en employant des mots qui, mis ensemble, n'ont aucun sens et qui constituent le travers de certains qui comprennent mal les mots qu'ils ont acquis et qu'ils répètent par cœur [92], ou d'autres qui ont l'intention de tromper par l'obscurité. Ce travers n'affec­te que ceux qui parlent de questions portant sur des sujets incompréhensibles, comme les Scolastiques, ou de questions de philosophie abstruse [93]. Les gens du com­mun tiennent rarement des discours dépourvus de sens, et c'est pourquoi ces person­nes distinguées [94] les comptent parmi les idiots. Mais pour être assuré que ces mots [employés par ces personnes distinguées] n'ont rien qui leur corresponde dans l'esprit, il serait nécessaire de prendre quelques exemples. Si quelqu'un l'exige, qu'il s'empare d'un Scolastique et voie si ce dernier peut traduire un chapitre quelconque portant sur un point difficile, comme la Trinité, la Divinité, la nature du Christ, la transsubstan­tia­tion, le libre arbitre, etc., dans une des langues modernes, pour le ren­dre intelli­gible, ou dans un Latin acceptable, comme celui que connaissaient ceux qui vivaient quand la langue Latine était une langue vulgaire. Quel est le sens de ces mots :  La cause première n'influe pas nécessairement sur la cause seconde [95], en vertu de l'es­sentielle subordination des causes secondes, de façon à  aider son opération? C'est la traduction du titre du sixième chapitre du premier livre de Suarez, Du con­cours, de la Motion [96] et de l'Aide de Dieu. Quand des hommes écrivent des volumes entiers d'une telle étoffe [97], ne sont-ils pas fous, ou ne cherchent-ils pas à rendre les autres fous? En particulier, dans la question de la transsubstantiation, quand après avoir prononcé certains mots, ceux qui disent que la blancheur, la rondeur, la magnitude, la quali, la corruptibili, qui sont toutes incorporelles [98], sortent de l'hos­tie pour entrer dans le corps de notre Sauveur béni, ne font-ils pas de ces eurs, de ces tudes et de ces tés autant d'esprits [99] possédant son corps? Car, par esprits, ils entendent toujours des choses qui, étant incorporelles, peuvent cependant être mues d'un lieu à un autre. Si bien que ce genre d'absurdité peut à bon droit être compté parmi les nombreuses sortes de folie, et tous les moments où, guidés par les pensées claires de leur con­cupiscence mondaine [100], ils s'abstiennent de disputer ou d'écrire ainsi, ne sont que des intervalles de lucidité [101]. Et c'est assez pour les vertus et les défauts intellectuels.

 

 

 

Traduction Philippe Folliot
 

 

Version téléchargée en août 2003.

 

 

 



[1]              J'ai choisi cette traduction pour "a good wit" qu'il était impossible de traduire, comme le fait pourtant R. Anthony par "bon esprit" (voir le sens de l'expression en français). Le texte latin dit "Boni Ingenii" (bon esprit (ingenium), mais aussi esprit de bonne qualité, talents de bonne qualité, intelligence de bonne qualité. La suite du texte de Hobbes montre qu'il s'agit bien de qualités de l'esprit, de vertus intellectuelles. De plus, dans la suite de la phrase, Hobbes distingue ce "good wit" d'une "seule" (one) capacité de l'esprit, ce qui suggère bien la pluralité des capacités du "good wit". F. Tricaud traduit par "avoir de l'esprit". (NdT)

 

[2]              Il s'agit ici de la vivacité d'esprit.

 

[3]              "natural and acquired". (NdT)

 

[4]              "But I mean that wit which is gotten by use only, and experience, without method, culture, or instruction". (NdT)

 

[5]              "and steady direction to some approved end". R. Anthony : "direction ferme vers le but qu'on se propose". (NdT)

 

[6]              "dullness, stupidity". Idem chez R. Anthony. (NdT)

 

[7]              "quickness" : rapidité, (pour l'esprit) vivacité. (NdT)

 

[8]              Voir note sur la question dans le deuxième paragraphe. (NdT)

 

[9]              "fancy". (NdT)

 

[10]             La version latine donne "conversatione civili". (NdT)

 

[11]             "discretion". R. Anthony traduit par "discrétion". Le latin "discretio" renvoie à la faculté ou l'acte (et même le résultat) de séparer, de distinguer, de discerner, de saisir les différences. "discernement" est de très loin la meilleure traduction, qui, de plus, a le mérite de conserver le préfixe. (NdT)

 

[12]             R. Anthony : "tire sa valeur d'elle-même". (NdT)

 

[13]             Hobbes, dans cette phrase, emploie d'abord le mot "fancy" (imagination, fantaisie), et ensuite le mot "imagination" (imagination). (NdT)

