David Hume
Essai sur la liberté
civile
in
Essays, Moral and Political
1 volume
Edinburgh, A. Kincaid
1741
Traduction de Philippe Folliot
Ceux [1] qui, tout en étant affranchis de la fureur et des préjugés de parti, emploient leur plume à des sujets politiques cultivent une science qui contribue plus que toute autre à l’utilité publique et même à la satisfaction privée de ceux qui s’adonnent à cette étude. Je suis cependant porté à nourrir un soupçon : le monde est encore trop jeune pour fixer de nombreuses vérités politiques générales qui demeureraient vraies jusqu’à la plus lointaine postérité. Nous avons à peine trois mille ans d’expérience, de sorte que non seulement l’art du raisonnement est encore imparfait dans cette science comme dans toutes les autres mais que, aussi, nous n’avons pas assez de matériaux sur lesquels nous puissions raisonner. On ne sait pas parfaitement de quel degré de raffinement, soit pour la vertu, soit pour le vice, la nature humaine est capable ni ce qu’on peut attendre pour l’humanité d’une grande révolution dans l’éducation, les coutumes ou les principes. Machiavel était certainement un grand génie mais, s’étant borné à l’étude des gouvernements furieux et tyranniques des temps anciens et aux petites principautés d’Italie souffrant de désordres, ses raisonnements, surtout sur le gouvernement monarchique, se révèlent plein de défauts. Il n’y a guère de maximes de son Prince qui n’aient pas été réfutées par l’expérience postérieure. Un prince faible, dit-il, ne peut pas recevoir de bons conseils car, s’il consulte plusieurs ministres, il ne sera pas capable de choisir entre les différents conseils et, s’il cède aux conseils d’un ministre, ce dernier sera peut-être capable mais il ne sera pas longtemps ministre. Il est sûr de déposséder son maître et de se placer, lui et sa famille, sur le trône. Je mentionne cette erreur de l’écrivain politique parmi d’autres et ces erreurs viennent du fait qu’il a vécu trop tôt dans l’histoire pour bien juger des vérités politiques. Tous les princes d’Europe sont à présent gouvernés par leurs ministres et cela depuis près de deux siècles et pourtant, un tel événement n’a jamais eu lieu et il ne peut pas avoir lieu. Séjan pouvait projeter de détrôner les Césars mais Fleury, tout vicieux qu’il était, ne pouvait – à moins de perdre la raison – nourrir le moindre espoir de déposséder les Bourbons.
On n’a jamais considéré le commerce comme une affaire d’Etat jusqu’au siècle dernier et il n’y a guère d’auteurs ou d’écrivains politiques de l’antiquité qui en fassent mention [2]. Même les Italiens ont gardé un profond silence sur lui bien qu’il retienne désormais l’attention des ministres d’Etat et des penseurs spéculatifs. L’opulence, la grandeur et les succès militaires des deux puissances maritimes [3] semblent dans un premier temps avoir instruit les hommes de l’importance d’un commerce étendu.
Ayant eu l’intention, dans cet essai, de faire une comparaison entière entre la liberté civile et le gouvernement absolu et de montrer les grands avantages de la première sur le deuxième [4], j’avais nourri le soupçon qu’aucun homme de cette époque ne soit assez qualifié pour une telle entreprise et que, quoi qu’on puisse avancer sur ce point, nos jugements soient selon toute probabilité réfutés par l’expérience future et rejetés par la postérité. Il s’est passé tant de révolutions dans les affaires humaines et les attentes des anciens ont été si contredites par de nombreux événements que nous avons assez de raisons de soupçonner qu’il y aura encore des changements dans l’avenir.