 

[14]             "he that hath this virtue will be easily fitted with". (NdT)

 

[15]             Le "appropriées" de R. Anthony semble moins bon. (NdT)

 

[16]             "madness". (NdT)

 

[17]             Le verbe est peut-être faible, si l'on songe que le verbe "to snatch" suppose souvent un mouvement vif. "arrachées" semble excessif. R. Anthony : "entraînés loin du but qu'ils se proposent". (NdT)

 

[18]             "pusillanimity". R. Anthony : pusillanimité. (NdT)

 

[19]             "by the extravagancy". On eût pu à la limite peut-être traduire "par leur excès" ou "par leur extra­vagance". R. Anthony, traduisant par "par leur nouveauté" est très certainement influencé par le texte latin ("propter novitatem"). (NdT)

 

[20]             Traduire par "dissimulation" est peut-être plus  faible. L'imagination est plus indiquée pour traves­tir la vérité que pour la dissimuler simplement (le verbe étant pris dans son sens courant). Toutefois, l'étymologie du verbe "dissimuler" rend une telle traduction cohérente. (NdT)

 

[21]             "need to be opened". R. Anthony : "sottise". (NdT)

 

[22]             "extravagant"

 

[23]             Hobbes dit simplement "qui écrit". (NdT)

 

[24]             "his extravagant and pleasant fancies". "pleasant", ici, a le sens de : qui procure du plaisir, de la volupté. R. Anthony : "plaisant". (NdT)

 

[25]             "from being tumbled into the dirt". "to tumble into": peut signifier "tomber dans" ou "se jeter dans". La complaisance de celui qui phantasme fait songer au caractère malgré tout volontaire de l'acte d'imaginer, d'où le choix de "se jeter dans" ("se rouler dans" m'a tenté (choix de R. Anthony). Quant au mot "dirt", il renvoie à la saleté, à la boue, aux ordures, à la crotte, mais on emploie le mot (comme en français) pour désigner certaines paroles ou certains actes : dire des cochonneries, par exemple (to talk dirt). Je rappelle que la fange, quand elle n'est pas de façon figurée ce qui souille moralement, est une boue liquide. Le mot "souille" était aussi possible. Quels que soient les choix de traduction, l'image conserve ici la fonction que lui a assignée Hobbes.

 

[26]             "in professed remissness of mind". R. Anthony : "dans le laisser-aller voulu de l'esprit". (NdT)

 

[27]             "jingling" : répétition de sons, mais aussi tintement.

 

[28]             Plus exactement : "on much experience, and memory of the like things and their consequences heretofore" : "de la quantité d'expérience et de souvenirs des choses semblables et de leurs consé­quences jusqu'alors." R. Anthony : "dépend de beaucoup d'expérience et de mémoire de choses semblables et de leurs conséquences. (NdT)

 

[29]             "lies" : repose sur, se fonde sur. R. Anthony : "dépend". (NdT)

 

[30]             Exactement "tordue" (crooked), donc non droite. La version latine "Prudentia illa sinistra" ("cette prudence gauche") pourrait permettre la traduction "prudence perfide" (c'est l'un des sens en latin). R. Anthony : "prudence tortueuse". (NdT)

 

[31]             "craft" (habileté, adresse, ruse) en anglais, "astutia" (ruse) en latin. R. Anthony : "astuce". (NdT)

 

[32]             Pour la petitesse d'esprit et la magnanimité, voir le chapitre 6 du livre I. (NdT)

 

[33]             "versutia" et "shifting". Les deux mots renvoient à l'action de tourner, de changer de place ou d'objet (voir le latin "versura" et l'anglais "to shift"). La "versutia" est la ruse, la fourberie, la malice, la capacité de trouver des expédients. L'anglais "shifting" correspond à la débrouillardise française (le fait de savoir se retourner, changer de direction, d'objet, le fait de s'adapter). (NdT)

 

[34]             Hobbes plaisante très certainement (on envisage assez mal cet acte fou) ou alors, il faut entendre (et c'est le cas) qu'un nouvel emprunt est fait. "versura", précisément et de façon figurée, renvoie au transfert de créance et signifie qu'on emprunte à x pour rembourser y. "versura" était aussi employé de façon plus large pour désigner le fait d'emprunter (par exemple : Cicéron : In Verrem actio, 2, 186). (NdT)

 

[35]             R. Anthony : bon usage du langage. (NdT)

 

[36]             Le pluriel ("wits) aurait prété à confusion. (NdT)

 

[37]             R. Anthony et F. Tricaud évitent à tort le mot "tempérament" au profit de "constitution". En tant que le mot, au sens strict, renvoie non au domaine psychologique mais au corps (voir la théorie des humeurs), il est tout à fait adapté au passage. Il est possible qu'on ait là un tradition qui remonte au Baron d'Holbach qui traduisit, dans le Traité De La Nature Humaine de Hobbes, le mot "temper" par "constitution". (NdT)