Les anciens ont remarqué que tous les arts et toutes les sciences naissaient dans les nations libres et que les Perses et les Egyptiens n’avaient fait que peu d’efforts pour goûter ces arts délicats que les Grecs portèrent à une grande perfection au milieu des guerres continuelles, de la pauvreté et de la plus grande simplicité de vie et de mœurs. On a aussi remarqué que, quand les Grecs perdirent leur liberté, quoique les conquêtes d’Alexandre eussent grandement augmenté les richesses, les arts, à partir de ce moment, déclinèrent pourtant chez eux et ne relevèrent jamais la tête sous ce climat. Le savoir se transplanta à Rome, la seule nation libre à cette époque et, ayant rencontré un terrain si favorable, il fit de prodigieuses pousses pendant plus d’un siècle jusqu’à ce que le déclin de la liberté produisit aussi le déclin des Lettres et répandit sur le monde une totale barbarie. A partir de ces deux expériences – dont chacune fut double en son genre – qui montrèrent que le savoir décline sous les gouvernements absolus et qu’il prospère sous les gouvernements populaires, Longin se crut autorisé à affirmer que les arts et les sciences ne peuvent jamais fleurir que dans un gouvernement libre. Il a été suivi dans cette opinion par plusieurs écrivains éminents de notre propre pays [5] qui soit ont limité leurs vues aux faits de l’antiquité, soit ont nourri une trop grande partialité en faveur de la forme de gouvernement établie chez nous.
Mais qu’auraient dit ces auteurs des exemples de la Rome moderne et de Florence ? La première porta à la perfection tous les arts raffinés de la sculpture, de la peinture, de la musique et de la poésie alors qu’elle gémissait sous la tyrannie et [même] sous la tyrannie des prêtres tandis que la deuxième fit l’essentiel de ses progrès dans les arts et les sciences quand elle commença à perdre sa liberté à cause de l’usurpation de la famille de Médicis. L’Arioste, le Tasse, Galilée, pas plus que Raphaël et Michel-Ange ne sont nés dans des républiques. Et quoique l’école lombarde fût aussi fameuse que l’école romaine, les Vénitiens ont cependant eu la plus petite part des honneurs et semblent plutôt inférieurs aux autres Italiens pour leur génie dans les arts et les sciences. Rubens établit son école à Hambourg, pas à Amsterdam. C’est Dresde et non Hambourg le foyer de la politesse en Allemagne.
Mais le cas le plus remarquable d’épanouissement du savoir dans les gouvernements absolus est celui de la France où l’on ne jouit guère d’une liberté établie et qui a cependant porté les arts et les sciences à un degré de perfection égal à celui de toute autre nation. Les Anglais sont peut-être de plus grands philosophes [6], les Italiens de meilleurs peintres et de meilleurs musiciens, les Romains furent de meilleurs orateurs mais les Français sont les seuls, à l’exception des Grecs, à avoir été en même temps philosophes, poètes, orateurs, historiens, peintres, architectes, sculpteurs et musiciens. Pour le théâtre, ils ont même surpassé les Grecs [qui eux-mêmes surpassaient largement les Anglais] [7]. Et, dans la vie de tous les jours, ils ont, dans une large mesure, porté à la perfection le plus utile et le plus agréable des arts, l’Art de vivre [8], l’art de la société et de la conversation.
Si
nous considérons l’état des sciences et des arts polis dans notre propre pays,
l’observation d’Horace à l’égard des Romains peut dans une grande mesure s’appliquer
aux Anglais.
—Sed
in longum tamen ævum
Manserunt, hodieque manent vestigia ruris. [9]
L’élégance et la propriété du style ont été très négligées chez nous. Nous n’avons pas de dictionnaire de notre langue et n’avons guère de grammaire acceptable. La première prose polie fut écrite par un homme qui est encore vivant. [10] Quant à Sprat, Locke et même Temple, ils connaissaient trop peu les règles de l’art pour qu’on les considère comme des écrivains élégants. La prose de Bacon, Harrington et Milton est tout à fait rigide et pédante, même si le fond est excellent. Dans ce pays, les hommes ont été si occupés par les grandes disputes religieuses, politiques et philosophiques qu’ils n’ont eu aucun goût pour les observations apparemment futiles de la grammaire et de la critique. Et, quoique ce tour d’esprit ait considérablement amélioré nos aptitudes au jugement et au raisonnement, il faut avouer que, même dans les sciences ci-dessus mentionnées, nous n’avons aucun livre de référence que nous puissions transmettre à la postérité. Tout au plus pouvons-nous nous vanter de quelques essais visant une philosophie plus juste qui, il est vrai, sont assez prometteurs mais qui n’ont pas encore atteint la perfection.
C’est une opinion établie que le commerce ne peut jamais fleurir que dans un gouvernement libre et cette opinion semble se fonder sur une expérience plus large et plus longue que celle qui concerne les arts et les sciences. Si nous suivons les progrès du commerce depuis Tyr, Athènes, Syracuse, Carthage, Venise, Florence, Gênes, Anvers jusqu’en Hollande et en Angleterre, nous trouverons toujours qu’il a fixé son siège dans les gouvernements libres. Aujourd’hui, les trois plus grandes villes commerciales d’Europe sont Londres, Amsterdam et Hambourg, toutes des villes libres et protestantes, c’est-à-dire qui jouissent d’une double liberté. Il faut cependant remarquer que la grande jalousie nourrie récemment contre le commerce français semble prouver que cette maxime n’est pas plus certaine ni infaillible que la précédente et que les sujets d’un prince absolu peuvent devenir nos rivaux aussi bien pour le commerce que pour le savoir.
Si j’osais donner mon opinion dans une affaire d’une si grande incertitude, j’affirmerais – même si la raison que je donne est quelque peu différente de celle qu’on donne habituellement – que, malgré les efforts des Français, il y a quelque chose de nuisible au commerce qui est inhérent à la nature même du gouvernement absolu et qui en est inséparable. La propriété privée me semble presque aussi sûre dans une monarchie civilisée d’Europe que dans une république et, dans un tel gouvernement, nous n’avons pas plus à craindre la violence du souverain que nous ne craignons les dommages de la foudre, d’un tremblement de terre ou de l’accident le plus inhabituel et le plus extraordinaire. L’avarice, l’aiguillon de l’activité humaine, est une passion si tenace et elle poursuit son chemin à travers tant de difficultés et de dangers réels qu’il est peu probable qu’elle s’effraie d’un danger imaginaire, de si petite importance et qu’on ne peut guère prévoir. Par conséquent, le commerce, selon moi, est susceptible de décliner dans les gouvernements absolus non parce qu’il est moins sûr mais parce qu’il est moins honorable. La subordination des rangs est absolument nécessaire au maintien de la monarchie. La naissance, les titres et les états doivent être plus honorés que le travail et la richesse et, tant que ces idées seront dominantes, tous les grands commerçants seront tentés d’abandonner leur commerce pour rechercher certains emplois auxquels s’attachent des privilèges et des honneurs.