 

[38]             Hobbes emploie le pluriel. (NdT)

 

[39]             "desire of power". (NdT)

 

[40]             "though he may be so far a good man as to be free from giving offence". (NdT)

 

[41]             "duldness" : épaissseur, loudeur, manque d'éclat, faiblesse. (NdT)

 

[42]             "giddiness" :  étourderie, vertige, frivolité. (NdT)

 

[43]             Au sens de "être détourné facilement d'un objet vers un autre". On peut considérer que les mots "giddiness" et "distraction" sont synonymes. (Ndt)

 

[44]             J'ai ignoré "for anything". (NdT)

 

[45]             "madness". (NdT)

 

[46]             En français, l'adjectif "long" (long continuance) peut être négligé. (NdT)

 

[47]             Le texte latin utilise le mot "superbia", orgueil, fierté, insolence, sentiment de sa hauteur, suffisance". (NdT)

 

[48]             "rage, and fury". (NdT)

 

[49]             Sans fondements. Hobbes écrit "causeless". (NdT)

 

[50]             "to haunt" : a aussi le sens de "hanter". (NdT)

 

[51]             "might enrol". (NdT)

 

[52]             "For they will clamour, fight against, and destroy". (NdT)

 

[53]             "parts of the seditious roaring of a troubled nation".  (NdT)

 

[54]             Il s'agit de Bethlehem Hospital, où l'on enfermait les fous. (NdT)

 

[55]             "private spirit". R. Anthony : "esprit particulier". (NdT)

 

[56]             "as being in the special grace of God Almighty". (NdT)

 

[57]             "is nothing else but too much appearing passion". (NdT)

 

[58]             "the most sober men". On notera le bizarre "les moins ivres" de F. Tricaud. (NdT)

 

[59]             "when they walk alone without care and employment of the mind". (NdT)

 

[60]             "mere madness". (NdT)

 

[61]             Latin "energumenos", qui subit  une "energia"(force, énergie), et plus précisément possédé du démon. Le grec "energoumenos" n'a pas un sens fondamentalement différent. Hobbes établit une liaison entre l'action du démon et le mouvement. Néanmoins, le verbe grec "energeo" ne signifie pas directement mouvoir, même si ses différents sens (agir, accomplir, réaliser, influencer, etc.) suggèrent, liée à l'idée d'action ou de production, l'idée d'un mouvement.

 

[62]             "But one that suspected that contempt of life in them might proceed from some passion of the mind". (NdT)

 

[63]             "phantasms". Le Latin "phantasmatibus" renvoie soit aux fantômes, spectres, soit aux phantasmes. Dans le fond, il n'y a pour notre auteur aucune distinction.  (NdT)

 

[64]             F. Tricaud choisit "éthérés", qui correspondrait davantage aux mots anglais "airy" et "ethereal". R. Anthony choisit la traduction "vaporeux". (NdT)

 

[65]             "spirits". (NdT)

 

[66]             Païens. (NdT)

 

[67]             Il faut relire l'essai "Of Superstition and Enthusiasm" de Hume pour comprendre quel sens un Anglais peut donner au mot enthousiasme. Il s'agit d'un zèle excessif, frénétique, fait de transports, d'extases, d'inspiration. La dévotion est alors une véritable démence fanatique. (NdT)

 

[68]             "Whom I have filled with the spirit of wisdom to make garments for Aaron". La King James version donne, pour le verset entier : "And thou shalt speak unto all [that are] wise hearted, whom I have filled with the spirit of wisdom, that they may make Aaron's garments to consecrate him, that he may minister unto me in the priest's office." On s'étonne de voir G. Mairet citer systématiquement la T.O.B., ne traduisant jamais les citations bibliques de Hobbes, et ne connaissant à l'évidence pas la Bible du roi Jacques, "King James version" (que Hobbes a sous les yeux quand il écrit), qu'il appelle d'ailleurs, en traduisant un autre chapitre, la Bible du roi Jean!!! (NdT)

 

[69]             "unclean actions". (NdT)

 

[70]             "is extraordinary and eminent". (NdT)

 