Puisque je suis sur cette question des changements que le temps a produits ou peut produire en politique, je dois observer que tous les genres de gouvernements, libres et absolus, semblent s’être grandement améliorés en ce qui concerne la gestion des affaires intérieures et étrangères. La balance du pouvoir est un secret politique qui n’est entièrement connu qu’à notre époque et je dois ajouter que la police intérieure des Etats s’est aussi grandement améliorée au siècle dernier. Nous savons par Salluste que l’armée de Catalina vit ses rangs grossir quand on enrôla les bandits de grand chemin des environs de Rome mais je crois que, avec tous ceux qui exercent cette profession à présent en Europe, il n’y aurait pas de quoi constituer un régiment. Dans le plaidoyer de Cicéron pour défendre Milon, je trouve l’argument suivant pour prouver que son client n’a pas assassiné Clodius. Si Milon, dit-il, avait eu l’intention de tuer Clodius, il ne l’aurait pas attaqué en plein jour et à une telle distance de la ville, il l’aurait agressé de nuit près des faubourgs et on aurait prétendu qu’il avait été tué par des voleurs, la fréquence de la chose favorisant la supercherie. C’est une preuve surprenante du relâchement de la police à Rome et du nombre et de la force de ces voleurs, et Clodius [11], à cette époque, était accompagné par trente esclaves complètement armés et suffisamment accoutumés au sang et au danger par les tumultes provoqués par ce séditieux tribun. [12]
Mais, quoique toutes les sortes de gouvernement se soient améliorées à l’époque moderne, c’est pourtant le gouvernement monarchique qui semble s’être le plus avancé vers la perfection. On peut désormais affirmer des monarchies civilisées ce qu’on disait avant, pour les louer, des seules républiques, qu’elles sont un gouvernement par les lois, non un gouvernement par les hommes. On les trouve susceptibles d’ordre, de méthode et de constance à un degré étonnant. La propriété y est protégée, le travail encouragé, les arts florissants et le prince vit en sécurité parmi ses sujets comme un père parmi ses enfants. Pendant deux siècles, il y a eu près de deux cents princes absolus, petits et grands, en Europe et, en accordant vingt ans à chaque règne, nous pouvons supposer qu’il y a eu en tout deux mille monarques ou tyrans, comme disaient les Grecs. [Pourtant, aucun d’eux, même Philippe II d’Espagne, n’a été aussi méchant que Tibère, Caligula, Néron ou Domitien, quatre des douze empereurs romains.] [13] Il faut cependant avouer que, quoique les gouvernements monarchiques se soient rapprochés des gouvernements populaires pour ce qui est de la douceur et de la stabilité, ils sont encore inférieurs. Notre éducation et nos coutumes modernes instillent plus d’humanité et de modération que les anciennes mais elles n’ont pas encore été capables de surmonter entièrement les désavantages de cette forme de gouvernement.
Mais je dois ici demander l’autorisation d’avancer une hypothèse qui semble probable et dont la postérité seule pourra juger entièrement. Je suis enclin à penser que, dans les gouvernements monarchiques, il y a une source d’amélioration et dans les gouvernements populaires une source de dégénérescence qui, avec le temps, mettront ces deux espèces de polities civiles presque à égalité. Les plus grands abus qui naissent en France, le plus parfait modèle de monarchie pure, proviennent non du nombre ou du poids des impôts – supérieurs à ce qu’on peut rencontrer dans les pays libres – mais de la méthode coûteuse, inégale, arbitraire et compliquée de les lever qui décourage beaucoup les efforts des pauvres, surtout des paysans et des fermiers et qui fait de l’agriculture un métier de mendiant et d’esclave. Mais à qui profitent ces abus ? Si c’était à la noblesse, on pourrait les estimer inhérents à cette forme de gouvernement puisque la noblesse est le vrai soutien de la monarchie et qu’il est naturel que, dans une telle constitution, son intérêt soit davantage pris en compte que celui du peuple. Mais la noblesse est en réalité le principal perdant de cette oppression qui ruine ses domaines et appauvrit ses fermiers. Les seuls gagnants de cette oppression sont les Financiers [14], une race d’hommes odieux à la noblesse et à l’ensemble du royaume. Si donc apparaissait un prince ou un ministre doué d’un discernement suffisant pour connaître son propre intérêt et celui du peuple, avec assez de force d’âme pour briser les anciennes coutumes, nous pourrions espérer voir un remède à ces abus, auquel cas la différence entre ce gouvernement absolu et notre gouvernement libre ne semblerait pas si considérable qu’à présent.
La source de dégénérescence qui peut être remarquée dans les gouvernements libres consiste en la pratique de contracter des dettes et d’hypothéquer les revenus publics car, avec le temps, cette pratique peut devenir tout à fait intolérable et faire que la propriété de l’Etat tombe dans les mains du public. Cette pratique est récente. Les Athéniens, nous dit Xénophon [15], quoique gouvernés par une République, payaient près de deux cents pour cent pour ces sommes que l’urgence les forçait à emprunter . Chez les modernes, les Hollandais furent les premiers à introduire la pratique de l’emprunt à bas intérêt et ils se sont presque ruinés par cette pratique. Les princes absolus ont aussi contracté des dettes mais, comme un prince absolu peut faire banqueroute quand il veut, son peuple ne saurait jamais être opprimé par ses dettes. Dans les gouvernements populaires, les citoyens, surtout ceux qui ont les fonctions les plus hautes, étant communément les créanciers publics, il est difficile pour l’Etat d’utiliser ce remède qui, quoiqu’il soit parfois nécessaire, est toujours cruel et barbare. Cela semble donc être un inconvénient qui menace presque tous les gouvernements libres, spécialement le nôtre dans la conjoncture actuelle des affaires. Quel puissant motif est-ce d’être plus frugal en matière d’argent public, de peur que, sinon, nous ne soyons réduits par la multiplicité des taxes ou, ce qui est pire, par notre impuissance publique et par notre incapacité à nous défendre, à maudire notre liberté elle-même et à souhaiter être dans le même état de servitude que toutes les nations qui nous entourent.
OF CIVIL LIBERTY
Those who employ their pens on political subjects, free from party-rage,
and party-prejudices, cultivate a science, which, of all others, contributes
most to public utility, and even to the private satisfaction of those who
addict themselves to the study of it. I am apt, however, to entertain a
suspicion, that the world is still too young to fix many general truths in
politics, which will remain true to the latest posterity. We have not as yet
had experience of three thousand years; so that not only the art of reasoning
is still imperfect in this science, as in all others, but we even want
sufficient materials upon which we can reason. It is not fully known, what
degree of refinement, either in virtue or vice, human nature is susceptible of;
nor what may be expected of mankind from any great revolution in their
education, customs, or principles. Machiavel was certainly a great genius; but
having confined his study to the furious and tyrannical governments of ancient
times, or to the little disorderly principalities of Italy, his reasonings
especially upon monarchical government, have been found extremely defective;
and there scarcely is any maxim in his Prince, which subsequent
experience has not entirely refuted. A weak prince, says he, is incapable
of receiving good counsel; for if he consult with several, he will not be able
to choose among their different counsels. If he abandon himself to one, that
minister may, perhaps, have capacity; but he will not long be a minister: He
will be sure to dispossess his master, and place himself and his family upon
the throne. I mention this, among many instances of the errors of that
politician, proceeding, in a great measure, from his having lived in too early
an age of the world, to be a good judge of political truth. Almost all the
princes of Europe are at present governed by their ministers; and have been so
for near two centuries; and yet no such event has ever happened, or can
possibly happen. Sejanus might project dethroning the Cæsars; but Fleury,
though ever so vicious, could not, while in his senses, entertain the least
hopes of dispossessing the Bourbons.
Trade was never esteemed an affair of state till the last century; and
there scarcely is any ancient writer on politics, who has made mention of it.
Even the Italians have kept a profound silence with regard to it, though it has
now engaged the chief attention, as well of ministers of state, as of
speculative reasoners. The great opulence, grandeur, and military achievements
of the two maritime powers seem first to have instructed mankind in the
importance of an extensive commerce.
Having, therefore, intended in this essay to make a full comparison of
civil liberty and absolute government, and to show the great advantages of the
former above the latter; I began to entertain a suspicion, that no man in this
age was sufficiently qualified for such an undertaking; and that whatever any
one should advance on that head would, in all probability, be refuted by
further experience, and be rejected by posterity. Such mighty revolutions have
happened in human affairs, and so many events have arisen contrary to the
expectation of the ancients, that they are sufficient to beget the suspicion of
still further changes.