[71]             "the burden ("massa" en hébreu) of the Lord". L'expression n'apparaît, dans la King James version, qu'en Jérémie, au chapitre XXIII : "And when this people, or the prophet, or a priest, shall ask thee, saying, What [is] the burden of the LORD? thou shalt then say unto them, What burden? I will even forsake you, saith the LORD. And [as for] the prophet, and the priest, and the people, that shall say, The burden of the LORD, I will even punish that man and his house.  Thus shall ye say every one to his neighbour, and every one to his brother, What hath the LORD answered? and, What hath the LORD spoken? And the burden of the LORD shall ye mention no more: for every man's word shall be his burden; for ye have perverted the words of the living God, of the LORD of hosts our God. Thus shalt thou say to the prophet, What hath the LORD answered thee? and, What hath the LORD spoken? But since ye say, The burden of the LORD; therefore thus saith the LORD; Because ye say this word, The burden of the LORD, and I have sent unto you, saying, Ye shall not say, The burden of the LORD." La Vulgate utilise le mot "onus" (charge, fardeau), la Septante utilise le mot plus ambigu "lèmma", qui peut signifier charge, ce qu'on reçoit, mais aussi possession, inspiration. Ce terme grec est par exemple aussi utilisé dans la Septante en Nahum, I, 1 et en Habakuk, I, 1, et Darby, Segond, Crampon traduisent par "oracle". Toutes les bibles anglaises consultées donnent "burden", même la Darby anglaise. Luther dit "die Last", le fardeau. (NdT)

 

[72]             "and their placing felicity in the acquisition of the gross pleasures of the senses, and the things that most immediately conduce thereto". (NdT)

 

[73]             "cast out" : chasser hors (du corps et de l'esprit) : donc exorciser. (NdT)

 

[74]             "had awed". (NdT)

 

[75]             "He hath a devil, and is mad".Conforme à la King James version. La King James version donne, en Marc, III, au verset 21 "He is beside himself", et au verset 22 "He hath Beelzebub". (NdT)

 

[76]             Jean, X, 21 : "These are not the words of one that hath a devil". Conforme à la King James version. (NdT)

 

[77]             En lui versant l'huile sur la tête, le jeune prophète sacre Jéhu roi d'Israël. (NdT)

 

[78]             N'oublions que quand le jeune prophète vient chercher Jéhu pour le sacrer roi, Jéhu est entouré des chefs de l'armée. (NdT)

 

[79]             "exalté" dans certaines traductions de la Bible. (NdT)

 

[80]             "What came that madman for?" La King James version donne : "wherefore came this mad [fellow] to thee?" La Vulgate utilise le mot "insanus" (fou, aliéné, mais le mot peut renvoyer au délire prophétique), la Septante se sert du mot "epilèptos", épileptique. L'hébreu utilise le mot "shaga". (NdT)

 

[81]             Idem chez R. Anthony. (NdT)

 

[82]             A ma connaissance, si l'Ancien Testament parle de démons, il n'emploie jamais le mot "démoniaques". En revanche, le mot apparaît très souvent dans le Nouveau Testament. (NdT)

 

[83]             "urge". (NdT)

 

[84]             "leaving the world, and the philosophy thereof, to the disputation of men for the exercising of their natural reason". (NdT)

 

[85]             "as to our obedience and subjection to God Almighty". (NdT)

 

[86]             "the usual phrase". (NdT)

 

[87]             "enchanters" :  enchanteurs, ensorceleurs. (NdT)

 

[88]             "rebuked". C'est le verbe utilisé par la King James version. La vulgate utilise le verbe "imperare", ordonner, commander., la Septante se sert du verbe "epitimaô", qui signifie faire des reproches, mais aussi commander. Le verbe "menacer", choisi par G. Mairet, ne convient pas. (NdT)

 

[89]             "those devils are said to confess Christ". En effet, dans de nombreux passages du Nouveau Testament, les prétendus démons sont dits connaître Jésus. On pourra par exemple retenir Marc, I, 34, et Luc, 4, 41. (NdT)

 

[90]             Hobbes ne dit pas que l'esprit impur retrouve son ancien logis en ordre avant de faire appel aux autres esprits. (NdT)

 

[91]             Hobbes emploie ici un pluriel : "his lusts". (NdT)

 

[92]             "and repeat by rote". (NdT)

 

[93]             "that converse in questions of matters incomprehensible, as the Schoolmen; or in questions of abstruse philosophy". (NdT)

 

[94]             "egregious personnes" (étymologiquement, qui sortent du troupeau - voir le latin grex et egregius). (NdT)

 

[95]             La traduction littérale donne : "n'influe pas nécessairement quelque chose dans la cause seconde". (NdT)

 

[96]             Il s'agit de l'action de mouvoir, non du mouvement lui-même. (NdT)

 

[97]             "of such stoff". Au pluriel, le mot peut désigner des bêtises, des sottises. R. Anthony : "balivernes". (NdT)

 

[98]             Immatérielles. (NdT)

 

[99]             "spirits". (NdT)

 

[100]            "clear thoughts of their worldly lust". R. Anthony : "les claires pensées de leurs désirs terrestres". (NdT)

 

[101]    "but lucid intervals". (NdT)