It had been observed by the ancients, that all the arts and sciences
arose among free nations; and, that the Persians and Egyptians, notwithstanding
their ease, opulence, and luxury, made but faint efforts towards a relish in
those finer pleasures, which were carried to such perfection by the Greeks,
amidst continual wars, attended with poverty, and the greatest simplicity of
life and manners. It had also been observed, that, when the Greeks lost their
liberty, though they increased mightily in riches, by means of the conquests of
Alexander; yet the arts, from that moment, declined among them, and have never
since been able to raise their head in that climate. Learning was transplanted
to Rome, the only free nation at that time in the universe; and having met with
so favourable a soil, it made prodigious shoots for above a century; till the
decay of liberty produced also the decay of letters, and spread a total
barbarism over the world. From these two experiments, of which each was double
in its kind, and shewed the fall of learning in absolute governments, as well
as its rise in popular ones, Longinus thought himself sufficiently justified,
in asserting, that the arts and sciences could never flourish, but in a free
government: And in this opinion, he has been followed by several eminent
writers in our own country, who either confined their view merely to ancient
facts, or entertained too great a partiality in favour of that form of
government, established amongst us.
But what would these writers have said, to the instances of modern Rome
and of Florence? Of which the former carried to perfection all the finer arts
of sculpture, painting, and music, as well as poetry, though it groaned under
tyranny, and under the tyranny of priests: while the latter made its chief
progress in the arts and sciences, after it began to lose its liberty by the
usurpation of the family of Medici. Ariosto, Tasso, Galileo, more than Raphael,
and Michael Angelo, were not born in republics. And though the Lombard school
was famous as well as the Roman, yet the Venetians have had the smallest share
in its honours, and seem rather inferior to the other Italians, in their genius
for the arts and sciences. Rubens established his school at Antwerp, not at
Amsterdam. Dresden, not Hamburgh, is the centre of politeness in Germany.
But the most eminent instance of the flourishing of learning in absolute
governments, is that of France, which scarcely ever enjoyed any established
liberty, and yet has carried the arts and sciences as near perfection as any
other nation. The English are, perhaps, greater philosophers; the Italians
better painters and musicians; the Romans were greater orators: But the French
are the only people, except the Greeks, who have been at once philosophers,
poets, orators, historians, painters, architects, sculptors, and musicians.
With regard to the stage, they have excelled even the Greeks, who far excelled
the English. And, in common life, they have, in a great measure, perfected that
art, the most useful and agreeable of any, l'Art de Vivre [16], the art of society and conversation.
If we consider the
state of the sciences and polite arts in our own country, Horace’s observation,
with regard to the Romans, may, in a great measure, be applied to the British.
—Sed in longum tamen ævum
Manserunt, hodieque manent vestigia ruris. [17]
The elegance and propriety of style have been very much neglected among
us. We have no dictionary of our language, and scarcely a tolerable grammar.
The first polite prose we have, was writ by a man who is still alive. As to
Sprat, Locke and, even Temple, they knew too little of the rules of art to be
esteemed elegant writers. The prose of Bacon, Harrington, and Milton, is
altogether stiff and pedantic; though their sense be excellent. Men, in this
country, have been so much occupied in the great disputes of Religion,
Politics, and Philosophy, that they had no relish for the seemingly
minute observations of grammar and criticism. And though this turn of thinking
must have considerably improved our sense and our talent of reasoning; it must
be confessed, that, even in those sciences above-mentioned, we have not any
standard-book, which we can transmit to posterity: And the utmost we have to
boast of, are a few essays towards a more just philosophy; which, indeed,
promise well, but have not, as yet, reached any degree of perfection.
It has become an established opinion, that commerce can never flourish
but in a free government; and this opinion seems to be founded on a longer and larger
experience than the foregoing, with regard to the arts and sciences. If we
trace commerce in its progress through Tyre, Athens, Syracuse, Carthage,
Venice, Florence, Genoa, Antwerp, Holland, England, &c. we shall always
find it to have fixed its seat in free governments. The three greatest trading
towns now in Europe, are London, Amsterdam, and Hamburgh; all free cities, and
protestant cities; that is, enjoying a double liberty. It must, however, be
observed, that the great jealousy entertained of late, with regard to the
commerce of France, seems to prove, that this maxim is no more certain and
infallible than the foregoing, and that the subjects of an absolute prince may
become our rivals in commerce, as well as in learning.
Durst I deliver my opinion in an affair of so much uncertainty, I would
assert, that, notwithstanding the efforts of the French, there is something
hurtful to commerce inherent in the very nature of absolute government, and
inseparable from it: Though the reason I should assign for this opinion, is
somewhat different from that which is commonly insisted on. Private property
seems to me almost as secure in a civilized European monarchy, as in a
republic; nor is danger much apprehended in such a government, from the
violence of the sovereign; more than we commonly dread harm from thunder, or
earthquakes, or any accident the most unusual and extraordinary. Avarice, the
spur of industry, is so obstinate a passion, and works its way through so many
real dangers and difficulties, that it is not likely to be scared by an
imaginary danger, which is so small, that it scarcely admits of calculation.
Commerce, therefore, in my opinion, is apt to decay in absolute governments,
not because it is there less secure, but because it is less honourable.
A subordination of ranks is absolutely necessary to the support of monarchy.
Birth, titles, and place, must be honoured above industry and riches. And while
these notions prevail, all the considerable traders will be tempted to throw up
their commerce, in order to purchase some of those employments, to which
privileges and honours are annexed.
Since I am upon this head, of the alterations which time has produced,
or may produce in politics, I must observe, that all kinds of government, free
and absolute, seem to have undergone, in modern times, a great change for the
better, with regard both to foreign and domestic management. The balance of
power is a secret in politics, fully known only to the present age; and I
must add, that the internal Police of states has also received great
improvements within the last century. We are informed by Sallust, that
Catiline’s army was much augmented by the accession of the highwaymen about
Rome; though I believe, that all of that profession, who are at present dispersed
over Europe, would not amount to a regiment. In Cicero’s pleadings for Milo, I
find this argument, among others, made use of to prove, that his client had not
assassinated Clodius. Had Milo, said he, intended to have killed Clodius, he
had not attacked him in the daytime, and at such a distance from the city: He
had waylaid him at night, near the suburbs, where it might have been pretended,
that he was killed by robbers; and the frequency of the accident would have
favoured the deceit. This is a surprizing proof of the loose police of Rome,
and of the number and force of these robbers; since Clodius was at that time
attended by thirty slaves, who were completely armed, and sufficiently
accustomed to blood and danger in the frequent tumults excited by that
seditious tribune.
But though all kinds of government be improved in modern times, yet
monarchical government seems to have made the greatest advances towards
perfection. It may now be affirmed of civilized monarchies, what was formerly
said in praise of republics alone, that they are a government of Laws, not
of Men. They are found susceptible of order, method, and constancy, to a
surprizing degree. Property is there secure; industry encouraged; the arts
flourish; and the prince lives secure among his subjects, like a father among
his children. There are perhaps, and have been for two centuries, near two
hundred absolute princes, great and small, in Europe; and allowing twenty years
to each reign, we may suppose, that there have been in the whole two thousand
monarchs or tyrants, as the Greeks would have called them: Yet of these there
has not been one, not even Phihip II. of Spain, so bad as Tiberius, Caligula,
Nero, or Domitian, who were four in twelve amongst the Roman emperors. It must,
however, be confessed, that, though monarchical governments have approached
nearer to popular ones, in gentleness and stability; they are still inferior.
Our modern education and customs instil more humanity and moderation than the
ancient; but have not as yet been able to overcome entirely the disadvantages
of that form of government.
But here I must beg leave to advance a conjecture, which seems probable,
but which posterity alone can fully judge of. I am apt to think, that, in
monarchical governments there is a source of improvement, and in popular
governments a source of degeneracy, which in time will bring these species of
civil polity still nearer an equality. The greatest abuses, which arise in
France, the most perfect model of pure monarchy, proceed not from the number or
weight of the taxes, beyond what are to be met with in free countries; but from
the expensive, unequal, arbitrary, and intricate method of levying them, by
which the industry of the poor, especially of the peasants and farmers, is, in
a great measure, discouraged, and agriculture rendered a beggarly and slavish
employment. But to whose advantage do these abuses tend? If to that of the
nobility, they might be esteemed inherent in that form of government; since the
nobility are the true supports of monarchy; and it is natural their interest
should be more consulted, in such a constitution, than that of the people. But
the nobility are, in reality, the chief losers by this oppression; since it
ruins their estates, and beggars their tenants. The only gainers by it are the Financiers,
a race of men rather odious to the nobility and the whole kingdom. If a prince
or minister, therefore, should arise, endowed with sufficient discernment to
know his own and the public interest, and with sufficient force of mind to
break through ancient customs, we might expect to see these abuses remedied; in
which case, the difference between that absolute government and our free one,
would not appear so considerable as at present.
The source of degeneracy, which may be remarked in free governments,
consists in the practice of contracting debt, and mortgaging the public
revenues, by which taxes may, in time, become altogether intolerable, and all
the property of the state be brought into the hands of the public. This practice
is of modern date. The Athenians, though governed by a republic, paid near two
hundred per Cent. for those sums of money, which any emergence made it
necessary for them to borrow; as we learn from Xenophon. Among the moderns, the
Dutch first introduced the practice of borrowing great sums at low interest,
and have well nigh ruined themselves by it. Absolute princes have also
contracted debt; but as an absolute prince may make a bankruptcy when he
pleases, his people can never be oppressed by his debts. In popular
governments, the people, and chiefly those who have the highest offices, being
commonly the public creditors, it is difficult for the state to make use of
this remedy, which, however it may sometimes be necessary, is always cruel and
barbarous. This, therefore seems to be an inconvenience, which nearly threatens
all free governments; especially our own, at the present juncture of affairs.
And what a strong motive is this, to encrease our frugality of public money;
lest for want of it, we be reduced, by the multiplicity of taxes, or what is
worse, by our public impotence and inability for defence, to curse our very
liberty, and wish ourselves in the same state of servitude with all the nations
that surround us?
[1] Jusqu’à 1748, le titre de cet essai était : De la liberté et du despotisme.
[2] Xénophon en parle mais il doute que ce soit un avantage pour un Etat. Xen. Hiero, 9.9. Platon l’exclut totalement de sa république imaginaire. De legibus, lib.iv.
[3] Il s’agit de l’Angleterre et de la Hollande. (NdT)
[4] Les avantages et les désavantages de chacun (éditions 1741 à 1748) (NdT)
[5] Mr
Addison et Lord Shaftesbury.
[6] Ceci parut en 1742. (Note ajoutée en 1768).
[7] Ce qui est entre crochets a été ajouté en 1753. (NdT)
[8] En français dans le texte. (NdT)
[9] Mais les traces de notre
rusticité se conservèrent longtemps, et ne sont pas encore effacées.
Horace, Epîtres, Epître 1, collection Panckoucke (1832). (NdT)
[10] Dr.
Swift.
[11] Vide
Asc. Ped. in Orat. pro Milone
[12] Et qui, selon les lois romaines, répondaient sur leur vie de la vie de leur maître. (Edition de 1741)
[13] Ce qui est entre crochets a été ajouté en 1753. (NdT)
[14] En français dans le texte.
[15] Mais aucun placement ne rapportera autant aux citoyens que l’argent qu’ils auront avancé pour la constitution du capital. (…) Mais la plupart des Athéniens toucheront chaque année plus que leur mise ; car ceux qui auront avancé une mine en tireront une rente de près de deux mines, et cela, sans quitter la ville, ce qui paraît bien être le revenu le plus sûr et le plus durable. Xénophon : Revenus, Chapitre 3. (NdT)
[16] En français dans le texte. (NdT)
[17] Mais les traces de notre rusticité se conservèrent longtemps, et ne sont pas encore effacées. Horace, Epîtres, Epître 1, collection Panckoucke (1832). (NdT)